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L’utilisation durable des forêts est-elle réalisable? La Finlande en est un exemple vivant

M. Vanhanen

Matti Vanhanen est Premier Ministre de Finlande

Le Premier Ministre de Finlande, s’adressant aux participants à la session d’ouverture du Comité des forêts le 15 mars 2005, a souligné le rôle de la gestion durable des forêts dans le développement de son pays.

Je voudrais tout d’abord remercier la FAO pour m’avoir donné le plaisir et l’honneur de m’adresser à vous aujourd’hui. En tant que Premier Ministre d’un pays qui a fondé, dans une large mesure, sa prospérité sur ses forêts, tout en accroissant l’étendue et les valeurs environnementales de son couvert forestier, ma présence ici aujourd’hui à la FAO pour partager avec vous notre expérience est donc très pertinente. La Finlande est l’exemple vivant de la possibilité d’utiliser durablement les forêts.

Rares sont les pays où les industries forestières ont joué un rôle aussi important dans le développement économique qu’en Finlande. Simultanément, la conservation des réserves forestières a commencé tôt et, au fil du temps, le pourcentage de forêts conservées s’est accru, étant plus élevé aujourd’hui en Finlande qu’ailleurs dans l’Union européenne (UE). L’histoire des mesures de conservation est longue. En vertu d’une loi relative à la conservation de la nature qui remonte à 1923, dès 1956 avaient été établis neuf parcs nationaux et 14 réserves naturelles. A la fin des années 70, les aires de conservation couvraient une superficie de 6 700 km2 et consistaient principalement en forêts. Les zones boisées qui étaient déjà incluses dans ces mesures précoces de protection de la nature comprenaient de nombreux sites naturels. La planification des aires protégées et l’établissement de ces réserves se sont poursuivis. Au début de 2005, le réseau des aires protégées, qui comprend essentiellement des forêts, couvre environ 10 pour cent de la superficie terrestre de la Finlande et inclut 35 parcs nationaux, 12 sites naturels, 407 réserves naturelles ou autres aires protégées domaniales, et plus de 4 000 réserves naturelles privées. L’ensemble des aires protégées, soit 31 330 km2, dépasse la superficie de la Belgique. En outre, une décision politique visant à protéger une superficie additionnelle de 7 000 km2, correspondant à 2 pour cent de la superficie terrestre, a déjà été prise.

Sous divers aspects et non seulement du point de vue quantitatif, la conservation des forêts est plus développée en Finlande qu’ailleurs dans l’UE. Les faits parlent d’eux-mêmes. Les sites naturels ont été bien protégés pendant des décennies. Je ne trouve guère de justification aux allégations qui incitent, pour des motifs de conservation, l’opinion internationale à décourager l’exploitation forestière en Finlande.

Je voudrais maintenant citer quatre thèmes d’intérêt international. Le premier, la gestion durable des forêts, nous amène au deuxième, à savoir les Objectifs du Millénaire pour le développement et le rôle des forêts dans leur réalisation. Le troisième thème concerne les programmes forestiers nationaux et leur rôle potentiel dans la mobilisation de crédits supplémentaires en faveur du secteur forestier. Le quatrième est le rôle de l’information scientifique dans le développement durable. Je reviendrai occasionnellement à l’exemple de la Finlande dans le cadre de ces thèmes.

Les populations finlandaises ont toujours vécu en contact étroit avec la forêt, une longue histoire de conservation des forêts favorisant les enfants autant que les adultes
FINNISH FOREST ASSOCIATION/E. OKSANEN

METTRE EN PRATIQUE LA GESTION DURABLE DES FORÊTS

Les forêts sont essentielles à la viabilité de l’environnement. Plus d’un tiers des terres émergées de notre planète est couvert de forêts. Elles répondent à de nombreuses attentes et nécessités. Elles fournissent les produits de base dont ont besoin un grand nombre de personnes pour survivre: aliments, médicaments, abri ou bois de feu. Les forêts sont aussi une source d’eau potable pure et de matières premières pour l’industrie du bois. Elles représentent également un lieu de randonnées ou de camping ou encore un endroit où pratiquer des rites culturels et spirituels traditionnels.

En Finlande, les forêts incarnent tout ce que je viens de mentionner. Notre mode de vie s’est toujours fondé sur un rapport intime avec nos forêts. La population de la Finlande représente environ 50 pour cent des populations mondiales vivant à 60° de latitude nord. Dans un milieu au climat âpre, les forêts offrent de nombreuses occasions d’améliorer les conditions de vie. Nous extrayons le bois des forêts à des fins industrielles et la cueillette de baies et de champignons est encore aujourd’hui une activité très répandue. En même temps, les aires protégées au titre de différents programmes s’accroissent et les perspectives de conservation de la biodiversité vont en s’améliorant.

Compte tenu de tout cela, outre la stabilité de l’économie, la gestion durable des forêts vise aussi aujourd’hui la durabilité environnementale, sociale et culturelle. Il devient donc plus ardu d’établir un équilibre entre les intérêts privés et publics, les besoins des générations présentes et futures, les avantages environnementaux et économiques et les impacts intersectoriels. Les forêts doivent satisfaire les besoins d’une complexité croissante d’un nombre grandissant d’utilisateurs. Un équilibre doit s’établir au niveau local, autrement la durabilité proprement dite risque de ne pouvoir se réaliser.

Le concept général de gestion durable des forêts est issu de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement et, depuis lors, a fait l’objet de maints débats à l’occasion de nombreuses manifestations internationales liées aux forêts. Il importe désormais de mettre ce concept en pratique. Nous estimons qu’il faut se doter d’un instrument juridique souple au niveau international, qui offrirait un cadre d’action solide et rationnel aux Etats et aux différentes parties prenantes.

Le Premier Ministre de Finlande, Matti Vanhanen, à la FAO
FAO/I. BALDERI

LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT FIXENT DES BUTS

Les Objectifs du Millénaire pour le développement établissent une série de cibles temporelles et mesurables dont la lutte contre la pauvreté, la faim, les maladies, l’analphabétisme, la dégradation de l’environnement et la discrimination contre les femmes. Le financement destiné au développement est coordonné de façon à promouvoir ces buts. Le défi aujourd’hui consiste à déterminer comment le secteur forestier peut mieux contribuer à leur réalisation par des politiques et des pratiques durables. A mon avis, cela est à la fois nécessaire et faisable.

La gestion durable des forêts contribue aux Objectifs du Millénaire pour le développement de diverses façons. Le rôle le plus évident qui échoit aux forêts est d’assurer la durabilité de l’environnement. La bonne gestion des ressources naturelles améliore les conditions de vie, le revenu, la sécurité alimentaire et la santé des populations. Une eau plus propre réduit la mortalité infantile. Les forêts contribuent, de maintes façons, à l’éradication de la pauvreté extrême et de la faim.

Les occasions offertes par le secteur forestier doivent être mises en valeur tant dans les programmes de la FAO que dans les programmes nationaux de ses membres. Je sais qu’hier les ministres responsables des forêts ont également discuté des Objectifs du Millénaire pour le développement et des capacités potentielles des forêts de réduire la pauvreté. La tâche qui vous incombe est importante. C’est vous qui devrez promouvoir les recommandations dans vos pays respectifs, auprès des décideurs, des hommes politiques et des autorités dans d’autres secteurs, en tirant pleinement parti de l’appui politique mentionné hier.


UN PROGRAMME FORESTIER NATIONAL EFFICACE

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur les programmes forestiers nationaux. Pendant toute la décennie écoulée, diverses activités intergouvernementales ont réalisé des progrès. Cependant, c’est chez soi que le travail doit se faire. Ce sont les gouvernements qui sont les premiers responsables de la mise en œuvre des engagements internationaux et de leur prise en compte dans la législation et les politiques nationales. Dans le secteur forestier, l’instrument pour ce faire, à savoir les programmes forestiers nationaux, a déjà été reconnu comme cadre d’action au plan international depuis 1992. Au cours de la décennie écoulée, la FAO a travaillé activement au développement de ce concept.

Une fois les engagements pris en compte correctement au niveau national, il est beaucoup plus facile d’échanger des expériences et de tirer des enseignements de celles d’autrui au niveau international. Sur la base des expériences nationales, la FAO est mieux à même d’indiquer les outils, projets et normes nécessaires pour faciliter le travail dans les différents pays. La FAO a obtenu de bons résultats en appuyant les programmes forestiers nationaux. La Finlande a été l’un des promoteurs du Mécanisme pour les programmes forestiers nationaux, un partenariat de multiples parties prenantes entre la FAO et plusieurs gouvernements et organisations internationales. La Finlande continue d’offrir son soutien à ce travail.

Comme déjà mentionné, les forêts jouent un rôle extrêmement important dans le bien-être de la population finlandaise et le développement économique du pays. Les forêts sont aussi l’élément prédominant du paysage et le fondement du mode de vie et de la culture de la population. Sur cette toile de fond, notre programme forestier national est pour nous un puissant instrument décisionnel et une instance importante pour les parties prenantes.

Le programme forestier national actuel a été approuvé par le Gouvernement finlandais et publié en 1999. L’idée fondamentale est qu’un noyau forestier compétitif, conjugué au fait que les forêts sont une ressource renouvelable, représente une excellente base pour le développement durable. Le programme montre que les forêts sont influencées par de nombreuses politiques différentes, y compris celles régissant les industries, la main-d’œuvre, l’utilisation des terres, le trafic, l’énergie, la concurrence, le développement rural, l’éducation, les affaires sociales et l’environnement. Une bonne collaboration est nécessaire entre tous ces secteurs pour faire en sorte que les aspects forestiers soient intégrés dans leurs politiques, et que les intérêts de tous ces secteurs soient également reflétés dans le programme forestier. La mise en œuvre du programme forestier national pâtirait de l’absence de cette intégration réciproque.

Au début de cette année, le Gouvernement finlandais a adopté un programme visant la promotion de l’utilisation des produits ligneux et du bois de construction. Du point de vue technique, le bois est un excellent matériau de construction et les maisons en bois sont très appréciées lorsqu’elles sont disponibles. L’emploi du bois incite à l’utilisation des ressources renouvelables et, utilisé à grande échelle, absorbe l’anhydride carbonique de l’atmosphère. Dans les pays où la construction recourt traditionnellement à d’autres matériaux, les édifices en bois pourraient imposer la révision des dispositions techniques. Le bois sert à de multiples autres usages aussi. Je voudrais mentionner, à cet égard, qu’au Département des forêts de la FAO sera inaugurée demain une Salle des forêts de la Finlande. Je suggère que vous vous y rendiez au cours de cette semaine pour jeter un coup d’œil sur une création en bois très originale.

Un programme forestier national soigneusement préparé est un excellent outil de distribution des ressources. Du point de vue du Gouvernement, le programme forestier national aide à évaluer la nécessité d’affecter des ressources à partir du budget public, mais il encourage aussi les propriétaires et les industries forestiers à investir. Ce fait est encore plus important dans les pays en développement ou le programme forestier national devrait également être utilisé dans les négociations avec des donateurs potentiels. C’est pourquoi il devrait être intégré dans les stratégies de réduction de la pauvreté, de même que les institutions et organismes internationaux de financement du développement devraient intégrer les interventions forestières dans leurs politiques de réduction de la pauvreté. Dans les programmes de la FAO aussi les liens entre la réduction de la pauvreté et la foresterie devraient ressortir clairement.


L’IMPORTANCE DE L’INNOVATION BASÉE SUR LA RECHERCHE

Le savoir est essentiel à notre société moderne et la demande d’informations scientifiques va en augmentant. La Finlande a répondu à cette demande en investissant davantage dans la recherche. Grâce à cela, elle occupe maintenant le deuxième rang parmi les pays du monde pour la part de la recherche dans le produit intérieur brut. Notre but est de continuer à augmenter à l’avenir le financement des activités de recherche.

Le savoir est essentiel au secteur forestier aussi. A mesure que les ressources non renouvelables se font rares, des innovations et de nouvelles technologies sont nécessaires pour promouvoir l’utilisation des ressources biologiques dans l’économie. Les forêts et l’utilisation du bois joueront un rôle de premier plan. La recherche est indispensable pour les innovations et les nouvelles technologies. C’est pourquoi la gestion et la conservation des forêts, ainsi que la création de processus et de produits, doivent se fonder sur la recherche. L’interaction avec les innovations industrielles doit être étroite.

L’utilisation novatrice et durable des ressources forestières impose un système de recherche bien structuré et efficace. Cependant, ses résultats ont bien peu de valeur s’ils ne sont pas appliqués. La recherche devrait faire partie intégrante de toutes les politiques aussi bien nationales qu’internationales. Pour ce faire, nous avons besoin d’instances qui relient la communauté des chercheurs aux décideurs et aux autres utilisateurs des résultats de la recherche. Il conviendrait d’étudier le type de mécanisme qui serait le plus efficace à cette fin.

Je suis sincèrement convaincu que l’avenir du monde repose sur l’utilisation judicieuse des ressources renouvelables. A tous ceux présents aujourd’hui, et à la FAO par le biais de notre appui, incombe la responsabilité de protéger et de gérer nos précieuses forêts afin qu’elles soient une source permanente de prospérité, de beauté et de diversité pour les générations futures. L’importance des forêts ira en s’accroissant, et non en décroissant, à l’avenir.

La FAO a une tâche importante et ardue à accomplir en encourageant les initiatives internationales en faveur de la gestion durable des forêts. A notre avis, elle s’est très bien acquittée de cette tâche à maints égards. Je suis également heureux d’apprendre que la FAO et ses membres ont décidé d’entreprendre une évaluation externe indépendante de l’Organisation. L’opinion de tiers pourrait faciliter la modernisation et la réforme ultérieures d’une organisation. Je suis certain que cette initiative contribuera à multiplier les réalisations de la FAO.

Inauguration de la nouvelle Salle des forêts de Finlande au siège de la FAO – de gauche à droite, au premier plan, Hannu Valtanen, Directeur, Fédération des industries forestières finlandaises; M. Hosny El-Lakany, Sous-Directeur général, Département des forêts de la FAO; Jacques Diouf, Directeur général de la FAO; Matti Vanhanen, Premier Ministre de Finlande; au deuxième plan: Juhani Karvonen, Directeur exécutif de l’Association forestière finlandaise; Juha Korkeaoja, Ministre de l’agriculture et des forêts de Finlande; David Harcharik, Directeur général adjoint de la FAO
FAO/I. BALDERI

CONCLUSION

Je voudrais conclure en vous présentant une image de la pauvreté tirée de l’exemple finlandais. Il y a un siècle, la Finlande était l’un des pays les plus appauvris d’Europe. Le couvert forestier s’était réduit dans les zones reculées en raison des pratiques de culture sur brûlis ainsi que de la production de charbon de bois à proximité des villes et des industries. Les images de terres déboisées à la fin du XIXe siècle sont pratiquement inconnues aux yeux modernes. En outre, en Finlande la pauvreté et le déboisement étaient liés.

Aujourd’hui la Finlande est un excellent exemple d’un pays qui a fait un immense bond en avant, atteignant un niveau élevé de développement. Beaucoup des industries qui ont permis cette croissance étaient fondées sur l’utilisation à grande échelle du bois tiré de la forêt. De nos jours, les ressources forestières continuent à s’accroître, représentant l’un des principaux piliers de l’économie finlandaise.

Simultanément, le couvert forestier, soit plus de 70 pour cent des terres émergées, augmente et est plus étendu qu’il ne l’a jamais été au cours de l’histoire, dépassant en proportion celui de tous les autres pays de l’UE. Les forêts commerciales sont bien entretenues. Un pourcentage relativement élevé – plus de 60 pour cent – appartient à des privés intéressés à maintenir le revenu dégagé en faveur des générations à venir. Toute exploitation est immédiatement suivie de programmes de reboisement obligatoires, et entreprise de manière à limiter les dommages à la biodiversité.

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