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CHAPITRE IV. INSTALLATION ET CULTURE DES PLANTES SPÉCIALISÉES POUR LE FOIN


Installation des graminées de prairies

Les prairies pérennes sont installées pour deux ou cinq ans ou plus, et les erreurs à l'installation ne peuvent pas être rectifiées durant la vie de la culture. Il est essentiel d'obtenir une végétation régulière à travers le champ, et toutes les opérations doivent être conçues pour assurer ceci. Les graminées à petites graines surtout cultivées comme prairies et fourrages diffèrent, comme cultures, des céréales en ce qu'elles sont principalement de domestication très récente. En effet, certaines des espèces tropicales sont à peine domestiquées. Les prairies de graminées tempérées ont été, au mieux, cultivées depuis quelques centaines d'années, alors que les espèces tropicales ont été cultivées en champ seulement pendant ce siècle. Les semences de graminées pour le pâturage sont très petites (voir tableau 3) et leur semis nécessite soin et attention; les quelques jours de l'établissement sont les plus décisifs pour la nouvelle prairie.

Certaines graminées tropicales peuvent être propagées par voie végétative (généralement les plantes de grande taille et celles qui possèdent des stolons) à l'échelle du champ, et ceci est discuté ci-après. Les techniques d'installation des légumineuses sont similaires à celles des graminées, et leur traitement et besoin d'inoculation sont discutés ci-après.

Quand semer

La période d'installation est cruciale pour le succès, la longévité et la productivité de la prairie. La période optimum de semis varie grandement selon les conditions locales et les systèmes agricoles. Les fourrages à planter sous couvert de céréales doivent être évidemment semés immédiatement après leur culture protectrice et la date sera dictée par le cycle de la culture. Dans les régions humides, tempérées, le printemps et la fin de l'été sont les deux principales saisons de semis, évitant la sécheresse éventuelle d'été. Les semis de printemps doivent être effectués après le danger de gelées fortes et le vent glacial. Sous les tropiques, il est généralement avantageux de semer tout à fait au début de la saison des pluies pour assurer une saison de croissance aussi longue que possible et de bénéficier du flux d'azote libéré par le sol au mouillage initial. Plus la saison de pluie est courte plus le semis précoce s'impose. Lorsque la saison sèche est courte, la prairie peut être semée tard durant les pluies. Il vaut mieux éviter la pointe de la saison des pluies. Le conseil habituel est de semer quand la pluie est attendue dans les jours à venir, sage mais difficile en pratique; une pluie légère est très avantageuse mais un orage fort tropical peut laver et enfouir profondément les semences légères.

Dans les régions à climat continental, avec des hivers rudes et la neige, mais avec un réchauffement rapide au printemps, plusieurs techniques qui profitent de la fonte de la neige peuvent être utilisées. La couche de semis peut être préparée et la semence semée juste avant la chute attendue de la neige; ou bien, la couche de semis peut être préparée en automne, puis la semence semée sur la neige quand le dégel est attendu au printemps. La fonte de la neige lave suffisamment la terre pour couvrir la semence, fourni l'humidité pour l'installation et la croissance. Ces méthodes conviennent mieux aux graines plus lourdes des légumineuses que des graminées.

Dans les zones irriguées, s'il y a une saison de pluie, il peut être mieux de semer avec la pluie et irriguer par la suite, surtout quand l'irrigation par inondation est utilisée. Dans la plupart de l'Asie Occidentale, le printemps est une saison avec des vents sévères et des vents de sable (khamasin, etc.) qui peuvent souffler ou déraciner la jeune plantation. Dans les régions où ces vents sont prédominants, la saison doit être évitée et une petite proportion de graines de céréales peut être ajoutée pour fournir une certaine protection à la prairie en germination.

Préparation de la couche de semis - cultures en sec

Dans les conditions humides tempérées, on doit préparer la couche de semis avec un labour moyen, comme pour le blé. Lorsque l'intensité de la pluviométrie est relativement faible, des lits de semence plus fins doivent être utilisés. Un labour très fin peut conduire à un lessivage excessif, et un labour très grossier rendra difficile le contrôle de la profondeur de semis et peut conduire à l'enfouissement des semences. Le labour doit être fait bien avant le semis si possible, et la couche de semis préparée par un passage au disque ou à la herse immédiatement avant les semailles. Un passage au rouleau Crosskill, si disponible, est une grande aide pour raffermir le lit de semis. Il aide à enfoncer dans le sol toutes les petites pierres qui peuvent entraver le fauchage. Plus le lit de semis est propre plus la chance est grande d'une rapide et vigoureuse installation. Sur un terrain nouvellement défriché, les mauvaises herbes ne sont généralement pas un problème grave au stade d'installation. Cependant, dans la majorité des cas les cultures pour le foin sont semées sur une ancienne terre arable, qui est certaine d'avoir une charge forte de mauvaises herbes. Tout effort doit être fait pour réduire ceci durant les cultures précédentes, mais il est encore possible que les semis pour le foin aient à rivaliser avec beaucoup de mauvaises herbes. Ceci est surtout grave chez les espèces tropicales de foin, qui ont des graines très petites et sont souvent minuscules à l'émergence, même en comparaison avec les foins tempérés. Le semis direct des graminées dans les chaumes qui ont été nettoyés par les herbicides est possible lorsque l'agriculture est suffisamment mécanisée.

Tableau 3. Poids de graines de quelques espèces de graminées

Plante

Graines par kilogramme

Céréales et graminées tropicales

Avena sativa - avoine

30 000

Zea mays - maïs

très variable

Sorghum bicolor (syn. vulgare) - sorgho grain

25 000 - 70 000

Sorghum drummondii (syn. sudanense) - herbe du Soudan

100 000

Graminées tempérées

Bromus catharticus (syn. unioloides) - brome cathartique

135 000

Dactylis glomerata - dactyle

725 000 - 1 250 000

Lolium multiflorum - ray-grass anglais

440 000 - 550 000

Lolium perenne - ray-grass italien

440 000 - 585 000

Phleum pratense - fléole

2 000 000 - 2 600 000

Graminées tropicales

Cenchrus ciliaris - cenchrus cilié

350 000 - 450 000

Chloris gayana - herbe de Rhodes

3 300 000 - 4 400 000

Eragrostis curvula - éragrostis courbé

3 300 000

Eragrostis tef - teff

2 500 000 - 3 000 000

Semis

Toutes les semences de prairies sont petites et celles des graminées sont légères. Les doses de semis sont faibles, mais les graines sont coûteuses; une attention pour le réglage et l'utilisation de l'équipement de semis est nécessaire. Les semences des graminées tempérées et de la plupart des légumineuses coulent facilement et ne présentent pas de problèmes pour passer à travers le semoir. Cependant les semences de graminées tropicales, généralement ne coulent pas bien et contiennent de grandes quantités de matériel inerte (petits épillets, graines immatures, mais pas de débris ni de mauvaises graines) avec une teneur relativement faible en graines de germination moyenne; pour cette raison il est indispensable de connaître le taux de germination de semence (TGS) ou le pourcentage de graines vivantes avant de décider la dose de semis. Trier les graines au plus haut degré de pureté n'est pas une option valable, puisque les différences dans le poids spécifique sont si petites que la perte de graines serait élevée. De plus, les graines elles-mêmes sont si petites que, même pures, les doses de semis seraient si basses qu'elles rendraient les semailles plus difficiles. Certaines semences de graminées tropicales ont une période de dormance immédiatement après la récolte, qui peut persister des mois - Cenchrus ciliaris et Chloris gayana sont parmi celles-ci. A des altitudes moyennes au Kenya, la germination de la semence dans un entrepôt à la température ambiante atteint un maximum 30 mois environ après la récolte. La semence des espèces tempérées provenant d'entreprises de bonne réputation est généralement de haut standard de germination et les taux de pureté sont élevés; la semence récoltée à la ferme ou localement acquise doit être testée avant utilisation. Les doses de semis sont donnés avec les plantes. La semence de prairie est coûteuse et difficile à obtenir dans de nombreux pays en développement. Il faut semer bien pour assurer une bonne couverture végétale, l'augmentation des doses de semis ne compense pas une mauvaise préparation du lit de semis ou une fertilisation inadéquate à l'installation, et elle est très coûteuse!

Semis en lignes

Pour le foin, les graines doivent être semées ou bien en sillons serrés ou à la volée. Quelle que soit la méthode utilisée, il faut faire très attention pour assurer un semis peu profond et un épandage uniforme des semences. Les doses de semis pour les prairies sont beaucoup plus basses que celles pour les céréales. Le semis à la volée présuppose l'épandage d'engrais également à la volée, et ceci peut avoir un effet marqué en encourageant la poussée de mauvaises herbes durant les stades initiaux d'établissement. Un semoir à céréales avec alimentation à rouleau cannelé ou garni de dents peut être utilisé pour toutes les graminées et légumineuses tempérées, et, pour quelques modèles, des trémies auxiliaires spéciales pour les petites graines avec une brosse d'alimentation sont disponibles, qui généralement sèment les graines derrière les coutres. Les semoirs en lignes rapprochées sont préférés. Un semoir à l'avantage que l'engrais peut être appliqué en même temps que le semis. Les semoirs sont parfaitement satisfaisants pour les espèces tempérées qui peuvent être semées à une profondeur de 1 à 3 cm. Lorsqu'on sème des espèces tropicales, les coutres doivent être levés jusqu'à ce qu'ils touchent à peine le sol, et les tubes détachés afin d'éviter que la semence soit trop profondément couverte; le revêtement le plus simple est suffisant. Beaucoup de graminées tropicales, cenchrus cilié et herbe de Rhodes, ont des barbes et poils et ne coulent pas facilement, il faut donc faire attention afin d'éviter leur enchevêtrement dans la trémie. La semence doit être mélangée avec un ballast ou avec l'engrais, mais il faut aussi faire attention afin d'éviter sa séparation dans la boîte. Si la semence est mélangée et semée avec l'engrais, cette opération doit être faite au champ, plein semoir par plein semoir, pour minimiser la séparation des deux composants.

Les semoirs simples à traction animale qui sont utilisés avec succès pour les céréales et quelques légumineuses fourragères en Asie ne sont pas adaptés aux semences de graminées tropicales, mais ils peuvent être utilisés probablement pour le ray-grass. L'équipement spécialisé pour le semis des graminées peut, évidemment, rendre l'installation plus sûre, mais il est coûteux et difficile à justifier, à moins de disposer de grandes superficies; le semoir Brillon, qui sème entre deux petits rouleaux cultipacker, est un outil très efficace sur des lits de semence bien travaillés, mais coûteux, lourd et difficile à transporter.

Semis à la volée

L'épandage de la semence peut être fait par une brouette-semoir: une trémie, longue et légère avec deux manches et une seule roue, poussée par une seule personne. Il y a une version plus moderne, montée sur le relevage hydraulique du tracteur et actionnée par la prise de force. Dans des essais, deux hommes se relayant sur une brouette manuelle peuvent facilement semer 4 ha/jour, et la brosse d'alimentation est tout à fait adaptée pour traiter les semences tropicales les plus poilues. Cet outil simple et efficace est maintenant difficile à se procurer. Les semoirs centrifuges actionnés à la main (excellents pour plusieurs légumineuses) ne conviennent pas pour les graminées tropicales, et le mélange de semence avec l'engrais utilisé avec un épandeur d'engrais rotatif est totalement insatisfaisant. Pour le semis à la volée, la semence doit être mélangée avec un lest de gravité spécifique similaire et pesée en lots pour des superficies spécifiques; le champ est ensuite marqué par des piquets temporaires ainsi chaque partie est couverte par un lot de semence. Le marquage du champ et la pesée de la semence en lots est particulièrement important lorsque le travailleur n'est pas expérimenté. La semence est très chère, par conséquent une attention supplémentaire est généralement bien récompensée en réduisant l'erreur habituelle de semer trop dense dans la première partie du champ et ne pas garder assez de semence pour la fin.

Gestion initiale de la culture

Malgré l'attention portée pendant la préparation du champ pour réduire la compétition des mauvaises herbes, une quantité considérable de mauvaises herbes sera probablement présente lorsque la culture émergera. Si leur nombre n'est pas assez grand pour risquer de couvrir la culture, il est probablement mieux d'attendre jusqu'à ce que le fourrage soit suffisamment haut pour être pâturé par les bovins. Dans les cultures pures de graminées, des herbicides sélectifs peuvent être utilisés pour supprimer les mauvaises herbes à feuilles larges; la situation est plus compliquée avec les cultures mixtes et les légumineuses. Le fauchage est une alternative au pâturage, mais il faut éviter de laisser beaucoup de matériel mort sur l'herbe jeune. Une première coupe avec une récolteur de fourrages peut être utilisée pour enlever le matériel coupé et l'utiliser pour l'alimentation ou l'ensilage.

L'objectif principal en première année de l'établissement d'espèces pérennes est de développer un fort couvert végétal qui maintiendra un potentiel de rendement élevé tout au long des années prévues, et toutes les activités doivent être centrées vers ce but. Dès que les premières interventions de contrôle de mauvaises herbes ont été accomplies, les champs de graminées doivent recevoir un épandage d'engrais azoté pour accélérer la croissance et développer des plantes vigoureuses. La première coupe se fera par fauche ou pâture selon la plante, la saison, le climat et les besoins du système de production de la ferme. Le surpâturage de l'herbe jeune et un piétinement intense par les animaux doivent être évités quand le champ est humide. La hauteur de l'herbe à la première coupe ou pâture dépendra de la plante en question: les herbes tempérées doivent être pâturées une fois qu'elles ont environ 10 cm de haut et laissées à 3 - 5 cm. Les plantes des herbes tropicales sont pour la plupart beaucoup plus larges, et le pâturage doit commencer à 25 -30 cm de haut et stopper à 8 -10 cm. De courtes périodes de pâturage, suivies d'un retrait des animaux, sont toujours nécessaires. Il est mieux d'utiliser des animaux jeunes pour le pâturage de prairies au stade d'établissement; les animaux adultes sont plus lourds et causent plus de dégât de piétinement; les moutons sont des animaux plus sélectifs.

Installation des graminées sous irrigation

Les techniques sont similaires à celles pour les champs en sec, mais sur la plupart des sols il est désirable d'irriguer avant la préparation finale de la couche de semis, attendre que le terrain puisse être travaillé, semer et laisser la semence germer sur l'humidité résiduelle, et ne permettre qu'une très légère première irrigation. L'irrigation après le semis et avant l'émergence des plantules peut conduire à la formation de croûte et un couvert végétal pauvre. Dans les régions à climats froids, il est possible de remplir d'eau le casier immédiatement avant la gelée et avoir un lit de semis humide au dégel du printemps. Toutes les opérations culturales doivent assurer que le champ est laissé nivelé et sans cavités qui pourraient permettre même une légère stagnation entraînant des vides ou des endroits prédisposés aux maladies (à cause de l'engorgement). La plante est semée au semoir (ou à la volée) de façon habituelle puis les structures d'irrigation sont installées. Lorsqu'il y a une pluviométrie adéquate pour établir les semis, il peut être préférable de compter sur la pluie aux stades initiaux, et irriguer par la suite.

Semis sous couvert et cultures protectrices

Les cultures fourragères sont fréquemment semées avec des céréales (protectrices ou cultures d'abri). Le grain est moissonné et la végétation se développe par la suite. Cela économise une saison et économise un labourage pour une culture. La céréale est semée de façon habituelle puis les graines fourragères sont semées à la volée immédiatement ou en croisé plus superficiellement avec le semoir. La céréale aux stades précoces fournit un certain abri aux plantes fourragères mais, par la suite, elles souffrent beaucoup de l'ombrage et de la compétition pour la lumière, l'eau et les éléments nutritifs. Semer sans une culture d'abri mène habituellement à un meilleur établissement du pâturage. Meilleure est la culture de la céréale plus le risque de dégât à l'herbe est grand, et si la céréale verse, de grandes surfaces du pâturage seront perdues. Le semis sous couvert, qui était pratiqué lorsque les méthodes de culture des céréales étaient moins intensives et par conséquent les cultures moins productives, est néanmoins encore répandu. En ce qui concerne les légumineuses ou les mélanges de graminées et légumineuses, le semis sous couvert est encore moins recommandable.

Au lieu de semer la prairie sous une culture de céréale, il est souvent possible d'épandre la semence de prairie avec une faible dose de semis d'une plante pour ensilage ou pâturage, telle que l'avoine ou l'orge qui sont moissonnées tôt et donnent une bonne chance à la jeune végétation de se développer. Le teff est utilisé de cette façon en Afrique du Sud pour établir Eragrostis curvula.

Le semis sous couvert peut être une technique utile là où les forts vents et les tempêtes de sable sont un problème en période d'établissement. L'herbe peut être semée en lignes; en Afrique de l'Est, l'herbe de Rhodes et mélinis (Melinis minutiflora) sont semées régulièrement sous le maïs. La semence est semée à la volée sous le maïs (habituellement à la main) après le dernier désherbage. Les tiges de maïs doivent être enlevées immédiatement après la récolte, et il est souhaitable de faucher les mauvaises herbes hautes. La culture n'est pâturée qu'après le début des prochaines pluies.

Propagation végétative des graminées

Certaines graminées tropicales sont, de temps en temps, propagées par voie végétative, généralement des espèces à stolons ou à rhizomes ou des espèces avec des touffes larges. Ceci se fait quand la semence est difficile à produire ou qu'un matériel cloné est utilisé (soit quelques cultivars de chiendent - Bermuda grass - (Cynodon dactylon), de pangola (Digitaria decumbens) ou d'herbe à éléphant (Pennisetum purpureum). La préparation du champ est similaire à celle pour le semis, mais il n'est pas nécessaire que le dernier labour soit fin. Les graminées à stolons ou à rhizomes sont plantées par bout de stolon ou de rhizome soit manuellement à larges intervalles (elles couvrent immédiatement le sol) ou éparpillées et enfouies à la herse ou à la charrue à disques dans un sol humide. Les graminées à larges touffes sont plantées en ligne, par division. Les bouquets sont déterrés et sont préparés en coupant les sommets et les longues racines (qui mourraient de toute façon) et le bouquet divisé en unités de deux ou trois talles. Il faut prendre soin de ne pas sécher le matériel planté et ce travail ne devrait pas être fait en plein soleil. Les morceaux peuvent être directement plantés dans un sol humide (ne pas faire les trous de plantation à l'avance, mais seulement immédiatement avant de planter) il vaut mieux les entasser à l'ombre, arrosés et couverts avec des sacs pendant quelques jours jusqu'à ce que les nouvelles racines commencent à paraître. L'herbe à éléphant est plantée par morceaux de tige de la même façon que la canne à sucre.

Installation des légumineuses et traitement de la semence

Les légumineuses sont cultivées pour leur haute qualité fourragère et comme une culture amélioratrice du sol dans les rotations. Beaucoup sont mellifères: les trèfles blanc et violet et la luzerne sont considérés comme des producteurs de miel. Lorsque de grandes superficies sont à cultiver, la possibilité de récolter le miel devrait être considérée. Pour la production de semence, les abeilles sont utiles à la pollinisation. La préparation de la terre, la préparation du lit de semis et le semis sont les mêmes que pour les graminées.

Traitement de la semence de légumineuse

La semence de légumineuse exige souvent un traitement avant le semis pour améliorer le taux de germination et assurer l'infection adéquate par les bactéries appropriées des nodules des racines. Les légumineuses fourragères ont généralement une proportion élevée de semence avec des graines à peau imperméable qui empêche la pénétration de l'eau et par conséquent ne germent pas quand elles sont semées, mais qui restent en dormance dans le sol jusqu'au moment où la graine deviendra imbibée d'eau; ces graines sont dites «dures». Cela est une excellente caractéristique pour la survie dans les zones où la pluviométrie est incertaine, mais n'est pas désirable quand on cherche une installation rapide de culture fourragère à une dose raisonnable de semis; ces semences nécessitent une scarification.

Tableau 4. Poids des semences de quelques légumineuses

Culture

Graines par kilogramme

Légumineuses fourragères

Hedysarum coronarium - sulla

230 000

Lotus corniculatus - lotier corniculé

825 000 - 925 000

Medicago sativa - luzerne

480 000

Medicago falcata - luzerne sauvage

510 000

Melilotus alba - mélilot

550 000 - 600 000

Onobrychis sativa - sainfoin

55 000 - 66 000

Trifolium alexandrinum - trèfle d'Alexandrie; bersim

440 000

Trifolium pratense - trèfle violet

440 000 - 660 000

Trifolium repens - trèfle blanc

1 650 000

Trifolium resupinatum - trèfle de Perse

1 480 000

Vicia sativa - vesce

18 000

Protéagineux

Cyamopsis tetragonoloba - guar

45 000

Pisum sativum - pois

très variable

Glycine max - soja

très variable

Vigna unguiculata - niébé

8 000 - 10 000

Les légumineuses prospèrent et fixent l'azote quand elles sont en symbiose avec les bactéries spécifiques des nodules radiculaires du genre Rhizobium. Il est souvent nécessaire d'inoculer la semence avec une culture de leurs bactéries spécifiques lorsqu'on sème une culture dans un nouveau terrain ou dans un champ nouvellement nettoyé ou dans des champs qui n'ont pas été semés en légumineuses pendant plusieurs années.

Identification d'une nodulation effective dans le champ

Les plantes doivent être examinées (pendant leur croissance active) pour établir l'état de leur nodulation quand on décide si on doit ou ne pas inoculer les semences sous des conditions similaires. Les légumineuses nouvellement semées doivent toujours être examinées pour leur nodulation, pour vérifier l'efficacité du processus de l'inoculation et collecter l'information pour des semis futurs. La nodulation est effective généralement un mois après les semailles.

Les plants devraient être déterrés soigneusement (ne pas tirer dessus) et leurs racines examinées. La présence de grands nodules sur la racine principale et sur les plus grosses racines latérales dans les deux-trois centimètres supérieurs du sol, et qui montrent une couleur rose sur la coupe transversale (due à la présence d'hémoglobine), indique une nodulation réussie.

Scarification de la semence

Le but de la scarification est de permettre la pénétration d'eau dans la graine à travers l'enveloppe imperméable ou (comme dans certains Stylosanthes spp.) la cosse, pour accélérer la germination. La dureté de la semence est seulement partiellement une caractéristique d'espèce ou de cultivar et peut être fortement affectée par le temps pendant la maturation de la graine. La semence récoltée mécaniquement ou battue est souvent suffisamment scarifiée par le frottement par la machine. Cependant, la semence des légumineuses tropicales récoltée et battue à la main montre souvent plus de dureté que la semence battue à la machine. Trois méthodes de scarification sont couramment utilisées: mécanique, à l'eau chaude et à l'acide. Seule la scarification mécanique devrait être utilisée dans un travail de vulgarisation à moins qu'un technicien très qualifié soit présent durant tout le procédé de scarification et de semis. Les qualités des trois méthodes sont résumées ci-dessous:

La scarification mécanique peut être pratiquée avec de petites quantités et à niveau industriel, et se fait par frottement ou secouage de la semence. A l‘échelle du laboratoire, une boîte avec un fond amovible (dimensionnée pour y disposer une feuille de papier émeri) est utilisée. La semence est répandue sur le papier et frottée avec un bloc en caoutchouc. Des échantillons de taille moyenne peuvent être traités en frottant les graines avec des chaussures à semelle de caoutchouc sur un sol lisse en béton. Des échantillons plus grands peuvent être scarifiés dans des décortiqueuses à riz, dans des bétonnières avec du sable et dans des machines faites sur commande. La scarification mécanique est bon marché et elle est simple, la semence traitée peut être stockée pendant des semaines, elle peut être inoculée après traitement, et le traitement ne déclenche pas la germination. Les erreurs ne sont pas possibles à moins que la semence ne soit trop traitée et broyée en farine!

La scarification à l'eau chaude peut être réalisée en petites et moyennes quantités. Les graines sont immergées dans l'eau chaude (souvent en ébullition) et maintenues pour un temps spécifique, qui varie selon les espèces. Le système est simple, mais nécessite une supervision attentive. Il a beaucoup de désavantages. Le trempage dans l'eau froide est utilisé pour les semences de Trifolium alexandrinum et Trifolium resupinatum quand elles doivent être semées dans des champs superficiellement inondés, mais dans ce cas l'objectif du trempage est d'empêcher la semence de flotter. La scarification à l'eau chaude est sujette à l'erreur de l'opérateur (semence cuite); le procédé déclenche la germination, par conséquent la semence ne peut pas être stockée même pour de courtes périodes, et en cas de semis avec manque de pluie il y aura beaucoup de mortalité. Si le semis n'est pas possible (par exemple, en cas de fortes pluies durant la période de scarification) la semence fermentera à moins qu'elle ne soit constamment aérée; l'inoculation est difficile; certaines espèces exsudent un mucilage collant lorsqu'elles sont humidifiées et les graines se tiennent ensemble (par exemple, Neonotonia spp.).

La scarification à l'acide consiste à immerger la semence dans l'acide concentré, généralement l'acide sulfurique, pour un temps spécifique. Cette technique convient pour des buts de vérification de semence et pour des quantités très petites. Elle ne convient pas pour une utilisation en champs.

Inoculation de la semence

Le but de l'inoculation est d'enrober les semence de légumineuse avec un nombre suffisamment grand de rhizobia vivants du genre approprié pour stimuler une nodulation rapide et efficace dans le champ. Divers types d'inocula sont produits, mais les poudres à base de tourbe sont recommandées pour l'utilisation au champ. Il faut faire très attention pour s'assurer que l'inoculum est à tout moment protégé des hautes températures, de la lumière du soleil et des produits bactéricides. L'inoculation de la semence est simple, mais sujette aux erreurs de négligence. La poudre d'inoculant devrait être mélangée avec une solution aqueuse d'une gomme gluante, 15% de gomme arabique conviennent et cette gomme est souvent disponible dans les marchés de nombreux pays tropicaux et subtropicaux. La poudre de tourbe est mélangée dans la gomme immédiatement avant usage; la semence est entassée sur un sol en béton propre ou sur une surface similaire, et les inocula sont déversés et mélangés minutieusement avec une pelle ou dans une bétonnière ou une machine similaire, mais il faut éviter les mélangeurs qui ont été utilisés pour l'application des produits fongicides aux semences. La quantité de liquide est déterminée par la pratique, et le but est de couvrir la semence sans excès d'humidité. Les graines traitées devraient être immédiatement étendues en une couche mince pour sécher à l'ombre et, une fois séchées, il faut semer dès que possible.

Enrobage pour protéger l'inoculum dans la semence

Quand la semence est à mélanger avec un engrais acide, tel que le superphosphate simple, ou quand il y a un danger que la semence soit exposée à la sécheresse et à la lumière du soleil après le semis, un processus d'enrobage peut être utilisé pour protéger l'inoculum. Il implique généralement la couverture de la graine inoculée avec la chaux ou le phosphate brut utilisant un produit gluant tel qu'une solution à 45% poids/volume de gomme arabique. La semence correctement mise en boulette peut être entreposée à une température ambiante jusqu'à un mois. Pour obtenir la survie dans les boulettes, seuls les inocula à base de tourbe doivent être utilisés.

Une méthode courante implique l'utilisation d'un produit adhésif communément disponible, à savoir la gomme arabique commerciale, qui est utilisée en une solution à 40% - 45% poids/volume. Comme elle est lente à dissoudre, elle peut nécessiter le chauffage. Il vaut mieux préparer la gomme arabique un jour avant et la laisser pour une nuit. Il est essentiel que la gomme soit sans agents conservateurs. La gomme arabique est elle-même un élément nutritif, et aucun autre élément nutritif (par exemple le sucre) n'est utilisé. La couche de produit de revêtement doit être très fine (100% doit passer dans une maille de tamis d'ouverture 300). La chaux agricole est trop grossière; le blanc de plâtrier et la chaux très fine (carbonate de calcium) sont convenables pour les trèfles et les légumineuses tempérées. Une quantité égale approximativement à 25% du poids de la semence est nécessaire pour des graines de la taille du trèfle blanc; plus la graine est petite plus il faut de produit pour l'enrobage. Il y a deux types de Rhizobium qui doivent être considérés: le type associé avec les trèfles et la plupart des légumineuses tempérées qui croît rapidement et produit de l'acide pour lequel la chaux est utilisée; l'autre type, associé avec la plupart des légumineuses tropicales produit des bases et a une croissance lente, pour lequel le phosphate brut doit être utilisé. Le tableau 5 fournit un guide des quantités requises, mais celles-ci doivent être adaptées aux conditions locales.

Tableau 5. Tailles des graines et quantités d'enrobage

Taille de la graine

Semence

Boulettes légères

Boulettes lourdes

kg

Adhésif, ml

Enrobage, kg

Adhésif, l

Enrobage, kg

Petite

6,8

284

3,4

1,14

6,8

Petite à moyenne

10,2

284

3,4

1,14

9,0

Moyenne

13,6

284

3,4

1,14

9,0

Large

27,2

284

3,4

1,14

6,8

Source: Adapté à partir de Les légumineuses fourragères tropicales (FAO, 1982)

La poudre d'inoculation est intimement mélangée avec le produit gluant juste avant l'utilisation, et l'adhésif est appliqué à la semence, en quantité suffisante pour le rendre collant sans devenir trop humide. L'enrobage est ensuite appliqué le tout en une seule fois et le tas est tourné ou culbuté, jusqu'à ce que les boulettes soient formés. La semence doit être semée immédiatement, mais il est mieux de la laisser sécher pendant quelques heures à l'ombre pour se raffermir. Il faut laisser durcir les grandes boulettes sinon leur revêtement peut tomber.


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