Page précédenteTable des matières


ANNEXE F: DÉLARATION DES ONG ET OSC ASIATIQUES

Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole à cette Conférence de la FAO. Nous nous félicitons également de l'allocution du Directeur général de la FAO et de la déclaration de plusieurs pays qui ont souligné la nécessité de la présence à Rome d'organisations non gouvernementales et de la société civile afin que toutes les parties prenantes puissent contribuer aux débats sur le problème crucial de la faim et de la malnutrition.

Le Président et tous les autres participants à la Conférence savent sans doute que les ONG et les OSC ont tenu une consultation dans le cadre de la préparation du Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après, avec le soutien de la FAO, les 11 et 12 mai 2002 à Katmandou (Népal). Les 120 participants venus de 13 pays d'Asie9 représentaient un large éventail d'ONG, d'OSC, de mouvements paysans, d'organisations de femmes, de communautés de pêcheurs, d'ouvriers agricoles sans terre et d'ouvriers travaillant sur des plantations. En tant qu'observateurs, nous avons suivi de près vos débats et souhaitons vous faire part de nos suggestions et de notre point de vue sur les questions urgentes dont nous avons à débattre aujourd'hui.

Nous souhaitons également saisir cette occasion pour vous faire part des conclusions de nos délibérations au cours de cette consultation. Nous nous sommes appuyés, pendant nos délibérations, sur la Résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 15 février 2002 sur le droit à l'alimentation. Nous souhaitons réitérer notre soutien à cette Résolution sur le droit à l'alimentation, avec les divers pays d'Asie et du Pacifique qui se sont engagés à maintes reprises à assurer à tous leurs citoyens le droit à la nourriture et à la vie.

À cet égard, nous réclamons à l'unanimité un Code de conduite sur le droit à l'alimentation et aux ressources, qui tienne compte de la nécessité d'une véritable réforme agraire et halieutique parmi d'autres droit et que la FAO et tous les gouvernements pourraient adopter.

Nous sommes reconnaissant au Directeur général d'avoir rappelé la menace que fait peser sur les agriculteurs et ouvriers agricoles démunis de la région le processus de mondialisation, compte tenu du soutien considérable que les pays de l'OCDE accordent à leur secteur agricole. Nous sommes également très préoccupés par l'impact du processus de mondialisation, notamment par le dumping de produits agricoles et alimentaires subventionnés sur le continent asiatique. De tels procédés compromettent la survie de centaines de milliers de paysans, de pêcheurs et de communautés autochtones qui, au moment même où nous parlons, sont déplacés et menacés dans leurs systèmes de survie et d'alimentation.

Seules une poignée de sociétés transnationales et de grosses entreprises tirent profit de ces politiques et de ces programmes. Les ONG, les OSC et les mouvements populaires estiment que la nourriture n'est pas seulement un produit d'échanges, mais également un bien essentiel à la survie et à la mise en place de moyens de subsistance durables et constitue l'expression même de notre culture. La production alimentaire et agricole ne saurait être livrée aux caprices d'une poignée de sociétés fondées sur l'exploitation et le profit et devrait être laissée au libre arbitre des personnes qui produisent ces aliments.

En conséquence, pour garantir la protection des droits et restaurer et faire respecter la dignité des personnes, nous jugeons nécessaire de reconnaître la souveraineté alimentaire comme fondement et postulat de la production et de la consommation de vivres, y compris dans l'application des politiques alimentaires et agricoles. La souveraineté alimentaire doit être respectée à tous les niveaux et doit faire l'objet de la part des gouvernements d'une reconnaissance et d'un engagement à l'échelle mondiale, grâce à l'adoption d'une Convention internationale sur la souveraineté alimentaire.

L'engagement crucial du Sommet mondial de l'alimentation de 1996 de réduire de moitié la pauvreté et la faim avant 2015 a été déclaré impossible à tenir par les mêmes institutions qui l'avaient pris. Les programmes et méthodes visant à réduire la faim et la malnutrition ont échoué misérablement faute, cela va sans dire, de volonté politique.

Nos préoccupations sont celles des gens dont la survie est menacée par la perte de leurs moyens de subsistance: terre, eau et forêts, notamment, et qui n'ont pratiquement plus accès à la nourriture, avec les conséquences suivantes: faim, famine, chômage et vulnérabilité face à l'exploitation et à l'oppression.

L'agriculture contrôlée par des groupes qui continuent de promouvoir des technologies dangereuses comportant l'utilisation de pesticides et d'organismes génétiquement modifiés (OGM) menace la santé humaine, la sécurité sanitaire des aliments et l'environnement. La domination des grosses sociétés est renforcée par des prises de brevets sur les formes de vie. Cette politique se traduit par la perte et l'érosion rapide des droits et de la dignité des populations d'Asie.

Le combat pour le droit à la nourriture et pour la sécurité et la souveraineté alimentaires est intimement lié à la lutte pour l'émancipation politique et pour la démocratie fondée sur la participation.

Ce combat doit privilégier tout particulièrement la responsabilisation des femmes. L'invisibilité de celles-ci dans l'agriculture, la méconnaissance du rôle qu'elles jouent dans la production vivrière ainsi que leur absence et la discrimination dont elles sont victimes dans les processus de décisions leur ont fait perdre leurs droits et les ont écarté des politiques et des programmes.

La sécurité et la souveraineté alimentaires constituent une partie intégrante et essentielle de la justice sociale et d'un développement national authentique. Il faut privilégier des politiques et programmes capables de protéger et de favoriser une agriculture conçue comme un moyen d'existence durable, fondé sur des systèmes de production alimentaire agro-écologiques. Ces systèmes doivent aboutir à l'élimination des produits agrochimiques et à l'institution d'un moratoire sur les OGM.

Les représentants des ONG, des OSC et des mouvements populaires, présents à la consultation se sont déclarés extrêmement préoccupés par les OGM du fait qu'en l'absence même d'informations indépendantes et suffisantes sur leurs effets sur la santé et l'environnement, les sociétés tirant profit de ces technologies ont produit et commercialisé des OGM. La contamination de l'environnement, l'utilisation accrue de certains herbicides et des boycotts de consommateurs sont signalés dans les pays où des OGM ont été commercialisés. Il est donc évident que les OGM suscitent déjà, et susciteront à l'avenir, de nombreuses préoccupations du fait de leurs éventuelles incidences sur la santé et l'environnement, la culture et la biodiversité.

Dans ces conditions, nous invitons instamment les gouvernements ici présents ainsi que la FAO à se joindre à notre combat pour protéger nos droits et assurer la réalisation de nos aspirations à la souveraineté et à la sécurité alimentaires qui ne pourront être acquises que par une volonté de s'engager et de mener la lutte en Asie, grâce à la solidarité internationale.


9 Bangladesh, Cambodge, Chine, Corée, Indonésie, Inde, Japon, Népal, Malaisie, Philippines, Pakistan, Sri Lanka et Thaïlande.


Page précédenteDébut de page