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La CITES, le commerce et la gestion durable des forêts

H.K. Chen et S. Zain

Chen Hin Keong est conseiller principal pour le commerce forestier et Sabri Zain est directeur de la promotion et des campagnes, TRAFFIC International, Cambridge (Royaume-Uni). TRAFFIC, le réseau de surveillance de la faune sauvage, est un programme conjoint du Fonds mondial pour la nature (WWF) et de l’Union mondiale pour la nature (UICN) qui œuvre en collaboration avec le Secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

L’exigence d’avis de commerce non préjudiciable pour les espèces inscrites à l’Annexe II de la CITES garantit qu’elles ne pourront faire l’objet d’échanges que si elles sont exploitées à un niveau durable.

L’inscription récente du ramin (Gonystylus spp.) à l’Annexe II lors de la treizième Conférence des Parties (COP-13) à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) en octobre 2004 a de nouveau pointé les projecteurs internationaux sur les échanges d’espèces forestières commerciales. Bien que l’acajou africain (Swietenia macrophylla) ait été inscrit à l’Annexe II lors de la conférence précédente de la CITES en 2002, l’inscription récente du ramin est significative car elle a été approuvée par consensus plutôt que par vote majoritaire – un signe peut-être de l’acceptation croissante des mécanismes commerciaux internationaux dans la récolte et la gestion durables des espèces présentant un intérêt commercial.

Ce signe ne se limite pas aux espèces ligneuses. Tout aussi importante, par exemple, est l’inscription par la COP-13 des essences productrices de bois d’agar, un bois résineux utilisé dans la préparation de l’encens et des parfums. L’une de ces espèces, Aquilaria malaccensis, était déjà inscrite à l’Annexe II de la CITES en 1955, mais la COP-13 a introduit le reste des essences productrices de bois d’agar dans les genres Aquilaria et Gyrinops.

QUE SIGNIFIE LA CLASSIFICATION DE LA CITES?

La CITES a été adoptée en 1973 dans le but d’assurer que le commerce international de spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas leur survie. Bien que la classification de la CITES ne puisse à elle seule sauver ou conserver les espèces, elle aide tous ceux qui souhaitent le faire par des interventions de gestion.

L’Annexe I comprend des espèces pouvant être menacées d’extinction et qui sont ou pourraient être touchées par le commerce international. Les échanges internationaux de spécimens sauvages de ces espèces sont sujets à une réglementation stricte et ne sont permis normalement que dans des circonstances exceptionnelles. Le commerce de spécimens propagés artificiellement ou élevés en captivité est consenti sous réserve des dispositions de la CITES. Plus de 800 espèces sont incluses dans l’Annexe I, y compris les tigres, les grands singes anthropoïdes, certains perroquets, des espèces d’orchidées et de cactus et quelques espèces ligneuses comme l’araucaria du Chili (Araucaria araucana) et Fitzroya cupressoides, un conifère originaire du Chili et de l’Argentine.

L’Annexe II comprend des espèces qui, d’après les estimations, ne sont pas soumises aux mêmes menaces que celles de l’Annexe I, mais pourraient l’être si le commerce n’est pas réglementé. Le commerce international de ces espèces est surveillé par un mécanisme de délivrance de permis pour assurer que les échanges se réalisent sans danger pour les populations sauvages. Le commerce des spécimens sauvages élevés en captivité et propagés artificiellement est consenti sous réserve d’un permis. À l’Annexe  II sont inscrites environ 29 000 différentes espèces dont les ours polaires, les cobras asiatiques, les orchidées, les cactus et les plantes carnivores, ainsi que quelques arbres utilisés en médecine comme le cerisier africain (Prunus Africana) et le bois de santal rouge (Pterocarpus santalinus).

l’Annexe III contient des espèces qui ne sont pas nécessairement menacées à l’échelle mondiale mais qui sont protégées au sein d’États individuels qui ont sollicité l’aide d’autres parties à la CITES pour contrôler leur commerce international. Parmi les exemples figurent le renard du Bengale de l’Inde et le serpent à sonnettes néotropical de l’Honduras.

Palettes de ramin (Gonystylus spp.) destinées à la fabrication de jalousies, teintes pour assumer différentes couleurs et tonalités chromatiques; le commerce du ramin est réglementé depuis l’inscription de cette espèce à l’Annexe II de la CITES en 2004
TRAFFIC SOUTHEAST ASIA/C.R. SHEPHERD

Le bois d’agar et ses produits – parfums et encens; les espèces Aquilaria et Gyrinops productrices de bois d’agar sont désormais inscrites à l’Annexe II de la CITES
TRAFFIC SOUTHEAST ASIA/P.P. VAN DIJK

QUEL LIEN Y A-T-IL ENTRE LA CITES ET LA GESTION DURABLE DES FORÊTS?

Dans le passé, de nombreux commerçants et quelques organismes gouvernementaux ont considéré la CITES comme un mécanisme bannissant le commerce, avec toutes les implications négatives pour le marché que cela pouvait avoir. Par la suite, les choses ont changé, la CITES ayant évolué et reconnu que le commerce durable peut contribuer à la survie d’une espèce en lui conférant une valeur et en établissant par là même des incitations économiques à garantir son existence continue. Cette appréciation a permis à la CITES de s’occuper de la question de la gestion durable des forêts, et de ne plus se borner à interdire le commerce international quand tous les autres efforts de conservation se sont soldés par un échec et que bannir le commerce est le seul mode de gestion restant.

La CITES préconise la gestion durable des forêts et l’exigence clé d’avis de commerce non préjudiciable pour les espèces de l’Annexe II. L’Autorité scientifique de la CITES, nommée par le gouvernement national, est donc tenue de déterminer si le commerce ne nuit pas à la survie de l’espèce ou de l’écosystème qui la renferme confirmant que l’espèce a été exploitée à un niveau durable. S’ils se fondent sur une méthodologie solide, les avis de commerce non préjudiciable devraient en outre favoriser l’établissement de contingents d’exploitation et de commerce durables.

Le seul concessionnaire autorisé à exporter le ramin en Indonésie recherchait déjà des avis de commerce non préjudiciable dans le cadre du processus de certification. La Malaisie ne les recherchait pas encore pour le ramin, bien que le pays ait un cadre de gestion forestière adéquat pour ce faire. Le processus malaisien de fixation de la possibilité de coupe annuelle, par exemple, a servi à déterminer la récolte durable pour le pays et, s’il est renforcé ultérieurement, il pourrait fournir une base scientifique pour des avis de commerce non préjudiciable plus officiels.

Un autre aspect de la dynamique du commerce et de l’utilisation durable est son impact sur les consommateurs. La CITES est la seule convention internationale qui contrôle le commerce international de certaines essences forestières ligneuses et non ligneuses, et une inscription ou une décision de la CITES a inévitablement un impact sur le marché. Dans le passé, l’industrie du bois et les pays producteurs de bois avaient résisté aux inscriptions de la CITES, de crainte que les consommateurs ne les interprètent comme une interdiction internationale frappant le commerce, ou n’achètent plus le bois qu’ils estiment être «en danger». L’inscription récente des espèces productrices de bois d’agar à l’Annexe  II a été fortement combattue par de nombreux pays du Proche-Orient qui utilisent ces espèces. À l’encontre de cette position on peut dire que ces inscriptions peuvent donner l’assurance au consommateur que le produit provient d’une source légale et d’une forêt gérée durablement – et elles pourraient même encourager sa commercialisation si la ressource est gérée de façon durable. Par ailleurs, de nombreux pays producteurs examinent les possibilités offertes par les initiatives de certification indépendantes, comme celle du FSC, notamment si elles permettront d’obtenir un prix élevé pour le bois certifié. Le Secrétariat de la CITES et certaines des parties ont manifesté un intérêt croissant à étudier le rôle que la CITES pourrait avoir dans les processus de certification. La plupart des gouvernements ont une législation nationale relative à la gestion durable des forêts et contrôlent l’exploitation du bois. Les outils commerciaux comme les listes de la CITES et la certification complètent les lois et politiques nationales; ils peuvent aider les pays à appliquer leur législation et gérer leurs ressources en bois plus efficacement, tout en stimulant la coopération internationale à cet égard. Juste avant l’inscription du ramin, l’Indonésie, la Malaisie et Singapour avaient annoncé la création d’un groupe de travail visant à combattre le commerce illégal du ramin et améliorer la mise en œuvre de la CITES. L’inscription du ramin à l’Annexe II donnera à ces gouvernements les moyens de contrôle, les processus, les outils et les informations nécessaires pour appuyer les travaux du groupe de travail.

C’est ainsi que l’Annexe II aide les gouvernements à surveiller l’industrie et l’extraction de la forêt d’essences inscrites dans les listes de la CITES, fournissant des informations et indicateurs leur permettant d’évaluer leurs progrès vers la gestion durable des forêts

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