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LA CONSERVATION DES TORTUES DE MER ET LES PÊCHES: BILAN DES ENJEUX


8. En guise d'introduction au point 5 de l'ordre du jour, des présentations ont été faites sur le rapport de la Consultation d'experts sur les interactions entre les tortues de mer et les pêches dans le contexte de l'écosystème (TC:STCF2004/2) par M. Milani Chaloupka, et sur les «Problèmes liés à la conservation des tortues de mer, enjeux et options relatifs à la gestion des pêches» (TC:STCF2004/3) par M. Jorge Csirke.

9. Le rapport de la Consultation d'experts sur les interactions entre les tortues de mer et les pêches dans le contexte de l'écosystème (TC:STCF2004/2) indiquait les principaux résultats de la Consultation d'experts réunie à Rome (9-12 mars 2004). Etaient cités notamment: i) l'identification des principales espèces de tortues de mer menacées et les zones à haut risque pour les interactions tortues de mer-pêches; ii) l'identification de mesures visant à réduire la mortalité, mesures d'incitation comprises; iii) la prise en compte des aspects socio-économiques de telles mesures; iv) l'identification de la nécessité d'une meilleure information sur les stocks et sur la mortalité des tortues de mer liée à la pêche, et v) l'identification de la nécessité pour la FAO de promouvoir des directives visant à réduire la mortalité des tortues de mer.

10. Le document intitulé Problèmes liés à la conservation des tortues de mer, enjeux et options relatifs à la gestion des pêches (TC:STCF/2004/3) décrivait les problèmes liés à la conservation et à la gestion des tortues de mer et les enjeux et options relatifs à la gestion des pêches. Il incluait: i) un rappel du rôle de la FAO en matière de pêche responsable et de tortues de mer, notamment; ii) l'identification des stocks de tortues de mer menacés et les zones à risque maximal; iii) la modification des engins et des méthodes de pêche; iv) les aspects juridiques de la question; v) le coût socio-économique de la gestion du problème pour les pays en développement et vi) la nécessité d'élaborer des directives pour faciliter l'application du Code de conduite pour une pêche responsable.

11. Au cours des débats qui ont suivi les présentations, de nombreuses délégations ont remercié le Secrétariat de la FAO de leur avoir fourni une documentation aussi exhaustive. Certaines délégations, toutefois, ont relevé des lacunes dans les deux documents et ont mentionné à cet égard les interactions tortues de mer-pêches le long de la côte atlantique de l'Afrique (Atlantique Ouest et du Sud-Ouest), ainsi qu'en ce qui concerne le stock de caouannes de l'Atlantique et de tortues luth.

12. Certains participants se sont inquiétés de l'impact potentiel de certaines pêches sur les populations de tortues de mer et ont reconnu que certains stocks de tortues de mer diminuaient dangereusement. Plusieurs pays ont également souligné qu'il importait de prendre en compte le cycle biologique tout entier des tortues de mer et l'impact potentiel d'autres activités humaines que les pêches sur la viabilité à long terme des tortues de mer.

13. L'élaboration de directives visant à réduire la mortalité des tortues de mer due aux opérations de pêche a fait l'objet d'un débat et des suggestions ont été formulées concernant les principales composantes d'un tel texte, à savoir:

14. On a également fait observer qu'il existait des différences considérables entre les différentes pêcheries, dont les directives devraient tenir compte. Certains pays en développement se sont inquiétés de ce que les directives risquaient d'être utilisées pour faire obstacle au commerce, comme cela avait été le cas avec l'embargo sur les crevettes.

15. On a noté que le forum organisé par la FAO donnait la possibilité à un large éventail d'organismes de gestion des pêches de débattre des problèmes relatifs aux tortues de mer et aux pêches. Même s'il s'agissait d'une occasion unique de mieux comprendre le problème et de mettre au point des politiques au niveau le plus élevé, il importait d'impliquer les pêcheurs et leurs communautés dans la recherche et la mise en oeuvre de solutions.

Situation actuelle en matière de conservation des tortues de mer et facteurs de mortalité

16. Pendant la Consultation, plusieurs grands dangers ou menaces affectant la viabilité des tortues de mer ont été recensés, à savoir:

17. Plusieurs tentatives étaient en cours pour mieux comprendre l'impact relatif de ces différentes menaces à l'aide de techniques comme les programmes d'observation à bord, mais en général il n'existait que des informations limitées sur la mortalité des tortues de mer liée à la pêche. La nécessité d'obtenir des informations plus précises et d'améliorer l'échange d'informations sur les technologies susceptibles de réduire la mortalité des tortues de mer a été soulignée.

18. Si de nombreux Etats ont déjà adopté des accords et des arrangements régionaux et/ou internationaux et des mesures de conservation nationales pour faire face à ces menaces, on estime néanmoins que des mesures plus efficaces et plus concrètes demeurent nécessaires. Des délégués ont précisé que de telles mesures pourraient inclure les plans d'action en cours d’élaboration.

19. La question de la conservation et de la gestion des tortues de mer dans les pays en développement a fait l'objet d'une attention particulière. De nombreux Etats ont souligné la nécessité d'un soutien financier et technique pour que les pays en développement puissent mieux gérer et préserver les stocks de tortues de mer de leur région.

20. Il convenait de tenir compte, en outre, des moyens de subsistance des artisans pêcheurs. Plusieurs Etats ont fait rapport des initiatives consistant à élever des tortues en vivier avant de les relâcher pour reconstituer les stocks de tortues et ont souligné qu'il convenait de mieux comprendre les modalités de survie à long terme de ces tortues de mer élevées en vivier.

Baisse de la mortalité des tortues de mer: engins et techniques de pêche

21. La Consultation a souligné que différents outils de gestion, susceptibles d’être utilisés pour diminuer la mortalité des tortues de mer due aux interactions avec les activités de pêche, étaient soit déjà disponibles, soit à l’essai. Parmi ces outils figuraient l’adaptation des engins de pêche, les nouvelles technologies et la gestion des zones de forte interaction entre les pêches et les tortues de mer.

22. Des délégués ont confirmé que le commerce des produits dérivés des tortues de mer était interdit dans leur pays et que toutes les tortues de mer étaient protégées par des lois. Il a également été confirmé par certains délégués que, à de rares exceptions près, les prises fortuites diminuent les rendements économiques des pêches et par conséquent, les pêcheurs sont, en règle générale, prêts à collaborer en vue de diminuer les prises accessoires de tortues de mer. Des délégués ont également souligné qu’il convenait de diminuer les captures directes de tortues de mer.

23. De l’avis général, l’introduction de dispositifs d’exclusion des tortues (DET) avait donné d’excellents résultats dans les pays développés, en particulier lorsque les pêcheurs y participaient activement. Dans ces pays, l’accent avait été mis sur la nécessité non seulement de convaincre les pêcheurs des retombées économiques liées à l’utilisation des DET mais également d’impliquer l’industrie de la pêche tout au long du processus de recherche et d’application. Cependant, dans les pays en développement, l’introduction de ce type de dispositifs avait présenté quelques difficultés, en particulier dans le domaine de la pêche artisanale, et il a été souligné qu’il convenait également de tenir compte des répercussions socio-économiques.

24. Des résultats encourageants ont également été enregistrés dans le domaine de la pêche pélagique à la palangre, notamment grâce au remplacement des hameçons classiques en «J» par des hameçons circulaires. Des recherches sur les répercussions des pêches ont été effectuées dans des zones définies, à différentes heures et profondeurs d’immersions, selon les phases de la lune et avec différents types d’appât. Ces recherches étaient axées sur la taille et la forme des hameçons, dans l’objectif d’obtenir de meilleurs résultats en ce qui concerne les espèces cibles et les prises accessoires. Des dispositifs et des procédures de remise en liberté, ainsi que des directives et des manuels sur la prise en charge des tortues de mer capturées vivantes ont également été élaborés. En ce qui concerne ces études, une délégation a fait savoir que son pays avait adopté des mesures relatives aux hameçons circulaires et aux appâts pour la pêche pélagique à la palangre dans l’Atlantique et le Pacifique. Cependant, la reproductibilité des expériences effectuées dans quelques zones et seulement sur quelques espèces a été remise en question. La nécessité d’élargir la portée des études à d’autres zones géographiques et de diffuser largement les résultats de la recherche a également été soulignée.

25. Plusieurs expériences portant sur d’autres engins (filets à poche, bordigues et filets fixes, etc.) dans lesquels des espèces non visées sont également capturées, sont en cours. Le danger éventuel posé par les filets maillants a été mentionné, mais il convient d’effectuer d’autres travaux de recherche sur les matériaux qui les composent et sur leurs interactions avec les tortues dans les zones de concentration élevée. Les filets maillants à filament simple de nylon ont été interdits par certains Etats, notamment en raison des dégâts non négligeables qu’ils peuvent causer dans le cadre de la pêche fantôme. Il a été souligné que la sensibilisation du grand public, grâce à des programmes scolaires ou en s’appuyant sur les croyances religieuses et culturelles, était un outil important, qui permettait de réduire l’impact de ces types de pêche. Plusieurs pays en développement ont également souligné qu’il convenait d’effectuer d’autres travaux de recherche sur les engins fixes placés près des côtes, afin d’évaluer leur impact sur les populations de tortues de mer.

26. L’application des technologies les plus probantes dans chaque région ne peut se faire sans coopération entre les différents pays et sans l’assistance technique de la FAO. Les organes régionaux des pêches pourraient jouer un rôle de premier plan dans ce domaine, mais les recherches en cours devraient être axées sur la définition de solutions spécifiques à chaque pêcherie et à chaque région. La Consultation a mentionné la nécessité d’adopter une approche écosystémique et de tenir compte des répercussions des mesures d’atténuation sur d’autres espèces figurant parmi les prises accessoires, comme les requins et les oiseaux de mer. De telles interactions avec différents types d’hameçons ont été signalées, notamment une augmentation éventuelle des prises accessoires de requins.

Définition de lignes directrices visant la diminution de la mortalité chez les tortues de mer

27. La Consultation a examiné deux propositions soumises à la réunion par le Japon et les Etats-Unis, respectivement, aux fins de l'élaboration de directives techniques par la FAO et de mesures de conservation et de gestion des tortues de mer au niveau national ou multilatéral.

28. La proposition japonaise comportait trois parties: i) les opérations de pêche et la modification des engins de pêche; ii) le rôle des gouvernements; et iii) le renforcement des capacités des pays en développement. Elle comportait des recommandations concernant les opérations de pêche en général, les chaluts côtiers à crevettes, les sennes tournantes (sur la base des réglementations de la Commission interaméricaine du thon tropical - CITT - en vigueur), les palangres et d'autres engins. Les responsabilités des gouvernements incluaient la formation et la sensibilisation, la participation active des pêcheurs et du secteur de la pêche, la collecte d'informations et de données, les aspects juridiques et les études nécessaires concernant l’efficacité des mesures d’atténuation.

29. Les Etats-Unis ont expliqué que leur proposition était analogue à celle du Japon puisque les deux propositions avaient été élaborées collectivement. La proposition des Etats-Unis reconnaissait que: i) les pêcheurs devaient être impliqués dans le processus; ii) toutes les menaces auxquelles font face les stocks de tortues de mer devaient être traitées; iii) un appui financier et technique était nécessaire; et iv) les Etats, les organes régionaux des pêches et d'autres entités avaient un rôle à jouer dans le partage de l'information. La proposition des Etats-Unis faisait état de résultats scientifiques récents, qui avaient débouché sur l’application de techniques concrètes et efficaces concernant les hameçons circulaires et les appâts, permettant de diminuer les prises accessoires et la mortalité des tortues de mer faisant l’objet de telles prises.

30. La Consultation est convenue que les propositions susmentionnées constituaient un bon point de départ. De toute évidence, les directives techniques devraient être applicables à l'échelle mondiale, pragmatiques et souples, de façon à pouvoir être mises en œuvre par tous les Etats sur la base de données scientifiques fiables propres à une région géographique et à une pêcherie donnée. De nombreux Etats ont demandé à la FAO d'élaborer des directives techniques, les organes régionaux des pêches se chargeant de les adapter à chaque région.

31. Plusieurs Etats ont également signalé que les aspects socio-économiques et culturels devaient être largement pris en compte lors de l'élaboration et de l'application des directives. L'application de ces dernières devrait reposer sur de meilleures données et informations socio-économiques et les directives elles-mêmes devraient être établies avec la participation des parties prenantes locales. Les droits des pays en développement en matière de développement de leurs pêches devraient également être respectés et il faudrait éviter que des directives puissent être utilisées pour faire obstacle au commerce international. En particulier la proposition relative à l'utilisation de dispositifs d'exclusion des tortues dans les chaluts autres que les chaluts à crevettes et les propositions relatives aux palangres et aux sennes tournantes devraient être revues et rendues plus génériques. L'utilisation de dispositifs d'exclusion des tortues dans les chaluts à crevettes a également été remise en question, dans la mesure où l'expérience montrait que l'on manquait d'informations et de résultats de recherche sur le type de dispositif le plus approprié. La Consultation a noté que des directives relatives aux sennes tournantes risquaient d'être difficiles à appliquer dans certaines régions du monde.

32. Il a été souligné également qu'il fallait éviter que les directives n'aillent à l'encontre des accords régionaux existants et qu'au niveau national, elles ne soient pas une source de différends entre le gouvernement et le secteur des pêcheries.

33. Il a été noté qu’il convenait de prendre en compte et de renforcer la législation existante. La question de l'application des règlements a été citée comme l'un des principaux problèmes, notamment dans les pays en développement. On a souligné la nécessité d'intégrer toutes les activités entreprises par les organes régionaux des pêches, les accords et instruments relatifs aux tortues et les Plans d'action internationaux. Il fallait inclure également l'établissement de rapports sur le suivi de l'application des directives.

34. De nombreux Etats ont souligné la nécessité de poursuivre les recherches dans les domaines suivants: i) interactions avec d'autres espèces faisant l'objet de captures accessoires; ii) voies de migration et zones d'interaction élevée entre les pêches et les tortues de mer; et iii) mortalité des tortues due aux activités de pêche et à d'autres activités. Plusieurs Etats ont également demandé le renforcement de l'information et de la formation, notamment pour les pêches artisanales.

35. Plusieurs suggestions relatives à une modification de la structure des propositions ont été formulées et un groupe de rédaction restreint composé de la Chine, des Etats-Unis, du Japon et de la Thaïlande a été constitué et invité à poursuivre l'élaboration des propositions avant de présenter le rapport en plénière.

36. La Consultation a examiné le projet de «Directives visant à réduire la mortalité des tortues de mer due aux opérations de pêche» élaboré par le groupe de rédaction. Ce projet résultait de la combinaison des deux propositions antérieures et reposait sur les modifications proposées en plénière. Il tenait compte également des observations et des préoccupations formulées par les délégations. La Consultation a estimé que les directives devraient également s’appliquer à la capture directe des tortues de mer.

37. A l'issue de son débat, la Consultation est convenue que les «Directives visant à réduire la mortalité des tortues de mer due aux opérations de pêche» (voir Annexe E) seraient incluses dans le rapport et a recommandé qu'elles servent à l'élaboration des directives techniques de la FAO.

Conservation des tortues de mer: aide aux Etats Membres en développement

38. De nombreuses observations et des suggestions utiles à ce sujet ont été formulées lors de débats antérieurs et la Consultation est convenue qu'il faudrait en tenir compte lors de l'élaboration des directives et les inclure également dans des recommandations distinctes de la Consultation.

39. Pour résumer, la Consultation a fait observer qu'il ne suffirait pas d'élaborer des directives. La modification des engins et des pratiques de pêche serait extrêmement difficile sans un appui technique et financier supplémentaire. Il faudrait, en outre, tenir compte, de la différence du niveau de développement des différents pays, et les pays donateurs devraient fournir un soutien.

40. Une assistance en matière de formation et de sensibilisation a été jugée indispensable. L'assistance fournie actuellement par certains donateurs en matière de recherche et de projets d'atténuation a été évoquée. Un fonds spécial alimenté par les donateurs pour appuyer ces activités a été envisagé. Le Japon a fait part de son appui volontaire, apporté par l’intermédiaire du Centre de développement des pêches de l'Asie du Sud-Est (SEAFDEC) et de la Commission interaméricaine du thon tropical (CITT). Les Etats-Unis ont informé la Consultation des travaux de nature technique menés grâce à des entités bilatérales et multilatérales comme la CITT concernant le remplacement des hameçons circulaires, la formation en collaboration et la recherche.

41. En matière d'assistance financière, les priorités devraient être fixées en fonction des zones et des espèces, comme décrit dans le rapport de la Consultation d'experts sur les interactions entre les tortues de mer et les pêches dans le contexte de l'écosystème.


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