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8. CONCLUSIONS GENERALES

On a pu constater, en lisant ce rapport, que les charges théoriques sont en augmentation et que la qualité des eaux se dégrade mais que, dans aucun des pays visités, le problème ne présente un caractère aigu.

La pollution des eaux intérieures et des lagunes côtières est sérieuse au voisinage de la plupart des grandes villes (comme Abidjan, Accra et Lagos) mais des mesures sont prises pour améliorer les conditions d'hygiène et atténuer les problèmes d'eutrophisation là où ils existent (lagune d'Ebrié).

La plupart des pays prévoient de lancer ou ont déjà lancé des projets d'assainissement plus ou moins complets; ils n'aboutissent pas nécessairement à la mise en place d'un réseau intégral de tout-à-l'égout, mais diverses activités ont été amorcées dans cette direction.

La pollution industrielle a un impact certain mais qui reste limité dans l'espace car elle se localise dans un petit nombre de zones, principalement littorales, où des mesures pourraient être prises pour combattre les effets indésirables de cette pollution sur les biotopes aquatiques et l'environnement en général.

Deux cas de pollution qui ne sont pas dus à des effluent industriels types appellent une attention particulière: les activités minières au Ghana, l'extraction et le transport du pétrole au Nigéria.

Dans tous les pays et dans des cadres juridiques différents, un registre des sources ponctuelles de pollution a été établi ou est sur le point de l'être. Ces registres jouent évidemment un rôle déterminant dans la lutte contre la pollution des eaux. A quelques exceptions près, les données concernant la qualité des effluents et l'état des eaux réceptrices sont extrêmement rares.

La seconde étape de la stratégie à long terme à mettre en place pour lutter contre la pollution des eaux concernera donc l'activité des laboratoires, qui devront analyser les caractéristiques des émissions de polluants et étudier, dans chaque pays, la situation des systèmes aquatiques. Un bon exemple de ce type de travail est celui entrepris au Ghana sur les estuaires et les lagunes, mais il ne porte que sur les déchets organiques.

Dans certains pays, il existe bien de laboratoires qui étudient la pollution des eaux, mais ils ne sont pas dotés de moyens suffisants; ailleurs, ce sont les universités qui s'acquittent de cette tâche (comme au Nigéria); dans d'autres pays enfin des laboratoires spécialisés sont prévus ou en cours de constructions (Côte-d'Ivoire et Cameroun). Sur la suggestion de chercheurs de la région on pourrait, au lieu de construire de nouvelles installations, améliorer les structures et l'équipment des laboratoires halieutiques existants. Comme, en tout lieu et en tout temps, les considérations économiques jouent un rôle décisif (les pays africains ne font pas exception), il serait bon de connaître la qualité et la quantité exactes des émissions de polluants afin de pouvoir tirer partie de la capacité d'assimilation des eaux réceptrices. Il est évident qu'en faisant une place aux mécanismes naturels d'autopurification et de dilution, on pourrait éviter de construire des installations d'épuration coûteuses, avantage non négligeable. Un exemple simple et classique consisterait par exemple à calculer la raréfaction de l'oxygène (courbe en sac) dans une rivière après introduction de déversements DBO d'origine urbaine ou industrielle.

Dans l'immédiat et à court terme, pour les effluents industriels potentiellement toxiques, on pourrait employer un test de toxicité aiguë pour le poisson afin de limiter les déversements les plus dangereux et d'éviter des dégâts immédiats et des mortalités massives de poissons. Mais pour contrôler efficacement la pollution des eaux, il faut faire intervenir des critères de qualité des eaux, critères qui sont établis une fois définis les besoins de qualité des eaux suivant les utilisations envisagées-la consommation humaine et la vie aquatique représentant les utilisations les plus exigeantes. Plusieurs organisations nationales et internationales ont acquis une expérience considérable en matière d'établissement des critères de qualité des eaux, généralement en passant au cible l'information scientifique disponible et en fixant un seuil à ne pas dépasser. Par exemple, d'après la CECPI/FAO, les critères de qualité exigés par la vie aquatique, et en particulier par les poissons d'eau douce, peuvent se définir comme suit:

‘En ce qui concerne les poissons d'eau douce, les critères applicables en matière de qualité des eaux doivent théoriquement permettre la réalisation complète de tous les stades des cycles biologiques et, d'autre part, viser à proteger les eaux du cours d'eau contre l'apparition de conditions susceptibles soit de contaminer la chair du poisson, soit d'obliger celui-ci à éviter un tronçon de rivière dans lequel il serait autrement présent, ou de provoquer dans le poisson une accumulation telle de substances délétères que sa consommation puisse devenir nocive. Ils doivent aussi tenir compte de facteurs indirects, tels que ceux qui influent sur les organismes dont se nourrissent les poissons, si ces facteurs se révèlent importants’.

Des rapports sur les différentes substances sont généralement établis par des groupes de travail qui étudient la chimie du polluant dans l'eau, son action létale et sublétale sur le poisson, le type de toxicité, les facteurs qui influent sur les concentrations létales, font des observations in situ sur les eaux polluées et leur toxicité pour les algues et les invertébrés. Au terme de ces études, on essaie d'établir un critère de qualité du point de vue de la vie aquatique. Dans les quelques cas où il a été possible de contrôler sur le terrain la validité de ces critères, les résultats ont été positifs.

L'application directe aux eaux africaines des critères de qualité des eaux établis en Europe ou en Amérique du nord ne serait pas scientifiquement correcte car les données expérimentales utilisées pour ces études concernent principalement, sinon exclusivement, des espèces d'organismes appartenant à ces régions et que, jusqu'à présent, on ne s'est guère occupé du milieu tropical. Il serait néanmoins impossible de réunir en peu de temps suffisamment de données pour établir des critères de qualité des eaux applicables aux poissons africains. Pour résoudre ce problème, on pourrait chercher à réunir une quantité limitée de données sur la toxicité des polluants pour un petit nombre d'espèces représentatives, comme Orechromis niloticus, Tilapia zillii, etc. En comparant les données obtenues avec un petit nombre de tests de toxicité aiguë réalisés pour quelques substances toxiques et avec les nombreuses données disponibles pour certaines espèces européennes, comme Salmo gairdneri, on pourrait extrapoler et appliquer les critères de qualité existants aux conditions africaines.

Comme il a été dit tout au long du document, la pollution imputable aux pesticides constitue un problème majeur. L'emploi des pesticides est très répandu et les quantités appliquées sont très élevées, mais les données concernant leur toxicité pour les environnements aquatiques africains, sur le sort qu'ils connaissent dans l'environnement et sur leurs résidus, sont peu nombreuses ou inexistantes. Il est possible que l'environnement tropical soit beaucoup moins sensible à ces composés que celui d'autres régions, mais cela doit bien sûr être vérifié. Enfin, comme ce type de contamination provient de sources diffuses et non ponctuelles, les contrôles sont très difficiles à exercer et la protection de l'environnement doit se faire essentiellement au moyen de mesures préventives. Il est donc urgent de rassembler des renseignements qui permettront d'estimer les incidences des pesticides sur les pêches, moyennant une étude de leur toxicité pour la vie aquatique, de la cinétique de leur transformation, de leur sort dans le milieu et de leurs résidus.

Balk et Koeman (1984) ont préparé un rapport sur le développement et l'utilisation du territoire ainsi que l'utilisation de pesticides dans l'Afrique de l'Ouest et dans le Sud-Est de l'Asie. Mal-heureusement, la plupart des informations concernent la région dans sa totalité et, pour cette raison, n'ont pas pu être utilisées dans le contexte de ce rapport.

Cependant, les auteurs confirment le besoin de produire de données sur les problèmes traités ci-dessus.

La consultation de ce rapport est fortement recommandée à tous ceux qui sont intéressés au problème au niveau régional. Il contient en effet une abondance de données, plus spécialement en ce qui concerne l'application des pesticides en agriculture (données principalement basées sur des publications de la FAO) mais aussi sur les développements récents concernant le contrôle des vecteurs de maladies et sur l'écologie de la région.

Le seul cas bien étudié est celui du Programme de lutte contre l'onchocercose, dans lequel l'emploi du témephos semble à tous égards inoffensif, alors qu'on soupçonne le chlorphoxim d'être potentiellement dangereux. Pendant sa sixième session en avril 1985, le Groupe écologique du Programme de lutte contre l'onchocercose a affirmé que, jusqu'à ce jour, aucune pression significative et irréversible n'a été exercée sur quelque vertébré ou invertébré ou sur la flore aquatique que ce soit. Il n'est assurément pas possible d'étudier au même degré tous les autres pesticides employés en quantités élevées, mais il conviendrait de rassembler pour dix substances au moins des données expérimentales sur leur toxicité aiguë pour les organismes d'eau douce africains, sur leur sort dans l'environnement et sur les résidus en milieu tropical. Il faut dire aussi que, outre les problèmes communs dont nous avons parlé, chaque pays a des problèmes particuliers ou des secteurs ‘chauds’. Par exemple, au Mali, le rôle des déchets animaux dans la pollution des eaux doit être évalué. Au Nigéria, le secteur ‘chaud’ du delta du Niger, où l'on exploite le pétrole, demande une attention particulière; dans la lagune d'Abidjan, c'est l'eutrophisation qui pose un problème.


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