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CHAPITRE 2 - Maladies associées aux infections bactériennes

ILLUSTRATIONS:Planche 27
ESPECES TOUCHEES:Toutes les espèces de poissons sont potentiellement sensibles, particulièrement quand elles sont dans une situation de stress. 
SIGNES APPARENTS:Signes externes: hémorragies dispersées sur la peau et particulièrement sur les ouies et à la base des nageoires; ulcères et nécroses sur la peau, pertes d'écailles, exophthalmie et distension abdominales en situation d'ascite ou d'hydropisie. 
Signes internes: limités à des degrés variables d'évolution oedématique dans les viscères et des hémorragies dans les muscles et dans les intestins ou encore, en cas d'hydropisie, péritonite extensive avec des exudats séreux purulents ou hémorragiques. En situation chronique, des lésions ponctuelles peuvent apparaître sur les reins, la rate et le foie. Dans le cas de pourriture des nageoires et des branchies, les signes sont limités à une érosion progressive et à une nécrose des nageoires ainsi qu'à une nécrose consécutive des branchies, souvent visible en taches blanchâtres couvrant les branchies. 
CAUSE:Des bactéries gram-négatives rustiques, du genre Aeromonas Pseudomonas et dans les eaux saumâtres, Vibrio, sont les agents étiologiques les plus fréquents des infections septicémiques, dermiques et viscérales. Plus rarement, on trouve aussi des secpticémies causées par des bactéries gram-positives (Streptococci et Micrococci). La pourriture des branchies et des nageoires est plutôt causée par des myxobactéries (flexibactéries). L'hydropisie infectieuse de la carpe paraît être associée également à une étiologie virale, soit seule soit combinée avec Aeromonas hydrophila. Les bactéries de ce genre sont accessoirement pathogènes et les conditions de stress du poisson, dues aux chocs et aux blessures des manipulations ou encore à la détérioration de la qualité de l'environnement, sont généralement le facteur prédisposant à l'explosion des maladies causées par ces bactéries. 
DIAGNOSE:Un problème critique dans l'étude des bactéries pathogènes du poisson est celui de l'identification correcte et de la détermination de leur rôle comme parasites primaires ou secondaires. La classification de ces bactéries étroitement apparentées est non seulement encore confuse mais une détermination suffisamment sûre requiert une caractérisation physiologique et biochimique rigoureuse, longue et laborieuse. De plus, il n'y a pas de documents bactériologiques de base ni de cultures types disponibles venant d'Afrique, tandis que les données sur les poissons d'eaux chaudes d'ailleurs sont également très limitées. Dans la pratique, il est par conséquent recommandé de déterminer une infection bactérienne chez le poisson et sa caractérisation élémentaire suivant le plan tracé par Bullock et al., (1971a), Lewis (1973) et Klontz (1973); on obtient davantage de valeur pratique en incluant des tests de sensibilité dans l'examen de chacune des lignées isolées, suspectées de causer une morbidité chez le poisson. Les myxobactéries sont plus délicates dans leurs exigences moyennes et sont difficiles à cultiver avec des moyens de routine. Actuellement leur présence est mieux déterminée par l'examen microscopique direct. Ce sont des baguettes allongées délicates ou des filaments gram-négatifs et mobiles. Seuls les poissons fraîchement tués conviennent à un diagnostic bactérien. Pour ce type de diagnostic la surface du poisson est désinfectée (avec de l'alcool à 70 %) et des échantillons sont prélevés dans le sang, l'exudat péritonéal (quand la perforation de l'intestin doit être évitée) et les reins. Il sont ensemencés sur les milieux dans des boîtes de Pétri et incubés pendant 24 à 48 heures à température ambiante (22–28°C). Les prélèvements effectués sur des lésions cutanées ouvertes ou sur les branchies sont de valeur douteuse parce qu'ils peuvent contenir de nombreux types de bactéries saprophytes comme parasites secondaires, surimposées aux agents pathogènes primaires. Le milieu de routine utilisé est le TSA (Trypticase Soy Agar); sinon un milieu bactériologique général, utilisé dans les laboratoires médicaux et comprenant des boîtes de Blood Agar, peut convenir. Si de nombreuses colonies de bactéries apparaissent sur les boîtes, différents types sont isolés par la suite, au moyen de cultures secondaires. Une fois qu'ils sont isolés sur des boîtes individuelles, il est possible de procéder à la caractérisation de chacun des types de bactéries isolés.8
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL:Les atteintes cutanées aussi bien que l'exophthalmie et même que l'hydropisie, ne constituent pas des signes pathologiques spécifiques des infestations bactériennes et peuvent se trouver sur des poissons stressés par d'autres causes - infection virale ou parasitaire aux derniers stades du métabolisme, ou maladies nutritionnelles. Des examens bactériologiques et histologiques sont nécessaires pour déterminer la cause de la condition morbide. La pourriture des branchies par les myxobactéries doit être différenciée des branchomycoses. 
EPIZOOTOLOGIE:Bien que les bactéries, potentiellement pathogènes pour le poisson, soient continuellement présentes dans la plupart des milieux aquatiques, particulièrement dans les étangs et dans les retenues qui sont riches en matières organiques, les épizooties touchent rarement les poissons sans qu'ils aient été exposés à des conditions de milieu particulièrement mauvaises (anoxie ou sursaturation, températures ou salinités extrêmes) ou sans qu'ils aient été en trop forte densité, ou encore sous-alimentés, ou bien blessés et malmenés lors des captures ou des manipulations. Chez les poissons stressés par l'adversité de l'environnement, par des conditions inadéquates, ou par les traumatismes des manipulations, la défense immunitaire est détériorée. Chez les poissons blessés, les dommages occasionnés à la peau perturbent le système d'osmorégulation et causent des stress physiologiques. Les lésions faites directement à la peau facilitent l'entrée des bactéries dans le système interne de l'animal, ce qui fait que les conditions septicémiques suivent les blessures faites à la peau si ces dernières ne sont pas traitées. Dans les eaux chaudes, les hautes températures accélèrent la reproduction des bactéries et, en conséquence, leur diffusion et leur pathogénicité. Les données sur les bactéries pathogènes des poissons sont rares en Afrique, à l'exception de deux rapports sud-africains sur la pourriture des truitelles dans des piscicultures du Transvaal et sur la nécrose de la peau et des nageoires chez les anguilles (Anguilla mossambica) élevées à Grahamstown, les deux causées par une myxobactérie (Flexibacter columnaris), également sur une septicémie chez les mêmes anguilles d'élevage, causée par Aeromonas hydrophyla, ainsi que par Pseudomonas putrida. On note, en plus, trois rapports concernant des poissons en condition pathologique avec une étiologie d'apparence bactérienne: la pourriture des nageoires suivie d'une mortalité massive en étang contenant Tilapia melanopleura (72 % des poissons et T. andersoni (28 %) au Transvaal; une épizootie et une mortalité massive consécutive due à l'ascite chez des carpes élevées à Kajansi en Ouganda; enfin, de grandes lésions à foyer ulcéreux, réminiscence de la “boil disease” furent observées chez des Synodontis afrofischeri sauvages du lac Volta. Des infections septicémiques bactériennes par Vibrio et Aeromonas sp., ont été rencontrées sur des Tilapia spp., moribonds, élevés en Israël dans des étangs d'eau douce et d'eau saumâtre. De telles septicémies apparaissent chez les poissons qui ont subi des traumatismes lors des manipulations ou des captures, ou apparaissent spontanément chez les poissons stressés par une température ambiante défavorable (en dessous de 17°C). Une grande variété de bactéries des genres Pseudomonas, Aeromonas Flavobacterium et Micrococcus furent isolées à partir de lésions de la peau, des branchies et des yeux sur Tilapia mossambica élevé en Inde. 
PATHOLOGIE:Les changements pathologiques que l'on observe dans les infections bactériennes sont extrêmement variables. Toutes les fois qu'une infection bactérienne est consécutive à des blessures causées par des captures, par des manipulations ou par des marquages, le processus pathologique en résultant dérive des changements dus au dommage mécanique causé aux tissus, combinés aux changements induits par l'infection bactérienne. Ceci est particulièrement évident dans les lésions cutanées causées par des myxobactéries. De telles lésions sont caractérisées par des hémorragies, des hyperplasies épidémiques, des spongioses dans le tissu périphérique et une nécrose progressive avec un amas bactérien superficiel recouvrant la zone nécrosée. On pense que cette évolution en nécrose et les exudats produits, dus à une irritation primaire et aux agressions mécaniques de la peau et des filaments branchiaux facilitent une infestation bactérienne secondaire. Des lésions cutanées contaminées par Aeromonas, Pseudomonas ou Vibrio sp., se développent souvent en ulcères hémorragiques larges et profonds d'une nécrose progressive qui résulte d'une érosion complète des couches dermiques et épidermiques, en exposant ainsi aux attaques les couches musculaires sous-jacentes. La dégénérescence et l'évolution nécrotique s'étendent souvent à l'intérieur du muscle. Dans les septicémies aiguës causées par ces dernières bactéries, l'évolution pathologique peut se borner à des hémorragies dispersées dans les muscles et dans les intestins, à des nécroses et à des desquamations de la muqueuse intestinale ainsi qu'à des évolutions oedémateuses dans divers organes. De telles septicémies aiguës peuvent - ou non - être accompagnées d'hydropisie et d'exophthalmies. Quand une hydropisie se manifeste, le liquide séreux accumulé dans la cavité abdominale peut être clair ou sanguinolent. Dans les infections bactériennes chroniques, des foyers encapsulés ou diffus (abcès) peuvent apparaître dans divers organes, dans les reins, dans la rate, dans le derme et l'épiderme. De telles lésions peuvent consister en nécroses liquides ou caséeuses mais aussi devenir granuleuses (avec Vibrio). La périphérie de ces lésions est toujours enflammée et hémorragique; elle contient des dépôts de fibrine et est fortement infiltrée par des monocytes ou, plus rarement, par les lymphocytes.9
CONTROLE:Une application de routine d'antibiotiques appropriés, nitrofurans ou désinfectants, après chaque manipulation des poissons, préviendra efficacement la contamination bactérienne des blessures cutanées ou branchiales en résultant et accélèrera le rétablissement des poissons. 
Une telle application est en outre une mesure préventive efficace contre une infection bactérienne subséquente qui suit souvent des lésions cutanées primaires. Les espèces de poissons d'élevage n'ont pas la même sensibilité aux chocs et aux blessures dus aux manipulations, ni la même capacité de récupération. Les cichlidés, ainsi que les mugilidés à peau écailleuse, sont plus sensibles que les carpes miroir, peu écailleuses, et que les poissons chats. En outre, la sensibilité du poisson croît avec l'adversité du milieu: températures extrêmes, teneur élevée de l'eau en matières organiques, aussi bien que le surstockage de poissons. C'est la raison pour laquelle le respect des conditions optimales de croissance dans l'étang est une mesure préventive supplémentaire contre l'apparition d'infections bactériennes à la fois aiguës et chroniques. 
Les désinfectants sont efficaces contre les infections de la peau et des branchies. Les désinfectants usuels sont les composés d'ammonium quaternaire - Hyamine 3500, Hyamine 1622 et Roccal, en bain de 2 ppm pendant une heure, répété pendant trois à quatre jours consécutifs. Le sulfate de cuivre fut également efficace contre la pourriture des nageoires et des branchies des cichlidés à raison d'une immersion de deux minutes dans un bain à concentration de 1/2000°. Les agents les plus efficaces sont les nitrofurans - Nitrofurazone et Furanace, qui sont solubles dans l'eau et bien absorbés par la peau et les branchies et qui sont donc, par voie de conséquence, efficaces dans les infections cutanées, branchiales et systémiques. Le Nitrofurazone est appliqué à raison de 2,5 à 5 ppm et le Furanace à 1 ppm de concentration de matière active, en bain, pendant une à trois heures. Les antibiotiques sont employés en mesures thérapeutiques ou préventives pendant les infections généralisées. Ils sont utilisés en addition aux aliments (Chloramphénicol, Terramycine, Oxytétracycline) ou en injections intramusculaires (Chloramphénicol). Les dosages dans les aliments vont, par jour, de 5 à 7,5 g par 100 kg de poisson par jour pendant 5 à 15 jours. La dose pour injection est de 36 à 50 mg/kg de poisson. Les injections sont efficaces pour prévenir, chez les géniteurs, les septicémies consécutives aux manipulations.12
L'accoutumance et la résistance aux médicaments constituent un problème potentiel constant dans le traitement des infections bactériennes. Il est recommandé, par conséquent, de tester les médicaments suivant les bactéries isolées lors de l'examen. La sensibilité à tel produit est déterminée par l'étendue de l'activité inhibitrice produite autour d'un disque de papier filtre imbibé de substance antibiotique ou antibactérienne. Le disque est alors placé sur une boîte d'agar préalablement ensemencée avec la bactérie à tester (100 ppm par disque pour Nitrofurazone et Furanace, 30 ppm pour Chloramphénicol, etc.). De tels tests peuvent également être effectués avec des disques produits commercialement. 
DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE CONNUE:On trouve des bactéries gram-négatives communes des genres Aeromonas, Pseudomonas et Vibrio et les myxobactéries du genre Flexibacter dans les eaux chaudes aussi bien que dans les eaux froides. Les affinités taxonomiques entre les espèces d'eau froide et d'eau chaude sont encore à déterminer. Aeromonas hydrophyla affecte les anguilles d'Afrique du Sud (Anguilla mossambica). Elle a été également rencontrée sur T. mossambica élevé en Inde et Tilapia spp. élevé en Israël. Vibrio anguillarum fut identifié chez divers poissons dans les eaux chaudes marines et saumâtres d'Israël. 
REFERENCES:7, 23, 24, 39, 49, 89, 127, 145, 211, 236, 259, 262, 263, 298. 

PLANCHE 2

PLANCHE 2: INFECTIONS BACTERIENNES

  1. Hydropisie (ascite) chez la carpe commune (de Kajansi, Ouganda)
  2. Pourriture de la queue et ulcère de la peau provoqués par des bactéries
  3. Pourriture des branchies provoquée par des myxobactéries
  4. Myxobactéries (10–12 μm)
  5. Lésions de la peau chez Synondontis

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