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ASPECTS THÉORIQUES DE LA BIOTÉLÉMÉTRIE


Marquage des poissons
Détection des signaux de biotélémétrie
Localisation des émetteurs, positionnement des poissons dans l'habitat

13. Les aspects abordés en théorie comprenaient le fonctionnement des récepteurs, des antennes et des marques physiques actives (émetteurs de biotélémétrie et marques archives), l’anesthésie des poissons, la fixation des marques télémétriques, les effets du marquage sur le comportement et la physiologie, la rétention des émetteurs, les principes de base de propagation des signaux radio et acoustiques, le positionnement de la source d’émission, ainsi que la cartographie, et les bases mathématiques y afférent. Dans le cadre de ce rapport, seules sont reprises les grandes lignes de chacun de ces aspects. Une description plus exhaustive est disponible dans un manuel d’environ 160 pages, élaboré pendant la phase préparatoire de l’atelier (E. Baras, V. Bénech et G. Marmulla) et distribué à tous les participants au moment de l’accueil. La table des matières du syllabus se trouve dans l’Annexe 5 du présent rapport.

Marquage des poissons

14. Le premier séminaire ciblait plus particulièrement les techniques de marquage télémétrique, applicables pour la mise en place d’émetteurs de biotélémétrie ou de marques archives. Les émetteurs de biotélémétrie contiennent une source d’énergie et transmettent sur une longueur d’onde précise un signal pulsé susceptible de renseigner l’observateur sur la position de l’animal. L’adjonction d’un circuit couplé à un senseur permet de moduler le rythme de pulsation et informe l’observateur quant à la valeur de la variable mesurée (profondeur, température, activité). Les marques archives, quant à elles, ne transmettent pas de signal, mais enregistrent dans une mémoire interne les valeurs mesurées, qui ne pourront être obtenues et décodées qu’après la recapture de l’animal. La photo 2 montre des marques biotélémétriques.

15. La fixation des émetteurs de biotélémétrie ou des marques archives peut être réalisée par attachement externe, insertion intragastrique, insertion intrapéritonéale par intervention chirurgicale ou encore par insertion intrapéritonéale par le gonoducte. Chaque méthode de fixation présente des inconvénients et avantages intrinsèques, environnementaux ou spécifiques, qu’il convient de prendre en compte dans la définition d’une étude. L’insertion intragastrique est la méthode la moins perturbatrice, mais peut affecter le comportement d’alimentation. La fixation externe est généralement adéquate à court terme, mais problématique à long terme surtout dans les eaux courantes. L’insertion intrapéritonéale par intervention chirurgicale (photo 3) est nettement plus perturbatrice à court terme, puisqu’elle requiert une opération, mais une fois la cicatrisation de la paroi abdominale terminée, elle représente la méthode la plus sécurisante, tant pour le succès de l’étude que pour la santé du poisson. L’insertion dans la cavité péritonéale par la voie du gonoducte est seulement possible chez quelques espèces. En raison de l’augmentation de la durée de vie des émetteurs de télémétrie et des marques archives, l’insertion intrapéritonéale est devenue la méthode de fixation la plus fréquemment utilisée. Le succès ou l’échec de cette méthode est souvent intimement conditionné par l’adoption de mesures prophylactiques et thérapeutiques appropriées, de choix du site d’incision sur la base de critères histopathologiques et de modes de fermeture d’incision (suture, adhésifs cyanoacrylates, agrafes) tenant compte de la dynamique de cicatrisation chez les espèces concernées. Ces différents aspects ont été testés sur une vaste gamme d’espèces de poissons des régions tempérées et tropicales. Les photos 4 et 5 visualisent un tilapia marqué.

16. Le second séminaire a permis de passer en revue les biais liés au marquage, y compris les problèmes de rejet ou de perte des marques. Dans le cas des fixations externes, les principales raisons de cette perte précoce et involontaire sont la précarité des nœuds de fixation ou les coupures de la musculature dorsale occasionnées par les filaments de fixation, surtout en rivière à faciès lotique. Chez les poissons marqués à l’aide de marques intrastomacales, le rejet par péristaltisme ou par régurgitation peut se produire. L’apparition du rejet et le délai d’expulsion varient considérablement en fonction de l’espèce et de la taille relative de la marque. L’expulsion des marques peut aussi se produire chez les poissons où la marque a été implantée dans la cavité péritonéale, soit via l’incision ou une zone intacte de la paroi abdominale, soit via l’intestin chez certaines espèces. Les différentes techniques et procédures permettant de minimiser la probabilité de rejet ont été analysées.

17. Au plan des effets des marques sur la physiologie et le comportement des poissons, il a été réitéré qu’il était indispensable de tenir compte des spécificités des espèces étudiées, notamment au plan des caractéristiques de la vessie natatoire (espèces physostomes et physoclistes). Les biais spécifiques aux méthodes de fixation externe, intrastomacale et intrapéritonéale ont également été discutés en soulignant le risque de transposition de conclusions d’une espèce à l’autre, et la nécessité de réalisation d’études de faisabilité chez des espèces pour lesquelles aucune information n’est disponible.

Détection des signaux de biotélémétrie

18. Deux séminaires ont été consacrés aux spécificités des ondes radio et acoustiques, en termes de propagation dans le milieu aquatique, avec pour objectif principal de donner aux participants les bases de calcul nécessaires à la définition de la faisabilité d’une étude et de la stratégie à adopter.

19. Les ondes radio (30-170 MHz) se propagent omnidirectionnellement dans le milieu aquatique, mais seuls les vecteurs d’onde formant un angle de moins de 6° avec la perpendiculaire à l’interface eau-air peuvent traverser cette interface, se propager dans l’air et être détectés par une antenne aérienne couplée à une station réceptrice. Le signal ne peut être perçu que si l’accumulation des atténuations au cours de la propagation du signal ne réduit pas le rapport signal/bruit en deçà du seuil de sensibilité du récepteur. Les différents facteurs d’atténuation (propagation dans l’eau, à l’interface eau-air, dans l’air, dans l’antenne réceptrice et dans le câblage) ont été passés en revue. Cette revue inclut les équations permettant de modéliser l’atténuation en fonction de caractéristiques environnementales (profondeur, conductivité, fréquence d’émission, ...). La principale limitation pour la propagation des ondes radio est la profondeur d’émission, l’atténuation du signal étant d’autant plus forte que la conductivité de l’eau est élevée. Grâce à ces bases mathématiques, il était désormais possible aux participants de calculer la puissance minimale des émetteurs requis pour réaliser une étude dans tel ou tel milieu, ou d’adapter la stratégie de pistage aux émetteurs et aux conditions environnementales. Une séance d’exercices a permis aux participants de mettre en pratique ces connaissances sur la propagation des ondes radio pour la définition de projets d’étude.

20. En ce qui concerne le choix des bandes de fréquences lors de la planification d’un projet comprenant une étude par radiotélémétrie, il est vivement recommandé d’étudier soigneusement les possibilités existantes de fréquences. Bien sûr, tout d’abord on doit s’informer des bandes attribuées par la législation du pays (ou des pays) dans lequel (lesquels) se déroulera le projet.

21. Le second séminaire sur la propagation était consacré aux ondes acoustiques (30-80 kHz). En télémétrie acoustique, la fréquence d’émission est inversement proportionnelle au diamètre du transducteur piézo-électrique, de telle sorte que le marquage de petits poissons ne peut se faire qu’avec des émetteurs opérant sur des fréquences élevées, lesquelles subissent davantage d’atténuations lors de leur propagation en milieu aquatique. La vitesse de propagation du son varie en fonction de la salinité et de la température. Toute interface entre milieux à vitesses de propagation différentes occasionne une réflexion et une réfraction des signaux, de telle sorte que thermocline, halocline et végétation représentent des barrières quasi imperméables à la propagation des ondes acoustiques. C’est également pour cette raison que les signaux acoustiques doivent impérativement être détectés par un hydrophone immergé. Comme pour les ondes radio, les facteurs d’atténuation des ondes acoustiques ont été passés en revue et modélisés en fonction des conditions environnementales. Cette modélisation mathématique permettait aux participants au cours d’une séance d’exercices de déterminer la faisabilité d’études par biotélémétrie acoustique dans des environnements particuliers.

Localisation des émetteurs, positionnement des poissons dans l'habitat

22. Le séminaire suivant était consacré à la problématique du positionnement de la source d’émission du signal par un opérateur. À cet effet, les diagrammes de réception d’antennes et hydrophones directionnels et omnidirectionnels ont été passés en revue et comparés aux puissances de réception associées. Les performances intrinsèques des systèmes directionnels, en termes d’angle d’ouverture et de gain de réception, ont été analysées en fonction du contexte de l’étude par biotélémétrie, aussi bien dans le cadre de stations automatiques d’écoute passive que de pistage en bateau ou en véhicule. Une séance d’exercices pratiques a ensuite permis aux participants de déterminer objectivement plusieurs éléments clés de la stratégie d’étude, en l’occurrence: le type d’antenne (dipôle, boucle, H-Adcock, Yagi) le plus adapté en fonction de l’environnement, le nombre de fréquences pouvant être scannées par une station réceptrice et la vitesse de progression d’une équipe motorisée sans risque de non-détection du signal. Dans l’éventualité où les conditions environnementales sont trop contraignantes pour l’une des variables considérées, des alternatives techniques ont été envisagées, plus particulièrement les stations réceptrices couplées à des multiplexeurs d’antennes et l’utilisation d’émetteurs codés opérant sur une même fréquence porteuse.

23. La précision du positionnement par triangulation à partir d’antennes directionnelles a ensuite été considérée, dans l’optique d’obtenir des localisations aussi précises que possibles en optimisant les paramétrages de distances et d’angles relatifs des pointages des observateurs vis-à-vis de l’émetteur. En fonction du contexte de l’étude, le positionnement peut s’opérer à partir de repères dont les coordonnées sont connues (e.g. balises) ou de points précis dont les coordonnées sont déterminées in situ (e.g. GPS). Des logiciels utilitaires, développés spécifiquement pour des applications de radio-pistage, ont été illustrés, et leurs principes mathématiques détaillés, en vue de leur application dans les séances de travaux pratiques. Des alternatives ont été considérées pour le positionnement d’émetteurs mixtes (radio et acoustiques) et d’émetteurs acoustiques par des arènes d’hydrophones omnidirectionnels, permettant de localiser la position de l’émetteur en fonction des moments d’arrivée du signal aux différents hydrophones (principe inverse de la navigation hyperbolique). La combinaison des précisions angulaire, métrique et temporelle permet à l’opérateur de déterminer les dimensions du polygone d’erreur cernant la localisation réelle de l’émetteur, cet élément étant crucial pour la détermination de la stratégie de récoltes de données de cartographie et d’habitat.

24. Les données de position sont localisées sur carte d'habitat, en coordonnées cartésiennes. Le domaine vital ou l'aire d'activités journalières est ensuite calculé, par polygone convexe, par fonction normale bivariée (ellipse de confiance à N%) ou par grilles à mailles carrées. Le choix des méthodes est dicté par la précision des localisations et par la structure de la base de données (contrainte de binormalité pour les ellipses). Il est également crucial, dans le cadre de cette analyse, que chaque donnée de position ait la même représentativité dans le temps, et donc que les données soient récoltées à intervalle régulier. Le choix de l'intervalle est fonction de la biologie de l'espèce étudiée et de la logistique de l'étude. En pratique, il est recommandé de se baser sur des localisations quotidiennes, complétées par des cycles de 24 heures, où l'activité du poisson est décrite aussi fréquemment que possible. Une fois cette base de données disponible, il est possible, par sous-échantillonnage, de déterminer l'ampleur de la perte d'information résultant de l'augmentation du laps de temps entre pointages successifs, de comparer celle-ci aux budgets nécessaires à la réalisation des études sur base de localisations plus ou moins fréquentes, et de définir ainsi un rationale pour un projet. Cette procédure peut également être appliquée à la récolte de données au cours d'un cycle journalier. Elle constitue également une base particulièrement utile pour la programmation de marques archives, d'émetteurs de biotélémétrie et de stations automatiques d'enregistrement, dans le sens où elle permet d'optimiser la durée de vie de la marque par rapport à la fréquence utile de collecte d'informations.

Les photos 6 et 7 montrent des équipes de stagiaires en action de détection de signaux.


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