Page précédente Table des matières Page suivante


VIII. VERS LA CONSERVATION ET L'UTILISATION DURABLE DE LA DIVERSITE BIOLOGIQUE AGRICOLE


8.1 Principaux enjeux de la crise environnementale au Mali

Plus de 80 % de la population du Mali est rurale et dépend lourdement et directement des écosystèmes naturels pour leurs moyens de subsistance du fait de l'insuffisance des options alternatives. Les ruraux utilisent beaucoup les écosystèmes comme principaux capitaux de production. Près de 80 % des maliens dépendent de l'agriculture pour leurs moyens de subsistance. Au Mali, les pauvres dépendent des écosystèmes naturels pour leurs moyens de subsistance et vivent dans les zones rurales et urbaines les plus fragiles et dégradées.

Cette dépendance vis-à-vis de l'agriculture, particulièrement pluviale, et d'un nombre restreint de produits agricoles de base fait que la production est vulnérable aux variabilités climatiques, ce qui peut affecter la sécurité alimentaire et humaine ainsi que les exportations, les fluctuations de prix et les conflits. Les ressources naturelles sont un élément clé des stratégies de gestion des risques des ruraux. La perte de moyens de subsistance mine la cohésion et stabilité sociales, conduisant à une pauvreté croissante, à des frictions sociales et à des tensions.

La persistance de la pauvreté dans les zones rurales est due à des «pièges à pauvreté», c'est-à-dire l'absence d'opportunités rendant les individus incapables de profiter pleinement des quelques avantages auxquels ils ont accès. Les paysans utilisent leurs avantages afin d'avoir un large éventail d'activités génératrices de revenus y compris à travers l'utilisation de l'environnement (agriculture, pâturages, pêche et eau).

Les zones les plus affectées par la dégradation se trouvent en marge des déserts. La qualité des terres et la productivité sont en déclin dans les zones cultivées, les terres de parcours et les forêts, entraînant des productions agricoles réduites, affectant les économies et la sécurité alimentaire, amenant à la désertification des zones arides, augmentant la compétition pour les ressources restantes et représentant un potentiel croissant de conflits. Les impacts de la dégradation des terres sont le plus ressentis par les pauvres, car ils sont forcés de cultiver les terres marginales comme les marges de déserts qui se dégradent plus rapidement. Les pauvres vivent également souvent dans des zones urbaines dégradées y compris dans des endroits proches d'une décharge ou vulnérables aux inondations.

Les plus pauvres de la population vivent le plus souvent dans les zones du pays les plus fragiles, dégradées et marginales, avec pour conséquence le surpâturage et une augmentation de la dégradation des terres dans beaucoup de zones rurales. Le régime de propriété des terres et l'accès aux ressources en sols sont des questions complexes au Mali avec des impacts sur la sécurité alimentaire, la durabilité environnementale et la sécurité sociale.

La crise environnementale est d'autant plus durement ressentie dans la région que le niveau de développement y est très étroitement dépendant des ressources naturelles. Dans un contexte d'accroissement démographique rapide (3 % par an), l'amplification du processus de détérioration des écosystèmes s'accompagne d'une augmentation continue de la pression exercée sur les ressources naturelles. Les effets combinés de ces facteurs ont engendré une chute des productions de base et la région qui exportait avant 1960 ses excédents alimentaires est devenue de plus en plus dépendante des importations de céréales et même de l'aide alimentaire.

Le déficit du bilan vivrier est à la base de l'instauration d'une insécurité alimentaire ainsi que de l'exacerbation des conflits liés à l'accès aux ressources naturelles, en particulier à la terre qui constitue une ressource critique. Dans un tel contexte, la paupérisation de larges couches et catégories sociales conduit à l'adoption de stratégies d'adaptation et de survie qui s'attaquent encore davantage à la base des ressources. De telles stratégies ne permettent pas de prendre en compte la préoccupation fondamentale de la gestion durable des ressources naturelles.

Or, si l'on se situe dans une perspective de long terme, les problèmes de gestion environnementale en relation avec les exigences de lutte contre la pauvreté apparaissent comme partie intégrante des enjeux majeurs qui interpellent notre pays et qui doivent être appréhendés de façon globale et prospective. Face à de telles exigences, l'ambition du Mali est d'assurer une articulation efficiente de la dégradation des écosystèmes agricoles aux autres paramètres du développement économique et social, y compris les paramètres institutionnels et de politique macro-économique.

8.2 Interventions prioritaires vers l'horizon 2010

Les priorités devraient être accordées à quatre ensembles d'actions pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité agricole, surtout au niveau des agro-écosystèmes.

Mise en place d'un réseau de surveillance des menaces potentielles et engagement d'actions à leur encontre:

surveiller les variétés traditionnelles de plantes cultivées et les races d'animaux domestiques menacées par les projets de développement ou l'introduction de nouvelles variétés ou races;

surveiller l'augmentation de l'uniformité génétique des plantes cultivées;

surveiller les menaces climatiques sur la diversité biologique agricole, y compris la désertification, les inondations, la sécheresse;

identifier les indicateurs spécifiques sur les agro-écosystèmes et l'utilisation de ceux-ci pour l'évaluation et la compréhension des causes de changements dans la biodiversité agricole; l'accent peut être mis sur les indicateurs relatifs aux changements au niveau des agro-écosystèmes et sur les forces économiques qui influencent ces changements;

lier des indicateurs et faire des estimations avec dimensions particulières de biodiversité agricole, telles que la sécurité alimentaire, les systèmes du support biologique ou les services des agro-écosystèmes.

Renforcement des capacités du secteur de la recherche:

renforcer la recherche sur la valeur, les coûts et les avantages de la conservation de la biodiversité agricole et l'utilisation durable de la diversité biologique agricole;

développer des technologies pour valoriser les connaissances locales avec la participation des communautés locales;

renforcer les recherches sur les ressources biologiques des sols, les pollinisations et les nuisibles;

développer un ensemble de principes directeurs pour l'identification, le développement, l'évaluation et la reproduction de systèmes de production écologique qui encouragent la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique agricole dans les agro-écosystèmes.

Renforcement des capacités de gestion et de conservation des ressources de la diversité biologique:

renforcer les capacités pour améliorer la connaissance et l'information sur la valeur et l'importance de la diversité biologique agricole dans les agro-écosystèmes;

renforcer les capacités de vulgarisation des méthodes de conservation de la biodiversité agricole démontrant à travers des études de cas, des sessions de formation et des démonstrations aux champs, l'importance et la valeur de la biodiversité agricole dans divers agro-écosystèmes;

renforcer les capacités de prise de décision et d'élaboration de politiques sur la biodiversité agricole par le biais de la communication, de la formation et de l'information.

Intégration de la conservation de la diversité biologique agricole dans le processus de planification:

intégrer les aspects de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique agricole dans le Plan d'action de l'environnement et les politiques et plans agricoles et orienter les investissements vers le renforcement des capacités humaines, technologiques et institutionnelles nécessaires à la conservation de la diversité biologique agricole;

introduire des mesures incitatives comme des impôts de l'environnement, la certification et le «label agriculture biologique», les droits de propriété et l'accès au marché.

Amélioration du système actuel de sélection:

améliorer et initier les législations nécessaires à la protection/préservation des ressources génétiques de la diversité biologique agricole, et des droits des communautés sur ces ressources, dans le contexte de mondialisation et de commercialisation des ressources biologiques;

renforcer les capacités techniques et scientifiques des services techniques et des différents acteurs dans le processus de sélection;

renforcer la capacité de communication, d'information, des structures et institutions impliquées dans le processus de sélection (l'exemple de l'initiative de l'IER avec la Commission des Utilisateurs est salutaire sur ce plan), et la coordination des activités et des différents partenaires;

augmenter la capacité du SSN à promouvoir la production de semences en partenariat avec l'APCAM et avec l'appui technique des services compétents;

valoriser les savoirs et pratiques traditionnels dans le processus de sélection et établir une base de données sur les ressources de l'agro-biodiversité.


Page précédente Début de page Page suivante