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ANNEXE D
Rapport succinct de la table ronde sur l'amélioration des avantages qui peuvent dériver de la pêche dans les réservoirs africains

La table ronde a eu lieu au Caire (Egypte) les 11, 12, et 13 janvier 1983. Des rapports de synthèse ont été présentés sur les réservoirs des pays suivants: Egypte, Ghana, Madagascar, Mozambique, Soudan et Zimbabwe. Le présent additif au document CIFA/83/Inf. 5 trace les grandes lignes des débats de la table ronde et sera suivi sous peu d'un rapport plus complet.

Les pêches dans les réservoirs africains sont importantes étant donné la superficie sur laquelle elles portent - quelque 30 000 km2 pour les réservoirs supérieurs à 10 km2 -et leur contribution aux pêches continentales globales de l'Afrique, soit environ 10 pour cent ou 150 000 tonnes.

La table ronde a souligné l'importance d'une planification effectuée bien avant que démarre la mise sous eau, afin d'accroître les avantages pouvant dériver de la pêche dans les réservoirs africains. Les débats ont été axés sur l'amélioration de la capacité de prévoir le rendement des pêches dans les réservoirs, ce qui permettrait d'estimer les apports nécessaires à l'avenir en matière d'aménagement et de mise en valeur des pêches.

Il ressort des divers exposés que certains parmi les plus grands et les plus anciens réservoirs africains approchent désormais de leur capacité maximum d'exploitation, tandis que d'autres demeurent considérablement sous-expoités bien qu'on connaisse leur potentiel d'expansion restant. Dans le premier cas, on a mis l'accent sur la nécessité d'une évaluation périodique ou continue des ressources en poisson après la mise sous eau. Il faut disposer de renseignements sur les ressources halieutiques pour pouvoir planifier l'aménagement rationnel des pêches et leur développement. On a fait observer à cet égard qu'il existe des méthodes nouvelles et relativement simples pour évaluer ces ressources. Un résumé de ces méthodes figurera en annexe au Rapport de la table ronde.

Dans le sillage immédiat (1983) des activités du CPCA sur l'accroissement des avantages pouvant dériver de la pêche dans les réservoirs africains, sont prévues: i) une compilation des synthèses nationales sur la pêche dans les reservoirs et un rapport plus détaillé sur les délibérations et les recommendations de la table ronde, qui seront publiés dans la série des rapports techniques du CPCA; et ii) la diffusion, également sous la forme d'une publication du CPCA, d'une “Bibliographie sur les pêches dans les réservoirs.”

Les participants à la table ronde ont décidé qu'en s'écartant du plan initial d'opérations on pourrait mieux servir les objectifs de la synthèse, consistant à accroître les avantages découlant des pêches dans les réservoirs.

Ainsi, plutôt que d'essayer de préparer un manuel général sur la planification des pêches dans les réservoirs (voir CIFA/83/Inf. 5, p. 2), ils ont opté pour la rédaction de rapports techniques CPCA pouvant porter sur les besoins précis en matière de planification, d'aménagement et de mise en valeur de ce type de pêches, soulignant qu'il s'agirait là d'une formule à la fois plus utile et plus facile à réaliser.

La table ronde a recensé un certain nombre de domaines prioritaires devant faire l'objet d'étude - domaines qui sont énumérés ci-après avec une brève justification. On a estimé que chaque étude ou examen pourrait être effectué sur la base d'un ou de deux mois/ homme de travail. Les résultats de ces études seraient publiés par le CPCA sous forme de documents techniques distincts, dont chacun apporterait une contribution importante à l'amélioration des pêches effectuées actuellement dans les réservoirs africains ou permettrait de mieux planifier les nouvelles entreprises.

1. Examen des petits poissons pélagiques peuplant les lacs naturels et les réservoirs africains et évaluation critique de leur contribution actuelle à la production et de leur potentiel d'exploitation

Il a été reconnu que le poisson pélagique représente déjà (lac Kariba) ou potentiellement (Volta, Kainji) une ressource considérable pour la pêche. La diversité des espèces formant les stocks clupéides de différents réservoirs semble constituer un obstacle majeur à l'application des méthodes mises au point pour un réservoir donné, et il est nécessaire d'évaluer de façon plus appronfondie tant la biologie des espèces que les technologies halieutiques en vue de l'utilisation optimale de ce stock de poisson. Le seul exemple d'introduction de clupéides dans un réservoir africain a montré que les clupéides s'adaptent tout-à-fait bien aux conditions des grands réservoirs africains, remplissant ainsi une niche généralement vacante.

2. Formulation d'une relation spécifique pour les réservoirs africains en vue de prévoir leur production, fondée sur des données à jour concernant les captures et des indices morphoédaphiques, et recherche d'autres paramètres non-IME pouvant servir à améliorer la précision des prévisions de la production halieutique des réservoirs

La relation production-indice morphoédaphique a été reconnue comme étant le meilleur instrument disponible pour prévoir le potentiel de production halieutique des réservoirs avant mise sous eau. Toutefois, la relation initiale était fondée sur une combinaison de données concernant les pêches dans les lacs et réservoirs africains. D'un point de vue écologique et morphologique, la relation production-IME des réservoirs devrait être dissociée de celle des lacs. Les données fournies grâce à l'effort de synthèse permettent de calculer un IME à jour spécifique pour les réservoirs qui devrait accroître la précision de cet instrument pour l'estimation du potentiel de rendement des pêcheries des réservoirs. Il a été reconnu que les paramètres non-édaphiques pourraient servir non seulement à établir des relations production-IME améliorées mais aussi à expliquer les variations considérables du rendement des pêches dans les réservoirs. Aussi ces paramètres seront-ils recherchés pour affiner le processus de prévision du rendement des pêches dans les réservoirs.

3. Examen des études physico-chimiques avant mise sous eau visant à évaluer les types de renseignements nécessaires à la prévision du potentiel des pêches dans les réservoirs

L'expérience présente a montré que souvent les études avant mise sous eau couvrent trop de collections de données qui n'ont rien à voir avec la production de poisson des réservoirs futurs.

Les participants à la table ronde ont reconnu que les données les plus utiles étaient constituées par la liste des espèces de poissons, ainsi que par la morphométrie et la géologie du futur réservoir. Un examen de ces études devrait permettre d'établir combien des renseignements rassemblés avant la mise sous eau ont effectivement été utilisés pour prévoir le potentiel halieutique et quelles sont les données qui, le cas échéant, devraient être recueillies en plus de ces études. Les débats ont fait par exemple ressortir qu'une meilleure connaissance de la morphométrie des lacs, des disponibilités en phosphore réactif et des taux de flux pourrait aider à mieux prévoir le potentiel futur des pêches.

4. Etude de la possibilité d'améliorer les pêches dans les réservoirs moyennant la conception des barrages et la gestion des réservoirs

Le potentiel de rendement halieutique des réservoirs est affecté par la conception des barrages et la gestion des réservoirs. La baisse du niveau des réservoirs par exemple peut influer sur la production biologique littorale ainsi que sur l'efficacité de la pêche. On a fait valoir qu'en matière d'exploitation des réservoirs on pouvait valoriser les pêches sans pour autant compromettre l'aptitude des réservoirs à produire de l'électricité et de l'eau pour l'irrigation. Cela s'ensuit donc être applicable d'ores et déjà aux pêcheries existantes. Il s'ensuit également qu'on peut envisager de modifier la conception des barrages en vue d'améliorer le potentiel halieutique. La modification de la conception des barrages pourrait intervenir dès la conception de ceux-ci. Cette étude cherche à établir dans quelle mesure on peut intégrer l'intérêt des pêches dans la gestion des réservoirs et la conception des barrages. On envisage de confier l'exécution de l'étude à un biologiste/limnologiste et à un ingénieur ayant de l'expérience dans la conception et l'exploitation des grands barrages.

5. Experience acquise en matière d'inondation de zones non défrichées ou partiellement défrichées, ou de zones dépourvues de végétation: incidences sur les pêches

Le défrichage de la végétation terrestre avant mise sous eau revient cher, et lorsqu'il s'agit de zones très étendues cette opération est même impossible. L'expérience a montré que la présence d'arbres noyés favorise la productivité halieutique, mais rend la capture plus difficile. On recherche parfois un compromis lorsqu'il s'agit de choisir la zone à défricher avant l'inondation. Une évolution de l'expérience récemment acquise dans différents environnements devrait aider à mieux formuler les propositions avant la mise sous eau des futurs réservoirs.

6. Incidences de la prolifération de macrophytes aquatiques sur la pêche dans les réservoirs

Quelques réservoirs africains connaissent deux phases dans leur invasion par les macrophytes aquatiques: on assiste d'abord à une prolifération de macrophytes flottants, qui peuvent parfois recouvrir plusieurs kilomètres carrés de surface; puis on assiste à une diminution des macrophytes flottants et à l'apparition d'une ceinture de macrophytes littoraux, submergés et émergents. Un couvert végétal durant la première phase peut avoir un impact négatif sur la population ichtyque et du même coup rendre difficile, voire impossible, les opérations de pêche. La végétation littorale a en général un effet très positif sur la production de poisson. Il convient d'évaluer d'urgence les incidences négatives et positives des macrophytes sur la production de poisson et sur les pêches, de manière à pouvoir formuler des recommandations pour les futurs projets de réservoirs.

Outre les activités prioritaires évoquées ci-dessus, la table ronde a atteint les quelques conclusions suivantes:

a) Aménagement des réservoirs de savane et des réservoirs de forêts tropicales: avantages et inconvénients respectifs

Les réservoirs de savane ont des caractéristiques climatiques et une faune similaires et forment ainsi un ensemble souple “d'aménagement/développement.” En revanche, les réservoirs des forêts tropicales sont relativement improductifs et appauvris en faune ichtyque. Ainsi, pour ces dernières, il pourrait se révéler nécessaire de procéder à des introductions et parfois même à une réalimentation continuelle des stocks.

b) Communications entre gestionnaires, planificateurs et spécialistes du développement des ressources

Dans un cas, les gestionnaires ayant efficacement communiqué le potentiel des spécialistes du développement, on a vu s'établir une politique rationnelle d'aménagement des pêches avant que lesdites ressources n'aient été sérieusement compromises. Pour ce qui est des autres réservoirs africains, les carences de la communication et le manque de transformation de celle-ci en politiques ont abouti à une surexploitation des ressources halieutiques, ou menacent d'y aboutir à mesure que ces réservoirs approchent de leur rendement eumétrique. Par contre, au moins en partie, une communication inefficace entre ceux qui évaluent les ressources et ceux qui les développent, a eu pour résultat une sous-exploitation notable de ressources halieutiques considérables. Il faut - c'est clair -établir des lignes de communication et mettre en oeuvre les politiques si l'on veut tirer tout le parti possible des ressources halieutiques des réservoirs.

c) Grands réservoirs et petits et moyens réservoirs: avantages et inconvénients respectifs

Nécessairement - à une exception près - la table ronde a axé ses travaux sur les grands réservoirs. C'est parce que ceux-ci ont bénéficié de l'attention la plus scientifique et permettent par conséquent de disposer d'un maximum d'informations. Toutefois, il existe de nombreux réservoirs qui, bien que de dimensions plus modestes, ont une importance locale considérable en raison du poisson qu'ils fournissent. Ces petits systèmes de réservoirs peuvent êtres plus productifs que leurs “homologues”, qui sont plus vastes et mieux étudiés, et peuvent être plus faciles à aménager. Pour en tirer le meilleur parti, on pourrait commencer par rassembler des renseignements concernant leurs caractéristiques physiques et biologiques, ainsi que leurs ressources halieutiques.

d) Aménagement des réservoirs en cascade

Les réservoirs en cascade, lorsqu'il y en a plus d'un surla même rivière, sont de plus en plus connus en Afrique, à mesure qu l'on cherche à exploiter au maximum les ressources en eau disponibles. Pour les pêches, les implications sont différentes. Par exemple, il semble que ces réservoirs soient très differents les uns des autres, ce qui rend improbable l'apparition de situations halieutiques comparables. Il faut donc effectuer des études détaillées avant mise sous eau pour déterminer comment le réservoir situé en amont peut affecter les caracteristiques halieutiques du suivant, de manière à minimiser les incidences négatives et à tirer le meilleur parti des interactions positives lors de la planification des opérations de pêche.

e) Différentiation et aménagement des stocks dans les sous-bassins de réservoirs

Les grands réservoirs constituent des écosystèmes moins homogènes que les grands lacs. Par exemple, les parties des réservoirs directement influencées par les principales rivières qui s'y jettent diffèrent des sections plus lacustres. Par conséquent, les prévisions intéressant l'ensemble d'un réservoir peuvent ne pas s'appliquer à l'évaluation des ressources ou à l'aménagement des pêcheries des divers sous-bassins. Par exemple, les zones amont des réservoirs maintiennent des populations migratrices depoissons originaires de la rivière, alors que dans le reste du lac les populations sont véritablement lacustres.

f) Incidences sur les pêches de la phase initiale et hautement productive des réservoirs

Quelques années seulement après la fermeture des réservoirs, la productivité atteint un maximum. Les planificateurs devraient tenir compte de cela. On peut tirer parti de cette phase de forte production si les pêcheurs sont très mobiles. Toutefois, s'ils ne le sont pas, il faut s'assurer que les moyens de production halieutique (capitalisation, main-d'oeuvre) ne soient pas de beaucoup supérieurs à ceux qui seront nécessaires pour une production soutenue de poisson, dans la phase suivante du réservoir, plus stable que la première.


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