Global Forum on Food Security and Nutrition (FSN Forum)

This member contributed to:

    • Dr. SENY FAYE

      MSDI Consulting (UDL-CCI, Lyon, France) and UGB (Senegal)
      Senegal

      Biodiversité, diversité biologique, agroécologie, agriculture biologique, agrobiologie, agriculture du vivant : de beaux concepts dans la théorie, mais leur opérationnalisation reste encore bloquée par un modèle agricole intensif. 
       

      Nos recherches sur la délicate question de la relation entre l'agriculture et la biodiversité nous ont permis de découvrir des réalités pratiques relativement inquiétantes, au-delà des théories et des contre-vérités que nous entendons régulièrement. 

      Une autre façon de dire qu'entre la théorie (conceptualisation) et la pratique (concrétisation), le chemin à parcourir est encore long et parsemé d’embûches pour sauver la biodiversité et en faire le soubassement de l'agriculture  durable de demain. 

      *     « La biodiversité est aujourd'hui l'un des maîtres-mots de tout discours environnemental. Après une trentaine d'années de diffusion du terme, un examen attentif fait pourtant apparaître que son succès médiatique s'est accompagné d'un affaiblissement de sa validité scientifique. Ont surgi nombre d'arguments qui s'éloignent des faits avérés ou des analyses sérieuses, conduisant ainsi à un catastrophisme ambiant mal fondé. Loin de prendre le simple contre-pied des idées reçues et d'ouvrir la voie à un quelconque écoscepticisme, la prise en compte des réelles menaces qui pèsent sur le vivant demande une compréhension beaucoup plus fine de sa diversité et des mécanismes, évolutifs en particulier, qui la gouvernent et où l'aléatoire joue un rôle déterminant. Il s'agit ici rien moins que de proposer une refondation du concept de biodiversité, à la mesure de son importance et de l'intérêt qu'on doit y porter. La pensée écologique ne pourra que profiter de ce changement de perspective » selon Alain Pavé, 2019. Comprendre la biodiversité. Vrais problèmes et idées fausses, Éditions du Seuil, Collection Science Ouverte, CNL, Paris, p. 370 ;   

      *     « Le système industrialisé de production d’aliments est un échec face à une crise mondiale telle que celle que nous traversons avec cette pandémie. Il faut un retour à une agriculture paysanne à dimension humaine et écologique. De la monoculture à l’usage massif de produits chimiques, de la déforestation au transport, à la transformation et à l’emballage des aliments, l’agriculture industrielle est responsable de 44% à 57% des émissions de GES. Ce modèle n’est pourtant pas aussi efficace qu’on le pense. La filière alimentaire industrielle pourvoit à l’alimentation de 30 % de la population mondiale en utilisant 75% des ressources agricoles, quand les agriculteurs de petite échelle nourrissent 70% de la population mondiale avec 25% de ces ressources » selon Aubron A., Carrard C., Dreyfus L., 2020. Courrier International (à la une), Numéro 1534, du 28 mai au 3 juin 2020, Éditions CI SA, Paris, p. 6-17 ;

      *     « Peut-il exister une agriculture respectueuse de la nature ? Depuis l’alerte de la biologiste Rachel Carson prédisant dès 1962 des printemps silencieux, beaucoup d’efforts ont été accomplis pour réorienter les politiques agricoles. En vain. Si l’opinion publique est sensibilisée aux problèmes écologiques, le complexe agroalimentaire repousse la demande sociale. Tout comme l’agriculture industrielle est consubstantielle de la société industrielle, une agriculture écologique ne peut se développer en dehors d’une société écologique. Un changement de société de grande ampleur sera donc la condition de son avènement.  » selon Matthieu Calame, 2020. Enraciner l'agriculture. Société et systèmes agricoles, du Néolithique à l'Anthropocène, Éditions PUF, Collection ‘’L’écologie en Questions’’, Paris, p. 374 ;

      *     « Longtemps considérée comme l'apanage d'une minorité d'originaux, l'agriculture biologique apparaît aujourd'hui comme une alternative de plus en plus crédible face à des modes de production intensifs, destructeurs et polluants. Ses défenseurs la décrivent comme une réponse efficace aux déséquilibres écologiques, économiques et sociaux induits par le système productiviste actuel. Ses opposants ne voient en elle qu'un refus systématique du progrès scientifique, et rappellent que des rendements élevés seront nécessaires pour nourrir une population mondiale en constante croissance. Quelle place pour l'agriculture biologique au XXIe siècle ? C'est à cette question cruciale que répond ce livre, en confrontant deux positions antagonistes, sous le regard impartial d’un spécialiste. À vous, ensuite, de vous forger votre propre opinion. » selon De Marc Dufumier, 2013. Agriculture biologique : espoir ou chimère ? Éditions Le Muscadier, Paris, p. 25 ; 

      Après une lecture et analyse critiques de ces divers textes sur le développement durable, en général, et l'écologie en particulier, il est relativement simple de constater que l'agriculture biologique, au-delà de la simple théorie conceptuelle, est encore confronté à d'énormes difficultés pour sa réalisation concrète sur le terrain. 

      En effet, dans notre monde davantage dominé par la globalisation capitaliste libérale, dont les corolaires sont le productivisme et le consumérisme, le modèle agricole intensif (agro-chimie, agrobusiness, ou agro-industrie), encore dominant, entrave fortement  la progression de  ce qui est appelé ''Agriculture du Vivant'' (Arnaud Daguin, Hervé Coves, Baptiste Maître, et al., 2020. Une agriculture du Vivant. Réconcilier la terre et les hommes, Éditions Libre et Solidaire, Collection Autonomia, Paris, p. 314).  

      Dans cette économie de marché, orientée par la loi du ''Profit'', et avec une population mondiale en forte croissance, se pose alors la question de savoir comment ''Sortir du modèle intensif'' (Aubron A., Carrard C., Dreyfus L., 2020. Courrier International (à la une), Numéro 1534, du 28 mai au 3 juin 2020, Éditions CI SA, Paris, p. 6-17). 

      En substance, le contexte de changements climatiques, de crise de la biodiversité et d’augmentation de la population , ainsi que des préoccupations de santé, nous amène à nous interroger : 

      Comment les individus pourraient s'appuyer sur l'agriculture  pour construire leurs rapports aux autres, humains et non humains (la nature, la biodiversité) ? Comment l'agriculture pourrait-elle nourrir une humanité croissante et contribuer à la fois à la préservation d'une planète Terre déjà fragile ? Comment l'agriculture pourrait-elle continuer à contribuer à la croissance économique (richesse) par des exportations massives et être à la fois un instrument géopolitique et diplomatique à la solde des grandes puissances (États-Unis, Russie, Brésil, Canada, Argentine, etc.) ? Comment, dans un contexte de globalisation croissante des échanges commerciaux, l'agriculture pourrait-elle permettre  à des populations, notamment des sociétés en développement (Afrique, par exemple) de sauvegarder leurs patrimoines culturels immatériels ? Comment l'agriculture pourrait-elle garantir la sécurité alimentaire et lutter contre les concurrences déloyales (dumpings) au profit des pays en développement ? 

      Une réponse cohérente à ces diverses interrogations pourrait créer une solide interconnexion entre biodiversité et agriculture et en faire un vrai facteur de développement durable en général (économique, sociétale et écologique).