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GF 02/13

Point 5.4 de l'ordre du jour

DEUXIÈME FORUM MONDIAL FAO/OMS DES RESPONSABLES DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS
Bangkok (Thaïlande), 12-14 octobre 2004

PRÉVENTION ET RÉACTION EN CAS DE CONTAMINATION INTENTIONNELLE DES ALIMENTS
(élaboré par le Secrétariat FAO/OMS)

Résumé

La contamination délibérée et malveillante des aliments à des fins politiques, financières ou autres constitue actuellement une menace bien réelle. La contamination intentionnelle d'aliments en un lieu donné peut avoir des répercussions mondiales sur la santé publique. Les États Membres de l'OMS, préoccupés par le risque d'introduction d'agents chimiques, biologiques ou radionucléaires dans les aliments ou d'autres milieux dans le but délibéré de nuire aux populations civiles, ont prié l'Organisation de leur fournir des outils pour faire face à cette menace et de les aider à renforcer leurs capacités d'intervention en la matière. En réponse à cette demande, l'OMS a formulé diverses recommandations portant notamment sur les mesures de prévention et de réaction à prendre en cas de contamination intentionnelle de produits alimentaires.

Les urgences liées à la sécurité sanitaire des aliments, et notamment les épisodes de contamination alimentaire délibérée ou fortuite, peuvent être gérés par le biais des mécanismes de sécurité sanitaire des aliments existants. Cela étant, les risques de contamination intentionnelle appellent aussi des mesures préventives de bon sens et supposent la mise en place de dispositifs d'intervention de base. Les pays doivent intégrer les risques d'actes de «sabotage alimentaire» dans les programmes en cours afin de s'assurer de la sécurité sanitaire de leurs approvisionnements alimentaires. Le renforcement des infrastructures de sécurité sanitaire des aliments contribuera à accroître la capacité des pays à réduire le fardeau que représentent les toxi-infections alimentaires causées par des agents chimiques et microbiens et à faire face à tout épisode de contamination alimentaire accidentelle ou délibérée. L'amélioration des interactions entre les mécanismes de sécurité sanitaire des aliments et les systèmes de lutte contre les maladies transmissibles permettra également d'intégrer aux dispositifs de surveillance, de planification préalable et d'intervention tous les paramètres nécessaires, de sorte qu'ils puissent détecter sans retard toute flambée de maladie d'origine alimentaire et fournir toutes les informations de nature à favoriser des interventions efficaces et rapides.

Pour réagir de manière efficace et rapide, les pays doivent se doter de systèmes d'alerte, de planification préalable et d'intervention pour être en mesure de faire face à tous les cas avérés ou supposés de contamination intentionnelle des approvisionnements alimentaires. À cet égard, la coordination entre les pays et l'OMS, la FAO et les autres organisations internationales et régionales compétentes doit être considérée comme faisant partie intégrante des activités visant à renforcer les systèmes nationaux d'intervention en cas d'urgence liée à la sécurité sanitaire des aliments. Les pays doivent en premier lieu prendre une part active aux travaux du Réseau international de sécurité sanitaire des aliments en cas de situation (INFOSAN Urgence), première étape de la mise en place des capacités et des liens indispensables à une gestion efficace du problème.

Prévention et réaction en cas de contamination intentionnelle des aliments

1. Introduction

Les menaces liées aux agissements des délinquants et autres groupes antisociaux qui s'attaquent à la sécurité sanitaire des aliments sont désormais une réalité incontournable. Ces vingt dernières années, les États Membres de l'OMS ont exprimé des préoccupations grandissantes face au risque d'utilisation délibérée d'agents chimiques, biologiques ou radionucléaires contre des populations civiles. Plus récemment, les ministères de la santé de plusieurs pays ont renforcé leurs systèmes d'alerte pour prévenir toute utilisation intentionnelle et malveillante d'agents toxiques susceptibles de se propager dans l'atmosphère, l'eau ou les aliments.

En 2002, l'Assemblée mondiale de la Santé, consciente des menaces qui pèsent sur les populations civiles, a demandé à l'OMS de fournir aux pays membres des outils adaptés et de les aider à renforcer leurs systèmes nationaux d'intervention en cas d'utilisation délibérée d'agents biologiques, chimiques ou radionucléaires.[66] Elle a également prié l'Organisation de continuer à diffuser à l'échelle internationale des conseils et des informations techniques sur les mesures de santé publique à prendre pour faire face à d'éventuels incidents de ce type. Conformément à cette demande, l'OMS a préparé diverses recommandations portant notamment sur les mesures à prendre pour prévenir et contrer les menaces liées à la contamination intentionnelle des aliments.[67]

Tous les pays doivent mettre en place des systèmes de base visant à prévenir ou à décourager la contamination délibérée de leurs approvisionnements alimentaires. En cas d'incident, ces systèmes doivent leur permettre de réagir rapidement et de réduire au minimum les effets de cette contamination, en particulier au plan sanitaire et économique. Toutefois, ces mesures de réaction ne sont que l'une des composantes de programmes nationaux et mondiaux de sécurité sanitaire des aliments plus complets et de plus grande envergure. La Stratégie mondiale de l'OMS pour la sécurité sanitaire des aliments[68] est fondée sur une approche préventive de la sécurité sanitaire des aliments axée sur le renforcement des dispositifs de surveillance et l'application de mesures d'intervention plus rapides en cas de flambée de maladie d'origine alimentaire ou de contamination chimique des aliments. Cette stratégie pourrait contribuer à accroître sensiblement la capacité des pays à protéger leurs approvisionnements alimentaires contre toute contamination naturelle ou accidentelle et définit le cadre d'intervention à mettre en place pour faire face aux épisodes de contamination intentionnelle des aliments.

Aux fins du présent document, on entend par «contamination intentionnelle des aliments» tout acte ou menace de contamination délibérée, par des agents chimiques, biologiques ou radionucléaires, d'aliments destinés à la consommation humaine visant à blesser ou à tuer des civils ou à troubler l'ordre social et à ébranler la stabilité économique et politique. On entend par «agents chimiques» des toxines d'origine naturelle ou fabriquées par l'homme, et par «agents biologiques» des micro-organismes pathogènes, et notamment des virus, des bactéries et des parasites, qu'ils soient ou non infectieux ou transmissibles. L'expression «agents radionucléaires» désigne, dans le contexte considéré, des produits chimiques radioactifs susceptibles, à des concentrations trop élevées, de provoquer des blessures. Le présent document traite de tous les types d'aliments, y compris l'eau entrant dans la préparation des repas et l'eau en bouteille.

2. Prévention

La prévention est généralement la démarche la plus judicieuse en matière de santé et de sécurité. Elle constitue, de l'avis général, le meilleur axe de défense contre les actes de contamination délibérée. La prévention passe avant tout par la sensibilisation aux risques et la mise en œuvre de mesures de sécurité élémentaires fondées sur le principe de précaution. L'industrie agroalimentaire, en coopération avec les pouvoirs publics, est la mieux à même d'intervenir rapidement pour contrer de telles menaces à toutes les étapes de la filière alimentaire, depuis la production jusqu'à la consommation des aliments. Les organismes publics chargés de la sécurité sanitaire des aliments peuvent de leur côté formuler les recommandations nécessaires et assurer la coordination des opérations, à l'appui des efforts des industries agroalimentaires, notamment en matière de traçabilité et de rappel des produits. Les entreprises agroalimentaires, qui détiennent généralement des droits exclusifs sur leurs méthodes de production et leurs programmes de contrôle de la qualité, disposent à la fois des connaissances et des capacités nécessaires pour réduire les risques de contamination intentionnelle des produits alimentaires, depuis les matières premières jusqu'aux produits finis. Les pouvoirs publics doivent donc les aider à renforcer les systèmes existants de gestion de sécurité sanitaire des aliments et à y intégrer les risques de contamination délibérée. Ils peuvent aussi contribuer à la promotion de mesures préventives de sécurité sanitaire des aliments, par le biais de divers mécanismes réglementaires et non contraignants[69]. On notera à cet égard que certaines des mesures préventives décrites au présent document s'appliquent pour l'essentiel aux systèmes «industrialisés» de production alimentaire. De fait, il y a tout lieu de penser que les actes de contamination intentionnelle visent principalement les industries agroalimentaires. Cela étant, les systèmes de production de type traditionnel, et notamment les systèmes à circuit de distribution court, ne sont pas exempts de cette menace et doivent faire l'objet d'un examen distinct.

2.1 Renforcement des programmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments

Les aliments peuvent être délibérément contaminés par des agents chimiques, biologiques ou radionucléaires en quelque point de la chaîne alimentaire que ce soit. Les programmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments ont notamment pour fonction de prévenir, de détecter et de combattre les actes de sabotage alimentaire. L'analyse des relations entre les systèmes de production, les ingrédients, les individus, les ustensiles, les équipements et les machines peut aider à repérer les différents points où des défaillances critiques du système peuvent se produire. Elle peut aussi permettre de déterminer les méthodes de sabotage susceptibles d'être utilisées et la gravité de la menace, éléments de base d'une analyse des risques. Les programmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments les plus couramment utilisés dans le secteur agroalimentaire reposent généralement sur les principes des bonnes pratiques agricoles, des bonnes pratiques de production et du Système d'analyse des risques - points critiques pour leur maîtrise (HACCP). Toutefois, l'utilisation de systèmes de conception plus récente, fondés sur une évaluation scientifique des risques et axés sur l'élaboration de méthodes de réduction des risques applicables à l'ensemble de la chaîne alimentaire, «de la ferme à l'assiette», tend à se généraliser.

Les pouvoirs publics doivent s'employer, en collaboration étroite avec le secteur agroalimentaire, à intégrer des mesures de prévention et d'intervention en cas de contamination intentionnelle dans les programmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments. Les pays ne disposent pas tous des infrastructures nécessaires pour aider les industries agroalimentaires, et en particulier les entreprises peu développées ou de petite taille, à mettre en place des programmes de ce type à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la préparation des aliments. Le renforcement des capacités dans ces divers domaines est donc indispensable à la prévention de la contamination intentionnelle ou accidentelle des aliments. Pour aider l'industrie agroalimentaire, les pouvoirs publics peuvent engager des actions de portée générale axées notamment sur les aspects suivants:

La prévention de la contamination intentionnelle des aliments n'exige pas nécessairement l'utilisation de technologies complexes ou des investissements importants. Sensibilisation et vigilance accrue comptent parmi les moyens les plus efficaces de contrer cette menace. On peut notamment améliorer la sensibilisation des industries agroalimentaires en vérifiant l'efficacité de leurs programmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments. En cas d'épisode de contamination alimentaire, les informations tirées des activités de surveillance peuvent être communiquées aux industries agroalimentaires en vue d'interventions rapides visant à répondre aux inquiétudes des consommateurs, à maîtriser la crise et à atténuer la menace.

2.2 Mesures de prévention à l'intention du secteur agroalimentaire

Les industries agroalimentaires détiennent l'essentiel des connaissances et des capacités requises pour prévenir les actes de contamination délibérée des aliments et doivent en faire usage à toutes les étapes de la chaîne alimentaire. Elles doivent notamment prendre en considération les risques de contamination chimique, biologique ou radionucléaire dans la formulation et l'évaluation de leurs programmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments, qu'ils soient élémentaires ou très élaborés.

Le renforcement des mesures de sécurité applicables aux personnes et aux locaux peut contribuer à la réduction des risques de contamination intentionnelle. Toutes les composantes de l'industrie agroalimentaire doivent s'employer à améliorer les dispositifs de sécurité et les plans d'intervention en vigueur dans les entreprises. À titre d'exemple, les sources d'approvisionnement en matières premières, les entrepôts et les systèmes de transport peuvent faire l'objet de mesures de sécurité renforcées; de même, l'accès aux zones critiques de production, de transformation, de transport et de stockage peut être contrôlé et réservé aux personnes munies des autorisations requises, afin de réduire au minimum les risques de contamination.

S'agissant du personnel, les employeurs peuvent adopter des procédures de vérification rigoureuses afin de s'assurer que les qualifications et l'expérience passée de leurs employés sont compatibles avec les fonctions et responsabilités qu'ils exercent. Les employés des services d'assainissement, d'entretien et d'inspection, qui ont accès à des zones critiques, peuvent aussi faire l'objet de procédures de vérification de ce type. Enfin, les entreprises agroalimentaires peuvent se doter de mécanismes adaptés permettant au personnel de signaler les activités ou comportements suspects.

Il est impossible de dresser une liste exhaustive de tous les scénarios possibles en matière de sabotage alimentaire. L'OMS a toutefois élaboré à l'intention des industries agroalimentaires des recommandations de base axées sur le renforcement des programmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments, en vue de la prévention de la contamination intentionnelle des aliments par des agents dangereux[70]. Ces recommandations couvrent un large éventail de mesures, dont les industries agroalimentaires doivent envisager l'application, en fonction des ressources dont elles disposent et de la gravité des menaces auxquelles elles s'estiment exposées. Les risques plausibles de contamination doivent être pris en considération à chacune des étapes de la chaîne alimentaire afin de préserver l'innocuité des aliments produits. Divers documents préparés par des pays[71],[72],[73] et des industries agroalimentaires[74] contiennent des exemples et des suggestions utiles en matière d'analyse des risques liés à la production et à la transformation de certains produits alimentaires. Les recommandations qui y sont formulées ne peuvent pas s'appliquer dans leur intégralité aux petites entreprises en développement. En revanche, les principes généraux d'évaluation de la vulnérabilité sur lesquels elles reposent sont applicables à toutes les entreprises agroalimentaires, tous secteurs confondus[75].

3. Interventions

Les mesures de prévention, bien qu'essentielles, ne peuvent suffire à prévenir tous les risques de contamination intentionnelle des aliments, qui sont bien trop nombreux. Néanmoins, les programmes de suivi et de surveillance, s'ils sont mis en œuvre de manière efficace et rapide et s'accompagnent de mesures de planification préalable, peuvent fortement contribuer à contrer ces menaces. De nombreux États se sont déjà dotés d'infrastructures de sécurité sanitaire des aliments afin de s'assurer que les aliments destinés à la consommation nationale ou à l'exportation répondent aux normes de sécurité en vigueur. D'autres pays ont entrepris de faire de même. Le renforcement des programmes nationaux de sécurité sanitaire des aliments suppose cependant que des politiques et des ressources nationales soient engagées à l'appui des infrastructures mises en place. Il doit aussi s'appuyer sur des législations sur l'alimentation, des laboratoires de surveillance de la contamination des aliments, des services d'inspection d'hygiène alimentaire, des réseaux de surveillance et des stratégies d'éducation et de formation adaptés aux besoins. Il importe avant toute chose que les risques de contamination intentionnelle soient systématiquement pris en compte dans les politiques de sécurité sanitaire des aliments.

Si les industries agroalimentaires détiennent l'essentiel des connaissances et des capacités requises pour prévenir les urgences liées à la sécurité sanitaire des aliments, les pouvoirs publics jouent malgré tout un rôle majeur en matière de détection et d'intervention en cas de contamination intentionnelle avérée ou supposée et, plus généralement, d'urgences liées à la sécurité sanitaire des aliments. Si un épisode de contamination alimentaire délibérée vient à se produire, c'est aux pouvoirs publics qu'il appartient de déclencher sans délai, et à tous les niveaux, un dispositif efficace d'intervention d'urgence capable de gérer les conséquences d'un tel événement sur la santé publique et la stabilité économique, sociale et politique. L'efficacité des interventions dépend dans une large mesure de la qualité des plans d'intervention en cas d'urgence, lesquels doivent être élaborés et mis en œuvre longtemps à l'avance. La question de la planification des interventions sanitaires d'urgence a fait l'objet de plusieurs publications de l'OMS et n'est donc pas examinée en détail au présent document.[76]

3.1 Évaluation de la vulnérabilité

La nature des systèmes de planification préalable et d'intervention est fonction de la gravité des menaces de contamination délibérée et de leur degré de priorité au regard d'autres problèmes de santé publique. Les priorités sont déterminées par le biais d'une évaluation de la vulnérabilité réalisée dans le cadre de l'élaboration des plans d'intervention en cas de contamination intentionnelle. Les menaces peuvent être classées par ordre d'importance, de la plus sérieuse à la plus faible, en fonction de leur impact sur la santé et de leurs retombées sociales, économiques et politiques potentielles.

La vulnérabilité est mesurée à la lumière d'éléments scientifiques et de la situation économique, politique et sociale du pays considéré. Cette évaluation permet de juger de l'ampleur de la menace et de définir les actions prioritaires auxquelles les ressources disponibles doivent être affectées. Les pouvoirs publics doivent impérativement définir leurs priorités afin de s'assurer que les mesures prévues sont suffisantes pour contrer la menace et en limiter les conséquences potentielles. L'évaluation de la vulnérabilité a pour but de déterminer les caractéristiques et les effets potentiels d'une contamination délibérée des aliments par des agents dangereux et d'engager des ressources nationales proportionnelles aux priorités relatives préalablement définies. Les spécialistes de l'alimentation et la sécurité sanitaire des aliments doivent être associés à ces évaluations. La collecte d'informations sur la toxicologie des produits chimiques et les caractéristiques des agents microbiens susceptibles d'être introduits dans des aliments doit aussi faire partie intégrante de ces évaluations, au même titre que l'évaluation du degré d'exposition potentielle du public, qui permettra de déterminer l'impact éventuel du contaminant en cause.

3.2 La planification préalable, fondement des interventions

Les interventions engagées en réponse à des urgences liées à la contamination délibérée de produits alimentaires sont comparables à divers égards aux interventions d'urgence en cas de contamination non intentionnelle. Il est généralement impossible de savoir à quel type de contamination on a affaire, du moins au cours des toutes premières phases de la crise. En conséquence, les dispositifs de planification préalable doivent tenir compte à la fois des incidents causés délibérément et des cas de contamination involontaire. Lorsque des dispositifs de planification préalable des urgences liées à la sécurité sanitaire des aliments sont en place, les risques de contamination intentionnelle des aliments doivent y être intégrés afin d'optimiser les infrastructures d'intervention d'urgence existantes et les ressources disponibles. Les moyens et les protocoles d'intervention et de prise en charge médicale (moyens de transport rapide, secours, évacuation du personnel et des blessés) doivent aussi faire partie intégrante des dispositifs de planification préalable des épidémies de maladies transmissibles et ont déjà fait l'objet de diverses études[77]. Pour être pleinement efficaces, les systèmes d'intervention sanitaire d'urgence doivent être à même de gérer les épisodes de contamination alimentaire. La planification des interventions d'urgence relatives à la sécurité sanitaire des aliments doit tenir compte tout particulièrement des aspects suivants:

En cas de contamination intentionnelle de produits alimentaires, la mise en place d'interactions efficaces entre les services d'intervention d'urgence et les services de justice et de police revêt une importance majeure. Les dispositifs de planification préalable peuvent tenir compte le cas échéant de prescriptions pénales spécifiques, notamment en ce qui concerne la chaîne de possession des prélèvements et de tout autre élément de preuve.

Les dispositifs de planification préalable doivent être mis à l'essai dans le cadre d'exercices réunissant tous les services chargés des interventions d'urgence en cas de contamination alimentaire intentionnelle. Toute nouvelle composante des plans d'intervention doit faire l'objet d'exercices de ce type afin que l'on puisse s'assurer de leur efficacité. L'évaluation des épisodes de contamination avérés et des exercices a pour but de déterminer les besoins en ressources supplémentaires, de définir de manière plus précise les fonctions respectives des différents services concernés et les interactions entre ces derniers, et d'améliorer les plans d'intervention d'urgence.

Les performances des systèmes de surveillance qui ont pour rôle de détecter les foyers de toxi-infections et les enquêtes épidémiologiques visant à identifier les aliments et les contaminants en cause donnent une idée de la capacité du système à faire face à des épisodes de contamination alimentaire délibérée. Les interventions en cas d'urgence alimentaire ne peuvent être engagées dans les délais appropriés que si elles s'appuient sur une interaction efficace entre les dispositifs de planification préalable et les systèmes d'intervention d'urgence, dans tous les organismes concernés. Les autorités chargées de la sécurité sanitaire des aliments doivent aussi y participer et mettre à la disposition des pouvoirs publics les services de leurs experts, si les enquêtes sanitaires font apparaître que le problème pourrait être d'origine alimentaire. Le recours à des inspecteurs et laboratoires d'hygiène alimentaire qualifiés joue donc un rôle d'importance majeure en matière de planification préalable. À titre d'exemple, les dispositifs de planification préalable doivent prévoir le prélèvement, le transport et l'analyse, dans les délais requis, des échantillons d'aliments susceptibles d'être contaminés. Les pays doivent donc évaluer la capacité de leurs laboratoires à détecter les contaminants qui pourraient présenter une menace. L'analyse rapide de produits peu courants, comme la dioxine et la ricine, peut être facilitée par les programmes internationaux comme le Programme de suivi et d'évaluation de la contamination alimentaire du Système mondial de surveillance continue de l'environnement (GEMS/Food), qui gère un réseau mondial de laboratoires de sécurité sanitaire des aliments regroupant plus de 80 pays.[78]

3.3 Renforcement de la composante sécurité sanitaire des aliments des systèmes d'intervention sanitaire d'urgence

Les dispositifs de planification préalable et de gestion des urgences sanitaires visent principalement les maladies transmissibles. Dans la plupart des cas, les systèmes d'intervention d'urgence ne prévoient rien en cas de contamination des aliments par des substances dangereuses. Seuls quelques rares pays sont actuellement en mesure de réagir rapidement et efficacement en cas de contamination intentionnelle et de déclencher des plans d'urgence lorsqu'ils sont confrontés à une menace plausible ou à un cas avéré de contamination délibérée.

L'efficacité des opérations d'urgence en cas de contamination intentionnelle de produits alimentaires est à la mesure de la rapidité et de la qualité de la communication entre les nombreux intervenants et services concernés (services de santé, autorités sanitaires locales et nationales, cliniciens, spécialistes des maladies infectieuses, laboratoires, centres antipoison, médecins légistes, industries agroalimentaires et organismes divers). Les plans d'urgence doivent être adaptés à la situation et faire intervenir les services de justice, de police et de renseignement, les systèmes de traçabilité et de rappel des produits, les spécialistes de l'évaluation des risques et le secteur agroalimentaire, aux côtés des intervenants classiques que sont les professionnels de santé, les laboratoires et les services d'urgence.

L'interaction entre les dispositifs nationaux d'alerte et d'intervention d'une part et les systèmes de sécurité sanitaire des aliments d'autre part permet de détecter plus rapidement les incidents et contribue à l'efficacité des interventions. Le renforcement des liens avec les organismes de sécurité sanitaire des aliments facilitera l'accès aux informations relatives aux produits alimentaires et aux méthodes et techniques d'analyse des aliments et des agents dangereux. Les experts en sécurité sanitaire des aliments peuvent évaluer les risques de contamination chimique et microbiologique des aliments, de sorte que les interventions soient proportionnelles aux risques. Le traçage et le rappel des aliments contaminés sont des éléments majeurs des interventions d'urgence liées à la sécurité sanitaire des aliments. Il importe par conséquent de disposer d'informations permettant de reconstituer le parcours des aliments contaminés afin d'estimer le degré d'exposition potentielle du public et de retirer de la vente les produits concernés. Ces informations peuvent aussi s'avérer utiles aux enquêtes de police sur les épisodes de contamination. Les rappels des produits relèvent généralement de la responsabilité des industries agroalimentaires, qui interviennent en coopération avec les autorités responsables de la sécurité sanitaire des aliments. Les services de contrôle sanitaire et des douanes détiennent également des informations sur les importations de produits alimentaires qui sont indispensables au traçage et au rappel des produits, et peuvent procéder à la saisie immédiate, aux points d'entrée, des produits incriminés. Le principe «de la ferme à l'assiette» doit être systématiquement intégré à la planification des interventions d'urgence liées à la sécurité sanitaire des aliments, y compris en cas de contamination intentionnelle des approvisionnements alimentaires.

Enfin, les dispositifs d'intervention doivent tenir compte des aspects relatifs au relèvement de la filière alimentaire. Il convient notamment de s'assurer que les interventions ont effectivement permis d'éliminer ou de décontaminer les produits alimentaires touchés avant de lever les mesures de restriction et de rassurer les consommateurs quant à l'innocuité des aliments. Si la situation peut varier d'un cas à l'autre, tout porte à croire que le processus de relèvement donnera lieu, dans la plupart des cas, à la mise en place de systèmes permanents d'échantillonnage et d'analyse des produits.

3.4 Communication

L'établissement de liens de communication rapide et efficace entre toutes les composantes du dispositif d'intervention d'urgence est primordial et doit être pris en compte dès le stade de la planification préalable. L'échange d'informations avec des partenaires internationaux comme le Réseau mondial OMS d'alerte et d'action en cas d'épidémie (GOARN)[79] et le Réseau international de sécurité sanitaire des aliments en cas de situation d'urgence (INFOSAN Urgence)[80] doit se voir accorder toute l'importance qu'il mérite, au vu des risques de propagation des maladies que présente le commerce mondial des produits alimentaires. La Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius a récemment formulé des directives sur l'échange d'informations en période de crises liées à la sécurité sanitaire des aliments.[81] Durant les opérations d'urgence, les sources d'information sécurisées accessibles sur Internet peuvent contribuer à faciliter la communication entre les différents intervenants concernés.

Les individus qui contaminent délibérément des produits alimentaires cherchent parfois à semer la panique et la terreur dans la population. Il est donc impératif d'établir des liens de communication efficaces avec les médias et le public pendant les crises de ce type et de veiller à intégrer cette composante dans les plans d'intervention. Il convient notamment de diffuser dans les délais appropriés des communiqués de presse et des informations à l'intention du public afin d'éviter toute spéculation et de devancer la rumeur. L'intervention d'experts en sécurité sanitaire des aliments justifiant d'aptitudes à la communication est à cet égard d'un précieux concours. Les pouvoirs publics doivent s'employer à fournir toutes les informations nécessaires sans pour autant nourrir les craintes du public. Les stratégies de communication doivent aussi tenir compte de considérations culturelles. La publication FAO/OMS sur la communication en matière de risques liés à la sécurité sanitaire des aliments fournit à cet égard d'utiles recommandations[82]. On trouvera d'autres suggestions sur la communication en période de crise sanitaire dans d'autres publications de l'OMS.[83]

Il convient de mettre en place des voies de communication efficaces entre les pouvoirs publics et les industries alimentaires en vue de l'échange d'informations sur les épisodes de contamination intentionnelle des aliments. Certains groupements industriels ont élaboré à cet fin des protocoles des communication et formulé des questions/réponses types sur les mesures à prendre face à de telles situations.

4. Conclusions

La prévention de la contamination intentionnelle des aliments passe avant tout par la sensibilisation aux risques. L'industrie agroalimentaire, en coopération avec les pouvoirs publics, est la mieux à même d'engager rapidement des stratégies de riposte par le biais de mesures de sécurité de base fondées sur le principe de précaution. Les autorités chargées de la sécurité sanitaire des aliments peuvent de leur côté formuler les recommandations nécessaires et assurer la coordination des interventions, à l'appui des efforts des industries agroalimentaires, notamment en matière de traçabilité et de rappel des produits

Les interventions d'urgence engagées en réponse à des épisodes de contamination alimentaire délibérée doivent s'appuyer sur des dispositifs de planification préalable détaillés et éprouvés. Les plans d'urgence doivent définir clairement les responsabilités des principaux intervenants, qu'il s'agisse des services de santé appelés à intervenir en cas d'urgence médicale, des services de justice et de police chargés de rechercher les auteurs d'actes délictueux, ou des autorités responsables de la sécurité sanitaire des aliments. Les plans d'intervention d'urgence prévus en cas de contamination intentionnelle doivent être mis en œuvre en coopération étroite avec les autorités sanitaires, les services de justice et de police et les industries agroalimentaires. Les organismes de sécurité sanitaire des aliments peuvent coordonner le traçage et le rappel des produits, et les liens bien établis qu'ils entretiennent généralement avec les industries agroalimentaires leur permettent de procéder rapidement au retrait des produits alimentaires impropres à la consommation. Enfin, la phase de relèvement de la filière alimentaire qui fait suite à un épisode de contamination alimentaire doit de voir accorder toue l'attention qu'elle mérite, de sorte que les marchés puissent être réapprovisionnés en produits sûrs dans les plus brefs délais. Là encore, il importe que les pouvoirs publics s'emploient, en collaboration étroite avec les industries agroalimentaires, à rassurer les consommateurs dès que tout danger est écarté.

Plusieurs pays développés ont déjà pris des mesures ambitieuses pour protéger leurs approvisionnements alimentaires contre tout acte de contamination intentionnelle, et nombre de pays en développement ont entrepris récemment de faire de même. Toutefois, le risque de contamination naturelle, accidentelle ou intentionnelle est tel que les mesures de précautions en place, aussi efficaces qu'elles soient, ne suffiront pas à mettre totalement les pays à l'abri d'une crise sanitaire de ce type. Face à la mondialisation des échanges de produits alimentaires, la coordination des efforts à l'échelle internationale est perçue de manière grandissante comme un élément indispensable à la détection rapide des incidents, à l'identification des contaminants et des produits alimentaires en cause et à la mise en œuvre efficace et rapide de mesures d'urgence visant à maîtriser la crise et à en atténuer les conséquences sanitaires et économiques. Au XXIe siècle, la gestion efficace des menaces qui pèsent sur la sécurité sanitaire des aliments, et notamment des épisodes de contamination délibérée, suppose que les pays se dotent de systèmes d'alerte rapide suffisamment sensibles, de dispositifs de planification préalable détaillés et éprouvés et de systèmes d'intervention d'urgence efficaces liés aux réseaux internationaux de sécurité sanitaire des aliments.

La communication et l'échange d'informations par le biais de réseaux coordonnés à l'échelle internationale permettront d'évaluer et de gérer les risques dans les délais appropriés. La coordination entre les pays et la FAO, l'OMS et d'autres organisations internationales et régionales des interventions engagées en cas de contamination intentionnelle doit être considérée comme un des éléments constitutifs du renforcement des systèmes nationaux d'intervention en cas d'urgences liées à la sécurité sanitaire des aliments. La participation active des pays au réseau INFOSAN Urgence constitue la première étape de la mise en place des voies de communications internationales et du renforcement des capacités indispensables à une gestion efficace du problème. L'OMS prépare actuellement un manuel à l'usage des correspondants du réseau INFOSAN Urgence, dans lequel figureront des recommandations pratiques relatives à la planification préalable et aux interventions en cas de contamination alimentaire délibérée.

En conclusion, il importe de souligner que, si les pays doivent s'employer à contrer toutes les menaces plausibles auxquelles sont exposés leurs systèmes de production alimentaire, ils doivent dans le même temps continuer de consacrer des ressources à la prévention de flambées de toxi-infections plus courantes, et notamment de «l'épidémie silencieuse» que constituent les nombreux cas sporadiques de maladies d'origine alimentaire recensés dans le monde. Ces flambées posent actuellement des problèmes considérables, tant en matière de santé que de développement, en particulier dans les pays en développement. Cette situation témoigne de la nécessité d'appréhender de manière intégrée, dans le contexte de la sécurité sanitaire des aliments, les questions relatives à la prévention et à la gestion des flambées de maladies d'origine alimentaire, quelle qu'en soit la source.


[66] Resolution 53.15, Fifty-fifth World Health Assembly, WHO, Geneva (18 May 2002).
[67] Terrorist Threats to Food: Guidance for Establishing and Strengthening Prevention and Response Systems, which can be downloaded at http://www.who.int/foodsafety/publications/fs_management/terrorism/en/ Copies are also available on request to the WHO Food Safety Department, CH-1211 Geneva 27, Switzerland.
[68] WHO global strategy for food safety (available in the six official languages of WHO) http://www.who.int/foodsafety/publications/general/global_strategy/en/ (2002).
[69] Assuring food safety and quality. Guidelines for strengthening a national food control systems. Food and Nutrition Paper 76, FAO on behalf of FAO/WHO, Rome (2003)
[70] Specific measures for consideration by the food industry. Appendix to Terrorist Threats to Food: Guidance for Establishing and Strengthening Prevention and Response Systems, Food Safety Department, WHO Geneva (2002).
[71] Notice to food processors and distributors, suggestions for improving security. Canadian Food Inspection Agency, http://www.inspection.gc.ca/english/ops/secur/protrae.shtml.
[72] Notice to food retailers, suggestions for improving security. Canadian Food Inspection Agency. http://www.inspection.gc.ca/english/ops/secur/retdete.shtml.
[73] Notice to livestock operations, suggestions for improving security. Canadian Food Inspection Agency. http://www.inspection.gc.ca/english/ops/secur/livebete.shtml.
[74] Food safety and security: Operational risk management systems approach (ORM). Food and Drug Administration. Center for Food Safety and Applied Nutrition, Washington, DC (2002).
[75] Guidance for indsutry, food producers, processors, transporters and retailers: food security preventive measures guidance. Food and Drug Administration, Center for Applied Nutrition, Washington DC (2002). http://www.cfsan.fda.gov/~dms/secguid.html.
[76] Health sector emergency preparedess guide, WHO (1998), http://www.who.int/disasters.
[77] Public health preparedness for biological terrorism in the USA by A.S. Khan, Morse and S. Lillibridge, Lancet, 356. 1179- 82 (2000).
[78] http://www.who.int/foodsafety/chem/gems/en.
[79] http://www.who.int/csr/outbreaknetwork/en
[80] http://www.who.int./foodsafety/fs_management/infosan/en
[81] ftp://ftp.fao.org/codex/reports/al27_41e_advance.pdf
[82] The application of risk communication to food standards and safety matters. Report of a joint FAO/WHO Expert Consultation. Food and Nutrition Paper 70, FAO, Rome (1999).
[83] http://www.who.int/emc-documents/tse/docs/whocdscsraph20018.pdf.

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