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6. ASSISTANCE DANS L'ELABORATION DE POLITIQUES


6.1 Avec l'amélioration de la situation, l'élaboration de politiques peut prendre le pas sur les activités d'urgence. La conception et la mise en œuvre de politiques visant à faciliter l'accès à la terre et l'administration foncière doivent être pour le gouvernement d'un pays émergeant d’un conflit une priorité sur les plans politique, social, culturel et économique. Les spécialistes de l'administration foncière seront vraisemblablement confrontés à toute une série de choix d'orientations (voir encadré 7). Dans la mesure du possible, le régime foncier devra s'inscrire dans un cadre d'orientation général et non relever de tout un ensemble d'aspects distincts. Un tel choix revient à reconnaître les liens multiples existant entre les problèmes et favorise une meilleure coordination de leur prise en charge par les différentes organisations compétentes et au sein de chacune d'elles.

6.2 Dans la pratique, il est probable qu’immédiatement après le conflit le gouvernement reconnaisse que, face aux problèmes en rapport avec les régimes fonciers, il a davantage tendance à faire du suivisme qu’à anticiper. La capacité à planifier et élaborer des politiques d'accès à la terre et d'administration foncière est généralement limitée en raison de la pénurie de personnel expérimenté et du manque de crédits, mais aussi à cause de la destruction des infrastructures et du matériel. Les progrès peuvent être limités dans un premier temps parce que les registres ne sont pas convenablement tenus, qu'il existe des obstacles de types bureaucratique et politique, que les tribunaux sont surchargés et que les lois sont inopérantes ou inapplicables.

6.3 Il peut être difficile d'entreprendre des réformes d'envergure en matière d'administration foncière dans des délais limités. L'élaboration de politiques détaillées dans un pays émergeant d'un conflit peut représenter un long processus, notamment en raison de la nature sensible de certains problèmes. Plusieurs aspects de l'accès à la terre peuvent faire débat au sein du gouvernement ou dans la société en général. De surcroît, il peut exister de fortes pressions en faveur d’une application rapide de vastes programmes de restitution de terre ou de réinstallation des populations.

ENCADRÉ 7
PROBLÈMES D'ORIENTATION CONCERNANT L'ACCÈS À LA TERRE

Les choix d'orientation devront vraisemblablement être faits dans un certain nombre de domaines comme:

  • La mise à disposition d'abris et de logements d'urgence;

  • La conception d'une stratégie de logement en faveur des réfugiés et DI qui regagnent leur région d'origine;

  • L'attribution provisoire de parcelles de terres domaniales vacantes ou de terres privées abandonnées en vue de la réalisation d'opérations sociales et commerciales, ou en faveur des réfugiés et DI regagnant leur région d'origine;

  • La lutte contre l'occupation illicite de terres et de locaux par des seigneurs de guerre et des criminels;

  • La conception d'une stratégie de développement agricole et rural pour les réfugiés et les DI regagnant leur région d'origine;

  • La restitution des terres à leurs propriétaires légitimes par la mise en place de mécanismes de traitement des demandes et des conflits en rapport avec la terre;

  • La mise en place de procédures d'indemnisation des personnes pour lesquelles une restitution n'est pas possible si un financement ne peut être assuré (dédommagement en nature, généralement);

  • La mise en place de procédures d'expulsion qui respectent les droits des occupants illégitimes;

  • Les rôles et responsabilités en matière d'administration foncière: services de l'État au niveau central et local, et autorités coutumières.

6.4 Parce que la situation d'un pays émergeant d'un conflit est difficile et très fluctuante, la question de l'élaboration de politiques doit parfois être abordée avec souplesse et pragmatisme. Il peut être nécessaire d'adapter les politiques pour faire face à des circonstances nouvelles ou parce qu'elles ont eu des conséquences négatives imprévues. Une attitude flexible permet aux responsables d'expérimenter différentes options sans qu'un cadre législatif strict oblige à procéder à des amendements fréquents. L'approche adoptée doit toutefois aller de pair avec la nécessité de respecter la transparence des procédures et consulter la communauté. Cette souplesse devient moins nécessaire avec la stabilisation de la situation.

6.5 L'un des enjeux est de parvenir à mettre en place un système d'administration foncière avec les rares agents qualifiés disponibles. Il faut par exemple se demander quel système d'adjudication pouvant fonctionner avec les ressources existantes il est possible de mettre en place. Des politiques en matière de personnel doivent être prévues afin de garantir la mobilisation rapide des moyens nécessaires pour assurer les services voulus en matière d'administration des terres. Les autres questions à résoudre sont notamment les suivantes: comment former du personnel supplémentaire? Comment assurer des services dans l'ensemble du pays? À quel rythme les administrations peuvent-elles s'étoffer tout en conservant la capacité d'assurer des services de manière durable? Les moyens disponibles dans les régions étant généralement plus limités que dans la capitale, les collectivités locales peuvent-elles assurer les services nécessaires en matière d'administration des terres ou le gouvernement central doit-il fournir un appui, ne serait-ce que dans un premier temps? Le seul moyen d'apporter une réponse à ces questions est de sérier les problèmes et de veiller à ce que les objectifs des politiques soient réalisables (voir encadré 8).

ENCADRÉ 8
OBJECTIFS DES POLITIQUES

Aborder de façon rationnelle la question de l'élaboration de politiques dans un pays émergeant d'un conflit peut notamment consister à:

  • Concevoir des politiques et des législations tenant compte de la capacité à modifier des comportements ancrés dans les mentalités;

  • Concevoir des politiques en matière de régime foncier qui soient adaptées aux besoins, aux priorités et aux usages des populations;

  • Simplifier les procédures à suivre pour lancer et appliquer les orientations;

  • Adopter des politiques et une législation tenant compte de la capacité financière et institutionnelle de l'État à les appliquer;

  • Adopter des politiques et une législation que l'ensemble de la population puisse comprendre et appliquer;

  • Reconnaître que certaines orientations peuvent faire débat, même si elles paraissent rationnelles par ailleurs;

  • Elaborer des politiques et une législation en coopération avec les différents secteurs de la société dans un souci général de réconciliation et de compromis.

6.6 Les politiques doivent trouver leur expression dans la législation et une infrastructure juridique doit pouvoir appliquer le mandat qu'elles définissent. Dans un pays qui se relève d'un conflit, l'élaboration des lois peut être retardée par le manque d'expérience et la charge de travail du corps législatif, le secteur foncier n'étant pas le seul dans lequel de nouvelles lois sont requises. Lorsqu’un pays est trop tributaire des conseillers internationaux pour l'élaboration de sa législation, il arrive que celle-ci intègre des notions de droit étrangères sans qu'on se soit interrogé suffisamment sur leur capacité à fonctionner dans les conditions locales. Pour que la législation foncière soit compatible avec les mentalités locales, mais aussi avec les conventions internationales sur les droits de l'homme, l'élaboration des lois doit être précédée d’un dialogue avec les différentes parties prenantes comme les juristes, magistrats et spécialistes locaux des problèmes fonciers, ainsi que les conseillers internationaux. C’est sur la base de ce dialogue que doivent être élaborés les projets de loi en matière foncière.

6.7 En l'absence d'une législation élémentaire, des pressions peuvent s'exercer pour que certaines activités précèdent l'élaboration de lois habilitantes. Le risque est que cette législation, lorsqu'elle est finalement adoptée, ne soit pas totalement compatible avec les concepts en vigueur au moment où les activités ont été menées. Pour éviter toute difficulté, il faut veiller à ce que le délai qui s'écoule entre le début des travaux et l'élaboration de la législation ne soit pas excessivement long.

Restitution

6.8 Les occupations de terres non autorisées font partie des aspects inévitables des périodes postérieures à un conflit. Elles ne posent pas nécessairement de difficultés puisqu'elles permettent d’assurer un abri et une source de production vivrière à des populations ne disposant pas de solutions de rechange. Toutefois, des problèmes risquent de se poser à plus ou moins longue échéance si des solutions ne sont pas trouvées. Celles-ci doivent cependant ne pas consister simplement à reconnaître des droits à la terre mais aussi avoir pour objet de favoriser la réconciliation nationale. Elles supposent en général une approche coordonnée des revendications portant sur les terres et les problèmes de logement, et passent aussi parfois par l'utilisation de terres domaniales.

6.9 Des structures administratives devront être mises en place:

Il convient de déterminer dans quelle mesure les organismes internationaux peuvent prendre part au processus.

ENCADRÉ 9
MODES DE RÉSOLUTION DES LITIGES

Le jugement est le processus consistant à trancher un conflit. Les parties aux litiges doivent soumettre des éléments de preuves et ne prennent pas part à la décision finale.

  • S'il existe des tribunaux généralistes dans le monde entier, seuls quelques pays disposent de tribunaux spécialisés dans les litiges fonciers.

  • Les commissions foncières sont des organes officiels chargés d'enquêter sur les problèmes ou d'appliquer la politique en matière foncière. Elles sont parfois créées pour statuer sur des requêtes dans le cadre de programmes d'attribution de titres de propriété et de constitution de registres. Présentant un caractère moins officiel que les tribunaux, elles peuvent se déplacer pour aller à la rencontre des communautés.

  • L'arbitrage est le processus de règlement des différends consistant à faire appel à un tiers impartial désigné sous le nom d'arbitre. Le rôle de l'arbitre est moins formel que celui d'un organe judiciaire, mais n'en est pas moins défini par la loi. L'arbitrage est souvent plus rapide que le processus judiciaire.

La négociation est le processus par lequel les parties arrivent conjointement à un accord. Des règlements négociés peuvent être utiles lorsque le différend n'est pas insurmontable et que les parties souhaitent trouver une solution.

  • Des mécanismes de négociation coutumiers sont communément utilisés dans de nombreuses sociétés pour résoudre les litiges dans le domaine foncier. Il s'agit habituellement d'une démarche volontaire. Les chefs de communauté énoncent parfois des normes coutumières, mais les règles en matière de preuve peuvent être adaptées au différend.

  • La médiation est le processus par lequel un tiers neutre, le médiateur, aide les parties à trouver une solution mutuellement acceptable.

Ces différentes possibilités peuvent être combinées. En général, une négociation est d'abord tentée et, si les parties ne parviennent pas à un accord, l'affaire est soumise à arbitrage ou à une autre forme de jugement.

6.10 Il convient de définir les règles applicables en matière de jugement, par exemple:

6.11 Le système doit être accessible aux populations. Celles-ci doivent pouvoir aisément soumettre des demandes dans l'ensemble des zones concernées. Toutefois, il faut veiller à appliquer des procédures méthodiques dans l'ensemble du pays, le manque de compétences ou de moyens des administrations décentralisées pouvant donner lieu à l’application de règles arbitraires. Les formulaires et les notices explicatives doivent être rédigés dans les langues locales et tenir compte du niveau d'alphabétisation de la population. Il faut décider si des droits sont à percevoir à un stade du processus. Dans ce cas, ils doivent être à la portée de la population. De même, le système doit correspondre aux ressources de l’État. Sa conception doit tenir compte de la faiblesse des moyens disponibles. Il convient d'estimer le coût des options possibles pour veiller à ce que les formules adoptées puissent être appliquées.

6.12 Un dédommagement peut être proposé lorsque la terre ne peut être restituée. Il peut s'agir d'une parcelle de terre équivalente. Les mécanismes d'indemnisation sous formes monétaires fonctionnent en général moins bien, les États manquant généralement de ressources au terme d'un conflit et les donateurs hésitant à financer des fonds d'indemnisation.

6.13 Les expulsions sont parties intégrantes des activités liées à l'administration foncière à l'issue d'un conflit. Un mécanisme d'expulsion doit être conçu et mis en œuvre dans les conditions appropriées. Il faut définir clairement qui est responsable des expulsions et comment celles-ci doivent se dérouler, de manière à éviter les abus et l'aggravation des problèmes de déplacements de population. Ainsi, il peut être spécifié que les occupants seront relogés ou que le bien devra être utilisé immédiatement après l'expulsion. Un bon moyen de vérifier si le système fonctionne, à savoir si la légalité est respectée, est de considérer comment il est appliqué lorsqu’il s’agit d’expulser des personnalités en vue.

Réinstallation

6.14 Il est nécessaire d'attribuer des terres aux populations qui n'en possèdent pas ou qui ne peuvent regagner leur région d'origine. La difficulté consiste à trouver des terres à cette fin. Il convient d'examiner les liens entre les zones rurales et urbaines dans la mesure où de nombreux ruraux sont appelés à gagner les centres urbains pour y trouver un moyen d'existence.

6.15 Il est probable qu'une solution à long terme passe par l'utilisation des terres domaniales, qu'elles soient abandonnées ou non utilisées. Ces terres sont parfois administrées par un grand nombre de services différents. Il peut être nécessaire de concevoir des mécanismes afin d’en transférer le contrôle pour l’application des programmes de réinstallation. Une telle démarche peut ne pas être simple si les administrations responsables considèrent que les terres domaniales sont leur propriété et qu'elles constituent une partie de leur patrimoine ainsi qu'une source de pouvoir et de prestige. Il se peut également que les terres domaniales soient placées sous la responsabilité d'administrations locales. Il peut être nécessaire de renforcer les capacités de celles-ci afin que l'utilisation des terres dont elles sont responsables soit convenablement planifiée.

6.16 L'utilisation de terres domaniales abandonnées peut parfois ne pas poser de difficultés, notamment lorsque de vastes exploitations attribuées avant le conflit ont été laissées à l'abandon et qu'il est peu probable qu'elles soient réclamées. Dans d'autres cas, l'utilisation de terres privées abandonnées et de terres coutumières peut se révéler complexe. Il conviendra de veiller à ne pas aggraver les problèmes, l'État pouvant engendrer un litige entre ses services, les propriétaires de la terre et les populations réinstallées. Il faut chercher à déterminer avec soin la nature des droits afférents à la terre utilisée pour des programmes de réinstallation, afin de veiller à ce que les utilisateurs n'en soient pas dépossédés par erreur. Il est indispensable d'étudier les droits des communautés d’accueil ainsi que les droits des personnes à installer (voir encadré 10).

ENCADRÉ 10

PROTECTION DES DROITS DES COMMUNAUTÉS D'ACCUEIL ET DES POPULATIONS À RÉINSTALLER

En cas de réinstallation, il convient d'étudier les droits des communautés d'accueil et de se poser notamment les questions suivantes:

  • Quels sont les droits prévus par la loi et les droits coutumiers des populations locales (en tant qu'individu ou groupe) sur la terre et sur d'autres ressources naturelles?

  • Comment ces droits sont-ils acquis?

  • Quelle en est la valeur dans des circonstances normales et en période de tension?

  • Quelles en sont la légitimité et la légalité à l'échelon local et régional?

  • Comment l'attribution de droits à des colons peut influer sur les droits des populations locales?

  • Quels problèmes les colons peuvent créer?

Il convient d'étudier les droits des personnes devant être réinstallées et de se poser les questions suivantes:

  • Quels mécanismes peuvent permettre d'attribuer aux DI et à d'autres catégories de la population des droits énoncés par la loi sur des terres qu'ils ont occupées pendant un certain temps sans qu'aucune réclamation ait été formulée?

  • Quels sont les mécanismes permettant aux colons d'avoir accès à des terres et à l'utilisation de ressources naturelles?

  • Qui attribue ces droits?

  • Quelle est la valeur de ces droits?

  • Comment les ménages ayant à leur tête une femme ont accès à la terre et à d'autres ressources naturelles et quelle est la valeur de ces droits?

6.17 Des mécanismes particuliers peuvent être nécessaires pour l'attribution de terres à des groupes vulnérables. Il arrive que les femmes, et les veuves en particulier, aient des difficultés à accéder à des terres soumises au droit coutumier. Les personnes vulnérables peuvent avoir des besoins relativement différents de ceux d’autres catégories et sont généralement moins à même d'acquitter un loyer ou des redevances pour des services. Lorsque les groupes vulnérables sont nombreux, des procédures simplifiées doivent parfois être mises en place pour la soumission des demandes et pour le règlement des problèmes, compte tenu des faibles moyens à la disposition des gouvernements. Il convient d'attribuer des terres à titre permanent aux groupes vulnérables dès que possible, mais il peut être nécessaire de leur attribuer dans un premier temps des droits temporaires à la terre en sachant qu'ils pourront être réinstallés dans certaines circonstances.

Établissement d'un système fonctionnel

6.18 Quelles structures administratives durables faut-il mettre en place pour appliquer les politiques destinées à améliorer l'accès à la terre? La réponse varie en fonction d'un certain nombre de facteurs comme la capacité des responsables de l'administration foncière à appliquer les politiques. Les aspects financiers jouent un rôle important. D'une part, les capacités de financement de l’État risquent d’être sans commune mesure avec les investissements requis pour remettre en place le système. L'importance des investissements réalisés dépend de la volonté de la communauté internationale de les financer pendant un certain nombre d'années. D'autre part, les services proposés devant être à la portée des moyens de la population, les recettes encaissées par les administrations concernées seront vraisemblablement faibles.

6.19 Mandat et structure. Des responsabilités doivent être assignées aux institutions pour les différentes tâches administratives qui leur incombent telles que la restitution des terres et la réinstallation, les expulsions, l’administration des terres domaniales et des terres privées abandonnées ainsi que la gestion des registres fonciers et du cadastre. Les fonctions liées à la résolution des litiges ou à la réalisation des expulsions sont généralement séparées des fonctions liées à la gestion des registres ou des terres elles-mêmes. Confier la responsabilité de tous les problèmes d'administration foncière à un service unique peut être une solution simple sur le plan administratif, l'existence d'un seul organisme pouvant limiter les risques de chevauchement des activités et améliorer la coordination. Toutefois, imposer un organisme unique risque de ne pas présenter que des avantages si les responsabilités sont partagées entre plusieurs administrations pour des motifs historiques ou de préférences locales.

6.20 Les demandes de restitution et les litiges liés à la terre supposent des décisions en matière de droits de propriété. La Constitution peut spécifier si de telles décisions doivent être prises par une instance judiciaire ou par un service de l'administration foncière. Si un règlemend judiciaire s'impose, il peut être nécessaire de créer un tribunal spécial chargé de statuer sur les litiges liés à la terre, lorsque le système judiciaire est surchargé par des affaires pénales et civiles.

6.21 Quelle que soit la structure mise en place, il convient de concevoir des méthodes de gestion des projets en vue d'assurer une bonne coordination, par exemple pour assurer les flux d'informations voulus entre les services responsables de la restitution des terres et ceux qui tiennent les registres fonciers.

6.22 Personnel. Les politiques de recrutement des services de l'administration foncière doivent être définies. Une partie du personnel formé peut avoir été impliquée dans des malversations au cours du conflit ou être considérée avec suspicion en raison de sa collaboration avec un groupe particulier. Elle peut néanmoins posséder le savoir et l'expérience requis pour relancer les activités. Il faut comparer le coût et les avantages de la solution consistant à se priver des connaissances potentiellement utiles de ce personnel. Le personnel subalterne peut avoir eu une attitude moins répréhensible que les cadres ayant occupé des postes de responsabilité. Les plans de dotation en personnel des services doivent tenir compte de ces aspects.

6.23 Des règles doivent être établies concernant les conditions de travail. La viabilité des opérations suppose un personnel compétent et motivé, ce qu’il sera difficile d’obtenir si ce dernier est mal payé et travaille dans des conditions difficiles, et si la promotion de chacun dépend plus de ses relations que de ses qualifications et de sa compétence. Les services de l'administration foncière peuvent se voir désorganisés par les mutations d’ordre politique de nombreux employés dans d'autres unités. Une telle mobilité peut démotiver le personnel, notamment lorsque des employés très qualifiés sont remplacés par un personnel aux qualifications et aux connaissances plus limitées.

6.24 Des programmes de formation doivent être conçus dans le but d’informer le personnel des services de l'administration foncière et des tribunaux des nouvelles politiques et lois adoptées dans leur domaine de compétence. Le personnel de direction doit recevoir une formation en matière de planification et de gestion des programmes de travail. Les cadres doivent être formés en vue d’assumer de nouvelles responsabilités sur le plan technique. Le renforcement des capacités humaines des services de l'administration foncière doit notamment consister à inculquer une certaine vision des nouveaux services, à mettre en place des réseaux professionnels et à coopérer avec d'autres parties prenantes afin de comprendre leurs besoins et leurs exigences. L’un des moyens de parvenir à cet objectif consiste par exemple à faire découvrir au personnel les bonnes pratiques appliquées dans d'autres pays en organisant des voyages d'études ou en participant à des conférences internationales. Les programmes de formation doivent être suivis de manière à tenir compte de l'évolution des politiques, de l'introduction de nouvelles orientations et des changements de personnel imputables, par exemple, aux promotions ou aux mutations.

6.25 Locaux. Un important aspect de la reprise des opérations passe par la rénovation des bureaux et salles d'audience ainsi que des archives. Le calendrier des ouvertures de nouveaux bureaux doit être conçu en fonction du programme des restitutions et d'autres processus. Il importe que les opérations soient accessibles au public et cela n’est pas toujours possible. Toutefois, si les bureaux sont fermés au public pour des raisons de sécurité, la population risque d’être écartée du processus d’amélioration de l'accès à la terre et de l'administration foncière.

6.26 Equipement. En raison de la destruction ou du vieillissement des équipements, il pourra être nécessaire d’en emprunter ou d’en louer jusqu'à ce que les équipements nouvellement acquis soit disponibles. Des possibilités d'acquérir du matériel temporaire devront peut-être être recherchées.

6.27 Registres fonciers. Les services de l'administration foncière sont appelés à gérer des volumes croissants de registres fonciers et des installations de stockage sûres doivent être prévues à cet effet. L'accroissement du volume des registres devrait s’expliquer en partie par la reconstitution des registres manquants, mais aussi par l'application des programmes de restitution de terres et de réinstallation. Les besoins de stockage de documents imprimés peuvent diminuer si la validité de registres informatisés est reconnue par la loi. L'introduction de technologies numériques nécessite la mise en place de tout un système avec des caractéristiques de sécurité classiques, notamment l'archivage des dossiers numérisés ailleurs que dans le service où a lieu l'enregistrement.

Coordination et communication

6.28 Coordination entre les parties prenantes. Les mécanismes de coordination mis en place durant la phase d'urgence doivent parfois être adaptés et renforcés au cours de la période de prises de décisions à titre permanent Au fur et à mesure que l'administration s'étoffe à l’issue du conflit, elle formule,,dans toute une série de domaines, des orientations pouvant avoir une incidence directe ou indirecte sur le système d'administration foncière. Il peut être nécessaire de réexaminer les politiques de la première heure dans des domaines tels que l'aide humanitaire, les migrations et la sphère financière, et d'en évaluer l'impact possible sur l'administration foncière. Les données concernant les conséquences prévisibles de ces orientations devront être transmises à une instance chargée de définir des politiques telle qu'un groupe de coordination.

6.29 Il faut lancer les consultations avec les parties prenantes dès que possible, de manière à promouvoir un débat national sur l'accès à la terre dans le cadre institutionnel mis en place. Les données sur les programmes de restitution des terres et de réinstallation doivent être communiquées à la population à un stade précoce et pas seulement lorsque la législation est élaborée. Il importe d'assurer une bonne préparation et de planifier correctement les différentes étapes car il faut souvent diffuser les idées dès le départ, de sorte qu'un débat s’instaure avec toutes les parties prenantes. En particulier, les procédures d'accès à la terre doivent faire l’objet d’une coordination avec les institutions locales, afin de créer un lien entre les services centraux de l’État et les communautés locales. Celles-ci seront ainsi plus à même de considérer les décisions en matière d'accès à la terre comme légitimes.

6.30 Communication. Des programmes doivent être mis en place pour tenir la population informée de l'évolution des politiques et de la législation. Ce type de communication minimise les risques de confusion et améliore la transparence de l'État. Il faut aussi informer la population de la manière dont elle peut protéger ses droits d’accès à la terre ainsi que des règles et procédures en vigueur pour la restitution des biens et la régularisation des droits. Il convient de créer toute une série de messages pour les différents types de publics en faisant appel à des supports tels que: brochures d'information, affiches, vidéos, presse écrite, radio et télévision.


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