Global Forum on Food Security and Nutrition (FSN Forum)

English translation below

Bonjour à toutes et tous pour les échanges très intéressants. Je souhaiterais contribuer aux discussions en apportant une expérience concrète menée au Mali par la FAO, en lien avec la lutte contre le travail des enfants.

Dans ce pays, comme dans d’autres au Sahel, les populations rurales vivent principalement de l’agriculture, dans un environnement hostile et pauvre. Dans ce contexte, les enfants courent le risque cyclique de ne jamais sortir du cercle vicieux de la pauvreté dans lequel ils sont exploités à outrance.

Toute intervention de terrain censée contribuer à éradiquer le travail des enfants est complexe mais elle devrait toujours être articulée autour de deux éléments : d’une part, la prise de conscience de ce phénomène par les agriculteurs/agricultrices eux-mêmes et par les principales victimes, c’est-à-dire les enfants, et d’autre part, leur implication effective dans le recherche de solutions pour mettre fin au travail des enfants.

En 2017, la FAO a travaillé sur ces thèmes par le biais d’une synergie avec les Clubs Dimitra de la FAO, mise en œuvre dans le cercle de Bandiagara, au Mali. Les Clubs Dimitra sont une approche de mobilisation communautaire et d’autonomisation développée par la FAO et mise en place en Afrique subsaharienne depuis une dizaine d’années.  Dans six villages des communes de Doucombo et Dandoli, une trentaine de Clubs Dimitra (CD) avaient été mis en place dans ces villages un an plus tôt pour renforcer le volet social d’un projet visant à améliorer la nutrition, pour démultiplier les bonnes pratiques acquises par les ménages vulnérables de Bandiagara et améliorer ainsi la résilience des bénéficiaires tout en consolidant les impacts du projet.

A la fin de ce projet, la dynamique mise en place avec les Clubs Dimitra a été mise à profit avec succès par une initiative de la FAO portant sur la lutte contre le travail des enfants.

La stratégie choisie a consisté à renforcer les capacités des membres des Clubs Dimitra existants afin qu’ils puissent s’investir, mobiliser et sensibiliser les populations de ces villages. Il s’agissait de réduire le recours au travail des enfants, utilisé en tant que stratégie négative d’adaptation/de survie et dont les causes profondes sont souvent les difficultés socio-économiques des familles rurales.

Ainsi, à travers les Clubs Dimitra créés dans cette zone du pays, et grâce à leurs capacités de mobilisation communautaire, un accent spécifique a été mis sur les femmes adultes et sur les jeunes filles et garçons entre 15 et 17 ans. Une formation a d’abord été organisée à l’intention des leaders des clubs (jeunes filles, jeunes hommes, femmes et hommes), des chefs des villages et des animateurs des radios communautaires afin de les outiller à mieux inclure la lutte contre le travail des enfants dans l’exercice de leur rôle habituel et à veiller continuellement, par des dispositions définies par eux-mêmes, pour lutter contre les pratiques néfastes et nocives liées au travail des enfants.

L’utilisation des Clubs Dimitra pour la sensibilisation sur un thème aussi « délicat » trouve tout son sens car les clubs sont un espace de communication « sécurisé » qui ont permis aux communautés d’arriver à une meilleure compréhension et de s’approprier les voies d’analyse du phénomène du travail des enfants. Cela s’est fait par le biais des discussions habituelles des clubs. Cette appropriation est fondamentale pour que les parents et les enfants eux-mêmes en tant que futurs adultes commencent par analyser la situation du travail des enfants.

Les autorités villageoises, les leaders des clubs, les jeunes et les parents (hommes et femmes), dans leur rôle d’acteurs clés, ont participé tous ensemble à ces efforts de réflexion, d’identification des phénomènes, d’analyse, de discussion et de décision sur les mesures à prendre. Au sein des Clubs Dimitra d’abord, avec les enfants, puis avec toute la communauté ensuite, un dialogue s’est instauré sur l’importance d’éviter les tâches qui nuisent à la santé physique et mentale des enfants, et de garantir leur scolarité.

Le chef du village de Djiguibombo, conscient de l’importance de cette façon de faire, n’a eu de cesse de rappeler que les Clubs constituent un cadre approprié où la préoccupation du travail des enfants est discutée et des solutions décidées en impliquant tout le monde, ce qui permet de mieux accepter et suivre ensuite les décisions et les mesures décidées de façon collégiale. En effet, pour une véritable prohibition des pratiques néfastes du travail des enfants, il est fondamental d’avoir l’adhésion de toutes et de tous, ce que la méthodologie des Clubs Dimitra a permis de garantir.

Quant aux jeunes de 15-17 ans, ils ont réfléchi sur le sujet au sein de leur club et ont appris à développer des arguments pertinents pour dialoguer avec les autres générations, dans le respect des normes sociales instituées par leur culture.

Les jeunes de chaque village sont parvenus à cerner la notion du travail des enfants et à constituer avec les adultes un « Comité de veille ». Ce comité identifie des cas réels des pires formes de travail des enfants en pratique dans le village et les soumet aux débats dans les clubs pour que soient discutés la nature, le degré de gravité, les raisons et les voies de remédiation. Le résultat de ces débats sont ensuite entérinés en assemblée villageoise.

Dans cet intéressant parcours, la radio communautaire a joué sa part en organisant et diffusant un débat autour des dispositions de lutte prises dans un village contre les pratiques néfastes liées au travail des enfants. Ce débat radiophonique a alimenté le réseau de partage des bonnes pratiques des Clubs Dimitra à l’échelle de toute la commune et même au-delà, faisant ainsi bénéficier d’autres villages qui n’étaient pas ciblés directement par l’initiative.

Cette expérience montre combien il est important de miser sur une prise de conscience des dangers du travail des enfants, en particulier dans l’agriculture, en permettant à tous les membres des communautés de s’engager ensuite dans la lutte contre les pratiques néfastes dans ce domaine. L’action collective sur une question aussi sensible a été fondamentale pour apporter des changements positifs dans ce domaine.

Hello everyone for the very interesting exchanges. I would like to contribute to the discussion by bringing a concrete experience in Mali from FAO, in connection with the fight against child labor.

In this country, as in others in the Sahel, the rural population lives mainly from agriculture, in a hostile and poor environment. In this context, children run the cyclical risk of never breaking out of the vicious cycle of poverty in which they are exploited to the extreme.

Any intervention on the ground supposed to contribute to eradicating child labor is complex but it should always be articulated around two elements: on the one hand, the awareness of this phenomenon among the farmers themselves and among the main victims, that is to say children, and on the other hand, their effective involvement in the search for solutions to put an end to child labor.

In 2017, FAO worked on these themes through a synergy with the FAO Dimitra Clubs, implemented in the Bandiagara district in Mali. The Dimitra Clubs are an approach for community mobilization and empowerment developed by FAO and implemented in sub-Saharan Africa for ten years. In six villages in the municipalities of Doucombo and Dandoli, around thirty Dimitra Clubs had been set up in these villages a year earlier to strengthen the social aspect of a project aimed at improving nutrition, to multiply good practices acquired by vulnerable households in Bandiagara and thus improve the resilience of beneficiaries while consolidating the impacts of the project.

The chosen strategy consisted in strengthening the capacities of the members of the existing Dimitra Clubs so that they could invest, mobilize and sensitize the populations of these villages. The aim was to reduce the use of child labor, which is used as a negative strategy of adaptation / survival and whose root causes are often the socio-economic difficulties of rural families.

Thus, through the Dimitra Clubs created in this area of ​​the country, and thanks to their capacity of community mobilization, a specific emphasis was placed on adult women and on young girls and boys between 15 and 17 years old. Training was first organized for club leaders (girls, young men, women and men), village leaders and community radio hosts to equip them to better include the fight against work children in the exercise of their usual role and to watch continuously, through measures defined by themselves, to combat harmful practices linked to child labor.

The use of Dimitra Clubs to raise awareness on such a “delicate” theme finds all its meaning because the clubs are a “secure” communication space which have enabled communities to come to a better understanding and to appropriate the ways to analyze the phenomenon of child labor. This was done through the usual club discussions. This appropriation is fundamental for parents and children themselves as future adults to begin by analyzing the situation of child labor.

Village authorities, club leaders, young people and parents (men and women), in their role as key actors, have all participated in these efforts to reflect, identify phenomena, analyze and discuss and decision on the measures to be taken. First, in Dimitra Clubs, with the children, then with the whole community, a dialogue was established on the importance of avoiding tasks that harm the physical and mental health of children, and of ensuring their schooling.

The village chief of Djiguibombo, aware of the importance of this approach, has kept reminding that the Clubs constitute an appropriate framework where the concern for child labor is discussed and solutions decided by involving everyone, which makes it possible to better accept and then follow the decisions and measures which have been decided upon collectively. Indeed, for a true prohibition of harmful practices of child labor, it is fundamental to have the adhesion of all, which the methodology of the Dimitra Clubs has ensured.

As for young people aged 15-17, they reflected on the subject within their club and learned to develop relevant arguments for dialogue with other generations, while respecting the social standards of their culture.

The young people of each village managed to understand the concept of child labor and to establish, with adults, a "Monitoring Committee". This committee identifies real cases of the worst forms of child labor in practice in the village and brings them up for debate in the clubs so that the nature, the degree of severity, the reasons and the remedies are discussed. The results of these debates are then endorsed by the village assembly.

In this interesting journey, community radio played its part by organizing and broadcasting a debate around the measures taken to fight against harmful practices linked to child labour in a village. This radio debate fueled the network for sharing good practices of Dimitra Clubs across the entire municipality and even beyond, thereby benefiting other villages which were not directly targeted by the initiative.

This experience shows how important it is to build awareness of the dangers of child labor, especially in agriculture, by enabling all members of the community to then engage in the fight against harmful practices in this area. field. Collective action on such a sensitive issue has been fundamental to bringing about positive change in this area.