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3. TESTS DE FATIGUE ET DE MORTALITE

L'un des facteurs qui contribue à diminuer l'efficacité de la pêche électrique est l'effet tétanisant du courant pour la première pêche et la “fatigue” qui peut en résulter pour les pêches suivantes. Dans le premier cas, les poissons tétanisés dans leurs abris ont peu de chances d'être capturés, ou ceux qui sont parvenus jusqu'à l'anode sont entraînés par le courant d'eau avant qu'on ait eu le temps de les capturer. Dans le second cas, les poissons “fatigués” risquent de ne pas présenter la même capturabilité et l'efficacité d'une seconde pêche risque de s'en ressentir. Il importe donc sur le plan de la recherche, de trouver des courants qui tétanisent et fatiguent les poissons le moins possible.

D'autre part, une des qualités essentielles de la pêche électrique, par rapport à d'autres procédés de pêche, est de ne pas endommager les poissons. Or, certaines observations montrent que, même dans la pratique de la pêche, des poissons peuvent être tués.

Les tests de fatigue et de mortalité constituaient donc un complément logique aux tests d'efficacité. De tels tests se prêtent bien à une interprétation statistique, mais il faut les concevoir dans ce but. Dans cette première expérience on a préféré organiser les tests de manière à explorer une méthode, en vue d'obtenir le maximum de renseignements, et cela aux dépens d'une possibilité d'analyse statistique simple.

Le principe de la méthode employée a consisté à exposer les poissons pendant un certain temps au courant électrique des appareils ayant fait l'objet des tests d'efficacité, et dans des conditions aussi voisines que possible que celles des tests. Le poisson demeure tétanisé pendant ce temps et sa tétanie ou sa perte d'équilibre persiste au-delà de l'interruption du courant. Une fois le courant coupé, le temps que le poisson met à recouvrer son équilibre sert à caractériser l'indice de fatigue. On note également les mortalités éventuelles.

La fonction étant l'indice de fatigue, les variables expérimentales ont été les suivantes:

-   appareils

-   intensité du champ électrique

-   dimension des poissons

-   nombre d'expositions au courant.

3.1 Matériel

3.11 Poissons

Pour chaque appareil étaient testés deux lots de truites (A et B) composé chacun de la façon suivante:

Dimensions
(cm)
Nombre
5–102
10–151
15–201
20–251
25–301

3.12 Dispositif expérimental

Une boîte (A' et B') à deux compartiments en bois séparés par une cloison médiane en grillage de plastique, servait à recevoir les deux lots de poissons (Figure 6).

Devant la boîte, l'anode de l'appareil à tester était placée dans un premier test à une distance de 20 cm de la cloison médiane, et dans un second test à une distance de 40 cm. On obtenait ainsi 4 combinaisons de distance, exprimant une valeur relative de l'intensité du champ auquel étaient soumis les poissons:

-Test 20 cm:Poissons du compartimentA'
  """B'
-Test 40 cm:"""A'
  """B'

La cathode était placée d'une façon analogue par rapport à l'anode à l'emplacement qu'elle occupait lors des tests d'efficacité.

On trouvera dans le Tableau X la façon dont étaient répartis dans les deux compartiments le nombre et les dimensions des truites.

3.2 Méthode

3.21 Organisation et déroulement des tests

Le lot de poissons A était placé dans les compartiments A' et B', suivant la répartition figurant au Tableau X, l'anode de l'appareil à tester était placée, comme il vient d'être dit, dans un premier test à 20 cm de la cloison médiane.

Le courant était ensuite établi pendant 15 secondes. On chronométrait le temps séparant l'établissement du courant de l'instant où le poisson avait récupéré son équilibre. De manière à éviter des variations dans l'interprétation de l'instant auquel le poisson recouvre son équilibre, ce fut toujours le même observateur qui opéra. Pour accélérer ce temps de recouvrement, les poissons étaient stimulés à l'aide d'un petit bâton. Cette méthode prête évidemment à critique, mais dans les conditions d'expérimentation du terrain, il était difficile de faire autrement.

Après le début de cette première exposition au courant on laissait s'écouler un laps de temps de 5 minutes puis on soumettait les mêmes lots de poissons, dans les mêmes conditions, à une deuxième exposition au courant, puis à une troisième.

On procédait ensuite au second test en plaçant les poissons du lot B dans les compartiments A' et B', et en disposant cette fois l'anode à une distance de 40 cm de la cloison médiane. Le déroulement de ce second test était identique au précédent.

3.22 Indices de fatigue

Nous avons pris pour mesure de l'indice de fatigue le temps qui s'est écoulé entre l'établissement du courant et l'instant où le poisson recouvrait son équilibre. Il eut peut-être été plus logique de décompter le temps écoulé entre le moment où le courant a été interrompu et l'instant de récupération de l'équilibre. Pour passer de l'un à l'autre, il suffit de retrancher 15 secondes à chaque indice de fatigue. Nous l'avons fait dans quelques cas et pour les moyennes figurant au bas du Tableau X. Cela ne change pas les conclusions: les écarts entre les diverses valeurs sont seulement un peu plus grands. Mais pour un traitement statistique des données, il eut fallu procéder ainsi.

Faute de temps, l'appareil E n'a pas fait l'objet de tests de fatigue et de mortalité.

3.3 Résultats et discussions

3.31 Situation des indices de fatigue et de mortalité

Le Tableau X récapitule les résultats. Il a manqué 3 poissons (colonne 5). Un seul poisson est mort, ce qui rend ininterprétable le test de mortalité. Dans le calcul des moyennes des indices de fatigue le poisson mort a été compté pour 300 secondes. C'est en effet une durée au-delà de laquelle une truite ne respirant plus n'a guère de chances de survie sans un traitement adéquat.

3.32 Indices de fatigue en fonction des divers appareils

Il était intéressant de voir s'il existait une corrélation entre les indices de fatigue des divers appareils et leur efficacité, corrélation pouvant être positive ou négative.

Le Tableau II récapitule les moyennes des indices de fatigue par appareil ainsi que les efficacités correspondantes. Il n'apparaît pas de corrélation.

Il semble que l'on puisse se permettre les commentaires suivants: l'appareil D dont l'efficacité a été relativement faible, paraît davantage choquer les poissons: la faiblesse de son efficacité en est-elle la conséquence?

Quant à l'appareil C, dont l'efficacité a été particulièrement faible, son indice de fatigue est de beaucoup le plus faible. Peut-être précisément n'influençait-il pas suffisamment les poissons?

Il apparaît cependant une assez grande dispersion des valeurs des indices de fatigue dans le Tableau X, de sorte que l'on peut se demander jusqu'à quel point celles du Tableau XI peuvent être considérées comme significatives.

Cette dispersion peut résulter de la distance à l'anode à laquelle se trouvaient les poissons au moment du test. En effet, ceux-ci étaient répartis au hasard dans les deux compartiments. Ceux du compartiment le plus proche de l'anode pouvaient dans l'un des tests être situés à une distance de l'anode comprise entre 0 et 20 cm, dans l'autre test entre 20 et 40 centimètres. Dans le premier cas, sur les 20 premiers centimètres à partir de l'anode, le gradient de potentiel décroît très rapidement: il s'ensuit que les poissons situés contre l'anode (0 cm) se ressentent beaucoup plus du courant que ceux situés à l'autre extrémité du compartiment (20 cm).

3.33 Indices de fatigue en fonction de l'intensité du champ électrique (distances)

Si l'on prend comme référence de distance à l'anode le milieu de chaque compartiment, l'on trouve 4 groupes de distances: une de 10 cm, deux de 30 cm, une de 50 centimètres. Du fait d'une répartition différente des classes de taille au sein de ces divers groupes, il n'est possible que de comparer deux à deux:

-   distance de 10 cm avec une des distances de 30 cm,

-   l'autre distance de 30 cm avec distance de 50 centimètres.

Le Tableau XII fait état de ces comparaisons. On constate que si l'indice de fatigue paraît dé croître significativement entre les distances de 10 et 30 cm, les variations ne sont pas identifiables entre 30 et 50 centimètres.

C'était un résultat facilement prévisible. On peut en conclure que pour de futurs tests, il est inutile d'utiliser des distances supérieures à 20 centimètres.

Un autre point dont il faut tenir compte est d'employer, à l'avenir, la même électrode pour tous les autres tests. Dans le cas présent, les anodes étaient de différentes formes; on a ainsi obtenu des valeurs différentes de gradient de potentiel, indépendamment du voltage de l'appareil.

3.34 Indices de fatigue en fonction de la dimension des truites

Les deux dernières lignes du Tableau X paraissent montrer que les indices de fatigue augmentent avec la dimension des poissons. On est obligé pour l'interprétation des résultats de séparer les valeurs du compartiment A' de celles du compartiment B', du fait que ces compartiments ne se trouvent pas à la même distance de l'anode.

Pour les truites du compartiment A' les écarts entre les moyennes des indices de fatigue sont plus grands que pour celles du compartiment B': il est probable qu'une plus grande distance atténue les écarts.

3.35 Indices de fatigue en fonction du nombre d'expositions au courant

L'examen du Tableau XIII montre, pour la distance de 20 cm, la décroissance très nette des indices de fatigue en fonction du nombre d'expositions au courant. Cela paraît traduire une diminution d'excitabilité du poisson au courant électrique et pourrait être en corrélation avec la diminution d'efficacité des pêches successives.

3.36 Mortalités

Une seule mortalité ayant été enregistrée, il n'est pas possible d'en tirer des conclusions. Cependant, un test de mortalité doit faire apparaître des mortalités: à ce point de vue les tests effectués n'ont pas été assez sévères.

3.4 Conclusions

Les phénomènes suivants ont été mis en évidence:

-   Indices de fatigue variables avec les appareils,

-   Augmentation des indices en fonction de l'intensité du champ électrique,

-   Augmentation des indices en fonction de la taille des truites,

-   Diminution des indices en fonction du nombre d'expositions au courant, traduisant une diminution d'excitabilité des poissons,

-   Absence quasi-totale de mortalité, ce qui rassure sur les éventuels effets nocifs des divers appareils.

Toutefois les différences s'estompent lorsque le gradient de potentiel est trop faible.

Ces résultats étaient facilement prévisibles. On peut donc se demander s'il est intéressant de conduire de tels tests sur le terrain, où les conditions sont variables.

Il nous semble que ce genre d'études doive se conduire en laboratoire. Elles présentent en effet un intérêt certain pour améliorer l'efficacité de la pêche électrique. Mais il s'agira alors de parler d'un test de fatigue et de mortalité non plus pour comparer des appareils, mais pour comparer des types de courant.

Les conditions expérimentales pourront alors être normalisées, normalisation portant sur:

-   la résistivité de l'eau,

-   la dimension standard des poissons à fixer,

-   le nombre de poissons par test,

-   les dimensions de la cuve d'expériences, ses caractéristiques,

-   la tension à établir aux bornes de la cuve

-   la durée d'exposition au courant

-   la mesure de l'indice de fatigue ou de mortalité.

Ces tests pourront alors être interprétés statistiquement.

PAPERS ISSUED IN THIS SERIES
DOCUMENTS PUBLIES DANS LA PRESENTE SERIE

EIFAC/OP 1Summary of the organized discussion on the economic evaluation of sport fishing (1968)
[Résumé du débat organisé sur l'évaluation économique de la pêche sportive]
EIFAC/OP 2Bibliography on nutritional requirements of salmonoid fishes/Bibliographie sur les besoins nutritifs des salmonidés (1968)
EIFAC/OP 3Application of electricity to freshwater fishery management and development in Ireland (1969)
[Application de l'électricité à l'aménagement et à l'exploitation de la pêche d'eau douce en Irlande]
EIFAC/OP 4Les pêcheries de la Roumanie et la pêche roumaine (1970)
[The fisheries of Romania and romanian fishing]
EIFAC/OP 5Potential uses of waste waters and heated effluents (1971)
[Utilisations potentielles des eaux résiduaires et rejets chauffés]
EIFAC/OP 6Investigation of a method for comparing the efficiency of portable fishing machines/Etude d'une méthode permettant de comparer l'efficacité d'appareils de pêche électrique portables (1973)

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