L’isolement géographique et socio-culturel des populations contribue à la propagation du virus Ebola en Afrique Occidentale. Il se traduit par un accès très limité à l'information et à la communication et un manque de connaissance de la maladie et des modes de transmission. Preuve en est le fait que les populations les plus touchées sont celles qui vivent dans les zones rurales des trois pays les plus affectés.
En ce sens, la FAO a été en ligne de front pour faire face à l’émergence Ebola en utilisant une approche de mobilisation sociale ayant déjà obtenu de nombreux succès dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne, tels que le Niger, la RD Congo, le Burundi, etc. : il s’agit des clubs d’écoute communautaires Dimitra, une approche de communication participative sensible au genre. C’est dans le cadre d’un projet de la FAO mis en œuvre au Sénégal en alliance avec des clubs Dimitra qu’une sensibilisation sur Ebola a été faite pour la première fois avec des résultats prometteurs, non seulement pour lutter contre la maladie mais aussi pour améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition.
Dimitra est un projet d'information et de communication participative de la FAO qui encourage l'autonomisation individuelle et collective des populations rurales, femmes et jeunes en particulier. Ce projet met les populations rurales au centre de leur développement socio-économique, à travers les clubs d'écoute communautaires (CEC). Les Clubs Dimitra sont des groupes informels de femmes, d'hommes ou des groupes mixtes qui se réunissent régulièrement pour discuter de leurs priorités et des défis de développement, échanger leurs expériences avec d'autres clubs d’écoute communautaires, faire des choix éclairés en matière d'agriculture et d'autres questions et prendre des décisions collectives pour résoudre leurs problèmes par leurs propres moyens.
En termes d'impact, au cours des cinq dernières années l'approche des Clubs Dimitra a fait ses preuves dans l’amélioration de la productivité agricole, de l'accès à l'information, au marché, au crédit, aux services de vulgarisation et a également conduit à des changements clés dans les comportements individuels et collectifs. Les effets de ce processus de développement endogène sont visibles aussi dans les domaines de la nutrition et de la sécurité alimentaire.
Au Sénégal, quarante clubs d’écoute communautaires Dimitra se trouvent dans le département de Vélingara (région de Kolda), situé à 60 km de la frontière guinéenne. Leurs membres avaient déjà été avertis sur la question de la maladie à virus Ebola, grâce une campagne de sensibilisation menée sur les ondes de la radio locale Bamtaare Dowri.
Fin septembre 2014, la FAO a profité d’une formation menée à Vélingara, pour préparer les participants, notamment 40 leaders de clubs, 10 facilitateurs et un directeur de radio communautaire, à aborder la thématique d’Ebola au sein des clubs communautaires. Quatre agents de projet, dont deux co-formateurs venus de la région de la Vallée, où sont situés les 24 autres clubs, assistaient aussi à cette formation.
Dans le contexte actuel, il est en effet apparu nécessaire de mettre à profit les clubs d’écoute existants pour poser les bases d’une prévention communautaire, même s’il est vrai que la question des risques de transmission de la maladie était déjà très présente dans les débats et actions des clubs d'écoute, comme le rappelle Mamadou Samba Touré, facilitateur du club d’écoute communautaire de Ngoumbou (Vélingara, région de Kolda). Il raconte, par exemple, que le lavage systématique des mains a été mis en place très tôt par les clubs d’écoute communautaires.
Après avoir échangé sur la thématique de la MVE au cours de cette formation, les leaders des clubs, facilitateurs et autres participants se sont accordés sur la nécessité de mobiliser une personne ressource spécialiste de la question, avant ou après la première discussion du club d'écoute, afin de faciliter les échanges sur une thématique aussi sensible. Suivant cette logique, les organisateurs de la formation ont convié, à l’issue de la semaine, le chef service du district sanitaire, pour que celui-ci confirme et complète les informations retenues au cours des échanges.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’améliorer l’accès à l’information, mais surtout de faciliter un processus participatif par lequel les communautés ont la possibilité de parler ouvertement de leurs craintes, de mesures concrètes à prendre, d’améliorer leurs capacités de résilience face à des crises comme celle d’ebola. Ces espaces de discussion et d’action que les clubs Dimitra proposent facilitent aussi l’appropriation des messages au niveau local.
En outre, étant donné que ces clubs fonctionnent en réseaux, ils peuvent être utiles comme systèmes d’alerte précoce et donc pour mobiliser rapidement les acteurs communautaires dans toute activité de prévention de maladies ou de crises en général.
Christiane Monsieur