Global Forum on Food Security and Nutrition (FSN Forum)

François Grenade

Iles de Paix
Belgium

Iles de Paix, Organisation Non Gouvernementale active dans la promotion de systèmes alimentaires durables, développe des projets agroécologiques au Pérou, au Burkina-Faso, au Bénin, en Tanzanie et en Ouganda.

Si, au sein de l’association, le chemin de l’agroécologie ne fait plus débat pour construire des systèmes alimentaires durables et répondre aux défis actuels de notre système agroalimentaire, cette nécessaire transition n’en est pas aisée pour autant. L’association s’est ainsi fixée des balises pour son intervention dans la promotion d’un modèle agricole durable, que vous trouverez en attaché.

L’association est également confrontée dans sa pratique à différentes questions que vous trouverez ci-dessous et qui, nous l’espérons, pourront nourrir et orienter le travail de recherche qui s’organise au sein du HLPE.

Tout d’abord, nous tenons à mentionner que, si le cadre de l’agroécologie est clairement défini dans votre introduction, il n’en va pas de mêmes pour les « autres innovations » mentionnées dans le titre de cette étude. Il nous semble indispensable de définir ce qu’on entend par « autres innovations » au risque de faire perdre toute utilité à cette étude.

Voici différents questionnements qui ressortent de notre pratique quotidienne de l’agroécologie dans les pays du Sud.

  1. La motivation personnelle pour l’agroécologie.

Les agriculteurs familiaux du Sud n’ont que très peu d’aspirations agroécologiques. Cette approche ne coule pas de source pour les paysans qui veulent avant tout une augmentation sensible de leurs rentrées financières. S’il est vrai que l’agroécologie peut permettre une amélioration des revenus, elle ne permettra pas aux agriculteurs d’atteindre les standards de développement occidentaux, qui restent le rêve des populations avec lesquelles nous travaillons. L’agroécologie à large échelle peut-elle s’envisager sans un changement du paradigme du développement et une remise en cause du modèle culturel et économique dominant ?

  1. Approche contextuelle et expérimentale de l’agroécologie.

Dans la coopération au développement mais également dans la vulgarisation agricole en général au Sud : la tendance est d’appliquer des recettes toutes faites. La recherche-action et l’expérimentation sont fondamentales dans l’approche agroécologique mais ces pratiques sont très peu présentes dans nos contextes d'intervention.  Cette approche se heurte donc à la mentalité d’apprentissage, comment sortir de cette mentalité?

  1. Formations agronomiques et l'investissement dans la recherche.

Comment faire une place pour l’agroécologie dans la recherche alors qu’elles n'intéressent pas les groupes privés qui, aujourd'hui, orientent largement la recherche scientifique?

Comment redéfinir la recherche pour qu'elle permette plus d’ascendance, et une articulation fluide entre la recherche paysanne et la recherche scientifique.

  1. Prise de risque.

Le changement de modèle agricole et l’expérimentation impliquent une prise de risques. Comment créer un climat social et politique favorable à cette prise de risque. Les politiques publiques sont nécessaires pour soutenir la transition. Au Nord comme au Sud, il est indispensable que ce risque ne soit pas uniquement assumé par le producteur.

  1. Tissus communautaires et sociaux importants. 

L’agroécologie demande des tissus communautaires et sociaux importants : les paysans doivent se mettre en relation pour expérimenter, échanger. Or ces communautés locales qui s’entraident et échangent n’existent pas dans tous les contextes. Beaucoup de tissus sociaux sont aujourd’hui très affaiblis. Comment l’agroécologie peut-elle s’implanter dans des contextes où les tissus communautaires sont très faibles ? Comment renforcer ces tissus sociaux ? L’agroécologie peut-elle trouver sa place dans un système économique qui renforce les logiques individualistes ?

  1. Les indicateurs :

Il faut dépasser les indicateurs classiques qui sont issus d'un modèle purement économique. L’agroécologie et le changement de paradigme nécessitent de changer de lunettes. Les performances doivent internaliser les couts et bénéfices sociaux, environnementaux, culturels, nutritionnels. Toute comparaison avec l’agriculture conventionnelle doit également intégrer ces dimensions.

La question de l’autonomie et de la résilience doit également trouver sa place dans des indicateurs de performance de l’agroécologie.