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Oui, la mise en marché des produits agricoles alimentaires en Afrique de l’Ouest est l’un des principaux agents de régulation du flux alimentaire, surtout dans les villes. Cette question est d’autant plus cruciale car, non seulement la production est conditionnée par des facteurs climatiques imprévisibles, mais la récolte des produits alimentaires de base (facilement exportables comme les céréales) se fait une fois par an. Aussi, la quantité et la qualité des récoltes varient d’une année à l’autre et d’une zone agroécologique à l’autre. Dans le même temps, la demande en produits alimentaires est incompressible, voire en légère augmentation le long de l’année. Dans ces conditions, l’intégration réelle des marchés de la région pourrait être un vrai moyen de répartition équilibrée des denrées alimentaires, puisque plusieurs études ont démontré le potentiel d'autossiffisance alimentaire de la zone (IFAD, FAO, 2013)

Le problème, qui est en même temps l’originalité du commerce ouest-africain, c’est le caractère informel et la multitude de petits acteurs sans qui, l’intégration du marché serait une utopie. En effet, ce sont ces petits commerçants qui se chargent de la difficile tâche de constitution des stocks exportables dans un contexte où les stocks publics sont presque inexistants et malgré l’affirmation des organisations de producteurs. L’activité de ces acteurs, qui ignorent totalement la notion de la « régionalité » telle qu’exprimée ici, est souvent mal prise en compte par les statistiques qui n’en maîtrisent pas les différents contours. Par exemple, je n’ai pas connaissance d'une étude qui documente le commerce de l’ananas entre Bénin et les pays de l’hinterland par les conducteurs de camions citernes.

Mais malgré tous les pessimismes qu’il peut y avoir autour de l’intégration des marchés de la sous-région, quelques changements encourageants méritent d'être cités (mêmes s’ils restent à mieux structurés).

Bénin : il est relativement autosuffisant et semble commercialiser peu de produits agricoles sur le marché communautaire. Les principaux produits exportés sont les racines et tubercules (l’igname et manioc) et le maïs. Les débouchés sont le Nigéria et le Niger et un peu vers le Burkina et Togo. Depuis quelques années, l'ananas prend des parts de marché croissantes (en direction des pays sahéliens). Mais cette filière a des débouchés plus rémunérateurs vers les pays européens, fragilisant ainsi l’offre sur le marché communautaire. Enfin, le pays est une plaque tournante du commerce du bétail vers le Nigeria qui est le gros consommateur de viande de la région. Par contre la mangue est gaspillée au Bénin, par manque d’une volonté politique de transformation en s’inspirant du Dafani au Burkinabé.

 

Burkina Faso : l’exemple de la tomate de ce pays plutôt sahélien n’est plus à démontrer. Il approvisionne la plupart des grandes villes de ses voisins côtiers paradoxalement plus arrosés (Bénin, Togo, Ghana et Côte d’Ivoire). Il en est de même de la production céréalière (le maïs principalement) qui est exportée vers le Niger (produit à Logobou et vendu au marché de namounou dans la Tapoa) et Mali. Le bétail, lui est exporté vers les pays côtiers, principalement vers le Nigéria. Le pays importe des tubercules et des fruits (igname, ananas, orange et bananes y compris le Plantin) depuis le Bénin, le Ghana et la Côte d’Ivoire. Il fait partie des premiers exportateurs du sésame et du beurre de karité vers l’international.

Niger : il exporte surtout l’oignon vers les pays côtiers, principalement au Ghana et en Côte d’ivoire. Pendant la période de récolte, le pays se vide de sa production d’oignon et au moment de la rupture des stocks, il s’approvisionne de l’extérieur (Hollande). Là encore se pause un problème de maitrise des et de régulation des stockage, et de politiques structurantes d’auto approvisionnement peu performantes. 

Nigéria : première puissance de l’espace communautaire et malgré les bons exemples de réussies sur le plan agricole, il est contraint à recourir aux importations pour répondre aux besoins non couverts par la production locale à cause de son poids démographique. A lui seul, il constitue un marché que les pays membres de la CEDEAO ne peuvent pas satisfaire. Le Nigéria réalise d’importantes performances de production, dispose d’une diversité d’agro-système et  surtout d’une politique agricole (les réformes sous le ministre Akinwumi Adesina, actuel président de la BAD) qui peut inspirer d’autres pays de zone (à adapter au contexte et moyens de ces pays notamment.

Personnellement, je pense que l’essor des marchés de niches vers les pays européens est un véritable frein (pour ne pas dire un piège) à l’intégration régionale des marchés. En effet, les filières biologiques et équitables qui ont des débouchés sûrs et plus rémunérateurs pour les producteurs pénalisent la disponibilité de ces produits sur les marchés locaux. Aussi, l'insuffisance de la structuration du marché communautaire rend difficile la traçabilité des flux commercés entre pays.

Yes, the marketing of agricultural food products in West Africa is one of the main factors in the regulation of food supply, especially in the cities. This question is even more vital because not only is production governed by unpredictable climatic factors, but the harvest of basic food products (easily exportable, like cereals) takes place once a year. Furthermore, the quantity and quality of the harvest varies from year to year and from one agro-ecological area to another. At the same time, the demand for food products cannot be reduced, but rather increases gradually throughout the year. In these conditions, the actual integration of markets in the region could be a real way to balance distribution of food products because many studies have shown the potential food self-sufficiency of the area (IFAD, FAO, 2013)

The problem, which at the same time is the distinguishing factor of West African trade, is its informal character and the multitude of small operators, without which integration of the market would be a Utopia.  In fact, it is these small traders who take charge of the hard task of building exportable stocks in a context where publicly held stocks are almost non-existent despite, the statements of the producers ‘organizations. The activity of these operators, who have no knowledge of the concept of "regionality [belonging to a region]" as it is understood here, is often not taken into account by statistics which do not encompass its different aspects. For example, I do not know of any study that documents the trade in pineapples between Benin and the hinterland by drivers of fuel tanker trucks.

But despite all pessimism that may arise about market integration in the sub-region, some encouraging changes are worth mentioning (even if they need to be better structured).

Benin: is relatively self-sufficient and seems to trade few agricultural products on the sub-regional market.  The main exported products are roots and tubers (yam and cassava) and maize. The outlets are Nigeria and Niger and a small amount goes to Burkina and Togo. For some years already, pineapples constitute a growth market (towards the Sahel countries). However this sector has more profitable prospects in the European countries, which weakens availability for the community market. Finally, the country is a focal point for trade of livestock to Nigeria, the main consumer of meat in the region. On the other hand, the mango is wasted in Benin because there is a lack of political support for transformation such as that of Dafani in Burkina Faso.

Burkina Faso: the example of tomatoes  in this predominantly Sahelian country needs no further illustration. It supplies the majority of the big cities in the neighboring countries which are paradoxically better irrigated (Benin, Togo, Ghana and Ivory Coast). It is also the case with cereal production (mainly maize) which is exported to Niger (produced in Logobou and sold in the Namounou market in the Tapoa province) and Mali. Cattle are exported to the coastal countries, mainly Nigeria. The country imports tubers and fruit (yam, pineapple, oranges and bananas, including plantain) from Benin, Ghana and Ivory Coast. It is one of the main exporters of sesame and of shea butter to the international market.

Niger: exports above all onions to the coastal countries, mainly Ghana and Ivory Coast. During the harvest period, the country is emptied of its onion production and when it is out of stock it imports from outside (Holland).  In this instance there is a problem of control and regulation of stocks and of poorly performing policies on the structuring of self-sufficiency.

Nigeria: leading power of the community area yet despite good examples of success in agriculture is forced to resort to imports to meet demand not covered by local production because of its demographic density.  Just by itself, it constitutes a market that the member countries of ECOWAS cannot satisfy. Nigeria achieves significant production levels, has a diverse agro-system and above all an agricultural policy (the reforms under the Minister Akinwumi Adesina, present president of the African Development Bank) which can be an inspiration to other countries in the area (once   adapted to the  particular context and means of these countries).

Personally, I think that the rise of niche markets directed to European countries is a true obstacle (not to say a trap) to regional market integration. In fact, the organic and fair trade networks which have secure and well remunerated outlets for the producers penalize the availability of their products on the local markets. At the same time, the inadequate structure of the community market makes it difficult to trace the flow of trade between countries.