Forum global sur la sécurité alimentaire et la nutrition (Forum FSN)

Groupe Interministériel sur la Sécurité Alimentaire (GISA)Marine Renaudin

Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Nous nous félicitons de la décision prise par le Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA) à sa 41ème  session plénière de demander au Groupe d’experts de haut-niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE – High Level Panel of Experts) la conduite d’une étude sur « le développement agricole durable au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition, y compris le rôle de l'élevage » et remercions le HLPE pour cette consultation.

La version des termes de référence présentée à cette consultation électronique privilégie l’étude des équilibres entre offre et demande d’aliments et de produits non alimentaires issus de l'agriculture à moyen et à long terme comme point de départ à l’analyse des  défis posés à l’agriculture et à l’élevage. Cette approche de la sécurité alimentaire et nutritionnelle centrée sur les équilibres entre disponibilité et demande ne nous semble pas correctement traduire l’ensemble des dimensions qui sont le fondement de la sécurité alimentaire et la nutrition, et notamment les enjeux d’accès, de qualité de l’alimentation ( nutritionnelle et sanitaire) et de santé publique[1].   Afin de tenir compte de ces enjeux, il conviendrait de centrer davantage ce rapport sur les différents piliers de la sécurité alimentaire et nutritionnelle (accès, disponibilité, qualité de l’alimentation et régularité). Ceci permettrait de s'interroger sur les conditions pour que le développement agricole durable contribue à la sécurité alimentaire et à la nutrition, y compris l'élevage.

Ainsi, l’objectif de ce rapport devrait être de faire une synthèse des débats liés à la définition du développement agricole durable et d’identifier les difficultés, les pistes de recherche et les conditions pour que le développement agricole durable (intégrant dûment l’élevage et la santé animale) soit davantage propice à la sécurité alimentaire et la nutrition.

Les différents modèles de développement agricole existants n’ont en effet potentiellement pas les mêmes effets sur la sécurité alimentaire et la nutrition en ce qui concerne:

  • l’évolution  des  inégalités  à  la  fois  sociales,  économiques  et territoriales  en  milieu agricole, pouvant conduire à des marginalisations de populations en termes d’accès à la terre ou à toute autre ressource naturelle, et aux moyens de production (notamment aux intrants);
  • le maintien et la création d’emploi  agricole  et péri-agricole,  dans des contextes de transition  démographique  où  des  millions de  jeunes  arrivent  chaque année  sur  le marché du travail; 
  • la  régularité de la production et des revenus des agriculteurs, éleveurs et agropasteurs ainsi que des acteurs liés à l’agriculture pouvant avoir des effets sur  la régularité de l’accès à une alimentation saine et équilibrée; 
  • la diversification des productions agricoles, à l'inverse, la spécialisation des productions peuvent avoir des conséquences importantes sur la diversité alimentaire et donc la nutrition; 
  • le travail des femmes et les rapports de genre avec des conséquences notamment sur le soin aux enfants pouvant avoir des impacts sur leur situation nutritionnelle;
  • la santé et par conséquent la nutrition, par exemple lorsque une irrigation mal maîtrisée se traduit par une recrudescence de parasitoses ou qu'une mauvaise conduite de l'élevage induit une augmentation des infections humaines d'origine zoonotique ;  la durabilité des systèmes alimentaires et des écosystèmes, ce qui a des conséquences sur la stabilité de l’accès à l’alimentation, si la base de ressources et de services écosystémiques nécessaire à la sécurité alimentaire est mise en danger;
  • l’adaptation aux impacts du dérèglement climatique et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, et donc en particulier sur la stabilité de l’accès à l’alimentation ;
  • les préférences alimentaires et de sécurité sanitaire, en analysant notamment les effets des modèles agro-alimentaires, en aval de la production (stockage, transformation, distribution, etc.) sur la sécurité alimentaire et la nutrition;
  • l’équilibre  entre  offre  et  demande  alimentaire dans  un  contexte  de  croissance démographique et d’urbanisation qui modifient la demande alimentaire à moyen et à long  terme.  Sur  ce  volet  prospectif  de  l'évolution  de  l'offre  et  de  la  demande alimentaire,  le rapport devrait analyser les exercices de prospectives qui explorent des hypothèses contrastées quant à l’évolution de la demande de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux (exemple : Eating  the planet, SEC-¨PIK, 2009 ; scénarios du projet européen Animal change, scénarios Agrimonde et Agrimonde TERRA, etc.)..
  • etc ...

Il nous semble que ce rapport HLPE doit partir de ces facteurs fondamentaux pour la sécurité alimentaire et la nutrition afin de (1) identifier ce que l’on sait aujourd’hui des liens entre développement agricole et sécurité alimentaire et nutrition dans les domaines indiqués ci- dessus, (2) analyser en quoi les différents modèles de développement agricole durable (agro-écologie, agriculture biologique, agriculture climato-intelligente, intensification écologique, etc.) ont des effets   sur ces différents facteurs de la sécurité alimentaire et de la nutrition, et (3) identifier comment ces différents modèles apportent des solutions pour que le développement agricole durable, y compris l’élevage, soit davantage propice à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Une attention particulière devrait être portée sur les conditions qui faciliteront la transition vers des systèmes agricoles durables qui soient propices à la sécurité alimentaire et à la nutrition, ce qui renforce la nécessité de différencier les modèles de développement agricole durable, puisqu’ils n’ont pas les mêmes conditions de déploiement.

NB : Remarques éditoriales pour ce qui concerne la version française : « Foresight » devrait être traduit par « prospection » (paragraphe A1). « Including animal diseases, pest and diseases » devrait  être  traduit  « maladies  animales,  les  ravageurs  des  cultures  et  les  maladies  des végétaux » (Paragraphe B3).

Par ailleurs, dans un souci de transparence et afin de préparer au mieux la consultation au niveau des pays, le GISA souhaiterait qu'une version révisée des termes de référence suite à la consultation soit publiée.

[1] 75 % des pathologies infectieuses humaines sont d'origine zoonotique