Réponse de la France à la consultation en ligne portant sur l'avant-projet de Directives volontaires pour une gestion durable des sols
Nota bene : en complément de la réponse au questionnaire, quelques suggestions rédactionnelles préliminaires dans le texte des directives sont également proposées.
La version zéro présente-t-elle un schéma suffisamment complet pour parvenir à une gestion durable des sols dans le monde entier?
Cet avant-projet est une bonne base de discussion. Il pourrait cependant très utilement être complété en particulier sur les points suivants :
- approfondir les questions agronomiques dont l'analyse reste assez partielle (voir ci-dessous). Il manque aussi des références aux services relatifs au cycle de l'eau (il n'y a pas d'évapotranspiration sans végétaux... et pas de végétaux sans sols vivants et fonctionnels).
- La principale pratique agronomique recommandée est le « sans labour ». Il existe pourtant de nombreuses autres approches qui devraient également être décrites : agriculture biologique, agro-écologie, agroforesterie, intérêt des rotations…
- La gestion de la fertilité et des flux de nutriments est trop centrée sur l'azote au détriment d'autres éléments qui ont un impact également très important
- La sécurité alimentaire est abordée au point 4 de manière trop partielle : la production et la productivité ne sont qu'une partie des 4 piliers de la sécurité alimentaire. Les questions d'accès, de nutrition, de qualité sanitaire restent des défis pourtant très prégnants encore aujourd'hui. Cette définition partielle amène à se centrer de manière excessive sur les questions de rendements (« high-yelding varieties ») et occulter d'autres critères importants dans la prise de décision des producteurs : comment gérer la structure des sols, comment limiter la pression des insectes, parasites (exemple nématodes, taupins..) et autres maladies, comment gérer les risques (climatiques, économiques), l'adaptation au changement climatique… Répondre à l’ensemble de ces préoccupations et défis requiert une approche plus globale.
- La question cruciale des pollutions et contaminations des sols n'est quasiment pas traitée. Or, si l'utilisation de composts, de déchets urbains… peuvent être des options très intéressantes, il convient d'aborder la question de la bonne gestion des risques sanitaires ou de contamination possible si elle n'est pas réalisée dans de bonnes conditions : des recommandations en ce sens devraient être ajoutées.
- Il conviendrait de mentionner la bioéconomie au sens large (il n'est question dans le texte que de "fibre and fuel supply" ce qui semble limitatif).
- Le tableau 1.1 est assez incomplet. Par exemple la partie « provisioning services » mentionne dans habitat l'intérêt pour les oiseaux et ne mentionne pas explicitement les organismes et microorganismes du sol comme de tous les organismes dépendant de la production primaire terrestre, dont le lien avec le sol et les services rendus sont pourtant essentiels
- Enfin, la dernière partie (communication, plaidoyer, suivi…) est incomplète : d'une part le GSP n'est pas le seul acteur à mobiliser, on peut mentionner le CNUCCD, l'initiative 4 pour 1000…. De même la question du suivi (dans le titre) n'est pas traitée dans cette partie 5.
Ces directives contiennent-elles les éléments techniques pour parvenir à la gestion durable des sols ?
De nombreux éléments techniques sont mentionnés mais ces éléments sont souvent trop partiels, les approches proposées ne sont pas suffisamment intégrées. Par exemple :
- les flux de nutriments n'abordent pratiquement pas la question des exportations de nutriments par les cultures (seulement au quatrième point du 3.4), l'essentiel de la question des nutriments porte sur l'azote, qui peut être fixé à partir de l'atmosphère, mais ce raisonnement ne peut pas être appliqué pour des éléments tels que P ou K dont le cycle n'a pas de passage par l'atmosphère : ce qui est exporté par les cultures doit être compensé par des apports, la seule altération des roches n'étant pas en mesure de compenser des exportations importantes.
- Ainsi par exemple au 3.4 portant sur le cas où des excédents de nutriments sont apportés, les bandes enherbées ou zones humides ne peuvent en résoudre qu'une partie (azote) mais pas la totalité (le phosphore et le potassium ayant un cycle terrestre exclusivement)
- les mesures d'équilibrage des nutriments mentionnées au 3.4 point 2 ne mentionnent pas du tout les risques de contamination inhérents à l'utilisation de composts incluant des déchets urbains (ordures ménagères - household refuses - et/ou boues, fussent-ils compostés)
- les paragraphes portant page 11 sur The soil filters and neutralizes any added pollutants" sont à revoir. Le titre est inapproprié et doit être revu : en effet, alors que le contenu développé évoque plutôt (à juste titre) des démarches préventives, ce titre laisse croire que le sol peut éliminer les polluants, message qui nous semble dangereux: il ne s'agit pas de neutraliser des polluants ajoutés.... mais bien d'éviter d'en ajouter. Il manque également dans ce titre un point d'alerte sur la qualité des matières organiques apportées aux sols agricoles en fin de cycle de vie des produits organiques issus de zones urbaines.
De plus le document peine à mettre en relief l'importance / la proportion des phénomènes. Ainsi la structure de la partie 3, dont le chapeau reprend les principes 8 et 9 de la charte peut laisser croire que les principes 8 et 9 peuvent avoir le même poids, alors que le 8 (démarche préventive) est essentiel pour avoir un effet important, le 9 (réhabilitation), s'il reste un enjeu majeur dans bien des contextes (zones dégradées et /ou désertifiées) concernant des surfaces moindres. Paradoxalement, dans la suite de la partie, la question de la réhabilitation des sols n'est quasiment pas abordée. Une partie spécifique pourrait être incluse (point 3bis).
Les directives tiennent-elles compte de la vaste gamme de services fournis par les ressources en sols ?
Les services cités sont nombreux mais pas complets (en particulier les services sociaux peuvent paraître très incomplets puisque les fonctions de supports d'aménagements ne sont pas ou peu mentionnées), les fonctions culturelles semblent très largement sous-estimées (paysages, cultures gastronomiques, tourisme, archéologie, mémoire...) .
Les résultats des directives, une fois celles-ci appliquées, suffiront-ils pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD)?
Pas certain, en particulier pour ce qui concerne la prévention des risques de pollutions diffuse et contamination des sols, pour ce qui concerne le maintien de la fertilité des sols (équilibre des nutriments), ou encore pour lutter contre la déforestation et l'artificialisation des sols -> impacts possiblement défavorables sur la sécurité alimentaire par minimisation de la difficulté d'atteinte simultanée de l'ensemble des objectifs par les moyens proposés
Les directives définissent-elles les activités à éviter pour tirer le meilleur parti d’une gestion durable des sols ?
Pas encore suffisamment :
- même si la question de l'artificialisation est mieux traitée que dans des documents précédents, elle devrait être davantage mise en relief ;
- la question de l'économie circulaire et des précautions à prendre quant à la qualité des matières organiques à accepter ou refuser sur les terres agricoles pour effectuer un retour de matière organique et de nutriments n'est pas posée du tout. Cela favorise le risque de contaminations diffuses importantes et irréversibles.
- La fin de la partie 4 est curieusement pessimiste sur le « sans labour » pourtant promu tout au long du document, ce n'est pas très incitatif...
- La partie 5 est très embryonnaire
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