C’est une bonne initiative que la FAO organise cette discussion pour explorer les lacunes de politiques, pratiques et connaissances liant agriculture et nutrition. Souvent les politiques/décideurs perçoivent et créent une distance entre agriculture et nutrition, en les considérants comme deux thématiques distinctes avec des programmes déconnectés. Cette vision est contraire à la place qu’occupent l’agriculture et la malnutrition dans le monde rural. Surtout, les pays à dominance agricole, l’agriculture est indissociable de la nutrition, une complémentarité sur laquelle se base la vie sociale et économique. La vie est organisée autour de l’agriculture, tout dépend de cette activité (alimentation, santé, cohésion sociale). L’agriculture offre une gamme de possibilités de survie et de connectivité sociale et donc un programme d’investissement agricole doit tenir compte de toutes ces composantes qui sont inter-liées.
Si vous étiez chargé d’élaborer un programme d’investissements agricoles, quels seraient les 5 principales mesures à adopter pour en maximiser l’impact sur la nutrition ?
1. Foncier agricole et nutrition : Foncier (y compris accès aux ressources communes) et nutrition en milieu agricole. Cette mesure consiste à - mobiliser des ressources pour la protection du foncier agricole, -analyser la relation entre le titre foncier, la production agricole, et la nutrition de la population.
2. Développement des filières agricoles et nutritionnelles: Cette mesure consiste à développer des filières agro-nutrition en se basant sur des connaissances locales pour faciliter leurs implantations et aussi favoriser la création des emplois communautaires. Ces filière doivent s’intéresser à connaitre les valeurs nutritionnelles des aliments locaux, et améliorer les méthodes de conservations pour stabiliser les qualités nutritives et assurer la pérennisation des produits (agricoles et cueillette). Explorer les possibilités de fortifier et renforcer la qualité des aliments locaux pour répondre aux besoins nutritionnels (micronutriments et calorie) de la population en fonction de l’âge.
3. Diversité agricole et nutrition : Cette mesure consiste à diversifier les cultures locales en tenant compte des conditions climatiques, écologiques et des valeurs culturelles. Souvent, les produits cultivés sont monotones mais par peur et parfois ignorance, personne n’ose tester des nouveaux produits. Explorer des nouvelles cultures qui aideront à combler des déficits nutritionnels tels que les micronutriments (source de fer, vitamines, minéraux) et les protéines. Cette mesure doit aussi s’intéresser à tester de nouvelles variétés et mettre en place des unités de recherches axées sur la diversité des cultures qualitativement indispensables pour la nutrition des divers groupes d’individus.
4. Agriculture, santé et nutrition : Cette mesure doit se pencher sur la liaisons-agriculture-nutrition-santé. Couverture des besoins nutritionnels (calorie et micronutriments) et sanitaire. Les mauvaises conditions nutritionnelles et sanitaires font que les adultes soient souvent épuisés physiquement et moralement, et n’arrivent pas à travailler leur terre. La nutrition et la santé constituent la base de la productivité. Dans le milieu rural, l’agriculture qui demeure encore traditionnelle (surtout pour de nombreux pays africains) dépend fortement de la capacité physique. L’indisponibilité d’un membre actif au cours de la saison agricole (maladie, migration, décès) peut entrainer la famille dans la famine et la malnutrition. La maladie, le décès, sont des évènements inattendue qui peuvent facilement ruiner, et l’enfoncer dans une insécurité alimentaire chronique. Pour assurer la productivité agricole, Il est donc indispensable de prendre des mesures concrètes pour assurer la nutrition et la santé des agriculteurs.
5. Agriculture, cueillette (ou autre activité accessoire) et nutrition: Cette mesure consister à valoriser les activités locales qui sont complémentaires à l`agriculture et la nutrition des ménages. Par exemple dans la région du Guera ou j`avais effectué ma recherche, la cueillette et les produits agricoles constituent des sources primordiales de nutrition de la population. Une bonne partie des ingrédients de la cuisine (sauce) provient des produits de la cueillette. C’est une activité qui contribue à sécuriser les produits agricoles et gérer les famines.
Dans quels domaines souhaiterez-vous intensifier les recherches pour étayer l’élaboration et la mise en œuvre d'un tel programme, et pourquoi?
• Promouvoir l’accessibilité aux services sociaux de base: Donner la chance à la population surtout rurale d’avoir accès aux soins primaires, et aux marchés. Cette mesure va contribuer à protéger les produits agricoles et les réserver pour la nutrition familiale.
• Renforcer les réseaux sociaux : Les liens sociaux sont très indispensables pour sécuriser les activités agricoles. Il serait ingénieux d’identifier les réseaux sociaux locaux et développer des programmes autour en respectant les valeurs culturelles. Aider à la résolution des conflits…
• Protéger-stabiliser les moyens d’existence et de subsistance : Encourager la population à la diversité des cultures et aussi les moyens de subsistance. Par exemple apprendre des nouvelles activités qui concourent au bienêtre.
• Protéger les agriculteurs des enjeux agricoles : S’assurer que les politiques agricole étatiques ne soit pas des contraintes pour l’épanouissement de l’agriculture et des programme de nutrition.
Que peuvent faire nos institutions pour contribuer à ce que les gouvernements des pays s'engagent activement en faveur de vos recommandations, et en garantir la mise en œuvre efficace?
• Établir des critères et des indicateurs précis de suivi et control. Faire des évaluations des délais raisonnables,
• Mettre en place une cellule de surveillance- monitoring indépendante (avoir l’œil sur les politiques agricoles étatiques qui souvent bloque l’opération des activités des agriculteurs).
• Élaborer des politiques consistantes pour aider le gouvernement à respecter leur engagement envers la population, réviser/assouplir des politiques agricoles qui freinent le bon déroulement des activités agricole.
Ms. Syntyche Djindil