Madame, Monsieur,
La France remercie les membres de l'équipe du projet et du Comité directeur du HLPE pour cette consultation électronique sur le projet version 0 de rapport.
Veuillez trouver en pièce jointe et dans le cadre ci-dessous, la position de la France sur le projet de version 0 du rapport du HLPE.
Sincères salutations,
........................................................................
Commentaires de la France sur le projet version zéro du rapport du Groupe d’experts de haut niveau (HLPE) sur les outils de collecte et d’analyse de données pour la sécurité alimentaire et la nutrition
1 février 2022
La France remercie le HLPE pour ce projet version zéro du rapport sur les outils de collecte et d’analyse de données pour la sécurité alimentaire et la nutrition (SAN), qui présente une approche équilibrée entre, d’une part, les nombreuses opportunités offertes par les progrès dans la collecte et l’analyse des données pour améliorer l’efficacité des politiques de sécurité alimentaire et de nutrition et, d’autre part, les risques, notamment éthiques, juridiques mais aussi les biais qui peuvent fausser l’information qui sous-tend les programmes et politiques publics.La collecte régulière de données statistiques sur l’agriculture et l’alimentation est importante pour évaluer l’efficacité des politiques et des programmes en faveur de la sécurité alimentaire et la nutrition et pour nourrir les réflexions des décideurs.
Le projet relève des points importants, tels que :
- les contraintes financières pesant sur la majorité des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure pour la production et le traitement de données agricoles et alimentaires ;
- le besoin de formation en capital humain pour permettre à tous les acteurs de bénéficier des opportunités offertes par les technologies émergentes ;
- le risque que les avancées technologiques accentuent la fracture sociale, notamment au détriment de ceux qui disposent d’un faible accès et/ou habileté numériques ;
- les problèmes éthiques soulevés en l’absence de structures de gouvernance solides ;
- le besoin d’engager le plus possible les utilisateurs dans l’élaboration des technologies et des systèmes de collecte et traitement des données ;
- la nécessité de vérifier la robustesse des données et l’absence de biais, et expliciter le cas échéant les limites du système de collecte et de traitement utilisé et l’importance de l’interopérabilité des systèmes.
Sur la définition des priorités à l'utilisation des données
Le Document ne fait pas référence aux recommandations politiques du CSA sur l’ « agroécologie et les autres approches innovantes» adoptées en juin 2021 qui proposent déjà des recommandations en matière d’utilisation des données. (cf. paragraphe 3u)
L’état des lieux proposé par le rapport du HLPE est essentiel et sera très utile pour l’ensemble des parties prenantes pour connaitre les principales bases de données existantes et travailler à l’interopérabilité et à la mise en place de synergies tout en limitant les doublons.
Le rapport souligne que la principale difficulté réside dans la collecte de données de qualité, notamment pour ce qui concerne les populations les plus vulnérables, souvent les moins équipées et les plus éloignées de la prise de décision. Le manque de données rend ces populations souvent « invisibles » ce qui ne facilite pas la remontée d’alerte et l’action préventive en matière de SAN.
La France salue l’importance qui sera donnée à la dimension éthique de la collecte, du traitement et de l’utilisation des données, ainsi que l’attention qui sera accordée à l’ensemble des risques relatifs, entre autres, à la protection des données sensibles, au respect de la vie privée et à la prévention contre les utilisations malveillantes des données.
Si le document met en avant des constats, à ce stade, il ne met pas suffisamment en avant les sauvegardes et les mises en garde contre une utilisation néfaste des données (sous-section 4.4.1. Ethical and data security issues) et ne donne pas d’exemple de pratiques et moyens de s’en prévenir.
Initiatives et tendances existants en matière de collecte et d'analyse des données relatives à la SAN.
Un historique du traitement des données des systèmes alimentaires pourrait être proposé pour mieux comprendre la situation actuelle et le progrès qu’il reste à accomplir, ainsi que les opportunités, les avantages mais aussi les risques et inconvénients liés aux récentes innovations technologiques (en lien avec la numérisation notamment) en matière de collecte de données. La collecte de données massive via les outils numériques peut en effet entrainer certains biais, le rapport pourrait utilement se pencher sur les évolutions en termes de traitement statistique et de méthodologie permettant d’éviter les biais statistiques.
L’agriculture 4.0, qui est censée permettre la collecte automatique, l’intégration et l’analyse de données provenant des champs, de capteurs ou d’autres sources tierces n’est accessible qu’à une faible part de la population agricole (1%) ; ces données pourraient être mieux documentées. La question de la propriété et de l’utilisation de ces données, et de la transparence des algorithmes de traitement est un sujet central, notamment pour les agriculteurs, qui doivent pouvoir rester les décisionnaires éclairés sur leurs exploitations.
Dans la sous-section 3.1.1 (insufficient resources for data collection), page 14, la France reconnaît le manque de données sur l’agriculture familiale, qui joue pourtant un rôle déterminant pour assurer la sécurité alimentaire et la nutrition, notamment dans les pays en développement. A ce titre, la France souhaiterait attirer l’attention des auteurs sur l’Observatoire de l’Agriculture du Monde (World Agriculture Watch - https://www.fao.org/world-agriculture-watch/fr/), qui devrait être coté parmi les initiatives existantes sur les données pour la sécurité alimentaire et la nutrition. L’OAM vise à mettre en place un cadre méthodologique harmonisé pour fournir des informations appropriées sur la structure et les performances des exploitations familiales.
Cette section indique également, p. 13, que les données concernant la sécurité sanitaire des aliments sont lacunaires. Si la France tient à souligner le rôle central joué, dans ce domaine, par le Codex Alimentarius, il pourrait être précisé que le Codex ne procède pas en propre à la collecte de données mais repose sur des bases de données externes (concernant les régimes alimentaires, l’exposition à des agents chimiques ou naturellement présents dans les aliments) qui lui sont transmises de manière transparente. L’EFSA ouvre régulièrement l’accès à ses propres bases de données (expositions aux contaminants chimiques), de même que d’autres entités ; il est cependant à noter que peu de données sont transmises par les pays moins développés ou à économie de transition, ce qui peut résulter en une représentativité limitée de certaines données à l’échelle mondiale. Enfin, l’assertion – non démontrée -selon laquelle la fixation de limites inférieures aux seuils résultant de l’évaluation des risques sanitaires peut occasionner des perturbations commerciales occulte une très large part des normes du Codex, qui ne correspondent pas à de telles limites.
Il serait également utile de mieux connaitre les initiatives privées qui existent et les bases de données à l’échelle nationale performantes et déterminantes pour la production comme pour la distribution.
Sur les contraintes en matière de capacités
Il est essentiel que les données statistiques soient accessibles de manière équitable. La question des logiciels d’analyse et de traitement pour disposer de tableaux de bords facilement utilisables est également essentielle.
Sur les données qualitatives, la France rappelle que le risque de biais pour ce type d'enquête est encore plus élevé et des stratégies spécifiques doivent être mises en place pour les contrôler.
Enfin, afin d’assurer que le plus grand nombre de parties puisse tirer profit des bénéfices liés à la collecte et au traitement des données, nous suggérerions que le rapport traite de la question de la disponibilité des données et de leur analyse dans différentes langues.
Sur le rôle des technologies nouvelles et émergentes en matière de collecte et d'analyse des données relatives à la SAN.
L’objectif de ces technologies doit être d’offrir un soutien dans le processus de prise de décision pour l’ensemble les acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Le rapport n’aborde pas suffisamment la question de la prise en compte des 3 dimensions de la durabilité (environnemental, social et économique) : il est essentiel que les données et les outils d’aide à la décision visent à améliorer la durabilité des systèmes alimentaires pour relever les défis du changement climatique et de la biodiversité (réduction de l’utilisation des pesticides et des engrais, gestion de la biodiversité, des sols…) : il serait utile d’avoir une partie dédiée à cet enjeu.
Par ailleurs, le projet n’aborde pas suffisamment les risques liés à un accès inégal aux nouvelles technologies, qui entrainent une augmentation de l’asymétrie d’information dans les chaines de valeur.
Sur les défis en matière de gouvernance.
La France apprécie le fait qu’une sous-section soit dédiée à l’importance des cadres législatifs, réglementaires et politiques pour prévenir les risques mentionnés précédemment et promouvoir la dimension éthique des données, ainsi qu’au besoin d’informer les utilisateurs sur leurs droits et de renforcer leurs capacités. Nous apprécions également la référence au Règlement général sur la protection des données (RGPD), dont les dispositions les plus pertinentes eu égard au périmètre du rapport pourraient être détaillées. Signalons également dans ce cadre la stratégie du SGNU en matière de données.
La gouvernance des données est clé lorsqu’il est question de la protection des données, des questions de confidentialité, des données à caractère personnel, des droits de propriété intellectuelle. Ces thématiques doivent être portées par une stratégie globale. Un certain nombre d’acteurs ont adopté des chartes sur la gestion des données qui devraient nourrir le rapport (par exemple la charte du G7 au niveau mondial, et la charte de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) au niveau national).
Les principes et règles de protection des données doivent être précisés à toutes les différentes étapes du traitement des données, y compris lors de la collecte, de l'utilisation et du partage des données, ainsi que de la mise à disposition de celles-ci. Cela souligne l'importance de disposer d'un cadre de protection juridique des données clair et actualisé.
....................................................
Fin de commentaires
先生 Franck DA ROS