Page précédente Table des matières Page suivante


5. LA POLLUTION DES EAUX AU GHANA

Le Ghana possède d'abondantes ressources en eaux. La majeure partie du pays est occupé par le bassin de réception de la rivière Volta, transformé en un lac artificiel très long. En dehors de ce bassin, il est parcouru par les rivières Pra et Ankobra, relativement longues, qui se déversent dans l'océan Atlantique et par un certain nombre de rivières plus petites, dont la Densu, l'Ayensu, la Nakwa et l'Amisa.

5.1 Charges théoriques en polluants

5.1.1 Eaux résiduaires

Quelques stations de dépuration existent au Ghana, par exemple dans les organismes suivants: Volta River Authority à Akosombo, University of Ghana à Legon, University of Science and Technology à Kumai; il existe aussi trois bassins de sédimentation dans la zone métropolitaine d'Accra-Tema. Cependant, la plupart des effluents domestiques bruts se déversent directement dans les volumes d'eau. Tema possède le seul réseau d'évacuation satisfaisant; il recueille tous les déchets, urbains et industriels, qui sont rejetés par un déversoir situé à un mille au large.

Le Ghana Water and Sewage Corporation, qui relève du projet d'adduction d'eau et de tout-à-l'égout d'Accra-Tema, a conduit une enquête sur les besoins d'eau et les rejets théoriques des agglomérations et des industries de la région pour établir son plan d'assainissement. Les résultats comprennent un certain nombre de données sur la qualité des eaux usées (Tekal Consulting Engineers et Architectural and Engineering Services Corporation, 1981).

En ce qui concerne la zone côtière, dans un rapport de 1982, l'ONUDI/PNUE (1982) ont estimé la charge théorique à 22 500 tonnes par an de DBO et à 32 000 tonnes par an de solides en suspension; pour Takoradi-Sekondi, la charge a été estimée à environ 5 000 tonnes par an de DBO et 7 000 tonnes par an de solides en suspension.

Il existe quelques renseignements sur la pollution causée par les résidus domestiques, mais seuls les estuaires, les lagunes et les eaux côtières ont fait l'objet d'une surveillance étendue et complète (Biney, 1982). D'autres études ont été faites, mais de portée restreinte. Ofori (1978), dans une étude consacrée à la rivière Densu et au barrage de Weija, a constaté que les dénombrements totaux et le dénombrement des bacilles coliformes fécaux (effectués sur plusieurs stations) dépassaient de très loin les concentrations admises dans les normes ghanéennes relatives à l'eau potable. Kpekata (1978) a analysé la charge en nutriments de la rivière Odaw à Accra, qui recueille, outre les eaux usées, les résidus d'une brasserie. Il a recommandé un traitement au moins partiel de ces effluents avant déversement dans la lagune d'Accra. Biney (1982) a classé toutes les zones, sur la base du taux de DBO, en trois catégories: ‘zones non polluées et précédemment polluées mais en voie de guérison’ (<4 mg/l), ‘zones de qualité douteuse ou médiocre’ (4–12 mg/l) et ‘zones fortement polluées’ (>12 mg/l). Sur la base de ces critères, les estuaires des rivières Volta, Kakum, Amisa et Ayensu ont été classés comme propres, tandis que les rivières Densu, Nakwa, Pra et Ankobra ont été considérées comme de qualité douteuse. Sur les 16 lagunes, 12 ont été considérées comme polluées à divers degrés, et celles de Korle (Accra) et Chemu (près de Tema) comme fortement polluées.

5.1.2 Effluents industriels

La pollution industrielle n'est pas très étendue au Ghana, car la plupart des industries sont implantées sur la côte, à Takoradi, Tema et Accra. Cependant, il existe plusieurs grandes usines dans d'autres villes, ainsi que des activités minières qui contribuent à la pollution.

L'Unité de recherche sur les ressources hydriques a identifié les zones, sources et types de pollution sur la base d'informations ressemblées au moyen de questionnaires envoyés aux 42 usines et mines les plus importantes pour leur demander des renseignements sur la qualité et la quantité de leurs émissions (Mensah, 1976). Les cours d'eau affectés par la pollution sont, entre autres, les rivières Ofin, Birim, Volta, Densu, Ankobra et certains de leurs principaux affluents. Des tableaux détaillés indiquent les volumes des effluents, leur composition et, dans certains cas, s'accompagnent d'une analyse chimique ou d'observations concernant les eaux réceptrices. Parmi les types d'industries cités, on trouve des usines travaillant le caoutchouc, le verre et le textile, des sucreries, des brasseries, des conserveries et des tanneries. Les principales activités minières concernent l'or, le diamant, le manganèse et la bauxite. Dans un rapport plus récent (ONUDI/PNUE, 1982) dans lequel sont étudiés les principaux établissements industriels situés dans la zone côtière uniquement, la charge a été estimée à 1 400 tonnes par an pour la DBO et à 3 500 tonnes par an pour les solides en suspension. Parmi les activités industrielles difficiles à inclure dans une estimation de la DBO figure une fonderie travaillant l'aluminium, qui a une charge théorique de 1 250 tonnes par an de fluorure.

Quelques projets de recherche ont été entrepris pour voir comment a évolué la qualité des eaux intérieures; quelques résultats ont été repris, par exemple par Mensah (1976). Parmi les cas les plus graves, citons celui du bassin de la rivière Ankobra, où 4 mg/l de cyanure ont été trouvés dans l'Esuokofie, et celui du bassin inférieur de la Volta où est implantée une usine textile et où, en dépit d'une forte dilution, on a enregistré des émissions de 4 400 mètres cubes par jour d'eaux résiduaires noirâtres ayant un pH compris entre 7,6 et 10.

Depuis le début des années soixante-dix, l'Institut de biologie aquatique d'Achimota (Accra) conduit des projets de recherche spécifiquement consacrés aux problèmes de pollution et surveille les caractériques chimiques, biologiques et bactériologiques de quelques rivières (Institute of Aquatic Biology, 1970, 1974). Antwi (1973) a observé une pollution chimique dans quelques rivières et cours d'eau. Ofori (1980) a conduit une étude de cas sur la rivière Lomi. Il n'existe pas d'étude complète et systématique de la qualité des eaux intérieures du Ghana du point de vue de la pollution industrielle, mais les documents et les exemples cités donnent une idée du degré de pollution des eaux dans ce pays.

5.1.3 Pesticides

On a dit que le Ghana était la terre du cacaoyer et des richesses minérales. De fait, les plantations de cacaoyers occupent 28 pour cent des terres, 65 pour cent étant constitués par la brousse et le reste exploité pour d'autres cultures. Les principales zones à cacao sont le sud-est et le sud-ouest du plateau de Kumasi. Jusqu'à il y a quelques années, le DDT et le lindane étaient les principaux pesticides employés. Maintenant, on emploie surtout deux carbamates, le propoxur et le dioxicarb.

Environ deux million d'hectares sont cultivés, mais seulement 50 à 75 pour cent de cette superficie sont traités (quatre fois par an avec 250–500 gramme i.a./ha). On ne dispose pas de données sur les éventuels effets indésirables pour l'environnement, ni sur les résidus laissés par l'emploi de telles quantités de produits chimiques. Sur les autres cultures, on emploie différents produits organiques phosphatés ou des carbamates, mais les quantités appliquées sont nettement moindres. Par exemple, dans la zone du Grand Accra, la quantité appliquée totale de pesticides est d'environ 15 000 litres par an, avec une préférence pour les pyréthroïdes artificiels.

Comme plusieurs autres pays du golfe de Guinée, le Ghana participe au programme OMS de lutte contre l'onchocercose et l'Institut de biologie aquatique d'Accra est chargé de surveiller les effets des traitements sur la faune non ciblée, ainsi que d'exécuter des études de laboratoire. Plusieurs publications sont disponibles et démontrent que les effets de l'Abate sur les populations d'invertébrés sont limités, voire non décelables (Samman et Pugh Thomas, 1978, 1978a, 1979). D'après Abban et Samman (1982), aucune des mortalités massives de poisson observées n'a pu être mise en relation avec le traitement des cours d'eau avec de l'Abate; ces auteurs ont cependant reconnu que pendant la saison sèche, le poisson risque d'être exposé plus longtemps que prévu. Abban et al. (1982), dans un rapport étendu consacré à l'état des populations ichtyques des rivières du nord du Ghana traitées à l'Abate, sont arrivés à la conclusion qu'aucune modification à long terme de stocks de poisson n'a été observée. Il serait de toute façon difficile de distinguer les effets de l'Abate des changements liés à la construction du barrage d'Akosombo et à la mise en valeur du lac Volta qui se poursuit sans cesse.

Antwi (1973) n'a trouvé, en ce qui concerne l'activité de l'acétylcholinestérase (AchE), aucune différence entre des poissons pris dans la Volta Blanche et dans la Volta Rouge, qui avaient reçu des traitements aériens d'Abate pendant trois et cinq ans respectivement. Il a remarqué toutefois une inhibition de l'AchE chez des Tilapia gardés en cages dans la rivière Maraoué en Côte-d'Ivoire, après un traitement de chlorphoxim, un des produits de remplacement de l'Abate. Cet effet est probablement reversible car aucune réduction de l'activité de l'AchE n'a été observée dans des poissons pris dans les rivières Bandama et Nzi, qui avaient été traitées au chlorphoxim pendant 10 mois dans lesquelles les traitements avaient été suspendus six mois auparavant.

5.2 Pêches

D'après la FAO (1984), dans la plupart des villes côtières du Ghana, la pêche est la principale activité. Moins de 20 pour cent des captures annuelles totales (228 000 tonnes en 1983) proviennent des eaux douces, et principalement du lac Volta qui fournit aussi des stocks de poissons géniteurs pour l'aquaculture.

Plusieurs épisodes de mortalités massives de poissons ont été signalés dans les régions minières, en particulier dans le bassin de l'Ankobra. Comme dans beaucoup d'autres pays africains, de mortalités massives dues à une utilisation délibérée de pesticides ont été signalées; l'un des derniers épisodes enregistrés concerne une mortalité massive dans le lac Weija, où du DDT a été utilisé pour la pêche.

5.3 Recherche

La Division de l'hydrologie de l'Architectural and Engineering Service Corporation possède des données, pas toujours complètes, sur les rivières les plus importantes, mais malheureusement jusqu'à 1977 seulement. Les analyses chimiques portent sur les paramètres ci-après: couleur, turbidité, pH, alcalinité, chlorures, nitrites, nitrates, ammoniac, dureté, Ca, Mg, Fe, carbonates, sulfates, Mn et solides en suspension.

Des études consacrées à l'eutrophisation du lac Volta et aux conséquences du programme de lutte contre l'onchocercose sont encore en cours mais, d'une manière générale, la recherche relative aux problèmes de pollution est ralentie pour des raisons financières. Les cas les plus importants, comme les effluents des activités minières du bassin de l'Ankobra et les déchets de la fonderie d'aluminium de Tema, figurent cependant dans les programmes de recherche.

5.4 Législation

Un projet de Décret sur la lutte contre la pollution des eaux, lancé en 1979, doit être achevé et complété. Ce Décret donnera au Conseil de la protection de l'environnement pouvoir de lutter contre la pollution des eaux et d'établir des programmes et méthodes de surveillance. Il ne prévoit pas de normes concernant les émissions, lesquelles seront traitées cas par cas.

Pour le moment, c'est le Comité de lutte contre la pollution des eaux qui est compétent. Quelques mesures ont déjà été prises; par exemple, le grand complexe textile implanté sur la rivière Volta s'est doté d'un bassin de décantation et un certain nombre d'industries ont été avisées des dangers qu'elles comportent et ont été invitées à prendre des mesures appropriées. Il n'existe pas de réglementations sur les pesticides.

Dans quelques cas significatifs, comme la mine d'or situé sur la rivière Ankobra et la lagune de Korle, le Conseil a constitué une équipe chargé d'évaluer les effets sur l'environnement. Elle examinera tous les aspects du problème, y compris la pollution atmosphérique, la gestion de l'environnement et les aspects socio-économiques.

5.5 Conclusions

Un certain nombre d'activités, assez bien documentées, ont été entreprises pour protéger les lagunes et estuaires et minimiser les effets des effluents urbains au Ghana. Il est prévu de mettre en place des installations d'assainissement et il existe des données utilisables pour la planification.

Dans la plupart des cas de pollution industrielle, des mesures relativement simples pourraient être efficaces, vu le volume d'eau dont dispose le pays. Dans une première étape, de simples essais de toxicité aiguë pour le poisson permettraient d'atténuer les dégâts particulièrement évidents et importants imputables aux déchets industriels ou miniers.

En ce qui concerne l'emploi de grandes quantités de pesticides sur les culture de cacaoyers, on manque de données et il faudrait entreprendre des recherches sur trois principales questions: la toxicité des pesticides pour les espèces indigènes de poissons et d'invertébrés; la probabilité d'accumulation biologique, et le sort réservé à ces substances dans l'environnement tropical.

En ce qui concerne l'emploi des pesticides pour la lutte contre les vecteurs de maladies, la situation paraît très semblable à celle de la Côte-d'Ivoire. Des applications d'Abate effectuées pendant plusieurs années n'ont pas entraîné d'effets nocifs évidents, alors que le passage nécessaire au chlorphoxim semble plus préoccupant. L'équipe de chercheurs et d'enquêteurs actuellement au travail aura peut-être la possibilité de déceler précocement les changements indésirables les plus importants, ce qui permettrait d'adopter les mesures voulues.


Page précédente Début de page Page suivante