全球粮食安全与营养论坛 (FSN论坛)

Djibrila RAÏMI

France

Le défi de nourrir convenablement (en qualité et quantité) la population mondiale ne se résume plus à une problématique unique de performance agronomique. Il est indispensable pour garantir un développement agricole durable de penser des modes de production plus respectueux de l’environnement et qui garantissent à tous de vivre décemment sans compromettre les ressources pour les générations futures. Cependant, l’enjeu actuel de l’augmentation de la production agricole mondiale à l’horizon 2050, pourrait pousser des systèmes de production traditionnels à s’intensifier (monoculture, engrais, mécanisation, herbicide, etc.), au détriment de l’environnement si les réflexions excluent les agriculteurs et que les solutions proposées ne tiennent pas compte des contextes locaux, des contraintes des producteurs et de leurs objectifs.

Face au constat de la détérioration de l’environnement engendrée par la production agricole conventionnelle, l’agroécologie peut être envisagée comme une alternative qui ne compromet pas les performances technico-économiques de l’agriculture et qui permet une utilisation parcimonieuse des ressources. L’agroécologie s’intéresse aux interactions entre les plantes, les animaux, les êtres humains et l’environnement au sein des systèmes agricoles. Elle s’intéresse également à une échelle plus globale que l’exploitation agricole. Un des enjeux de l’évaluation/conception des systèmes agroécologiques est  de considérer d’autres échelles que le système de culture comme celle de l’exploitation ou du territoire où s’établissent les contraintes à l’adoption des innovations. Cela permet de surmonter les freins à l’adoption des techniques proposées. En octobre 2015 à Ifangni dans le Sud du Bénin (diagnostic agraire en vue d’identifier les activités agricoles sur lesquelles s’appuyer pour promouvoir le développement des activités économiques des femmes), j’ai identifié les facteurs contraignants le développement d’alternatives agroécologiques. Les producteurs doivent répondre à la demande et aux souhaits des consommateurs locaux sur les productions vivrières. La consommation locale des produits issus de semences traditionnelles est priorisée (ce qui est favorable à l’agroécologie et qui peut ne pas être pris en compte par un intervenant extérieur si ce dernier n’associe pas les populations locales à son intervention). D’autres acteurs des filières leurs imposent des cahiers des charges à respecter s’ils veulent écouler leurs productions. Certains producteurs sont dans des territoires où ils sont également souvent contraints de partager les terres avec les éleveurs en périodes de vaine pâture. Il leur est donc impossible de suivre certaines recommandations techniques telle que faire des légumineuses en culture intercalaire d’une culture de vente en cycle décalé si les animaux rentrent en vaine pâture à la fin de la récolte de la culture principale de rente. De 2008 à 2009 à l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA/Bénin) j’ai participé à des travaux pour permettre aux populations agricoles atteintes du VIH/SIDA de pouvoir accéder à des sources de protéines par la production de niébé (vigna unguiculata). Nous avons fait la promotion des méthodes agroécologiques (lutte raisonnée, production d’extrait aqueux de plantes) pour lutter contre les ravageurs des cultures. Seulement, ces producteurs ne pouvaient pas correctement adopter les techniques proposées car elles demandaient trop d’efforts physiques pour des personnes déjà affaiblies par la maladie. La technologie n’a donc pas été adoptée et diffusée convenablement car elle ne prenait pas en compte le contexte socio-économique des agriculteurs concernés. Lors de mes travaux de terrain en 2013 à Zangnanado dans le Sud du Bénin (Etude sur l’impact d’une plante agrocarburant « le jatropha » dans les exploitations agricoles familiales) j’ai conclu que l’introduction de plantes agrocarburants (en monoculture) dans un contexte de production de subsistance n’est pas opportune pour les populations locales. Dans les conditions prévalant au moment de l’étude, les producteurs n’ont pas intérêt à investir dans la production de jatropha. De plus, l’adoption de cette culture (non vivrière) rend plus vulnérables les plus petites exploitations agricoles familiales. L’introduction de cette plante concurrence dans l’espace et le temps les autres cultures plus rentables et plus durables. De plus, la priorité des agriculteurs est la production de cultures vivrières. Les promoteurs du jatropha espéraient apporter des sources de revenus complémentaires aux producteurs et aussi une alternative au gasoil indispensable à faire fonctionner leurs unités de transformation de produits agricoles en produisant eux même leur énergie. Mais les producteurs ont utilisé les subventions du projet et ont abandonné la culture à la fin des subventions car elle ne correspondait pas à leurs priorités et objectifs. Ces exemples, mêmes s’ils ne sont pas tous des innovations agroécologiques (en l’occurrence le jatropha), prouve que la prise en compte de contexte locale, des objectifs et des contraintes des agriculteurs sont primordiales dans toute adoption de systèmes de culture alternatifs.

  • Malgré les effets bénéfiques de l’agroécologie, les options sont très peu souvent adoptées et diffusées en milieu paysan. Pour essayer d’y remédier, les responsables de développement ainsi que les chercheurs doivent sortir le plus possible du cadre des approches descendantes pour co-concevoir les alternatives agroécologiques avec les agriculteurs. Il est nécessaire de s’appuyer sur la diversité locale des systèmes de culture et des savoirs locaux pour co-concevoir des systèmes de culture écologiquement intensifs. Ces systèmes répondront ainsi mieux aux préoccupations des agriculteurs et pourront être adoptés avec une aversion moindre aux risques. La démarche doit mettre les agriculteurs, principaux acteurs de la production agricole, au centre des réflexions car :

. Les agriculteurs sont confrontés à leur contexte socio-économique et environnemental et le maitrisent mieux que les intervenants extérieurs. C’est ce contexte qui ne leur permet pas d’adopter les solutions proposées actuellement pour accroitre durablement leurs productivités agricoles. Cet échec est notamment dû à l’approche descendante utilisée pour promouvoir des solutions, qui ne tiennent pas compte du contexte local (Dawson et al., 2016; Dugué et al., 2004). Les approches basées uniquement sur le transfert de technologie ont montré leurs faiblesses et la recherche développe désormais d’autres approches qui impliquent plus activement les agriculteurs (Tittonell et al., 2012).

·  Puisque les agriculteurs connaissent mieux leur environnement et possèdent un savoir empirique sur leur système, la co-construction de systèmes de culture écologiquement intensifs doit se baser sur leur savoir-faire. Par de la conception distribuée (conception en se basant sur les connaissances des agriculteurs locaux), l’enjeu sera ensuite de rendre plus performant ces systèmes traditionnels (performances agronomiques, environnementales et économiques) (Falconnier et al., 2017; Albaladejo, 1997; Dugué et al., 2004).

Les solutions doivent donc correspondent au contexte local. Pour cela, les agriculteurs et ceux qui les conseillent ont surtout besoin aujourd’hui de méthodes pour construire et évaluer des systèmes de culture innovants, adaptés à leur situation précise, plus que de « paquets techniques », clef en main pensés et construits à l’extérieur de leurs territoires et auxquels ils n’ont pas participé. Un des enjeux par exemple est peut-être de faire adopter des innovations agroécologiques qui marchent bien « en station expérimentale » mais qui sont très peu adoptées spontanément par les agriculteurs et sans l’appui de projet. Ce qui revient à faire de l’évaluation/conception en milieu paysan et non uniquement en milieu expérimental. Il faut également penser à des indicateurs de performance localement pertinents, qui parlent aux agriculteurs et non un set d’indicateurs externes. Les approches d’accompagnement de la transition agroécologiques doivent également être itératives (boucles de diagnostic, conception et évaluation).

Ainsi, en tenant compte des contextes locaux pour intervenir, l’agroécologie permettra de garantir la pérennité de l’agriculture et des systèmes alimentaires. Elle renforcera également la sécurité alimentaire et la nutrition des régions sous-développées.

 

Albaladejo, C. (1997). La recherche-action: ambitions, pratiques, débats. Editions Quae.

Dawson, N., Martin, A. & Sikor, T. (2016). Green Revolution in Sub-Saharan Africa: Implications of Imposed Innovation for the Wellbeing of Rural Smallholders. World Development 78(Supplement C): 204-218.

Dugué, P., Vall, E., Lecomte, P., Klein, H.-D. & Rollin, D. (2004). Evolution des relations entre l’agriculture et l’élevage dans les savanes d’Afrique de l’Ouest et du Centre. OCL 11(4-5): 268-276.

Falconnier, G. N., Descheemaeker, K., Van Mourik, T. A., Adam, M., Sogoba, B. & Giller, K. E. (2017). Co-learning cycles to support the design of innovative farm systems in southern Mali. European Journal of Agronomy 89(Supplement C): 61-74.

Tittonell, P., Scopel, E., Andrieu, N., Posthumus, H., Mapfumo, P., Corbeels, M., van Halsema, G. E., Lahmar, R., Lugandu, S., Rakotoarisoa, J., Mtambanengwe, F., Pound, B., Chikowo, R., Naudin, K., Triomphe, B. & Mkomwa, S. (2012). Agroecology-based aggradation-conservation agriculture (ABACO): Targeting innovations to combat soil degradation and food insecurity in semi-arid Africa. Field Crops Research 132(Supplement C): 168-174.