1.Généralité :
1.1Excellent travail de synthèse :
Le rapport est très bien documenté et très intéressant. Il remet à sa juste place le poisson qu’il soit pêché ou élevé. Féliciations.
Il se veut une synthèse scientifique du secteur, ce qui est louable mais ceci centre le rapport sur les principaux faits connus et déjà décrits.
1.2Distribution du poisson :
Il faut noter que dans certaines campagnes enclavées où la pratique de la pisciculture existe peu (cas fréquent des zones d’économie de plantation d’Afrique de l’Ouest et Centrale), le poisson est distribué à des prix supérieurs au prix où il arrive en ville. Le stress pour les populations rurales lié au difficile accès au poisson (et en plus souvent de médiocre qualité) est donc particulièrement fort d’autant plus que ce sont des zones où de très nombreuses formes de malnutrition et de carences sont observées.
2.Remarques particulières à propos de la petites aquaculture (tirés des exemples africains).
2.1Utilisation de l’eau :
La petite aquaculture peut être un outil lorsqu’elle est bien conçue d’amélioration des systèmes irrigués. La compétition est présentée en terme de compétition spatiale, et surtout compétition pêche aquaculture, jamais en terme de synergie.
La pisciculture participer parfois (des situations contraires sont aussi décrites) à l’amélioration de la distribution, du stockage de l’eau à des fins agricoles. En terme de développement rural pour améliorer la sécurité alimentaire, évaluer l’utilisation de l’eau globale avec sa valorisation piscicole devrait être un objectif plus souvent promu.
2.2Sélection génétique
La sélection génétique lorsqu’elle est mal conçue en terme de gouvernance peut être un moyen de restaurer des oligopoles sur les populations pauvres qui en contrecoup vont subir un préjudice plus fort que si les états ou les organismes de développement concernés n’avaient pas recherché l’amélioration des souches élevées (en à Madagascar, Benz et Oswald, 2010). Il y a donc un coût et des bénéfices à la sélection génétique et tous les gains ne sont pas forcément redistribués au niveau des populations pauvres. Dans certaines situations, ces tentatives se soldent plutôt par des échecs. Particulièrement, s’il faut davantage transporter les poissons et si les achats sortent de la communauté rurale.
Il y a donc un coût à la sélection génétique qui peut parfois desservir les petits aquaculteurs. Les solutions alternatives, comme une organisation de réseaux d’échange de géniteurs pour maintenir une bonne variabilité génétique qui sont susceptibles de laisser la liberté aux acteurs, les soustrayant à cette potentielle main mise des organismes certificateurs et des contrôles associés, ne sont pas assez promues alors qu’elle restent localement plus efficientes qu’une sélection génétique. (Oswald et al 2013)
2.3Des réalités de développement d’aquaculure de développement à petites échelles existent en Afrique
Les travaux de l’APDRA (www.apdra.org) appuyés notamment par l’AFD et l’UE, ont montré que des expériences locales particulièrement en Guinée et en Côte d’Ivoire étaient tout à fait des réussites avec des impacts durables sur les communautés rurales (Oswald 2013, Simon et Benhamou, 2009).
En Afrique, on ne peut pas opposer simplement toutes les formes de promotion de la petite aquaculture aux actions de promotion de la pisciculture à petite ou moyenne échelle où les échecs sont aussi très nombreux et pas toujours bien documentés. Force est de constater le non-consensus sur les stratégies de développement de la pisciculture : par exemple certaines approches font l’apologie de subventions pour la construction d’étangs, ce qui a souvent comme conséquence d’augmenter le prix de l’investissement global, de ne pas tendre vers des systèmes où les petits producteurs ont les moyens de contrôler les réalisations et de les entretenir par eux-mêmes et aboutit ainsi à terme à l’effet inverse. Il en est de même pour les systèmes intensifs, où beaucoup d’interventions proposent des systèmes clés en main mais ou au final le risque financier porté par le paysan est bien supérieur à ce qu’il court sur ses autres activités agricoles. Enfin, il convient aussi de rappeler le non-consensus sur les espèces introduites, avec une quantité élevée d’actions qui se lancent sur des espèces non connues et qui sont sans lendemain. Faire un fourre-tout de tous les appuis à la pisciculture rurale ne paraît pas pertinent car associe des univers très hétéroclites. A l’opposé, il faut constater que si l’aquaculture jouait un rôle équivalent à celui qu’elle joue dans les campagnes asiatiques, le problème de la malnutrition se poserait de façon différente à l'échelle de l'Afrique. Dans cette comparaison, il faut cependant garder à l’esprit la relative faible maîtrise de l’eau autour des activités agricoles à l’échelle de ce continent et une histoire de la pisciculture très différente.
Les propositions d’actions de développement de la pisciculture intégrée ont trop souvent échappé du fait de leur spécificité à une analyse rigoureuse et cohérente des pratiques piscicoles. Cette situation est entrain de changer mais pourrait être encouragée par ce rapport, il faut proposer des ateliers d’élevage piscicole que les paysans trouvent efficients.
BENTZ B. et OSWALD M. 2010 “Respective roles of national institutions and farmers groups in the implementation of an innovation enabling smallholders to reproduce carp inside their rice fields in Betafo (Madagascar)”. Colloque IDSA, 28 juin- 1erjuillet 2010 ; Montpellier, France. http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00522795/fr/
Oswald M., 2013. La pisciculture extensive, une diversification complémentaire des économies de plantation, pp 165-183 In Ruf F. et Schroth G. (Eds), Cultures pérennes tropicales enjeux économiques et écologiques de la diversification. Quae update sciences and technologies, Montpellier France. 301 pp.
Oswald M., T Ewoukem T.E. et Mikolasek O., (2013) Approach and conceptual framework of smallholder fish farming intensification: example of dam pond fish polyculture based on all- male tilapia culture (Oreochromis niloticus) in Cameroon. Présenté à Ista 10, Jerusalement, 6-10 octobre 2013, accepté pour publication.
Simon D. et Benhamou J.F., 2009. Rice-fish farming in Guinée Forestière – outcome of a rural development project. Field Actions Sci. Rep., 2, 49-56 - www.field-actionssci-rep.net/2/49/2009/
Marc Oswald