Consultation sur les principaux domaines de réflexion relatifs au droit foncier et aux investissements internationaux dans l'agriculture
A sa 36e session tenue à Rome en octobre 2010, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) a demandé au tout nouveau groupe d’experts de haut niveau d’entreprendre une étude qui serait présentée à la 37e session du CSA sur la nécessité d’accorder les investissements internationaux dans l’agriculture en fonction des préoccupations relatives à la sécurité alimentaire. Le présent document est la première version (V0) de cette étude. Il a été élaboré par une équipe de projet composée par: Camilla Toulmin (chef d’équipe), Jun Borras (Philippines), Prem Bindraban (Pays-Bas), Sergio Sauer (Brésil) et Esther Mwangi (Kenya). Toutes les contributions et suggestions ainsi que les nouvelles données pouvant être apportées par les participants à la consultation seront très appréciées.
Le HLPE nous a demandé de nous pencher sur trois domaines en particulier:
- Les rôles respectifs des plantations à grande échelle et des petites exploitations, y compris les impacts économiques, sociaux, sur l’égalité des sexes et l’environnement;
- Un bilan des outils existants pour cartographier les terres disponibles;
- Une analyse comparative des outils permettant d’accorder les investissements à grande échelle en fonction des stratégies des pays en matière de sécurité alimentaire.
Il s’agit d’une tâche très ambitieuse à la lumière de l’échelle et du rythme des investissements internationaux dans l’agriculture et de leur capacité à produire des conséquences positives ou négatives sur un grand nombre de personnes. La possibilité que les investissements internationaux dans l’agriculture soient réalisés à la hâte, sans information suffisante et sans se soucier des implications à plus long terme est une grave source de préoccupation. Il faut en effet tenir compte non seulement de l’expérience connue à ce jour mais aussi des tendances probables de la concurrence pour les maigres ressources en eau et en terres sur les 30-40 prochaines années. Les instruments et les modèles de bonne pratique appliqués aujourd’hui pourraient, s’ils sont bien orientés, se traduire par une amélioration substantielle des moyens d’existence de millions de personnes.
Nous aimerions recevoir vos commentaires sur les aspects suivants:
- La portée et le role des enquêtes sur l’utilisation des terres aux échelons régional et mondial, et les raisons des variations dans les estimations de gains de productivité à différents endroits, ’évaluation de l’écart de rendement et la localisation des terres marginales ou en friche.
- Y a-t-il des différences entre les investissements internationaux et les investissements nationaux, et pour quelles raisons. Ces différences s’expliquent-elles, par exemple, par les asymétries en matière de pouvoir et de ressources, par la prédominance du droit international vis-à-vis de la législation nationale, ou par le rôle joué par les organismes de promotion des investissements qui rivalisent pour ces courants d’investissement ?
- Possibilités de recours pour compenser la faible représentation des petits exploitants ou de l’action de la société civile en général dans les nombreux pays récipiendaires de ces investissements, ces agents ayant très peu de moyens pour exercer une influence sur ces investisseurs internationaux ou les gouvernements qui agissent en leur nom. Existe-t-il des exemples positifs de cas où les agriculteurs et leurs représentants ont pu faire entendre leur voix de façon plus effective et conclure des arrangements pour défendre leurs intérêts?
- Quelles sont les informations et les incitations qui guident le choix des modèles d’investissement? Et comment garantir que les décisions en matière d’investissement soient adoptées de façon plus ouverte, tiennent davantage compte des préoccupations sociales et environnementales plus générales au court et au long terme ?
- Dans ce contexte de faiblesse générale de la gouvernance en matière de droits fonciers, y compris de l’application de la loi, des consultations limitées aux communautés et de la tendance à recentraliser le contrôle des terres et des ressources dans le sillage de ces investissements à grande échelle, quels enseignements utiles pouvons-nous tirer d’autres initiatives en matière de transparence?
Le débat sur les investissements dans l’agriculture est devenu le théâtre d’une nouvelle lutte idéologique: pour les uns, la « modernisation de l’agriculture » requiert d’un profond changement en termes d’échelle de production, alors que les autres font l’apologie des systèmes agricoles basés sur les petites exploitations. Comme pour toutes les dichotomies, il faut absolument éviter une fausse polarisation et chercher, dans la mesure du possible, un terrain d’entente. Il faut s’efforcer d’expliquer les différentes perspectives et chercher, chaque fois que possible, à rapprocher les positions divergentes.
Les premiers constats de l’application des modèles actuels d’investissements internationaux dans l’agriculture indiquent que les bénéfices présumés en termes d’emploi local et d’opportunités de moyens d’existence ne se sont pas encore matérialisés. Les investisseurs semblent cibler des pays où la gouvernance des droits fonciers est faible et, par conséquent, où le gouvernement accorde librement le feu vert pour des zones de grandes dimensions sans aucune ou avec très peu de consultation. Toutefois, nous constatons également qu’un grand nombre de ces projets n’a pas encore été mis en œuvre; il est donc encore trop tôt pour évaluer l’ampleur des coûts et des bénéfices qui peuvent en découler pour les différents groupes.
C’est pourquoi nous avons besoin de toute urgence d’examiner les constats relatifs aux investissements internationaux dans l’agriculture en cours de réalisation de plus de 10 – 20 ans, pour lesquels il est possible de faire ressortir clairement la situation en termes de coûts et de bénéfices. Il serait particulièrement utile d’appréhender le processus par lequel ces projets ont été conçus, ainsi que les résultats et les incitations des différents groupes d’intérêts, à la fois les entreprises et les gouvernements.
Cette consultation pourrait être enrichie par le débat parallèle en cours sur la volatilité des prix et par une étude visant à déterminer dans quelle mesure le comportement spéculatif influence les prix du marché, plutôt que les fondamentaux de l’offre et de la demande. Des enseignements précieux peuvent être tirés de l’étude de la spéculation dans le domaine urbain.
Nous remercions d’avance toutes les personnes qui vont lire et commenter cette première version de notre rapport pour contribuer à ce débat. Toutes les informations et données supplémentaires sont les bienvenues. Nous attendons avec intérêt cette consultation féconde et enrichissante.
Camilla Toulmin (chef d’équipe, R-U)
Prem Bindraban (Pays-Bas)
Jun Saturnino Borras (Philippines)
Esther Mwangi (Kenya)
Sergio Sauer (Brésil)
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