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VII. INSTRUMENTS JURIDIQUES INFLUENÇANT L'USAGE DES RESSOURCES GENETIQUES


7.1 Droit positif

Le droit malien relatif à la gestion des ressources biologiques est resté sous l'emprise de l'influence du Droit colonial dont il s'est inspiré. Les incohérences relevées pendant la période coloniale demeurent encore dans la législation nationale.

Le droit français dont dérive celui du Mali reconnaît en plus des deux sources habituelles du droit à savoir la coutume et la loi, le droit romain, le droit canon, la jurisprudence et la doctrine. Malheureusement, en parlant de coutume, il s'agit plutôt des coutumes de la France et non du Mali traditionnel.

C'est pourquoi la législation malienne est parsemée de dilemmes, d'hésitations, de ripostes et de recherches de conciliation sociale. Il est difficile, à y regarder de très près, de trouver une finalité et une stratégie uniformes à travers l'évolution du droit foncier ou du droit forestier. Bien que la base de la législation demeure les coutumes, les pratiques et les besoins des populations, notre droit positif est plutôt basé sur la culture occidentale et non sur notre culture traditionnelle.

La gestion des ressources naturelles se fait suivant des coutumes très souvent galvaudées et en contradiction à bien des égards avec le droit positif malien. En effet ni les règles islamiques, ni la réglementation coloniale ne sont parvenues à se substituer aux règles coutumières d'accès aux ressources de la terre, de la faune et de la flore.

Aujourd'hui encore, la gestion des ressources naturelles et partant de la diversité biologique est marquée par la coexistence plus ou moins conflictuelle entre les lois de la République et les coutumes et ce essentiellement du fait que les coutumes prévalent sur les ressources selon des principes tels que le caractère sacré des ressources, l'inaliénabilité des ressources, leur appartenance aux divinités et ancêtres, le caractère local des pratiques d'utilisation, tandis que le droit positif privilégie l'appropriation privative des ressources par des processus longs et coûteux d'immatriculation.

Cependant certaines pratiques traditionnelles concordent avec certaines prescriptions légales, ainsi on peut assimiler les aires protégées aux sites sacrés. De même la protection totale ou partielle de certaines espèces de flore et de faune est une réponse à un certain esprit des totems, des tabous et autres interdits traditionnels. En effet les communautés traditionnelles, pour des raisons économiques, éthiques, médicinales et socio-religieuses, ont pu faire admettre à leurs membres la protection de certaines essences. Les lois actuelles doivent leur protection à cette manière de faire.

On peut donc affirmer que les lois et règlements actuels prennent en compte certaines préoccupations coutumières. Malheureusement elles sont moins bien acceptées et respectées que les coutumes qui tiraient leur légitimité du peuple.

Ces actions positives de conservation de la diversité biologique sont contrariées d'une part par la mondialisation qui accélère l'occidentalisation de notre droit avec une place de plus en plus importante pour le droit international dans les affaires locales et d'autre part par la marginalisation progressive de la prise en compte des us et coutumes comme source du droit positif national.

Ajoutons à cela la réticence plus ou moins compréhensible de certains tradi-thérapeutes et guérisseurs à collaborer avec les institutions officielles de santé et même à se faire connaître et reconnaître sur l'échiquier national et international. En effet comment comprendre et faire confiance aujourd'hui à ceux qui, il n'y a pas si longtemps encore, traitaient nos Doma de sauvages ignorants.

7.1.1 Charte pastorale

La charte pastorale précise les droits essentiels des pasteurs, notamment en matière de mobilité des animaux (bovins, ovins-caprins, camélins, équins et asins) et d'accès aux ressources pastorales. Elle définit les obligations des acteurs dans l'exercice des activités pastorales, notamment la préservation de l'environnement et le respect des biens d'autrui.

Les ressources concernées par ces dispositions sont: les espaces pastoraux, les espaces agricoles et les points d'eau.

Les espaces pastoraux relevant du domaine de l'Etat et des collectivités territoriales sont constitués par: pâturages herbacés et aériens; bourgoutières communautaires; terres salées; points d'eau et gîtes d'étapes.

Dans le domaine forestier non classé, l'accès aux pâturages est libre et ne donne lieu à la perception d'aucune taxe ou redevance. De même, l'accès des animaux aux terres salées, gîtes d'étapes et aux pistes de transhumance ne donne lieu à aucune taxe.

Les pâturages herbacés et aériens peuvent être exploités par tout pasteur, sous réserve du respect des règles générales relatives à la protection de l'environnement et à la gestion des ressources naturelles.

L'accès aux bourgoutières communautaires est ouvert à tous. Toutefois les animaux des collectivités détentrices des droits coutumiers sur les bourgoutières y ont un droit d'accès prioritaire, dans le respect des usages pastoraux.

Après les récoltes, les champs sont ouverts à la pâture des animaux. Les animaux de la collectivité disposent d'un droit d'accès prioritaire. L'accès aux espaces agricoles est ouvert à partir d'une date fixée chaque année par chaque collectivité territoriale pour le territoire relevant de son ressort, en concertation avec les producteurs agricoles et les organisations de pasteurs.

L'accès aux jachères est libre pour tous les pasteurs et ne donne lieu à aucune taxe ou redevance.

L'accès à l'eau des rivières, des fleuves, des mares et des lacs du domaine public, en vue de l'abreuvement des animaux, est libre et ne donne lieu à la perception d'aucune taxe ou redevance. L'exploitation des ressources en eau doit se faire dans le respect des droits des autres utilisateurs, sans abus ni gaspillage.

Lorsque les points d'eau naturels sont aménagés comme points d'eau pastoraux, les pasteurs y ont un droit d'accès prioritaire. L'accès à ces points d'eau peut être soumis au paiement de taxes ou de redevances.

Les déplacements internes des animaux

Sur toute l'étendue du territoire malien, les animaux peuvent être déplacés pour les besoins de l'élevage sédentaire, transhumant ou nomade. Le déplacement des animaux se fait suivant les pistes pastorales. Celles-ci sont constituées de pistes pastorales locales et de pistes de transhumance.

Les collectivités territoriales assurent la gestion des pistes pastorales avec le concours des organisations de pasteurs et en concertation avec tous les acteurs concernés. Elles sont chargées de la création de ces pistes, de leur réhabilitation, réactualisation, redéfinition et fermeture en cas de besoin. Elles procèdent à leur délimitation et assurent leur balisage et leur entretien par tous moyens appropriés.

Les pistes pastorales font l'objet d'un suivi par les services techniques chargés de l'élevage en rapport avec les collectivités territoriales, les organisations de pasteurs et les acteurs.

Les déplacements internationaux des animaux

Dans le cadre de la politique d'intégration régionale, les déplacements des troupeaux maliens aux fins de transhumance internationale dans les pays voisins sont autorisés, sauf dispositions contraires et sous réserve de mesures qui pourraient être prises par les états concernés.

De même, l'entrée et le déplacement de troupeaux des pays voisins sur le territoire malien à des fins de transhumance sont autorisés sous réserve de réciprocité et conformément aux accords bilatéraux et régionaux liant le Mali.

Les animaux en déplacements sont placés sous la surveillance de gardiens en nombre suffisant. Ceux-ci sont tenus de présenter, à toute réquisition, des documents administratifs et zoo-sanitaires prévus par la législation en vigueur et les accords bilatéraux et régionaux.

7.1.2 Textes réglementant l'importation des semences et du matériel génétique animal

La loi définit la semence d'origine comme tout matériel génétique animal à savoir, animal sur pied, embryon, sperme, ovules destinés à la reproduction ou l'amélioration d'espèces animales. De cette définition, il ressort que la semence animale est un intrant biologique vivant très fragile et facilement périssable et qui justifie les dispositions de cette loi. Ces dispositions concernent la production, la diffusion, l'importation, l'exportation, la commercialisation ainsi que le contrôle et la certification des semences sur toute l'étendue du territoire.

Toute production semencière à des fins commerciales doit subir les contrôles suivants:

contrôle de la pureté de la race;

contrôle de la qualité du matériel génétique;

contrôle des conditions de production;

contrôle de l'état sanitaire.

Toute introduction, importation ou diffusion de semences est subordonnée à la satisfaction des normes de qualité en vigueur au Mali et la présentation d'un certificat sanitaire délivré par un service compétent reconnu par les autorités maliennes.

Seules les espèces et races animales inscrites au catalogue officiel national peuvent donner lieu à une activité de production de semences certifiables sur l'étendue du territoire national.

7.1.3 Textes législatifs relatifs à la privatisation de la profession vétérinaire au Mali

L'exercice libéral à titre privé de la profession vétérinaire au Mali a été consacré par les textes fondamentaux suivants:

La loi N° 86-64/AN-RM du 26 juillet 1986 portant autorisation de l'exercice à titre privé de la profession vétérinaire, modifiée par la loi N° 01 021 du 30 mai 2002. Cette loi définit les domaines d'activités suivants:

- la médecine individuelle et de masse ainsi que la chirurgie des animaux;

- la pharmacie vétérinaire;

- le cabinet conseil.

Le décret 01340 PRM du 9 août 2001 portant organisation de l'exercice à titre privé de la profession vétérinaire définit:

- les établissements vétérinaires;

- les conditions d'exploitations;

- les conditions d'exercices de la profession vétérinaire.

L'arrêté 02 0988 MDR-SG en fixe les modalités d'application.

la loi N° 88-45/AN-RM du 6 mai 1988 portant institution de l'ordre de la profession vétérinaire et son annexe, le code de déontologie de la profession vétérinaire. Cette loi détermine:

- les missions de l'ordre;

- l'organisation et la discipline.

7.1.4 Textes réglementaires dans le cadre des missions transférables au secteur privé

En matière de santé animale, deux domaines principaux relevant de l'Etat sont maintenant confiés au secteur privé; il s'agit de la prophylaxie médicale et sanitaire. C'est dans ce contexte qu'intervient le mandat sanitaire:

il est géré par l'arrêté ministériel n° 96-1367/MDRE-MFC-MATS- MJGS du 9 septembre 1996 relatif aux conditions d'attribution, d'exécution et de retrait du mandat sanitaire;

le mandat sanitaire est un acte administratif par lequel l'Etat (par décision du ministre du développement rural et de l'environnement) confie à un vétérinaire privé le pouvoir de réaliser pour l'Etat et en son nom, toute mission de prophylaxie médicale et sanitaire ou toute autre mission particulière en matière de santé animale et d'hygiène publique.

La mission des services vétérinaires publics est de mettre en œuvre la politique de la protection sanitaire du cheptel national et promouvoir ainsi l'économie nationale. Cette mission est traduite en programmes:

de lutte contre les maladies animales;

de formation;

de collecte et de diffusion de l'information;

d'amélioration génétique du cheptel;

de protection de l'environnement et de la santé publique, etc.

7.2 Us et coutumes

Les us et les coutumes sont l'ensemble des règles non écrites qui régissent la gestion des ressources naturelles (appropriation, accès, usage et utilisation) en garantissant leur protection et leur promotion. Contrairement à la vision restrictive que la civilisation occidentale donne des coutumes, à savoir l'usage acquérant la portée d'une règle juridique appliquée et sanctionnée comme telle et tirant sa légitimité de la volonté tacite du peuple, les coutumes sont des lois qui s'expriment à travers la symbolique des masques, de la sculpture, des rites et pratiques. Elles ont fait régner l'ordre dans la société en assurant notamment aux communautés et groupes spécifiques (exemples: confréries, groupes d'initiation), le libre exercice de leurs droits et le respect de leurs devoirs.

Ces règles de comportement individuel et collectif déterminaient les relations que l'individu et la société devaient entretenir notamment avec la nature dont ils sont partie intégrante. Elles régulaient l'accès et l'utilisation de toutes les ressources.

Le fondement de ces règles sont les religions traditionnelles. L'ensemble des connaissances, pratiques et accords communautaires d'antan assuraient un équilibre écologique grâce auquel l'utilisation rationnelle des ressources était garantie. Ils soutenaient les règles d'utilisation des ressources ainsi que la conservation et la protection de l'environnement.

La disparition de la grande faune et des forêts dans la plupart des autres continents sauf l'Afrique, n'est pas un hasard. Elle s'explique par les tabous et les totems mais aussi les nombreuses règles qui protégeaient la flore et la faune de la destruction.

C'est sans aucun doute la preuve de nos croyances au caractère sacré de la terre en particulier et des ressources naturelles en général et surtout la conviction que nos ancêtres avaient de notre dépendance de la nature.

Les tabous et les croyances constituaient la pierre angulaire de la gestion de toutes les ressources naturelles. Ils reconnaissaient la sagesse des médiums, le conseil avisé des anciens et la direction éclairée des chefs traditionnels, des chasseurs et guérisseurs.

La spiritualité (croyance que les ressources appartiennent aux ancêtres) chez le malien est une composante indispensable de la bonne utilisation des ressources, étant donné que c'est sa non-intégration dans l'approche occidentale qui a conduit à la grave dégradation des ressources.

Selon les savoirs traditionnels, c'est Dieu qui donne les ressources, on ne doit pas toucher à ce qu'on ne comprend pas ou à ce qu'on ne contrôle pas. De la même manière que les ressources proviennent de Dieu, les règles qui régissent leur utilisation sont établies par Dieu. Et c'est parce que Dieu est en nous et dans la nature que nous sommes une partie de cette nature. Notre vie est considérée comme étant soutenue par les ressources naturelles.

On croit que la fertilité des sols et la fréquence des pluies dépendent de la vitalité de certaines espèces de la flore et de la faune. Le massacre des animaux sacrés, la destruction des arbres et des bois sacrés ne rencontrent que la désapprobation spirituelle qui se manifeste par les grandes sécheresses, les épidémies et les épizooties etc.

Les animaux comme les arbres n'étaient jamais massacrés ou détruits pour le plaisir ou pour des raisons commerciales comme c'est le cas actuellement. L'individu ou la communauté ne devait prélever que le strict nécessaire à ses besoins de consommation et médicinaux par exemple. Cette pratique est le fondement de l'exploitation rationnelle que les communautés faisaient de leurs ressources.

Dans la société traditionnelle, il n'y a pas libre accès aux ressources comme on peut le croire. En effet toutes les activités des individus et des groupes sont régies par une série de normes, de pratiques et croyances qui sont autant de moyens de limitation des abus. La notion de gratuité n'existe pas et les individus n'avaient pas le droit d'abuser des ressources.

Les pêcheries et les zones de chasse qui étaient en permanence sous la surveillance des génies des eaux ou de la brousse faisaient l'objet d'exploitation communautaire suivant des règles ésotériques rigoureuses dont le non-respect pouvait entraîner la mort du contrevenant.

La conception que l'homme se faisait de la forêt (source inépuisable de ressources), et le rôle de celle-ci dans la vie socioculturelle de la société ont donné naissance à des institutions traditionnelles qui protégeaient les rapports (règles d'utilisation des ressources) entre l'homme et la forêt.


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