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ANNEXE I
Principaux problèmes à résoudre en matière de mise en valeur et d'aménagement des pêcheries et initiatives proposées

Résumé
Les pays qui se partagent le lac Victoria sont en train de préparer chacun un document sur les principaux problèmes soulevés par la mise en valeur et l'aménagement des pêcheries, qui décrira les problèmes et les solutions possibles de leurs propres points de vue nationaux. Le présent document examine les divers objectifs que devront se fixer les pays en matière de développement et de gestion de leurs pêches. Il décrit l'action à mener pour les réaliser, ainsi que les répercussions qu'elle pourrait avoir dans certains cas sur les plans économique, social et biologique. Une liste d'initiatives possibles d'intérêt commun ou d'intérêt régional est présentée sous forme de tableau pour aider les pays à déterminer les priorités ainsi qu'à préciser le rôle du Sous-Comité CPCA pour le lac Victoria, lequel est chargé de coordonner les mesures prises au niveau national et régional pour améliorer l'aménagement et la mise en valeur des pêcheries du lac.

INTRODUCTION

1. L'un des motifs qui ont présidé à la création du Sous-Comité CPCA pour le lac Victoria a été la nécessité urgente de mettre sur pied un dispositif international efficace pour la mise en valeur et l'aménagement des pêcheries du lac. Pour préciser le rôle du Sous-Comité, on a estimé qu'il était nécessaire de préparer tout d'abord un examen de la situation actuelle de ces pêcheries. C'est ce qui a été fait dans le document CIFA:DM/LV/81/4. Il a en outre été convenu que les pays riverains et la FAO prépareraient des documents de fond sur les questions de développement et de gestion. Il a toutefois été entendu que la FAO se concentrerait sur les problèmes d'intérêt régional.

2. Le présent document examine les principales perspectives en matière de mise en valeur et d'aménagement et les questions qui intéressent les pêcheries côtières et hauturières du lac Victoria. D'une manière générale, il apparaît que les ressources halieutiques côtières se sont épuisées dans le cas de certaines espèces et qu'elles pourraient être surexploitées dans d'autres cas. Le manque de données, ainsi que l'absence de réglementations coordonnées et de dispositif consultatif rendent difficile une évaluation précise de la situation.

Les ressources du large, qui consistent en diverses espèces d'Haplochomis, sont pour la plupart sous-exploitées quoiqu'elles représentent une proportion croissante des captures de certains pays. On examine ici les objectifs que pourraient se fixer les pays riverains et on étudie les effets des initiatives qui pourraient être prises pour les atteindre. Certains d'entre eux pourraient être en contradiction: par exemple, maximisation des revenus d'une part et maximisation de l'emploi de l'autre. En outre, les objectifs sélectionnés par un gouvernement pourraient être différents de ceux d'un autre. De telles situations appellent une collaboration régionale: en effet, le lac est une unité écologique où les mesures prises par l'un des pays ont un rententissement direct sur les ressources des deux autres. En outre, l'homogénéité socio-économique de la ressource et celle de la communauté de pêcheurs ont pour résultat que les problèmes qui se posent à chacun des pays sont en fait des problèmes communs.

3. Malgré les chevauchements possibles entre la présente étude et celles préparées par les trois pays, il convient de noter que ces documents sont principalement destinés à servir de toile de fond pour un examen détaillé des perspectives et des problèmes de la pêche, pour la définition précise des objectifs de développement et pour l'identification des problèmes communs en vue de parvenir à une collaboration régionale pour mettre en valeur et aménager les pêcheries du lac Victoria.

PERSPECTIVES ET PROBLEMES A RESOUDRE

4. Le lac Victoria est le deuxième lac du monde. Des estimations approximatives indiquent qu'il y a sur l'ensemble du littoral environ 50 000 artisans-pêcheurs faisant travailler quelque 12 000 bateaux de pêche et ramenant une récolte annuelle totale d'à peu près 115 000 t. Si l'on prend en considération les familles des pêcheurs et personnes employées dans les branches d'activités auxiliaires telles que la transformation, la commercialisation, la construction de bateaux et la fabrication de filets, il est probable que l'industrie de la pêche fait vivre approximativement 200 000 – 250 000 personnes.

5. Dans les eaux côtières, à savoir jusqu'à la profondeur de 20 m, l'intensité de la pêche, quoiqu'inégalement répartie, est très élevée. Beaucoup d'espèces vivant dans cette zone ont une haute valeur marchande et sont donc très recherchées par les pêcheurs. C'est au Kenya que les opérations sont les plus intenses puisqu'on y trouve 50 pour cent des pêcheurs du lac Victoria, quoique ce pays ne possède que 12 pour cent du lac. En effet, l'absence d'autres possibilités d'emploi attire la population dans le secteur de la pêche, si bien que la pression exercée sur les stocks est telle que les zones de pêche et les zones de débarquement ont été délimitées et affectées à des groupes déterminés de pêcheurs; l'entrée dans la pêcherie est donc limitée. En Ouganda et en Tanzanie, l'intensité d'exploitation est élévée dans les centres de pêche établis, mais moindre par ailleurs.

6. La pression exercée sur les stocks côtiers également par la vulnérabilité de certaines espèces. S'il est assez bien établi que les stocks de tilapias du lac Victoria sont relativement sédentaires, il est connu que Bagrus, Barbus, Labeo et Mormyrus sont plus ou moins migrateurs et remontent les plus grands tributaires du lac pour y frayer. De fait, les mauvaises pratiques de pêche dans l'embouchure des cours d'eau Nzoia et Yala ont conduit à l'épuisement des stocks de Labeo et donc mis fin à cette pêche dans toute la partie septentrionale du lac.

7. La fléchissement des captures par unité d'effort a été noté dès 1928, époque où fut recommandée la création d'une autorité administrative commune pour l'ensemble du lac, chargée d'y réglementer la pêche et de rassembler des statistiques. En 1933, la limite de maillage des filets maillants fut fixée à 127 mm. Après 1945, on observa que la taille des poissons capturés avait considérablement diminué. La réglementation du maillage n'ayant pas été effectivement mise en application, on utilisa des mailles de plus en plus petites et, en 1956, la limite établie fut malheureusement abolie en Tanzanie et en Ouganda. Par la suite, la dissolution du Lake Victoria Fisheries Service (LVFS) et, en 1977, celle de l'Organisation de recherches sur la pêche en eau douce dans l'Est africain (EAFFRO) eurent pour effet d'empirer encore la situation déjà grave des stocks de poisson côtiers.

8. Au large, la situation est tout à fait différente. La biomasse du stock d'Haplochromis est estimée à 600 000 t et le rendement annuel potentiel a été prudemment estimé à environ 200 000 t, contre une récolte effective estimative d'à peu près 50 000 t.

9. La principale difficulté avec Haplochromis est que ce genre comprend de nombreuses espèces - dont aucune ne prédomine dans les captures - qui présentent des différences considérables du point de vue de la structure, du comportement et de la composition. Les poissons ont des arêtes, sont gras et ils sont peu appréciés des consommateurs: ils se vendent donc à prix très bas. Il existe un marché limité pour les produits fumés et séchés au soleil dans une étroite zone littorale. Les expériences de commercialisation d'Haplochromis frais en dehors de cette zone n'ont pas été encourageantes. Les tentatives de préparation de produits en conserve ou fermentés, ainsi que de farines comestibles n'ont pas été concluantes. Comme elle se pratique en eaux plus profondes, la pêche d'Haplochromis exige des bateaux ayant un plus long rayon d'action que les pirogues normalement utilisées, ainsi que des techniques spéciales.

10. La Tanzanie a commencé avec une aide bilatérale qui a permis d'implanter une petite industrie de farine de poisson fondée sur Haplochromis. On signale que l'usine de Mwanza fonctionne assez bien, quoique la variété des espèces complique les opérations. Elle est alimentée par quatre chalutiers. Il y a fréquemment des conflits entre les chalutiers et les pêcheurs opérant dans les eaux côtières car les deux groupes se font concurrence pour les espèces de plus haute valeur marchande.

11. Il existe d'autres possibilités de développement de la pêche dans le lac Victoria. L'amélioration de la production par la réduction de la détérioration permettrait d'offrir aux consommateurs des quantités considérables actuellement perdues. On pourrait aussi s'efforcer d'accroître la valeur marchande du poisson produit, ce qui permettrait d'augmenter le revenu des pêcheurs et faciliterait l'introduction de meilleures techniques. L'amélioration des systèmes de distribution dans toute la région stimulerait la commercialisation et accroîtrait la demande, et permettrait ainsi d'obtenir des prix plus élevés pour le poisson.

12. On ne sait pas grand chose sur les stocks partagés du lac Victoria. Quelques espèces non cichlidée migrent saisonnièrement des eaux côtières peu profondes vers les cours d'eaux et les marécages et pourraient traverser les frontières nationales. Les stocks hauturiers d'Haplochromis sont probablement assez mobiles. Des programmes convenables d'échantillonnage biologique fourniraient d'utiles renseignements sur les stocks partagés, sur la structure des populations et sur les migrations des espèces exploitées.

SELECTION ET DEFINITION PRECISE DES OBJECTIFS

13. La pêche offre l'un des exemples les plus évidents de l'exploitation d'une ressource naturelle où, lorsque ni l'effectif des pêcheurs ni les efforts de pêche respectifs ne sont contrôlés, l'exploitation augmente naturellement jusqu'à ce que les bénéfices nets soient réduits à zéro, c'est-à-dire soient égaux aux coûts nets. Une fois que ce point a été atteint, un accroissement de l'efficacité de certains pêcheurs signifiera une perte égale de production pour d'autres, et s'il existe d'autres possibilités d'emploi, ces derniers quitteront la pêcherie parce que leurs coûts de production seront supérieurs à leurs bénéfices. En d'autres termes, aussi longtemps qu'une pêcherie produit un gain économique net, elle continuera d'attirer l'effort de pêche (les pêcheurs), ce qui se traduira à son tour par un accroissement des coûts totaux; le processus se poursuivra jusqu'à ce que les gains économiques nets soient complètement annulés. Dans les pêcheries nationales aussi bien qu'internationales, cette évolution peut facilement conduire au point où le capital de ressources se trouve gravement lésé, comme on l'a vu dans le cas des pêcheries de Labeo dans la partie septentrionale du lac Victoria.

14. La surexploitation est généralement atteinte en trois étapes distinctes: la première de caractère économique et les deux autres de caractère biologique. Tout d'abord, il y a une période de surcapitalisation, c'est-à-dire que le nombre de pêcheurs et de bateaux est devenu excessif en comparaison avec les dimensions de la ressource. Ensuite, la surexploitation conduit à pêcher les sujets en période de croissance, c'est-à-dire que les prélèvements excessifs effectués sur les stocks exploitables se traduisent par la capture de poissons de plus en plus jeunes. Enfin, la surexploitation compromet le recrutement, c'est-à-dire que l'on capture des géniteurs.

15. Ces trois phénomènes sont successifs, aussi la nécessité de protéger un certain stock ne devient-elle manifeste qu'une fois que la surcapitalisation ou les entrées excessives dans la pêcherie sont déjà une donnée de fait.

16. Les pays qui se partagent le lac Victoria ont le choix entre des solutions variées, et quelquefois opposées, pour l'exploitation des ressources de leur secteur national. L'objectif peut être, par exemple, de maximiser la valeur économique de la production ou son poids (production de protéines de poisson), ou les exportations dans le cas des pays qui ont un excédent de production, ou encore les occasions d'emploi dans les zones où il ne s'offre guère d'autres possibilités à la population, ou bien dans celles où l'on veut ralentir l'exode rural. Les objectifs choisis seront fonction des besoins et priorités nationales.

17. Pour le choix et la définition des objectifs d'aménagement, il y aurait lieu de prendre en considération non seulement la valeur de la production, mais aussi les coûts de celle-ci, de manière à pouvoir maximiser les bénéfices économiques nets.

18. Les objectifs - soient-ils économiques, sociaux ou nutritionnels - peuvent être réalisés à divers niveaux de production.

19. Les aspects sociaux méritent également un examen soigneux lors de la sélection des objectifs. A n'importe quel moment, le volume de l'emploi dans le secteur de la pêche est approximativement proportionnel à l'effort de pêche: la nécessité de limiter ou de réduire les prélevements effectués sur un certain stock aura donc une répercussion directe sur l'emploi. Par contre, le revenu individuel du pêcheur est fonction des captures par unité d'effort, c'est-à-dire que le revenu d'un pêcheur ou groupe de pêcheurs sera d'autant plus élevé que le taux d'exploitation de la pêcherie considerée sera moindre.

20. Cela signifie que la maximisation de l'emploi d'une part, et l'amélioration du revenu moyen de l'autre, sont en contradiction directe. Dans le cas de pêcheries artisanales comme celles du lac Victoria, le volume de la pêche est fortement influencé par le revenu minimum acceptable, compte tenu des possibilités d'emploi dans d'autres secteurs de l'économie. Il semble qu'il en soit bien ainsi au Kenya où les possibilités d'emploi en agriculture sont rares et où le besoin d'exploitation des pêcheries est donc très intense. En tel cas, le seul moyen d'améliorer le revenu moyen des pêcheurs est de limiter les entrées dans les pêcheries. Il est évident que le problème auquel sont confrontées les autorités kényennes dans le golfe de Winan dépasse de beaucoup le simple problème de l'aménagement des pêcheries et qu'il justifie donc une approche intégrée.

21. Même dans les zones où les ressources sont relativement abondantes, l'augmentation du revenu moyen du pêcheur exigerait la limitation des entrées de manière à assurer le maintien d'une densité assez élevée des stocks et, par conséquent des rendements économiques plus élevés.

22. La maximisation de la production alimentaire et celle de l'emploi pourraient toutes deux être obtenues grâce au développement de la pêche d'Haplochromis qui est la seule, semble-t-il, à offrir un important potentiel inexploité. Cela exigerait toutefois l'introduction de nouvelles techniques de capture et de transformation, ainsi que le développement du marché. L'introduction de techniques modernes entièrement nouvelles, comme par exemple des chalutiers modernes, pourrait susciter des conflits entre les pêcheurs et faire surgir d'autres problèmes. Mais le passage de techniques artisanales existantes à des techniques de niveau intermédiaire ou autres techniques appropriées viserait à équilibrer accroissement de productivité et accroissement de production, et il tiendrait compte, par conséquent, de la capacité d'absorption de main-d'oeuvre du secteur de la pêche proprement dite et des branches d'activités connexes à moyen et à long terme, ainsi que de la croissance naturelle des populations de pêcheurs. En outre, la mise au point de techniques plus rentables de capture du poisson aurait pour effet d'abaisser les prix de revient et d'accroître l'efficacité.

23. Après le travail d'identification des divers objectifs et la comparaison des conditions dans lesquelles ils peuvent être réalisés, vient le travail de sélection, il peut être facilité par une analyse de la contribution à long terme du secteur de la pêche à l'économie nationale. Le choix final, qui est politique, suppose une décision en faveur d'un certain groupe économique. L'étude des aspects biologiques, techniques, économiques et sociaux des pêcheries devrait néanmoins faciliter la prise des décisions et améliorer les chances d'opérer un choix judicieux entre les diverses options.

24. La sélection des objectifs pour une pêcherie quelconque (multispécifique côtière ou hauturière) permettra également de définir des critères objectifs pour évaluer l'effort à fournir et le coût de l'aménagement de la pêcherie en vue de la réalisation des buts envisagés.

25. On a pu observer dans d'autres zones où l'effort de pêche a été limité que les pêcheurs eux-mêmes ont réussi à réduire leur temps de pêche individuel en comparaison avec des zones où il n'y a pas de limitation de la pêche. Dans de telles zones contrôlées, la longueur des poissons capturés indique que les stocks exploités sont plus âgés, et donc que la pêche est moins intense. Les pêcheurs eux-mêmes s'y répartissent la ressource entre eux, contrôlent la concurrence en réglementant les entrées, limitent l'effort de pêche total et individuel et réussissent à exploiter plus rationnellement les stocks du point de vue biologique aussi bien qu'économique.

26. Il est toutefois indispensable que l'autorité responsable de l'aménagement de la ressource fixe l'effectif des pêcheurs et surveille leurs activités (effort de pêche, engins et bateaux) de manière à les maintenir à un niveau prédéterminé à ne pas dépasser.

27. La limitation des entrées, qui est d'une nécessité évidente dans la plupart des pêcheries intensément exploitées, peut être coûteuse et difficile à mettre en application, notamment dans des zones telles que le lac Victoria où l'immense étendue des eaux et la longueur des côtes rendent la tâche pratiquement impossible. C'est pourquoi la ressource elle-même - dans le cas des espèces peu mobiles - ou la capacité limitée de pêche - dans le cas des espèces mobiles - devraient être réparties entre des groupes de pêcheurs aussi restreints que possible en vue d'assurer un rendement économique acceptable (minimisation des coûts de la pêche) et, ce qui est le plus important, encourager les groupes sélectionnés à gérer et conserver eux-mêmes la ressource. En outre, il y aurait lieu d'évaluer les anciens systèmes traditionnels d'aménagement et, éventuellement, de les ressusciter (comme, par exemple, la réglementation du maillage), car il est probable qu'ils permettront de mieux résoudre les confli que de nouveaux systèmes. Il faudrait également étudier la possibilité d'introduire des engins et types d'opérations plus sélectifs.

28. Les plans de développement et les projets d'assitance qui ne sont pas fondés sur une évaluation globale des pêcheries unitaires et qui ignorent la dynamique précise de chaque pêcherie, risquent sérieusement de mal identifier les possibilités et les priorités concrètes et d'accroître encore la surexploitation biologique et économique. On peut conclure que l'évaluation globale, la définition précise des objectifs et la formulation des politiques à long terme doivent précéder la programmation, la formulation et la mise en oeuvre des projets.

29. En outre, et tout particulièrement dans le cas du lac Victoria, il est essentiel de s'assurer l'appui des pêcheurs et de les inciter à aménager et conserver leurs propres pêcheries.

30. Le problème n'est pas simple si l'on considère qu'il y a au moins 50 000 pêcheurs sur le lac Victoria. Pour que l'effort d'aménagement des pêcheries soit couronné de succès, il faut qu'il soit entrepris avant tout au service des communautés de pêcheurs et qu'il s'efforce de répondre à leurs besoins spécifiques. Il exige une action au niveau des villages et la participation des exploitants eux-mêmes à l'élaboration de mesures d'aménagement et à leur mise en application. Les programmes d'information du public destinés à convaincre les pêcheurs de la nécessité d'aménager la ressource devraient être étayés par des programmes de formation efficaces à but éducatif. Il est essentiel que les pays riverains mènent une action coordonnée en vue de confronter leurs expériences, formuler des programmes et comparer leurs résultats. La pêche dans le lac Victoria ne peut pas être réglementée de l'extérieur: la superficie en cause est trop vaste. Il faut éduquer les communautés pour qu'elles soient en mesure de se rendre compte des bénéfices qu'elles retireront d'une meilleure gestion.

DOMAINES D'INTERET COMMUN ET COLLABORATION REGIONALE

31. Si l'on veut conserver et mettre en valeur les ressources halieutiques du lac Victoria de manière à assurer à la population de la région des avantages de longue durée, il est impératif que le lac soit considéré comme une unité écologique: c'est là un fait que les autorités nationales chargées de l'aménagement des pêcheries devraient tenir constamment présent à l'esprit.

32. Etant donné que le lac est une unité écologique naturelle, les données recueillies et publiées par les pays riverains devraient non seulement être comparables, mais aussi être tenues à la disposition de tous les pays concernés. Un système statistique propre à assurer la production de données valables serait souhaitable, mais peut-être pas indispensable aussi longtemps que les pays seront à même d'élaborer - en étroite consultation - des systèmes nationaux comparables.

33. Des études portant sur la distribution des stocks de poisson, les techniques traditionnelles de capture, l'effort de pêche et les migrations dans l'ensemble du lac, ainsi que l'analyse conjointe des renseignements recueillis, contribueraient à une optique commune de l'évolution de la situation et permettraient de réaliser des économies d'échelle dans le travail de recherche, ainsi que d'éviter les activités faisant double emploi.

34. L'intégration de données biologiques, sociales et économiques dans les stratégies nationales d'aménagement et de mise en valeur des pêcheries serait également facilitée par une approche régionale. De même, les recherches techniques sur des problèmes d'importance régionale, comme par exemple le développement d'une pêche rationnelle d'Haplochromis (développement des produits et commercialisation d'Haplochromis frais et transformé) auraient tout intérêt à être entreprises au niveau régional ou, du moins, à être coordonnées à ce niveau. En outre, il semble souhaitable de renforcer les services d'information et de vulgarisation dans toute la région.

35. La réglementation de la pêche dans le lac Victoria a connu diverses phases. Traditionnellement, les pêcheurs de ce lac étaient très mobiles et certaines unités de pêche (par exemple celles opérant à la senne de plage) regroupaient des individus appartenant à plusieurs tribus et nationalités différentes. Là où les réglementations des trois Etats n'étaient pas les mêmes, les pêcheurs pouvaient, aux époques de stabilité politique, opérer dans les eaux de celui où elles leur étaient le plus favorables. Ce n'est là qu'un exemple, entre autres, montrant que les Etats riverains auraient intérêt à harmoniser leurs réglementations en matière de pêche, notamment en ce qui concerne les stocks partagés, et à adopter des pratiques communes en matière d'exploitation, de commercialisation et d'échanges commerciaux.

36. Un problème particulier est celui des introductions de poissons. Plusieurs types de tilapias et de perche du Nil ont été introduits dans le lac Victoria pendant les années soixante, ce qui a entraîné une sensible modification de la composition des stocks côtiers. Etant donné l'intérêt croissant que suscitent l'aquaculture dans le bassin hydrographique et les possibilités d'enrichissement des stocks côtiers avec du fretin d'élevage, il est probable qu'il continuera d'y avoir des introductions intentionnelles ou accidentelles. Etant donné qu'elles affectent l'ensemble du lac et qu'elles peuvent modifier considérablement la qualité de l'habitat, leur contrôle doit être considéré comme un problème inter-gouvernemental.

37. L'absence d'un mécanisme de diffusion des informations, aussi bien scientifiques que techniques, soulève une grosse difficulté. La publication de l'African Journal of Tropical Hydrobiology and Fisheries a pris fin avec la dissolution de l'EAFFRO. De même, les échanges de publications scientifiques se sont pratiquement arrêtés à la conclusion du Projet régional de recherches sur les pêcheries du lac Victoria. La reprise rapide d'un système efficace d'échange de renseignements et de publications est une autre priorité régionale absolue.

POSSIBILITES D'ACTION AU NIVEAU REGIONAL

38. Outre le choix de leurs objectifs nationaux et régionaux en matière de gestion et de développement de la pêche, les pays souhaiteront peut-être examiner et sélectionner les activités qui justifieraient en priorité une collaboration régionale. Une liste d'initiatives possibles est présentée ci-dessous sous forme de tableau, afin de faciliter les échanges de vues et les adjonctions éventuelles. A la lumière des communications préparées par les Etats Membres et des délibérations à la session du Sous-Comité, il devrait être possible de compléter la liste et de reconnaître un ordre de priorité.

OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT, DOMAINES DE CONCENTRATION ET ACTION A ENTREPRENDRE

Objectif général

Conserver et mettre en valeur les ressources halieutiques du lac Victoria pour assurer des avantages de longue durée à la population de la région.

Domaines de concentrationTypes d'activités possibles
1.Création de mécanismes efficaces d'aménagement des pêcheries en vue de soutenir et améliorer les secteurs de la pêche artisanale et de la petite pêche.a) Créer des services nationaux des pêches (coordonnés au plan international par le Sous-Comité CPCA pour le lac Victoria) à qui seront conférés les pouvoirs nécessaires en matière de gestion et d'établissement et mise en application des réglementations, qui s'occuperont indépendamment de réglementer, surveiller et contrôler les pêcheries du lac.
  b) Assurer la participation des pêcheurs eux-mêmes à l'aménagement, au contrôle et à la surveillance des pêcheries grâce à des programmes d'éducation et de formation visant à les rendre autosuffisants.
  c) Assurer la protection de l'habitat grâce à des programmes coordonnés établis en commun en vue de surveiller la pollution chimique, de contrôler l'introduction d'espèces exotiques et d'étudier les influences de type hydrologique, notamment sur les espèces migratrices.
  d) Améliorer l'état des stocks grâce à la mise en application de réglementations coordonnées et normalisées dans toute la région, entreprendre des expériences en vue de l'élevage de reproducteurs dans des établissements d'aquaculture, de la création de centres d'alevinage et de reproduction aux fins du repeuplement, de l'élevage en nasses ou en viviers, etc.
  e) Etudier de quelles manières les pays se sont efforcés de contrôler l'accès aux différentes pêcheries et mettre au point des systèmes pratiques pour contrôler les entrées.
  f) Examiner les différences entre les législations de chacun des pays et s'efforcer de rationaliser ces législations en vue de les harmoniser chaque fois que possible.
  g) Préparer des études socio-économiques sur les mouvements des pêcheurs ainsi que des analyses techno-économiques du développement de la pêche artisanale.
  h) Etudier le système de fixation des prix du poisson dans les divers pays et les incidences de l'effort de pêche et des habitudes nutritionnelles.
  i) Elaborer un système statistique commun en vue d'obtenir des données valables sur les captures et l'effort de pêche ainsi que sur les aspects économiques des principaux stocks, et mettre sur pied un programme d'information, de publication et de diffusion de renseignements.
  j) Déterminer le degré de surexploitation de groupes déterminés d'espèces ichtyques.
  k) Créer et/ou renforcer des services techniques et de vulgarisation dans le domaine des pêches, afin d'améliorer la diffusion des renseignements, l'expérimentation et les démonstrations de techniques de pêche plus économiques et plus sélectives (embarcations, engins et opérations).
2.Développement d'une pêche rationnelle d'Haplochromisa) Entreprendre, au niveau régional, des expériences pratiques de commercialisation d'Haplochromis à l'état frais et de développement de produits à base d'Haplochromis destinés à la consommation humaine.
  b) Faire le point de l'expérience accumulée dans la pêche artisanale et industrielle d'Haplochromis.
  c) Entreprendre des études socio-économiques sur: (i) la possibilité d'accroître la participation de pêcheurs côtiers à la pêcherie d'Haplochromis; (ii) les motifs sociaux de la résistance à la consommation d'Haplochromis dans la région.
  d) Identifier, grâce à des opérations de pêche expérimentale, les techniques appropriées pour permettre aux artisans-pêcheurs de participer à la pêche d'Haplochromis, en vue de réduire la pression actuellement exercée sur les stocks côtiers.

INITIATIVES PROPOSEES AU SOUS-COMITE

39. A la lumière du document CIFA:DM/LV/81/4 “Situation actuelle des pêcheries du lac Victoria”, des études présentées par les pays eux-mêmes sur les questions de mise en valeur el d'aménagement, ainsi que du présent document, le Sous-Comité souhaitera peut-être:

  1. décider des objectifs nationaux et internationaux à adopter en vue de mettre en valeur et aménager les pêcheries du lac Victoria;

  2. déterminer les stratégies qui permettront de réaliser ces objectifs;

  3. sélectionner les initiatives à prendre en priorité aux niveaux régional et national en vue d'atteindre les objectifs retenus; et

  4. préciser le rôle du Sous-Comité CPCA pour le lac Victoria en tant que dispositif de coordination chargé d'aider les pays riverains à aménager et mettre en valeur les pêcheries du lac.

ANNEXE J
Exposé national: Kenya

Les pêcheries du lac Victoria: principaux problèmes de mise en valeur et d'aménagement

INTRODUCTION

Pour étudier le potentiel productif du secteur kényen du lac Victoria, le mieux est de l'envisager dans le contexte global de la productivité des pêches nationales. Une estimation prudente du potentiel productif de l'industrie kényenne de la pêche donne le chiffre de 150 000 t, consistant en 75 000 t de poissons d'eau douce et 75 000 t de poissons de mer. En ce qui concerne la production globale du sous-secteur de la pêche en eau douce, la plus forte contribution est apportée par la partie kényenne du lac Victoria, avec 30 000 t, la récolte optimale des artisans-pêcheurs étant estimée à 25 000 t. Cette dernière estimation a toutefois été dépassée au cours des dernières années du fait des captures record de poisson qui ont été faites en 1979 (30 592 t) et en 1980 (26 914 t); le produit financier pour les pêcheurs a été de respectivement K.Sh. 57 et 59 millions. La deuxième place dans la production de la pêche en eau douce revient au lac Turkana, avec 25 000 t de poisson, la récolte optimale estimative des artisans-pêcheurs étant d'à peu près 20 000 t. Les 20 000 t restantes du potentiel productif des eaux douces sont imputables aux lacs plus petits, à savoir: Baringo, Chala, Jipe, Maivasha et Sabaki.

En comparaison avec le secteur agricole, le secteur de la pêche apporte une contributions restreinte mais importante à l'économie nationale du point de vue nutritionnel et du point de vue des possibilités d'emploi offertes aux communautés rurales et urbaines. C'est pourquoi le Gouvernement attribue au secteur de la pêche une priorité relativement élevée dans son plan national de développement et continue de mobiliser un financement local et international pour assurer le développement rapide de la pêche et une gestion efficace des ressources halieutiques.

Avec une superficie d'à peu près 67 000 km2, le lac Victoria est l'un des plus grands lacs au monde. Il est partagé entre trois pays: le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda. Le littoral kényen accupe approximativement 10 pour cent de la longueur totale des côtes. La partie kényenne est donc en fait la plus petite, mais elle est l'une des plus productives du lac. Toutefois, étant donné la pénurie de terres agricoles et le manque d'autres possibilités d'emploi, la pêche attire de nombreux participants et près de 50 pour cent de l'effectif total des pêcheurs du lac Victoria opèrent dans la partie kényenne. En conséquence, les espèces côtières, principalement les cichlidés, y sont intensément pêchées, le résultat étant que certains stocks côtiers semblent surexploités. On ne pêche pas beaucoup sur les fonds plus profonds du large où les stocks d'Haplochromis restent abondants et sont encore sous-exploités. Il devient maintenant plus urgent que jamais auparavant de mettre en valeur cette pêcherie aux fins de l'exploitation commerciale.

OBJECTIFS ACTUELS

Le principal objectif du secteur de la pêche est de maximiser la production de poisson de façon durable afin d'améliorer l'approvisionnement en protéines animales à bon marché dont la population a tant besoin et d'accroître les possibilités d'emploi dans les zones rurales. La mise en valeur des pêcheries devrait permettre de stimuler le flux des investissements internationaux et nationaux en faveur de ce secteur. Grâce aux exportations de poisson et de produits de la pêche, on escompte que le pays pourra réaliser des recettes en devises étrangères.

PRIORITES EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT DE LA PECHE

1. Accroître la productivité des artisans-pêcheurs en améliorant leurs méthodes de pêche traditionnelles et en les équipant d'embarcations motorisées et d'engins de pêche modernes.

2. Accroître les débarquements de poisson et mettre sur pied des installations de manutention et de transformation. A cette fin, on prévoit la création de huit centres et neuf stations de pêche sur les principales plages de débarquement du littoral kényen du lac. Les uns et les autres disposeront de hangars de tirage, d'entrepôts isothermes, de séchoirs verticaux, de chambres de fumage, de glacières et de caisses à poisson isothermes. Dans les centres de pêche, on installera également des bureaux, des magasins et des logements pour le personnel. Les centres seront plus grands que les stations, car ils seront situés en des lieux plus accessibles et serviront de principaux points de collecte; on pourra aussi y débarquer directement le poisson.

3. Pour faciliter l'accès aux centres par voie terrestre, on construira à peu près 10 km de routes, conformément aux normes adoptées pour le programme de routes d'accès aux zones rurales.

4. Des installations de radoule bien équipées seront construites pour faciliter la réparation et l'entretien des bateaux.

5. Un programme de réempoissonnement sera entrepris en vue de reconstituer les stocks épuisés de Tilapia. A cette fin, il sera nécessaire d'installer tout autour du lac des centres de repeuplement qui produiront des alevins de Tilapia qui seront ensuite déversés dans le lac.

6. En vue de mettre un terme à la surexploitation de quelques-uns des stocks de poisson côtiers et d'assurer une gestion efficace de toutes les ressources halieutiques du lac, il sera nécessaire de revoir la législation existante de la pêche afin d'assurer un contrôle efficace des types d'engins utilisés et protéger les frayères et les alevinières situées dans le lac. Cela exigera peut-être l'institution de périodes de fermeture de la pêche et l'interdiction d'engins destructeurs tels que les filets “moustiquaires”.

7. Afin de minimiser le besoin d'exploitation des stocks côtiers, il sera nécessaire de développer la pêche d'Haplochromis. A cet effet, il faudra acquérir des chalutiers et introduire des techniques appropriées pour la capture, la transformation et la commercialisation de cette ressource. Il faudra encourager les artisans-pêcheurs à exploiter cette pêcherie si l'on veut réussir à minimiser la pression exercée sur les stocks côtiers, principalement ceux de Tilapia.

8. Le système de rassemblement des données sur la pêche est insuffisant en raison de l'absence de certaines informations biologiques utiles qui permettraient de faciliter l'établissement de plans d'aménagement. Il y aurait donc lieu de l'améliorer et de normaliser les données afin qu'il soit possible d'en tirer autant d'informations que possible sur la situation actuelle des pêcheries.

9. Afin de maximiser la production de poisson, il sera nećessaire d'entreprendre des programmes d'empoissonnement artificiel et de pisciculture. C'est pourquoi il est prévu de mettre sur pied un centre piscicole pilote à Kabonyo, dans le district de Kisumu. Le principal objectif de ce programme sera la production expérimentale d'espèces appropriées vivant en eaux à température élevée, telles que Tilapia et la carpe. Si les résultats sont bons, d'autres établissements de pisciculture seront installés dans la province de Nyanza et la province occidentale.

10. En raison des préférences manifestées par les consommateurs, certaines espèces de poisson sont mal accueillies dans certaines zones et le sont très bien dans d'autres. Il serait donc nécessaire de rechercher des marchés d'exportation pour les espèces peu prisées. Au Kenya, la production de perches du Nil est en voie d'augmentation et, quoique ce poisson ne soit pas impopulaire, il faudrait lui trouver un débouché d'exportation afin d'éviter d'en inonder le marché local.

PROBLEMES POSES PAR LES RESSOURCES

L'exploitation des ressources du lac Victoria remonte à des temps très anciens et, dans la partie kényenne, la pêche est avant tout pratiquée par des opérateurs très expérimentés, si bien que la pression exercée sur les stocks est très intense dans la totalité du golfe.

Dans le passé, les principales espèces pêchées dans les eaux kényennes ont longtemps été Tilapia, Haplochromis, Bagrus, Clarias, Protopterus et Engraulicypris, ainsi que d'autres qui constituaient une petite proportion des captures. Le problème qui se pose dans le golfe est donc resté celui d'une pêcherie multispécifique où les conditions naturelles rendent difficile le contrôle des engins de pêche destructeurs. A l'heure actuelle Tilapia, Bagrus, Clarias et Protopterus semblent avoir été surexploités. La pêcheries qui reste sous-exploitée et à laquelle on a commencé de s'intéresser dans le golfe au cours des dix dernières années est celle de la perche du Nil. Haplochromis a été surexploité dans la partie interne du golfe, mais il est encore inexploité dans la partie externe et dans les eaux du large. La pêche d'Engraulicypris s'est maintenue à un niveau stable et on peut considérer qu'elle n'a pas été suffisamment développée; il serait possible de le faire et d'améliorer les niveaux de production.

Les autres ressources qui semblent avoir été sous-exploitées dans le golfe sont les espèces migratrices ou riveraines telles que Barbus, Labeo, Schilbe, Alestes et Synodontis. Ces espèces ont eu tendance à se raréfier, et on craint leur épuisement total dans le golfe. Un moyen de les protéger serait le contrôle du maillage des filets maillants employés pour les pêcher, lequel serait plus efficace s'il était envisagé au niveau régional.

PROBLEMES TECHNIQUES

Les tentatives passées de mécanisation de l'industrie de la pêche se sont heurtées à d'assez grandes difficultés, en partie à cause de l'esprit conservateur des pêcheurs et en partie à cause de l'accroissement des frais généraux résultant de la mécanisation, lequelle ne se traduit pas forcément par un accroissement de production. En conséquence, les embarcations de pêche utilisées dans le golfe sont restées le plus souvent de type traditionnel: on dénombre à peu près 4 000 bateaux dont environ 10 pour cent sont motorisés et 75 pour cent naviguent à la voile. Les autres sont propulsés manuellement. Il s'agit en général de bateaux en bois bordés ou de pirogues monoxyles, et il y a quelques embarcations de fibres de verre.

En ce qui concerne les engins de pêche, les types et variétés de filets diffèrent selon les caractéristiques de la masse d'eau exploitée, et selon le type de pêche dominant dans une zone particulière du golfe. Les principaux engins utilisés dans le golfe sont des sennes de plage, des sennes moustiquaires, des filets maillants à mailles de différentes tailles, des palangres, des pièges de type traditionnel, des cannes à pêche et des lignes.

UTILISATION, DISTRIBUTION ET COMMERCIALISATION

La plus grande partie du poisson capturé dans le golfe kényen est destinée à la consommation locale et vendue à l'état frais. Toutefois, avec l'infléchissement de tendances de la production (à savoir la prédominance actuelle des captures de perche du Nil), des méthodes de transformation améliorées ont été adoptées pour permettre la commercialisation de filets de perche dans des centres ruraux et urbains éloignés. Les négociants locaux sont déjà en train d'explorer le marché d'exportation en vue de lui faire absorber l'excédent de production et, selon les indications préliminaires, les chances de réussite dans cette direction semblent très bonnes.

Etant donné qu'il y a un déséquilibre géographique entre les zones de production et de consommation, les modalités de commercialisation des produits de la pêche continuent d'être différentes selon les espèces et selon les endroits. Tilapia, qui est principalement capturé dans les eaux du large ou dans la partie externe du golfe, est commercialisé sur les marchés de l'intérieur et les marchés urbains où il est très populaire. Engraulicypris, Haplochromis et les poissons-chats sont généralement consommés sur place ou commercialisés à l'intérieur du pays, principalement sous forme transformée.

Il convient de noter que les produits fumés de poisson-chat qui sont peut prisés au Kenya le sont beaucoup plus en Ouganda où le marché est limité en raison de restrictions aux frontières. De même, Protopterus, qui est pour la plus grande partie capturé et transformé en Tanzanie, ne se trouve qu'en quantité limitée sur le marché kényen, pour la même raison.

En 1980, un total de 26 914 t de poisson ont été débarquées sur les plages du Kenya, dont 13 704 t ont été consommées à l'état frais et 13 210 t ont été transformées. Le rebut ou les pertes dues à la détérioration sont négligeables.

Il apparaît clairement que la commercialisation des produits de la pêche provenant du lac Victoria restera un facteur déterminant pour le développement de la région du lac. Toutefois, la distribution et la commercialisation du poisson continuent de poser des problèmes majeurs dans la plupart des pays en développement et il est évident qu'une coopération régionale s'impose pour la gestion de ce secteur.

DONNEES STATISTIQUES ET DONNEES UTILISABLES POUR L'AMENAGEMENT

Il existe au Département des pêches une unité statistique qui est chargée de produire des renseignements à jour sur les tendances des captures de poisson dans l'ensemble de la République du Kenya. Les données sont rassemblées aussi bien au niveau des régions que dans une unité centralisée au bureau du Directeur des pêches. Elles fournissent des lignes d'orientation pour la formulation de politiques d'aménagement et permettent de repérer les zones où il existe des possibilités de développer l'industrie nationale de la pêche.

QUESTIONS SOCIO-ECONOMIQUES IMPORTANTES

La faible productivité qui caractérise la pêcherie du golfe s'explique par la prépondérance des techniques artisanales et par la médiocre qualité des produits obtenus par les méthodes traditionnelles de transformation. L'insuffisance des systèmes de commercialisation et de distribution, à laquelle s'ajoutent les restrictions aux échanges commerciaux entre les trois pays, se répercute défavorablement sur les pêcheurs locaux, les intermédiaires ayant tendance à réaliser des bénéfices plus importants que les véritables producteurs.

La pêche dans le golfe suscite toutes sortes d'antagonismes, par exemple entre les pêcheurs de niveau intermédiaire et les artisans-pêcheurs, entre les senneurs côtiers et les senneurs pélagiques, les conflits portant aussi bien sur la fixation du prix des produits que sur l'exploitation des fonds de pêche ou la nature destructive de certains engins. Les chalutiers gênent les pêcheurs locaux qui utilisent des filets maillants, et ceux qui opèrent avec des sennes de plage sont également accusés de détruire les alevinières, les frayères et les poissons juvéniles. Les senneurs opérant au filet moustiquaire sont quant à eux accusés de détruire à la fois les larves et les juvéniles. Les maillages utilisés pour les filets maillants suscitent également des conflits entre les opérateurs concernés, car certains peuvent être considérés comme destructeurs, en particulier lorsqu'ils sont trop petits. Ces types de filets sont destinés à la capture des espèces de taille moyenne telles que Synodontis, Labeo et Haplochromis, mais leurs prises sont en partie constituées par un grand nombre de juvéniles de perche du Nil et de Tilapia. Lors de la fixation des prix, les principaux opérateurs commerciaux ont tendance à aligner les prix, d'où une situation nettement défavorable aux artisans-pêcheurs.

Les femmes ne jouent pas un rôle de premier plan dans les opérations de pêche; toutefois, elles jouent un rôle important comme intermédiaires. Elles organisent le transport des produits de la pêche et leur commercialisation dans les centres appropriés. Les pêcheurs étant pour la plupart relativement pauvres, les marchandes de poisson jouent traditionnellement un rôle important dans le financement des opérations de pêche elles-mêmes ainsi que dans l'action de prêts aux pêcheurs.

Les inégalités qui se manifestent entre les pêcheurs et les intermédiaires demanderont à être examinées de près dans le cadre de nos efforts de développement et d'aménagement.

Au Kenya, le Département des pêches encourage la création d'association de producteurs (principalement des coopératives) pour permettre l'acheminement des crédits officiels et pour servir de dispositifs institutionnels par l'intermédiaire desquels les prix pourront être contrôlés de manière à assurer des bénéfices égaux aux vrais producteurs en rompant le lien traditionnel entre les pêcheurs d'une part et les intermédiaires féminines ou les acheteurs locaux de poisson de l'autre.

PRINCIPAUX PROBLEMES D'AMENAGEMENT

En ce qui concerne l'aménagement, plusieurs problèmes demandent à être examinés immédiatement, à savoir: les zones de production où la pêche est endémique ou nouvelle; le soutien au secteur de la commercialisation et aux associations de producteurs; le système de commercialisation et de distribution; le contrôle et l'utilisation d'engins traditionnels et modernes; enfin, les problèmes écologiques liés au développement d'industries de transformation.

En dépit de symptômes de surexploitation, il sera possible d'accroître la production totale de la pêcherie du golfe, et grâce au développement d'un nouveau type de pêche (la perche du Nil) et à l'augmentation de l'effort de pêche principalement axé sur les prédateurs. Cette conclusion se justifie par la forte densité de population humaine tout autour du golfe, associée à la difficulté d'imposer des restrictions impopulaires à des milliers de pirogues autonomes laquelle tend à exclure dans la pratique une réduction de l'effort de pêche. Autre solution: on pourrait accroître les débarquements de poisson dans le golfe en intensifiant la pêche grâce à une modification de la composition des engins utilisés; on pourrait ainsi doubler les rendements.

La production pourrait aussi être accrue en créant des coopératives de pêcheurs convenablement organisées. En effet, on souffre actuellement dans ce domaine du manque de compétences en matière de gestion et du défaut de moyens techniques de base pour mettre sur pied des coopératives de commercialisation; en outre, les groupes visés ne sont généralement pas enclins à devenir membres de coopératives et cela en raison de coutumes et influences traditionnelles.

En dépit des difficultés passées et présentes, le concept de coopératives offre un cadre sur lequel pourra reposer l'entraide et, du point de vue politique, les coopératives seront à même d'exercer une plus forte influence sur les programmes nationaux de développement dans le secteur de la pêche.

Avec l'accroissement de la production et le développement réussi des coopératives, il sera nécessaire que le Gouvernment fournisse à l'industrie de la pêche du golfe les installations nécessaires pour le débarquement, la manutention, la conservation, la distribution et la commercialisation du poisson. Il contribuera de la sorte à rendre les pêcheurs moins tributaires des intermédiaires et des négociants.

Avec le développement des industries de transformation tout autour du golfe, les pêcheries risqueront de souffrir directement de la contamination causée par le déversement d'agents de pollution par les hydrocarbures provenant des concentrations d'usines et des zones urbaines en développement.

INITIATIVES PROPOSEES AU SOUS-COMITE

1. Il serait nécessaire de ressusciter le Comité technique des pêcheries est-africaines afin que les chercheurs des trois pays riverains disposent d'une tribune où échanger des données de recherche et examiner les problèmes d'aménagement de leurs pêcheries respectives. Etant donné que ce Comité s'occupait à la fois de questions concernant les pêches maritimes et les pêches en eau douce, il ne pourra pas siéger sous les auspices du Comité des pêches continentales pour l'Afrique (CPCA). Il faudrait donc lui trouver un parrainage approprié, de préférence la FAO.

2. En raison des migrations saisonnières du poisson dans le lac, les Etats riverains souhaiteront peut-être prendre des arrangements mutuels pour permettre aux pêcheurs de suivre les déplacements des poissons. On pourrait également envisager l'instauration d'échanges commerciaux de poisson et de produits de la pêche entre les trois pays dans le cadre des mêmes arrangements. Une telle action serait dans l'intérêt de tous les pêcheurs et négociants en poisson des trois Etats riverains.

3. Etant donné que les trois Etats riverains se partagent les mêmes stocks de poisson et la même masse d'eau, il est hautement souhaitable qu'ils harmonisent leurs législations des pêches et leurs législations écologiques. Une telle action permettrait d'éviter la pollution du lac et d'assurer une gestion convenable des activités de pêche.

4. L'une des fonctions principales du Sous-Comité sera de promouvoir et coordonner les activités de recherche menées dans le lac Victoria. A cet effet, il sera nécessaire de mettre en commun les ressources limitées en personnel et en équipement pour assurer la surveillance, l'application effective des lois et la conduite des recherches scientifiques sur la pêche. Semblable action permettrait d'accroître considérablement l'efficacité du Sous-Comité.

5. Une collaboration à l'échelle régionale sera nécessaire pour la diffusion des renseignements scientifiques ainsi que pour l'introduction d'un système meilleur et normalisé de rassemblement de données sur la pêche. Le système actuel de rassemblement de données est insuffisant en ceci qu'il laisse de côté des informations utiles qui pourraient faciliter la conception de meilleurs plans d'aménagement des pêcheries du lac.


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