Previous Page Table of Contents Next Page


CENTRAL REGION OF AFRICA/RÉGION CENTRALE D'AFRIQUE (continuer)

Développement et recherche aquacoles au
CONGO

Edouard KALI-TCHIKATI
Centre Piscicole National de Djoumouna
Djoumouna, Congo

Abréviations

ADFAfrican Development Foundation
BITBureau International du Travail
CCCECaisse Centrale de Coopération Economique
DGRSTDirection Générale de la Recherche Scientifique et Technique
ENEFEcole Nationale des Eaux et Forêts
FAOFood and Agriculture Organization of the United Nations
FCFAFrancs CFA
FIDFondation Internationale pour la Science
FOCILFonds Canadien pour les Initiatives Locales
FPIBFerme de Pisciculture Industrielle de Brazzaville
IDRInstitut de Développement Rural
INSSEJAGInstitut Supérieur des Sciences Economiques, Juridiques, Administratives et de Gestion
LAACLycée Agricole Amilcar Cabral
LTAOLycée Technique Agricole de Ouesso
OPVAOpération Pilote de Vulgarisation Agricole
PNUDProgramme des Nations-Unies pour le Développement
UNESCOUnited Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
USDdollars USA (en avril 1993 1 USD = 274 FCFA)

1. LE SECTEUR DU DEVELOPPEMENT AQUACOLE

1.1 Historique du développement

1.1.1 Historique proprement dit
1.1.1.1 Chronologie du développement

La pisciculture a démarré au Congo par la construction de la Station piscicole de Djoumouna comme Centre régional de recherche piscicole pour l'Afrique Equatoriale Française entre 1950 et 1953.

Le Congo est, avec le Zaïre et la République Centrafricaine, le pays où la pisciculture a connu le plus de succès avant l'indépendance: 13 000 étangs construits et 8 400 en production en 1958 dont les rendements oscillaient entre 1 et 2 tonnes par ha et par an (Deceuninck, 1989). Seules Oreochromis (syn. Tilapia) macrochir et Tilapia melanopleura étaient à cette époque préconisées comme espèces piscicoles valables (Charpy, 1957) et les techniques d'alimentation étaient rudimentaires. Dès l'indépendance, ce développement piscicole s'est arrêté pour ensuite rapidement régresser.

De 1967 à 1976, deux projets d'assistance technique multilatérale (PNUD-FAO RAF/66/054 et PNUD-FAO PRC/72/011) se sont succédés pour contribuer à la relance de la pisciculture rurale.

L'histoire récente de la pisciculture congolaise a été marqué par les fait suivants:

  1. 1979–1982. Projet PNUD-BIT PRC/79/002 pour le Développement Rural dans les Régions du Pool et des Plateaux: quelques actions isolées de développement piscicole ont été menées de préférence au sein de coopératives agricoles et en association avec le petit élevage; en 1982, 300 étangs recensés pour une superficie totale de 20 ha (Miller, 1982).

  2. 1982–1990. Projets PNUD-FAO PRC/79/007 et PNUD-FAO PRC/88/007 pour le Développement de la Pisciculture Rurale dans les Régions du Pool et de la Bouenza: projets caractérisés par le développement de la pisciculture artisanale en milieu rural par le biais d'un service de vulgarisation spécialisé et la mise au point d'une technologie adaptée aux conditions locales prévalentes.

  3. 1985–1990. Une ferme de pisciculture industrielle est établie en régime d'économie mixte: elle fonctionne tant bien que mal avec un capital de départ constitué par plusieurs partenaires dont le Gouvernement congolais.

  4. 1987–1990. L'Opération Pilote de Vulgarisation Agricole (OPAV) engage des actions isolées de développement piscicole dans les Régions du Kouilou, de la Lékoumou, de la Likouala et de la Cuvette grâce à un financement de la Banque mondiale. L'OPVA a fait construire 67 étangs à Mvouti, Sibiti et Boundji (Obalakoua, comm. pers.).

  5. Depuis 1990. Le développement de la pisciculture rurale se poursuit dans les Régions du Pool et de la Bouenza avec le seul support du Gouvernement.

  6. Depuis 1991. Le projet de Pisciculture paysanne est exécuté avec l'assistance du Corps de la Paix (USA): il se propose de couvrir les six Régions du pays non touchées par les projets PNUD-FAO (Crubaugh et Ndzoro, 1991).

Il faut noter que l'aquaculture au Congo se résume exclusivement à des activités de pisciculture en eau douce.

1.1.1.2 Evolution du développement

La pisciculture en milieu rural a connu un essor remarquable dans la plupart des Régions jusque dans les années '70; le développement a ensuite été encouragé uniquement dans les Régions du Pool et de la Bouenza.

En 1977, on comptait sur l'ensemble du territoire 929 pisciculteurs et 1 893 étangs pour une superficie totale de 52,79 ha (Tableau 1).

De 1982 à 1992, le potentiel actif dans les Régions du Pool et de la Bouenza est passé de 273 pisciculteurs et 758 étangs (33,35 ha) à 648 pisciculteurs et 2 206 étangs pour une superficie de 60,90 ha (Tableau 2).

1.1.1.3 Financement du développement

Dans le Plan quinquennal de développement 1982–1986, le budget d'investissement prévu pour le Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage bénéficiait d'un budget d'investissement de 10,92 pour cent par rapport à l'ensemble des 18 ministères. De ce budget (1 792 millions FCFA en 1992), la pisciculture ne bénéficiait que de 1,67 pour cent (Rodriguez, comm. pers.).

Les montants investis dans le développement de la pisciculture au cours des 15 dernières années peuvent se résumer comme suit (Tableau 3):

  1. Près de 1,8 millions USD par le PNUD pour les Projets FAO PRC/79/007 et PRC/88/007 (Développement de la pisciculture rurale), dont 8,66 pour cent en matériel (roulant, technique et didactique) et 83,59 pour cent en personnel international.

  2. 395 millions FCFA par le gouvernement USA dans le cadre du projet de Pisciculture paysanne (1991–1997).

  3. Près de 368 millions FCFA par le gouvernement congolais dont près de 306 millions FCFA pour le développement de la pisciculture rurale dans le Pool et la Bouenza de 1982 à 1992 (Tableau 4) et près de 62 millions pour le fonctionnement de la Direction de la Pisciculture de 1988 à 1992 (Tableau 5).

  4. 277,5 millions FCFA par le gouvernement congolais dans le cadre de la Ferme de pisciculture industrielle de Brazzaville (FPIB), dont 76,5 millions de participation au capital social (soit 51% du capital total) et 201 millions de participation aux frais de construction (soit 27,88% des frais totaux).

  5. 520 millions FCFA par le gouvernement français (Caisse Centrale de Coopération Economique) dans le cadre de la FPIB, soit 72, 12 pour cent des frais de construction.

  6. Près de 7 millions FCFA par le gouvernement norvégien dans le cadre du projet de Développement de la pisciculture rurale (Koubakouenda, 1990).

  7. Près de 16 millions FCFA par le gouvernement canadien dans le cadre du projet de Développement de la pisciculture rurale (Marquet, 1989 a et b).

  8. La participation non chiffrée du Programme Alimentaire Mondial a été faite sous la forme d'une force de travail représentée par des vivres PAM.

  9. La participation non chiffrée de la Tilapia International Association a été faite sous la forme d'équipement audio-visuel.

Tableau 1

Importance de la pisciculture rurale en 1977

RégionNombre de pisciculteursNombre d'étangsSuperficie des étangs
(ha)
Pool375   76035,89
Bouenza  16     40  0,89
Niari  45   108  1,60
Lékoumou  73   115  1,15
Plateaux229   450  6,70
Cuvette152   346  6,16
Sangha  39     74  0,40
Total9291 89352,79

Source: Coche, 1983

Tableau 2

Evolution de la pisciculture rurale dans les Régions du Pool et de la Bouenza

AnnéeNombre de pisciculteursNombre d'étangsSuperficie des étangs
(ha)
1982273   75833,35
19834841 33754,18
19845271 58662,77
19855211 45346,24
19865851 58550,72
19874631 17737,10
19885801 56644,33
19896591 90252,25
19907382 20959,00
19917872 48664,46
19926482 20660,90

Source: Rapports annuels du Service de Vulgarisation

Tableau 3

Coût du développement piscicole de 1982 à 1992

Origine du financementMontant (FCFA)Sources
Gouvernement congolais     645 664 168(1)
Gouvernement USA     220 000 000(2)
Gouvernement français     520 000 000(3)
Gouvernement norvégien         7 000 000(4)
Gouvernement canadien       15 706 700(4)
Actionnaires FPIB *       73 500 000(3)
Programme des Nations Unies pour le DéveloppementUSD 1 779 486(5)
Programme Alimentaire Mondialnon chiffré-
Tilapia International Associationnon chiffré-

* Actionnaires de la Ferme piscicole industrielle de Brazzaville - capital social 150 millions:
Proparco 20%; Sepia et Fininter 14%; MAB 10%; AFRIGO 5%

Sources: (1) Projet de Développement de la pisciculture rurale et Direction de la Pisciculture
(2) Projet de Pisciculture paysanne
(3) Franqueville et Lazard (1991)
(4) Projet de Développement de la pisciculture rurale
(5) FAO, 1991

Tableau 4

Financement du développement de la pisciculture rurale dans le Pool et la Bouenza par le Gouvernement congolais (en FCFA)

AnnéePrévisions budgétairesDécaissements effectifsPourcentages effectifs
1982   114 000 000  91 355 03680,13
1983   156 000 000  12 086 194  7,75
1984   214 000 000  79 962 80637,36
1985   133 895 312  39 353 00029,39
1986   120 000 000    7 017 000  5,85
1987     87 250 000  39 500 00045,27
1988     81 000 000  26 000 00032,09
1989     52 000 000    2 000 000  3,85
1990     35 000 000    4 871 21013,92
1991     50 000 000    3 030 000  6,06
1992     32 000 000       666 666  2,08
Total1 075 145 312305 841 91228,45

Tableau 5

Financement de la Direction de la Pisciculture (en FCFA)

AnnéePrévisions budgétairesDécaissements effectifsPourcentages effectifs
198815 000 00015 000 000100,00
198915 000 00011 250 000  75,00
199015 000 00012 424 000  82,83
199115 000 00014 514 768  96,76
199215 000 000  9 133 488  60,88
Total75 000 00062 322 256  83,10

Source: Direction de la Pisciculture, comm.pers.

Tableau 6

Situation actuelle des stations piscicoles d'Etat

RégionStation piscicole principaleStation piscicole secondaire *Année de constructionNombre d'étangsSuperficie des étangs (ha)
PoolDjoumouna 1950–1953  446,25
Mindouli 1970–1972  282,47
 Boko (c)1955–1958    70,19
Mankoussou (c)1955–1958  282,62
Tsiemé (d)1974–1975  191,80
Loulombo1974    90,89
Kinkala1985    90,45
Kindambangouédi (a)1955–1958  100,50
Mayama (a)1974  100,12
Moulenda (d)1954  150,32
BouenzaMadingou 1970–1972  262,40
 Mfouati1974–1975  100,72
Niari Mossendjo (c)1955–1958    81,13
Loubomo (a)1955–1958  110,38
Divienié (a)1955–1958  140,14
Lékoumou Komono1974–1975  220,85
Sibiti1975    40,22
PlateauxGambona 1974–1975  111,44
 Abala (a)1975    51,60
CuvetteEwo 1974  151,08
 Etoumbi (a)1958    61,85
Kouilou Mongo-tandou (b)1985    51,00
Sangha Elendja (a)1958  112,32
Total   32730,74 

* (a) abandonnée;
(b) non-fonctionnelle;
(c) semi-abandonnée;
(d) cédée à des privés

1.1.2 Infrastructure piscicole
  1. Les stations piscicoles

    Le Congo compte 23 stations piscicoles d'Etat qui renferment 327 étangs pour 30,74 ha de superficie totale (Tableau 6). Actuellement, seules 10 stations sont encore fonctionnelles.

  2. La Ferme de pisciculture industrielle de Brazzaville (FPIB)

    Construite entre 1984 et 1985, la FPIB compte 17 raceways en béton totalisant une superficie de 10,48 ares. L'alimentation en eau se fait par pompage électrique sur la rivière Ndjiri dont le pH de l'eau n'est que de 4,5 (Franqueville et Lazard, 1991).

1.1.3 Personnel

La liste des cadres-supérieurs congolais ayant participé à des postes de responsabilité durant les récentes phases de développement est jointe en annexe (Annexe 1).

Le nombre d'agents de vulgarisation actifs sur l'ensemble du territoire national est passé de 10 en 1982 à 33 en 1992 (Tableau 7).

Tableau 7

Evolution du nombre d'agents de vulgarisation

AnnéeVulgarisateurs
(Pool-Bouenza)
(a)
Chefs de Division
(autres régions)
(b)
Total national
198210-10
198310-10
1984  9-  9
198515-15
198615-15
198717-17
1988175067
1989174562
1990154560
1991161935
1992151833

Sources: (a) Projet de Développement de la pisciculture rurale, comm.pers.
(b) Direction de la Pisciculture, comm.pers.

Le nombre d'ouvriers dans les stations piscicoles d'Etat a été réduit de 25 à 17 de 1982 à 1992, alors que le personnel technique (chefs de stations et techniciens) est passé durant la même période de 7 à 25 (Tableau 8).

Tableau 8

Evolution du personnel dans les stations d'Etat

AnnéeSuperficie en fonctionnement
(ha)
Chefs de stations et techniciensOuvriers
197730,30  ?  ?
197830,30  ?  ?
197930,30  ?  ?
198030,30  ?  ?
198130,30  ?  ?
198230,30  725
198330,30  325
198430,30  324
198530,341019
198630,361019
198730,511019
198830,511218
198930,511818
1990(?)1617
199116,772321
199216,772517

Sources: Projet de Développement de la pisciculture rurale et Direction de la Pisciculture, comm.pers.

1.1.4 Activités de support
  1. Législation

    Il n'existe aucun texte réglementant l'activité aquacole. Il n'y a donc aucun contrôle sur les occupations de terrain, les détournements des cours d'eau, l'érection de barrages et le rejet dans ces derniers des eaux de vidange.

    La qualité des produits piscicoles n'est pas non plus contrôlée.

  2. Vulgarisation

    Les actions de vulgarisation commencées de manière significative en 1982 dans le Pool et la Bouenza se sont étendues depuis 1991 à tout le territoire national à l'exception des Régions de la Likouala et de la Sangha.

    Dans le Pool et la Bouenza, il se pratique une vulgarisation de masse avec une certaine tolérance sur la forme et la superficie minimum des étangs. Tous les détenteurs d'un site favorable sont encadrés et leurs étangs sont empoissonnés (deux alevins/m2). L'alimentation au son de blé est vulgarisée en même temps que la fertilisation par les ingrédients locaux.

    Dans les autres régions au contraire, il se pratique une vulgarisation sélective portant sur des pisciculteurs “modèles” ayant accepté les normes imposées: superficie de 200 m2 par étang, hauteur des digues de 1 m, empoissonnement d'un alevin de 3 à 4 g par m2 et utilisation exclusive d'intrants locaux pour la fertilisation et l'alimentation.

    En 1982, les vulgarisateurs étaient recrutés au niveau du Certificat d'études primaires élémentaires (CEPE). Ensuite, le niveau a été amélioré en 1985 par le recrutement d'agents ayant soit le Brevet d'études moyennes générales (BEMG) ou le Brevet d'études du premier cycle (BEPC). A partir de 1988, les nouveaux agents affectés à la vulgarisation (Chefs de Division) étaient le plus souvent titulaires d'un Baccalauréat (cycle secondaire complet).

    Les recyclages périodiques sont organisés par les différents utilisateurs de ces agents en fonction des moyens disponibles.

    La formation des pisciculteurs se fait:

    Tous les agents de vulgarisation sont équipés par les projets utilisateurs de matériel roulant (motocyclette ou cyclomoteur), technique et didactique.

    Le gouvernement norvégien a équipé le service de vulgarisation du projet de Développement de la pisciculture rurale avec 150 lots de petits outils de terrassement pour la construction d'étangs.

    Le même service a reçu de la Tilapia International Association des appareils de projection (diapositives et films fixes) pour améliorer la formation des pisciculteurs.

  3. Crédit piscicole

    A part quelques crédits octroyés par le projet PNUD-BIT de Développement rural (1979–1982) à des coopératives qui n'avaient pas la pisciculture comme activité principale, il n'y a pratiquement pas eu d'accès au crédit pour les pisciculteurs ruraux.

    Entre 1979 et 1987, la Caisse nationale du crédit agricole (CNCA) a octroyé des crédits pour un montant de près de 135,5 millions FCFA aux Régions du Pool et de la Bouenza (Conseil National de l'Agriculture, Tome IV), sans y atteindre particulièrement les pisciculteurs ruraux.

    La Banque nationale de développement du Congo (BNDC) a aussi octroyé des crédits et quelques pisciculteurs en ont bénéficié dans le cadre de l'intégration des activités agricoles.

  4. Recherche piscicole

    La station piscicole de Djoumouna a été l'une des premières stations de recherche piscicole d'Afrique dans les années '50 et elle peut être considérée comme pionnière dans l'élevage du tilapia. Ses activités se sont cependant suspendues à l'indépendance.

    En 1983, un Service de Recherche a été à nouveau créé et annexé au projet PNUD-FAO de Développement de la pisciculture rurale. Toutes ses activités se concentrent à la station piscicole de Djoumouna.

    Le Ministère de la Recherche Scientifique, par l'intermédiaire du projet Mayombe, a récemment initié quelques activités de recherche dans le domaine aquacole.

    Ce sujet sera traité plus en détails dans le chapitre 2.

  5. Autres formes de soutien au développement piscicole

    Le prix du poisson produit dans les stations d'Etat est fixé par le gouvernement. Depuis 1984, il est fixé à 750 FCFA/kg.

    Une mesure spéciale du gouvernement autorise aux trois stations piscicoles principales (Djoumouna, Mindouli et Madingou) de recycler leurs recettes pour permettre un meilleur fonctionnement et viser l'autofinancement.

1.1.5 Orientation actuelle du développement piscicole

La nouvelle orientation du développement piscicole est en harmonie avec la politique agricole de ces dernières années.

Par le passé, l'agriculture congolaise a été marquée par une étatisation du développement, depuis la production jusqu'à la commercialisation.

En 1987, le Conseil National de l'Agriculture ayant constaté l'échec de cette politique a défini une nouvelle orientation qui a été reconnue dans le Plan d'action économique et social (1990–1994). Cette orientation est caractérisée entre autre par:

1.2 Cadre institutionnel

Au cours des 15 dernières années, le cadre institutionnel a été caractérisé par l'instabilité, la responsabilité administrative pour le développement de la pisciculture passant successivement sous la tutelle de huit ministèrents, comme suit:

1977–1980:Ministère de l'Economie Rurale
1980–1984:Ministère des Eaux et Forêts
1984–1987:Ministère de la Pêche et de la Pisciculture
1987–1989:Ministère du Développement Rural
1989–1991:Ministère de la Jeunesse et du Développement Rural
1991–sept. 1992:Ministère de l'Agriculture, des Eaux et Forêts, de l'Environnement et de la Biodiversité
sept.–déc. 1992:Ministére de l'Agriculture et de l'Elevage
depuis déc. 1992:Ministére de l'Agriculture et de l'Elevage, de l'Environnement, du Tourisme et des Loisirs.

Jusqu'en 1984, la pisciculture n'a été supervisée que dans le cadre d'un Service (Service de la Pêche et la Pisciculture) dépendant de la Direction de la Chasse, Pêche et Pisciculture. Ce n'est qu'à partir de 1984 qu'une Direction de la Pisciculture a été créée.

Mais contrairement aux autres Directions centrales qui ont la possibilité de centraliser toutes les spéculations les concernant (par exemple, Direction de l'Elevage pour toutes les activités de production animale), la Direction de la Pisciculture est déconnectée des structures de production et de développement. Ainsi, le projet de Développement de la pisciculture rurale (1982–1990) fut successivement rattaché au Cabinet du Ministre, à la Direction Exécutive des Projets et Programmes et au Secrétariat Général à l'Agriculture et à l'Elevage. Actuellement, le projet de Pisciculture paysanne évolue sous la tutelle du Secrétariat Général à l'Agriculture et à l'Elevage, au même niveau institutionnel que la Direction de la Pisciculture (Derks, 1992, comm.pers.). De même, la FPIB (1985–1990) fut directement rattachée au Cabinet du Ministre (Mayet, 1992, comm.pers.).

Les organigrammes des différentes structures chargée du développement de la pisciculture montrent clairement le manque de coordination qui existe entre ces structures (Figures 2 à 5).

Dans les régions oú il n'existe pas de projet, les Chefs des Divisions Pisciculture (Figures 4 et 5) servent au niveau des Secteurs de l'Agriculture et de l'Elevage en qualité de vulgarisateurs piscicoles.

Non seulement la pêche et la pisciculture sont supervisées par deux ministéres différents (Industrie et Pêche/Agriculture et Elevage), mais en plus, de 1986 à 1991, le Ministère de l'Industrie et de la Pêche a entretenu un Service de l'Aquaculture (eaux marines et saumâtres) qui depuis sa création n'a entrepris aucune activité sur le terrain (Iwari, 1992, comm.pers.). Ce service a été dirigé par un spécialiste en aquaculture jusqu'en 1989, puis par un spécialiste du froid.

Si l'organisation interne des structures de développement est restée globalement stable durant ces 15 dernières années, le secteur est cependant caractérisé par une instabilité des cadres. Des sept cadres supérieurs formés entre 1982 et 1987 au Centre régional africain d'aquaculture (ARAC, PNUD-FAO), il n'en reste actuellement plus que trois dans le secteur de la pisciculture.

La structure nationale qui a pris le relais en 1990 du Projet PNUD-FAO de Développement de la pisciculture rurale n'est pas régie par un texte juridique remplaçant le contrat signé avec les Nations Unies en 1981. Cette structure qui correspond à un programme national est toujours appelée (à tort) “projet”.

De même le projet Pisciculture paysanne exécuté depuis juillet 1991 n'a pas encore obtenu légalement l'approbation du gouvernement, le texte le créant n'ayant été signé que par le Corps de la Paix des Etats-Unis.

Bien que les trois stations piscicoles principales du Pool et de la Bouenza aient obtenu l'autorisation de recycler leurs recettes depuis août 1986, elles n'ont toujours pas de statut juridique légal leur assurant l'autonomie financière définitive.

1.3 Enseignement et formation

1.3.1 Enseignement universitaire

Aucune institution ne forme des cadres s[écialisés en pisciculture au niveau supérieur. L'Institut de développement rural (INR) de l'Université Marien Ngouabi forme en cinq ans des ingénieurs de développement rural. Dans leur cycle de formation ils ont un petit module de pisciculture.

Le cycle court de formation de cet institut (3 ans) forme des ingénieurs des travaux de développement rural (techniciens supérieurs).

Figure 2

Figure 2. Organigramme de la Direction de la Pisciculture (1993)

Figure 3

Figure 3. Organigramme du Projet de Développement de la pisciculture rurale

Figure 4

Source: Conseil National de l'Agriculture, Tome III

Figure 4. Organigramme des Directions régionales (1993)

Figure 5

Figure 5. Organigramme du Projet de pisciculture paysanne (1993)

1.3.2 Enseignement secondaire

Aucune institution ne forme des cadres spécialisés en aquaculture au niveau moyen. Des notions théoriques de pisciculture sont enseignées cependant dans plusieurs écoles techniques de niveau secondaire inférieur ou supérieur.

  1. Au niveau secondaire du premier degré, des collèges forment des cadres moyens en deux ans. L'Ecole Nationale des Eaux et Forêts (ENEF) forme des agents techniques des eaux et forêts. Les Collèges d'Enseignement Technique Agricole (CETA) de Sibiti, Elogo et Lékana forment des conducteurs d'agriculture et des contrôleurs d'elevage. De tous ces établissements, les élèves sortent avec le Brevet d'Etudes Moyennes Techniques Agricoles (BEMTA), en ayant certaines connaissances sur la pisciculture.

  2. Au niveau secondaire du second degré, deux lycées agricoles forment en deux ans des conducteurs principaux des travaux agricoles et d'elevage, titulaires d'un baccalauréat agricole et possédant quelques connaissances en pisciculture.

1.3.3 Formations diverses

Le Centre piscicole de Djoumouna offre des formations spécifiques en pisciculture pour des cadres moyens, soit pour leur formation initiale, soit pour leur recyclage périodique.

1.4 Planification du développement

Il n'existe pas de plan national de développement de la pisciculture. Cependant, quelques lignes d'action ont été définies en 1987 dans le cadre du Conseil National de l'Agriculture, en vue d'atteindre l'autosuffisance alimentaire en l'an 2 000 (Conseil National de l'Agriculture, Tome II):

1.5 Evaluations et contraintes de développement

1.5.1 Evaluations
  1. En 1982, une première évaluation du potentiel de développement piscicole a permis la production d'un rapport intitulé “Propositions pour le développement futur de la pisciculture” (Coche, 1983). La mission FAO a sillonné quatre Régions (Pool, Bouenza, Niari et Plateaux) et les zones potentielles de développement ont été définies.

    Les propositions faites à l'issue de cette mission, reconfirmées par le Conseil National de l'Agriculture en 1987, restent encore valables à ce jour. Elles consistent en la définition de zones d'action piscicole prioritaires et du type de pisciculture le mieux adapté à chacune de ces zones (Tableau 9).

  2. En 1982, une mission FAO a évalué la faisabilité d'une unité industrielle pilote pour la pisciculture intensive de tilapia (Balarin, 1983). La capacité de production de l'unité pilote était estimée à 35 t/an d'Oreochromis niloticus au départ d'une écloserie produisant annuellement 250 000 alevins mâles. Le coût d'installation de cette unité pilote était évalué à près de 65 millions FCFA alors que le fonctionnement totalisait 15 millions FCFA par an. Compte tenu de l'évolution de la technologie et des facteurs économiques, cette étude vieille de 10 ans est actuellement dépassée.

  3. En 1985, une étude sur la faisabilité techno-économique de l'élevage du Clarias et d'Eutropius a été publiée par SEP Développement. La première partie est une étude de marché sur la vente et la consommation de ces deux espèces de poisson à Brazzaville, alors que la deuxième partie porte sur la faisabilité technique.

    Cette évaluation peut être considérée comme dépassée actuellement pour diverses raisons: évolution du pouvoir d'achat à Brazzaville et évolution de la pisciculture congolaise; le Clarias est actuellement produit à Djoumouna alors que l'Eutropius y a montré ses limites en étang dues principalement à une forte mortalité en présence de faibles taux d'oxygène dissous et une extrême fragilité pendant les manipulations.

Tableau 9

Zones d'action piscicole prioritaires au Congo
(d'après Coche, 1983)

RégionZones d'action piscicole prioritaires (ZAPP)Type de pisciculture *
SanghaSouanké
Axe routier Makoua-Ouesso
F + A
F
+ A
CuvetteZone Kellé-Etoumbi-Makoua
Zone Ewo-Okoyo-Boundji
F + A
FF
+ AA
PlateauxZone Gamboma-Abala-OyoFF + A
LekoumouZone Sibiti-Komono-ZanagaF
NiariMossendjo
Zone Kimongo-Loubomo-Kibangou
FF + AA
AA
KouilouMvouti
Baies/lacs/lagunes - plaine maritime
FF
I
BouenzaZone Madingou-Mouyondzi
Zone Loudima-Nkayi-Mfouati
FF
AA
PoolBrazzaville
Zone Ngamaba-Madzia-Mankoussou-Boko-Kinkala-Djoumouna
Zone Missafou-Mindouli-Loulombo
I
FF + AA
AA

*F … FFPotentiel restreint à bon pour la pisciculture familiale
 A … AAPotentiel restreint à bon pour la pisciculture artisanale
 IPotentiel pour la pisciculture industrielle
  1. En 1988, le projet PNUD-FAO PRC/79/007 a été évalué en moins de trois semaines par une mission conjointe PNUD/FAO (Mahy et L'Heureux, 1988). La mission a visité les Régions du pool et de la Bouenza et pris plusieurs contacts avec de nombreuses personnes concernées par le projet. Ses conclusions et recommandations ont servi de base à l'élaboration du projet PNUD-FAO PRC/88/007 et sont donc dépassées aujourd'hui.

    Une des plus grandes lacunes de cette mission a été de ne pas avoir apprécié le volume du personnel international et son impact sur le coût du projet. Une meilleure appréciation leur aurait sûrement permis de mieux planifier la coopération entre le PNUD et le Congo dans le cadre du projet PRC/88/007 en matière de personnel international.

  2. Des études socio-économiques des groupes cibles en milieu rural ont été menées dans le Pool et la Bouenza (Kali-Tchikati, 1988 et 1989). Elles ont permis de conclure que:

1.5.2 Contraintes de développement

Les diverses contraintes de développement identifiées sont les suivantes:

  1. Absence d'un plan national de développement de l'aquaculture.

  2. Manque de cadres compétents. Le pays ne dispose aujourd'hui que d'un nombre restreint de cadres supérieurs bien formés en aquaculture.

  3. Mauvaise utilisation des cadres existants. Dans la prise de décisions et le traitement des dossiers, on néglige souvent la participation des cadres nationaux spécialisés; un des exemples est l'étude de faisabilité de l'élevage d'Eutropius et Clarias confiée à SEP Développement en 1985 pour 50 millions FCFA.

  4. Vétusté des infrastructures piscicoles de base. La station de Djoumouna par exemple date de 1953, alors que l'amortissement d'étangs en terre se fait normalement en 20 à 25 ans.

  5. Absence d'une tradition d'élevage. Le pays est peu peuplé (6 hab/km2) et les produits de la chasse et de la pêche y ont suffit largement pour satisfaire les besoins en protéines de la population. Tout effort de production par élevage n'est donc pas d'emblée accepté.

  6. Mauvais état des routes. Cela entrave fortement les actions de vulgarisation et le matériel roulant doit être amorti à plus courte échéance.

  7. Manque de sous-produits agro-alimentaires. Sur l'ensemble du territoire national, les sous-produits agricoles potentiellement utiles pour l'alimentation supplémentaire des poissons d'élevage sont absents. Seul le son de blé est localement disponible dans certaines régions.

  8. Faible disponibilité des fumures organiques. Les Congolais n'étant pas des éleveurs par tradition, on trouve très peu de déjections animales pouvant être utilisées comme fertilisants dans les étangs. Les faibles quantités disponibles sont insuffisantes pour satisfaire les demandes des horticulteurs maraîchers et des pisciculteurs.

  9. Manque d'intérêt de la tutelle institutionnelle. Le secteur aquacole n'a jusqu'ici bénéficié d'aucune priorité gouvernementale, à tel point qu'il apparait comme un secteur réservé aux organismes internationaux.

  10. Le peu de moyens financiers alloués au secteur. En 1992, le Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage n'a alloué que 1,67 pour cent de son budget d'investissement au secteur aquacole (Rodriguez, 1992, comm.pers.).

1.6 Statistiques de production

ll n'existait jusqu'à une période toute récente aucun système de collecte de statistiques de production aquacole à l'échelle nationale. Les données existantes se limitent à la zone d'activité du projet de Développement de la pisciculture rurale (Régions Pool et Bouenza) et à la production de la FPIB (Brazzaville). Les productions des autres stations (Gambona, Ewo et Komono) n'interviennent que pour 2 pour cent environ, à partir de 1989.

On constate que la production aquacole est passée d'environ 42 tonnes en 1977 à 190 tonnes en 1992 (Tableau 10), soit une augmentation de 148 tonnes au cours de ces 15 dernières années. Cette production consiste essentiellement en tilapia du Nil.

Pour l'année 1989 au cours de laquelle les trois secteurs ont été fonctionnels (Figure 6), l'on note les pourcentages de contribution suivants: privé 58,2%; Etat 24,6%; mixte 17,2%.

Tableau 10

Production piscicole nationale (en tonnes)

AnnéeSecteur étatiqueSecteur mixte
(FPIB)
Secteur privéTotal
1977  4 292 (1)-  37 500 (5)  41 792
1978  4 594 (1)--    4 594
1979  4 182 (1)--    4 182
1980  5 251 (1)--    5 251
1981----
1982  8 400 (2)-  32 010 (6)  40 410
198312 500 (2)-  67 190 (6)  79 690
198411 900 (2)-  55 860 (6)  67 760
198518 650 (2)-  49 010 (6)  67 660
198617 240 (2)  6 800 (4)  66 786 (6)  90 426
198727 230 (2)14 400 (4)  72 205 (6)113 835
198840 900 (2)25 086 (4)109 904 (6)175 904
198959 969 (3)42 000 (4)141 951 (6)243 920
199048 725 (3)         0 (7)181 637 (6)230 362
199128 500 (3)         0 (7)217 809 (6)246 309
199219 158 (3)         0 (7)171 369 (6)190 527

Sources:(1) SEPIA International (1981) cité par Deceuninck (1988)
(2) Mouanga (1982 à 1988)
(3) Mouanga (1989 à 1992) et Ndzoro (1989 à 1992)
(4) Ndzoro (1989)
(5) Coche (1982) cité par Deceuninck (1988)
(6) Kali-Tchikati (1982 à 1992)
(7) entreprise en faillite

Le rendement annuel moyen des exploitations piscicoles (Tableau 11) est passé au cours de la même période de 0,52 t/ha (1977) à 2,81 t/ha (1992). Ce rendement est en général plus élevé dans les stations d'Etat qu'en milieu rural. La Figure 7 montre que dans les stations d'Etat, ce rendement a évolué de manière croissante jusqu'en 1989 pour ensuite rapidement diminuer jusqu'à ce jour. Par contre, en milieu rural, le rendement moyen est resté en constante augmentation depuis 1984 pour ne commencer à diminuer qu'en 1992 (moyens de transport limités et manque d'alevins).

La production et distribution d'alevins de tilapia du Nil en milieu rural (Tableau 12) est passée de 356 kg en 1982 à 1 860 kg en 1992. Alors que la contribution du secteur privé était très faible en 1982 (15,6% de la biomasse totale), elle a régulièrement augmenté au cours des années suivantes jusqu'à dépasser celle des stations d'Etat en 1992 (81,30%). Ceci confirme l'autonomie croissante des pisciculteurs privés en matière de production d'alevins de tilapia (Figure 8).

La distribution des alevins par le projet de Pisciculture paysanne n'a pas été prise en compte. En effet, moins de 6 kg d'alevins ont été distribués en 1992 et l'origine de ces alevins n'est pas précisée.

Tableau 11

Evolution des rendements annuels moyens (en t/ha)

AnnéeSecteur étatiqueSecteur privé
19770,52 (1)0,71 (3)
19780,56 (1)-
19790,51 (1)-
19800,64 (1)-
1981-0,60 (3)
19821,42 (2)0,96 (4)
19831,39 (2)1,24 (4)
19843,03 (2)0,89 (4)
19853,89 (2)1,06 (4)
19862,23 (2)1,31 (4)
19873,60 (2)1,42 (4)
19885,53 (2)2,47 (4)
19896,86 (2)2,71 (4)
19906,50 (2)3,07 (4)
19914,04 (2)3,37 (4)
19922,46 (2)2,81 (4)

Sources: (1) SEPIA International (1981) cité par Deceuninck (1988)
(2) Mouanga (1982 à 1988)
(3) Mahy et L'Heureux (1988)
(4) Kali-Tchikati (1982 à 1992)

Figure 6

Figure 6. Evolution des productions brutes (en tonnes)

Figure 7

Figure 7. Evolution des rendements annuels moyens, 1977–1992

Figure 8

Figure 8. Production et distribution d'alevins de tilapia du Nil, 1982–1992

Tableau 12

Evolution de la production et de la distribution d'alevins de tilapia du Nil en milieu rural, 1982–1992

AnnéeSecteur étatique
(kg)
Secteur privéTotal
(kg)
Contribution
(kg)(% total)
1982   300,94     55,5415,58   356,48
1983   655,34     51,26  7,25   706,60
1984   477,00   308,1539,25   785,15
1985   987,68   359,4526,681 347,13
1986   808,70   541,4040,101 350,10
19871 229,10   509,7029,311 738,80
19881 588,881 304,5945,092 893,47
19892 517,921 741,9740,894 259,89
19901 751,582 197,6555,653 949,23
1991   961,40   889,0148,041 850,41
1992   347,701 511,6281,301 859,32

Previous Page Top of Page Next Page