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5. Génétique et amélioration des essences exotiques

RICCARDO MORANDINI

RICCARDO MORANDINI fait partie de la Stazione Sperimentale di Selvicoltura de Florence (Italie). Les autres rapporteurs étaient J. M. Fielding (Australie), P. Faulkner (Royaume-Uni), et O. Fugalli (FAO).

Résumé

L'amélioration génétique des essences exotiques se base sur les principes généraux valables pour toutes les essences forestières et tend aux mêmes buts, qui sont l'augmentation de la productivité, qualitative et quantitative, et la mise en valeur de tous les caractères spécifiques (plasticité, tolérance, résistance) permettant de tirer le maximum de bénéfice de l'utilisation forestière des terres.

Mais la réalisation pratique de cette amélioration se heurte à des difficultés liées à l'origine exotique des essences; par exemple, les connaissances sur la biologie, I'écologie et la variabilité génétique de l'espèce dans son aire naturelle sont souvent très incomplètes, et difficiles à obtenir dans les régions sous-développées. L'approvisionnement en matériel de multiplication tel que graines, greffons ou boutures d'origine connue est aussi difficile à organiser.

Les recherches sur l'amélioration des essences exotiques doivent donc être conduites à la fois dans le pays d'origine où la recherche doit comprendre l'étude de la variabilité génétique, des races et provenances, la sélection de peuplements à graines et d'arbres plus et dans le pays d'introduction (essais d'acclimatation, expérience sur les provenances, hybridation et établissement de vergers à graines).

Les tendances actuelles de la consommation en bois font apparaître la nécessité de concentrer avant tout les efforts sur les essences dont la valeur économique actuelle et future est bien connue.

Chapitre 5

IMPORTANCE DES ESSENCES EXOTIQUES

L'augmentation massive de la demande de bois, causée par le développement économique et industriel, a provoqué une révolution dans la foresterie, liée par tradition à des cycles séculaires et à une productivité extensive. Les forestiers sont obligés de s'adapter au nouveau rythme industriel et de concentrer leurs efforts pour ajuster ce rythme à la production forestière. Pour cela, il fallait de nouvelles techniques et surtout de nombreux moyens de production, c'est-à-dire de nouveaux arbres. Dans certaines régions, la sélection et l'amélioration des espèces forestières indigènes ont permis de former sur place ces moyens de production, mais, bien souvent, les espèces locales ne présentant pas les caractères requis, il a fallu introduire des arbres d'autres régions. D'où les expressions nouvelles: «espèce introduite» ou «essence exotique».

II n'est pas nécessaire de rappeler des exemples d'introduction d'essences forestières: les échanges d'arbres d'un pays à l'autre sont devenus, ces dernières années, aussi fréquents que les échanges de plantes agricoles.

II convient d'abord de rappeler que l'appellation «exotique» ou «introduite» désigne une espèce cultivée en dehors de son habitat naturel. Ainsi il faut considérer comme exotiques, pour des raisons phytogéographiques, des espèces «politiquement» indigènes: c'est le cas du mélèze (Larix decidua) transporté des Alpes aux plaines d'Allemagne, du Pin laricio de Corse (Pinus nigra var. calabrica) planté en France continentale, ou du western white pine (Pinus monticola) quand on le transfère d'un bout à l'autre des Etats-Unis.

Les premières introductions d'espèces forestières datent du XVIIIe siècle et ont été faites par des naturalistes, surtout pour créer des collections botaniques ou pour enrichir des parcs et jardins. C'est au XIXe siècle que l'on a commencé à introduire des arbres pour des buts proprement forestiers. Aujourd'hui, ces introductions de nouvelles espèces visent quatre objectifs fondamentaux:

1. Enrichir la flore locale;
2. Obtenir la résistance aux maladies et aux autres facteurs défavorables du milieu;
3. Profiter d'une supériorité d'accroissement;
4. Obtenir du bois de qualité.

L'enrichissement de la fore locale

La composition actuelle de la flore forestière d'une région est le résultat de l'évolution naturelle due aux variations climatiques à travers les ères géologiques (et surtout les glaciations), et de l'action directe et indirecte de l'homme.

En conséquence, la flore forestière naturelle peut présenter, dans des régions de conditions écologiques très voisines, une composition différente. Cela est valable surtout pour les conifères, qui constituent la base de l'économie forestière moderne, et dont la distribution est très irrégulière. Dans la zone tropicale et subtropicale, par exemple, les feuillus présentent une dominance presque exclusive, sauf dans quelques pays, comme le Mexique, où les conifères aussi sont représentés. Dans d'autres cas, la flore locale ne comprend que des arbrisseaux et des arbustes, alors que les conditions écologiques du milieu permettraient le développement d'arbres de grande taille.

L'introduction d'exotiques peut remédier aux déficiences de la flore locale, et donner aux forestiers des moyens nouveaux de production.

La résistance aux maladies et aux facteurs défavorables du milieu

La résistance aux maladies et aux facteurs défavorables du milieu est souvent le but principal des introductions. La résistance du mélèze du Japon (Larix leptolepis) au chancre (Dasyscypha willkommi) qui endommage le mélèze d'Europe (Larix decidua), l'utilisation des châtaigniers du Japon et de Chine résistant à la maladie de l'encre et à Endothia parasitica, les plantations de Picea sitchensis, résistant aux vents violents dans les plaines de l'Europe du Nord, l'utilisation de certains Acacia et de Tamarix dans les sols salés prouvent l'importance de l'expérimentation étendue et de l'utilisation des espèces exotiques.

Rapidité de croissance et production

La nécessité d'obtenir des taux d'accroissement élevés est, en général, la raison qui fait préférer les exotiques aux espèces indigènes. Deux facteurs sont à prendre en considération. D'un côté, la capacité pour une espèce d'atteindre de grandes dimensions; de l'autre, la rapidité de croissance, qui permet d'introduire dans la production forestière un rythme de production industrielle. Certaines espèces produisent un volume donné de bois deux fois plus vite que d'autres. En outre, si l'accroissement en volume est important dès les premières années, les rendements des éclaircies permettent de réduire énormément les temps d'amortissement des investissements et, par conséquent, d'établir des programmes de plantations financièrement rentables.

Qualité du bois

Les introductions d'exotiques peuvent aussi avoir pour but de produire du bois de qualité différente des bois locaux. Autrefois, on recherchait surtout des bois de qualité: ainsi les plantations de Tectona grandis en Afrique et en Amérique, l'extension des différents pitchpins hors du sud des Etats-Unis, les essais de diffusion du frêne (Fraxinus americana) et du noyer américains (Juglans nigra) en Europe sont des exemples bien connus. Aujourd'hui, c'est plutôt la grande demande en bois de conifères et en bois à pâte qui détermine les types de plantations forestières. Les plantations de pin de Monterey en Afrique du Sud et en Nouvelle-Zélande et les plantations de Populus en Europe témoignent de ces tendances.

Ces quatre objectifs des introductions d'essences exotiques se ramènent finalement à un but unique: produire sur place la plus grande quantité de bois, de la qualité demandée par les industries utilisatrices, et dans le délai le plus court possible.

II s'agit donc de faire des choix économiques, qui supposent la connaissance des conditions actuelles et des tendances du marché local du bois et de la consommation ainsi que des possibilités de développement des industries, que la disponibilité de bois peut conditionner à son tour, comme le prouvent l'industrie papetière de la Nouvelle-Zélande basée sur les plantations de Pinus radiata, et le programme parallèle de plantation d'Eucalyptus et d'établissement d'une industrie papetière au Maroc.

Finalement, le généticien est appelé à tracer son programme de travail en collaboration étroite avec les économistes et dans le cadre des plans de développement de son pays.

Il convient de se rappeler que l'accord ne s'est pas réalisé sur l'importance qu'il faut attribuer aux exotiques en économie forestière. Un courant d'opinions hostiles aux exotiques a vu le jour dans le passé en raison des échecs de certaines introductions résultant d'une évaluation trop optimiste des possibilités de certaines espèces et surtout d'un passage prématuré de la phase des essais au stade des plantations à grande échelle (Edwards, 1963).

MISE EN ŒUVRE D'UN PROGRAMME D'INTRODUCTION

Un programme d'introduction d'essences exotiques présente deux principaux types de problèmes. D'une part, la question du choix des essences forestières, dont une mise au point très efficace a été rédigée récemment par Champion et Brasnett (1960) sur l'initiative de la FAO. La plus grande difficulté est d'acquérir des connaissances suffisamment détaillées sur des espèces souvent mal connues même dans leur pays d'origine La connaissance préalable de l'écologie de l'espèce dans son aire géographique est évidemment indispensable pour les études comparatives entre la région d'origine et la région à laquelle l'espèce est destinée. D'autre part, seule l'expérimentation sur le terrain permet d'évaluer la capacité de production et la plasticité de l'espèce dans le nouveau milieu; mais ces caractères sont aussi liés à la variabilité de l'espèce.

L'introduction ou l'amélioration des essences exotiques demandent donc des recherches de base, parmi lesquelles les questions d'ordre génétique occupent une place importante1. Une partie de ces recherches concernent l'espèce dans son aire géographique naturelle, et doivent, par conséquent, être conduites dans le pays d'origine, les questions les plus importantes étant les études sur la variabilité génétique, les études écologiques, et la sélection de peuplements à graines et d'arbres plus. Les essais d'introduction (arboretums et plantations expérimentales) et les épreuves de résistance et de plasticité doivent évidemment être conduits dans le pays d'accueil.

1 C'est pourquoi le présent rapport fait allusion à des thèmes qui font l'objet de la majeure partie de la discussion dans d'autres chapitres de ce rapport final, par exemple les chapitres 4, 10 et 11, auxquels le lecteur est invité à se reporter pour le détail des diverses notions que discute le Professeur Morandini.

TABLEAU 6. - Graines et plants forestiers faisant l'objet d'un commerce international

Espèce

Région d'origine

Région d'utilisation

Nom latin

Nom commun

Larix decidua

Mélèze d'Europe

Europe

Europe et nord-est de l'Amérique du Nord



L. Ieptolepis

Mélèze du Japon

Japon

L. X eurolepis

Mélèze hybride

Europe

Picea abies

Epicéa commun

Europe

Europe et Amérique du Nord

P. sitchensis

Epicéa de Sitka

Ouest de l'Amérique du Nord

Europe, pays nordiques principalement

Pseudotsuga taxifolia

Sapin de Douglas

Ouest de l'Amérique du Nord

Régions tempérées

Pinus conforta

-

Ouest de l'Amérique du Nord

Nord de l'Europe

P. nigra

Pin laricio

Sud de l'Europe et région méditerranéenne

Europe, est de l'Amérique du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande

P. sylvestris

Pin sylvestre

Europe

Europe et est de l'Amérique du Nord

Acacia mollissima

-

Sud de l'Australie

Inde, Afrique du Sud et autres régions subtropicales


A. melanoxylon

-

Sud de l'Australie

Cupressus lusitanica

-

Mexique et Amérique centrale

Australie, Jamaïque, centre, est et sud de l'Afrique

Eucalyptus globulus

-

Tasmanie

Afrique, Amérique du Sud, régions subtropicales de l'Asie et région méditerranéenne



E. grandis

-

Est de l'Australie

E. saligna

-

Est de l'Australie

Pinus elliottii

Pin caribaea

Sud des Etats-Unis

Australie, Nouvelle-Zélande, centre et sud de l'Afrique

P. patula

Pin patula

Mexique

Australie, centre et sud de l'Afrique et autres régions subtropicales

P. pinaster

Pin maritime

Portugal et sud-ouest de la France

Portugal, France, Espagne, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande

P. radiata

Pin de Monterey

Californie

Nouvelle-Zélande, Chili, Espagne, Australie, sud de l'Afrique

P. taeda

Pin taeda

Sud des Etats-Unis

Afrique subtropicale, Asie

Swietenia macrophylla

Acajou

Amérique tropicale

Ceylan, Fidji, Malaisie, Trinité, Inde

Tectona grandis

Teck

Inde et Birmanie

Tropiques

Il reste, d'autre part, toute une série de questions concernant l'amélioration (hybridations, induction de mutations, recherches de diagnostic précoce au phytotron, etc.) qui, selon les cas, peuvent être conduites dans la patrie d'origine ou dans le pays hôte, ou parallèlement dans les deux. Là, il faut rappeler encore une fois l'importance des échanges d'informations et de la coopération internationale. Les expériences internationales sur les races de Pinus sylvestris (1907, 1938), Picea abies (1938) et Larix decidua (1944), l'activité de la section 22 de l'IUFRO qui s'occupe de l'étude des végétaux forestiers, les résultats des recherches conduites en coopération étroite entre chercheurs de différents pays, démontrent que le travail d'équipe doit être étendu aujourd'hui à l'échelle mondiale.

PROBLÈMES D'AMÉLIORATION DANS LE PAYS D'ORIGINE

Études sur la variabilité génétique

L'étude attentive d'une espèce dans son milieu naturel pourra donner une idée de son potentiel sylvicole et économique. En effet, les dimensions qu'un arbre peut atteindre, sa rapidité de croissance, ses exigences écologiques et édaphiques, sont fondamentalement les mêmes dans son pays et à l'étranger.

La plus grande attention sera accordée à l'examen de la variabilité de l'espèce, qui dépend souvent mais pas toujours de l'étendue de l'aire géographique. Une espèce à aire très restreinte ne présentera probablement pas une grande variabilité. Toutefois, il faut rappeler que les trois populations qui constituent l'aire naturelle de Pinus radiata présentent déjà des différences appréciables; Larix leptolepis au Japon et Picea omorica en Yougoslavie sont d'autres exemples de ce phénomène.

Etudes sur les races

Chez les espèces à aire très étendue, une certaine variabilité est toujours présente: elle devient souvent très marquée, jusqu'à justifier la distinction de races géographiques ou écologiques. Pinus sylvestris est un des exemples les plus connus d'une telle variabilité, qui a été mise en lumière par une série de comparaisons en Europe et en Amérique du Nord.

Pinus ponderosa présente une variabilité tout aussi grande: ses variétés et ses nombreuses races ont une valeur bien différente, comme le prouvent les résultats contradictoires obtenus en Europe et les essais de provenance en cours. Zobel (1961) a souligné la variabilité de Pinus taeda et P. elliottii dans le sud des Etats-Unis et celle, supérieure encore, de Pinus flexilis et P. montezumae au Mexique A ce sujet, les recherches biochimiques de Mirov (1962) présentent un grand intérêt. Au Mexique, l'importance et l'amplitude de cette variabilité laissent supposer que certains groupes d'espèces sont encore en pleine évolution. Dans ces conditions, le généticien pourra trouver un matériel précieux pour son travail.

Certaines espèces, et surtout les conifères d'Europe et d'Amérique du Nord, ont déjà été étudiées en détail; bien sûr, il y a encore beaucoup à apprendre, mais dans l'ensemble on a déjà des données de base suffisamment sûres sur ces espèces. C'est dans les pays où les sciences forestières viennent de faire leur apparition que le généticien trouve un champ de travail immense. Que savons-nous par exemple des Swietenia, des Araucaria, des Acacia ou d'autres espèces tropicales de grande valeur forestière?

Pour chaque genre et pour chaque espèce qui méritent d'être introduits, il faut étudier avant tout les conditions de vie et de croissance dans l'aire naturelle, distinguer, le cas échéant, les différences morphologiques, écologiques, édaphiques et examiner les caractères technologiques du bois dans les différentes stations.

II n'est pas nécessaire d'entrer ici dans les détails du problème, car il est discuté à fond au chapitre 4, mais il suffit d'en rappeler l'importance.

Sélection des peuplements à graines et des arbres plus

Du fait de la variabilité de la grande majorité des espèces forestières, le problème de l'approvisionnement en graines d'origine connue est crucial. Même dans les pays à tradition forestière ancienne, où la récolte et la distribution des graines forestières sont soumises depuis longtemps à un contrôle, on sait que ce problème reste souvent difficile à résoudre. Dans ce domaine, l'Allemagne et la Suède ont été toujours à l'avant-garde, et plusieurs pays suivent leur exemple. Dans le secteur scientifique, la coopération entre les instituts de recherche permet souvent d'obtenir du matériel d'origine sûre, mais parfois même en matière de recherche, et souvent dans le secteur de l'application pratique, il est impossible d'avoir un tel matériel, surtout pour certaines espèces encore mal connues, et provenant de certains pays.

Les espèces du genre Eucalyptus fournissent un exemple précieux: en conséquence de l'emploi croissant des Eucalyptus, la demande de graines d'Australie a augmenté rapidement aussi bien pour les graines destinées aux reboisements que pour celles destinées à la recherche. Et c'était surtout l'approvisionnement en graines pour la recherche, qui concernait souvent des espèces rares ou des provenances spéciales, qui compliquait le travail. La bonne volonté et l'esprit de coopération du gouvernement australien a abouti dernièrement à la création d'une section du Bureau des forêts et du bois à Canberra, spécialement chargée de fournir les semences destinées à l'étranger.

C'est une bonne solution, qui malheureusement ne trouve pas d'équivalent dans d'autres pays. En effet, la garantie de l'origine, si elle est sérieuse, n'est pas simple; il faut procéder à la sélection des peuplements à graines d'abord, des arbres plus ensuite, dans des régions souvent mal desservies; il faut organiser la récolte du matériel en forêt, la contrôler dans les différentes phases, jusqu'à la livraison. Comme on le verra aux chapitres 10 et 11, ce n'est pas un problème spécifique des essences exotiques, mais il est cependant particulièrement sensible pour certaines de ces espèces.

Dans quelques cas, les pays intéressés ont organisé des expéditions ad hoc dans les pays d'origine. L'Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, la Rhodésie, les Etats-Unis (Look, 1950; Hinds et Larssen, 1961; Zobel, 1961) ont envoyé des experts au Mexique, pour récolter sur place des graines de pins. Cet intérêt, souligné davantage par le Séminaire sur les conifères de l'Amérique latine, organisé par la FAO en 1960, a abouti à un accord avec le gouvernement mexicain pour organiser avec l'assistance de la FAO un centre de sélection des peuplements à graines de ces pins pour la récolte et la répartition des graines.

De semblables expéditions de récolte de graines seront sans doute nécessaires pour l'obtention de graines d'autres espèces, en particulier celles qui poussent dans des zones reculées et dans les pays où on ne dispose pas de récolteurs de graines expérimentés. Dans le cas où les récoltes de matériel de recherche peuvent être convenablement surveillées par le personnel local, la totalité ou une partie des frais incombent au pays ou aux pays demandeurs. Les demandes de graines difficiles à obtenir doivent être d'abord bien étudiées.

L'origine des graines est une question essentielle et les autorités de tous les pays devraient en prendre la responsabilité. Les forestiers européens n'ont pas encore obtenu, pas exemple, une garantie réelle sur l'origine de la grande masse des graines de Pseudotsuga taxifolia d'Amérique.

II est souhaitable que la coopération internationale, facilitée grandement par les organismes qui ont envisagé cette Consultation, puisse apporter des solutions à ces problèmes. Les membres de la FAO et de l'IUFRO peuvent jouer un rôle important en procurant des renseignements et des facilités en vue de la récolte et de l'échange de graines à l'échelon international. A cet égard, les points suivants doivent être examinés rapidement:

1. Etablissement et mise en circulation d'une liste des chercheurs disposés et capables de récolter des graines pour le compte d'autres pays.

2. Etablissement d'un code pratique de procédure pour standardiser la sélection des arbres et des peuplements à graines et la description des stations pour la recherche et les applications pratiques; il faudrait insister sur l'importance des données météorologiques locales (voir figure 15).

PROBLÈMES D'AMÉLIORATION DANS LE PAYS D'INTRODUCTION

Tolérance et plasticité

Si l'étude comparative des climats et des autres conditions écologiques de la région d'origine et de la région à laquelle l'espèce est destinée permet de faire des prévisions générales sur les possibilités de succès de l'introduction, seuls des essais de plantation permettent de tirer des conclusions valables sur la valeur économique de l'espèce; de tels essais constituent la base indispensable pour procéder à des investissements importants.

Il est relativement rare qu'on puisse obtenir des renseignements très détaillés sur la région d'origine et certains phénomènes échappent à une estimation précise. La plasticité de l'espèce joue un rôle fondamental: certaines essences présentent des exigences très marquées vis-à-vis des facteurs de milieu et ne s'adaptent même pas à des conditions apparemment très proches de celles de leur aire naturelle. D'autres espèces, au contraire, sont capables de survivre et de végéter vigoureusement dans des conditions apparemment très différentes. Un exemple frappant de ces différences est donné par le genre Eucalyptus, qui comprend plusieurs centaines d'espèces, dont l'aire géographique est plus ou moins étendue; or, certaines d'entre elles ne poussent que dans leur aire ou dans des conditions rigoureusement correspondantes, d'autres, par contre, dont l'aire naturelle est très limitée, peuvent s'adapter à des conditions écologiques tout à fait différentes.

On peut rappeler encore Pinus radiata qui, depuis son aire naturelle restreinte, a été transporté avec le plus grand succès dans des régions très différentes dont les variations climatiques couvrent une échelle très vaste. Enfin, certaines espèces qui, dans leur pays d'origine ne présentent pas d'intérêt à cause de leur faible croissance, ont, au contraire, manifesté une vigueur végétative tout à fait remarquable dans les régions où elles ont été introduites.

Le problème du choix de l'essence à introduire devient plus difficile quand le pays d'introduction présente des conditions écologiques extrêmes. Les caractères de résistance à certains facteurs ou d'adaptation à des milieux difficiles sont alors souvent plus importants que la rapidité de croissance ou les caractéristiques du bois.

La résistance à l'aridité et au froid sont deux facteurs souvent recherchés, notamment pour l'introduction des exotiques dans la région méditerranéenne où l'instabilité du climat augmente les difficultés du milieu. Parfois, le facteur limite est constitué par des sols anormaux, surtout les sols salés.

La résistance à certains facteurs et la plasticité sont parfois un caractère spécifique, surtout chez les espèces à aire naturelle très restreinte, comme Pinus radiata. Mais, le plus souvent, elles sont liées à l'existence de races géographiques et écologiques. Les essais d'introduction doivent tenir compte de ces deux éventualités.

Expériences de races et provenances

L'existence de races différenciées à l'intérieur de l'espèce complique le problème. Si l'étude préliminaire permet de concentrer l'attention sur un secteur de l'aire relativement limité, et d'éliminer d'abord les races des autres secteurs, il est cependant nécessaire de prévoir l'introduction d'une gamme aussi vaste que possible de provenances, et d'effectuer des tests de comparaison de ces provenances dans les différents milieux. Outre les provenances directes du pays d'origine de l'espèce, on doit aussi envisager d'obtenir du matériel de base provenant d'autres pays où l'espèce a été introduite avec succès; bien souvent ces provenances, déjà soumises à la sélection des conditions du pays intermédiaire, présentent une plasticité très supérieure à celle du matériel provenant directement du pays d'origine. Eucalyptus camaldulensis en fournit un exemple.

Le cas de l'introduction d'une espèce tout à fait nouvelle est aujourd'hui assez rare, surtout dans certains pays. L'existence de plantations forestières antérieures même de petites dimensions ou de plantations d'alignement, ou d'arbres isolés dans des parcs ou des arboretums est un grand avantage: elle constitue une base pour des études préliminaires intéressantes et une source précieuse de matériel.

A partir de ces plantations ou individus, qui ont pu déclencher une dissémination naturelle de l'espèce introduite (et que l'on peut quelquefois trouver à l'état de peuplements semi-naturels à la deuxième ou à la troisième génération), on peut, en effet, commencer un travail de sélection en attendant les premiers résultats des nouvelles introductions ou des essais de provenance, qui demandent un temps très long, rarement inférieur à une dizaine d'années.

Si les individus introduits antérieurement ont déjà un certain âge, ils ont été soumis à l'effet du climat et à ses variations extrêmes: leur état de végétation et leur croissance permettent de tirer des conclusions, et d'en tenir compte dans le programme de sélection, surtout en ce qui concerne la résistance au froid.

Hybridation

L'hybridation a pour but principal de réunir dans un nouvel individu les caractères favorables des parents; mais souvent l'effet d'hétérosis, fréquent dans les hybrides F1, est encore plus important. Les croisements peuvent faire intervenir un parent exotique et un indigène ou bien deux parents étrangers. Dans le premier cas, on tend généralement à améliorer quelques caractères des espèces indigènes, tels que la qualité du bois, la forme du fût, et surtout la résistance aux maladies. Les programmes d'hybridation conduits aux Etats-Unis et en Italie entre les châtaigniers locaux (Castanea dentata et C. saliva) et les châtaigniers japonais et chinois (C. crenata et C. mollissima) visent à introduire chez les locaux la résistance aux maladies de l'encre et du chancre. Les hybridations entre Abies alba et A. veitchii en Allemagne ont pour but d'améliorer la résistance aux gelées du sapin indigène. Les croisements entre les peupliers européens et les américains tels que Populus nigra X deltoides ont fait porter au contraire l'attention sur la vitesse de croissance.

Des programmes d'hybridation concernant des espèces exotiques sont actuellement en cours dans plusieurs pays. Aux Etats-Unis, l'Institut de génétique forestière de Placerville attache la plus grande importance à ce moyen d'amélioration. En Corée, les membres de l'Institut de génétique forestière de Suwon (Kyunggido) travaillent à augmenter la production en volume.

L'origine des hybrides est souvent fortuite; tel est le cas d'espèces exotiques dont les aires naturelles sont séparées. Quand quelques individus ont été réunis au hasard des plantations, ils ont donné naissance à des hybrides qui ont fait preuve de caractères supérieurs et ont été par la suite reproduits artificiellement. On pourra rappeler chez les Eucalyptus les hybrides E. algeriensis (E. camaldulensis X ruais X tereticornis), E. alba X saligna et E. saligna X grandis, qui ont déjà une place bien déterminée dans l'eucalypticulture. Mais l'attention des généticiens est posée aujourd'hui sur l'hybridation naturelle ou artificielle entre de nombreuses espèces du genre Pinus. Beaucoup d'exemples pourraient être cités mais les plus intéressants sont: P. strobus X monticola et P. sylvestris X densiflora en Amérique, P. taeda X elliottii en (dorée et P. attenuata X radiata en Amérique et Nouvelle-Zélande.)

Approvisionnement en graines et vergers à graines

L'approvisionnement en graines est le facteur qui limite le plus les possibilités d'introduction des exotiques, surtout en ce qui concerne les plantations à grande échelle: nous avons déjà mentionné ce problème dans ce chapitre et l'attention doit être attirée sur le paragraphe traitant de l'importation de graines du pays d'origine.

Le pays importateur doit procéder à une inspection attentive des parasites ou maladies sur toutes les graines, les boutures et les greffons importés; il doit disposer de moyens pour la mise en quarantaine des boutures et des greffons. On doit se rappeler que toutes les espèces exotiques ne présentent pas un intérêt, et s'assurer que des espèces indésirables, qui se multiplient naturellement par graines, ne deviennent pas des adventices.

Les plantations anciennes sont parfois de bonnes sources de graines. Il faut faire un examen détaillé de toutes ces anciennes introductions et, si elles le méritent, les classer en vue de cette récolte. Les risques d'obtenir des plants consanguins indésirables à partir de petits groupes ou d'arbres isolés doivent être soigneusement examinés. Pour cette raison, ces récoltes ne sont pas recommandées. Dans l'ensemble, les critères généraux pour le classement des peuplements à graines seront valables, comme pour le choix des arbres plus (voir en particulier les chapitres 10 et 11 du rapport définitif, ainsi que l'Annexe A).

II y a aujourd'hui une forte tendance à concentrer la production des semences dans les vergers à graines. Cette pratique assure le ravitaillement en graines d'origine connue et permet ainsi d'éviter les aléas de l'importation, surtout en ce qui concerne la provenance. Il suffit de mentionner la question des graines de Pseudotsuga taxifolia, d'Eucalyptus et de Pinus radiata pour apprécier l'importance de cette méthode. Pour la constitution de ces vergers, on utilise du matériel génétique soigneusement sélectionné dans des stations représentatives, ou bien du matériel introduit et éprouvé dans des tests de descendance (voir chapitres 10 et 11).

La production de graines d'hybrides pose des problèmes tout à fait particuliers. Plusieurs pays ont déjà des programmes de production de masse, soit par pollinisation contrôlée, soit par croisement libre (plantations mixtes de Eucalyptus viminalis et E. camaldulensis pour la production de graines d'hybrides au Maroc).

APERÇU SUR QUELQUES ESPÈCES

Les caractères écologiques de chaque essence, ses possibilités de production et son rôle économique dans les pays d'introduction conditionnent les perspectives d'amélioration, le sens des recherches et les méthodes de travail.

II n'est pas possible d'examiner ici en détail l'amélioration de chaque essence: on a choisi, cependant, cinq espèces et genres sur lesquels l'attention est vive et le travail d'amélioration à grande échelle en cours ou en projet; ces espèces sont le sapin de Douglas, les peupliers, les eucalyptus, le pin de Monterey et les pins du Mexique.

Dans ce rapport, on ne donne pour chaque essence qu'un aperçu très synthétique, les détails étant développés dans les rapports annexes préparés par des spécialistes.

Le Douglas (Pseudotsuga taxifolia)2

2 Voir les rapports: Le Douglas en Europe par R. Schober (FAO-FORGEN 63-4/5) et The use of exotic trees in increasing production par M. V. Edwards (FAO-FORGEN 63-4/2).

Parmi les essences introduites en Europe, le sapin de Douglas occupe sans doute la première place; l'expérimentation prolongée sur plusieurs dizaines d'années a déjà donné des bases valables pour l'adoption de cette essence dans les forêts d'Europe. Dans plusieurs pays, ses plantations couvrent déjà des surfaces très importantes; leur total pour l'ensemble de l'Europe est de l'ordre de dizaines de milliers d'hectares, et elles s'étendent avec un rythme très rapide.

L'ampleur géographique et écologique de l'aire naturelle de Pseudotsuga taxifolia a posé très tôt aux forestiers américains le problème des races et des provenances. Des tests de provenance ont été établis aux Etats-Unis dès 1911, et, depuis lors, se sont étendus et multipliés; ils ont permis de mettre en lumière l'existence d'un grand nombre de races écologiques d'importance forestière très différente. En 1949, Isaac a tracé une carte de répartition très détaillée des zones de provenance du Douglas, accompagnée d'une documentation climatique fondamentale pour tous les forestiers des pays d'origine ou d'introduction.

En Europe, les résultats très variables des premières introductions de Douglas ont également attiré l'attention des forestiers; les problèmes de systématique et de provenance font depuis longtemps l'objet de recherches dans plusieurs pays. Si la capacité de production et la rapidité de croissance en constituent le point de départ, la résistance aux maladies (notamment Rhabdocline pseudotsugae), la résistance aux gelées, la plasticité et la tolérance à l'aridite sont, dans les différents pays d'Europe, les buts de l'amélioration. On a déjà constaté que pour l'Europe centrale et septentrionale les provenances des zones côtières de la Colombie britannique et de l'Etat de Washington donnent les meilleurs résultats, tandis que pour les pays méridionaux les provenances de l'Oregon et du nord de la Californie présentent une meilleure tolérance au climat sec. Les expériences sur ce sujet méritent d'être étendues et renouvelées dans plusieurs pays.

Le problème fondamental pour les forestiers européens est l'approvisionnement en graines. La fructification du Douglas est peu fréquente en Amérique, et, en tout cas, bien souvent insuffisante à couvrir la demande en graines, soit locale soit européenne. De plus, bien que certaines entreprises accompagnent leurs livraisons de certificats d'origine, les garanties sont insuffisantes dans l'ensemble.

Les plantations européennes de Douglas les plus âgées présentent déjà une bonne fructification, et certains pays ont entrepris une sélection de ces peuplements pour la production de graines. Ce matériel de base présente une grande importance parce qu'on en connaît déjà les caractères d'adaptation au climat local; il doit donc constituer une des bases de départ pour l'amélioration génétique. Plusieurs pays d'Europe ont déjà constitué des vergers à graines de Douglas; cette tendance mérite d'être développée comme la meilleure façon de résoudre le problème.

Peupliers (Populus Sp,)3

3 Voir le rapport: Génétique du peuplier par M. Sekawin (FAO-FORGEN 63-4/4).

L'aire naturelle du peuplier couvre presque toute la zone tempérée s'étendant même dans la zone subtropicale; cette extension, le grand nombre d'espèces et leur hétérogénéité phénotypique et génotypique exigent des méthodes d'amélioration qui diffèrent selon la zone et l'espèce.

Dans le secteur septentrional de l'aire dominent les peupliers de la section Leuce Duby (et en particulier Populus tremula), caractérisés par une multiplication asexuée très difficile. L'amélioration dans la section Leuce devra être basée sur les points suivants:

1. Production de semences de choix selon les méthodes normales pour les essences forestières (sélection de peuplements à graines et d'arbres plus, contrôle de la récolte et de la répartition des graines, etc.);

2. Propagation végétative par rejets de souche ou par boutures radiculaires d'individus sélectionnés (éventuellement par boutures de tiges avec l'emploi des substances de croissance);

3. Production d'hybrides avec possibilité de bonne propagation végétative, par croisement surtout avec P. alba.

Les peupliers de la section Tacamahaca Spach. présentent aussi quelque intérêt pour cette région.

Dans les régions tempérées chaudes, les peupliers de la section Aigeiros Duby présentent la plus grande importance et particulièrement P. nigra L. d'Europe, P. deltoides Marsh. d'Amérique et leurs hybrides. Chez ces peupliers, la multiplication asexuée ne présente en général pas de difficultés, ce qui facilite la constitution de clones et permet d'utiliser au maximum les phénomènes d'hétérosis présentés par les hybrides de première génération.

Dans les régions méridionales, où la résistance à la sécheresse est un critère important, on trouve, à côté de P. nigra et P. alba, des peupliers des sections Turanga Bunge et Leucoides Spach. Ces derniers présentent des difficultés de multiplication végétative et il faut revenir aux méthodes d'amélioration indiquées pour la section Leuce.

L'étude des mutations et notamment de la polyploïdie naturelle ou artificielle, ouvre de larges possibilités dans l'amélioration des peupliers (voir études sur trembles polyploïdes en Russie et en Suède; sur des polyploïdes artificiels de la section Aigeiros en Belgique et en Italie; sur individus haploïdes de P. alba en Hongrie). Les recherches sur les peupliers devront tenir compte des différentes conditions d'ambiance écologique et économique, mais comme les caractères de production, la résistance aux parasites et aux maladies mérite la plus grande attention.

Sekawin (1963) estime que le travail futur d'amélioration génétique des peupliers devra être développé selon les directives suivantes:

1. Définition précise des buts de l'amélioration génétique en relation avec le milieu physique, économique et social.

2. Etude biosystématique des peupliers existant dans chaque pays et de leurs relations avec le milieu.

3. Hybridation et sélection parmi ces types locaux.

4. Echanges internationaux de matériel de choix et hybridation avec le matériel local; constitution de populetums.

5. Etudes des caractéristiques héréditaires des caractères les plus importants.

6. Recherches sur la polyploïdie et les mutations.

7. Amélioration des méthodes de reproduction et de multiplication.

8. Expérimentation systématique des cultivars et des clones obtenus par l'amélioration.

Eucalyptus4

4 Voir le rapport Contribution du Maroc pour l'amélioration génétique des Eucalyptus introduits dans le bassin méditerranéen par J. Claudot. (FAO-FORGEN 63-4/9).

L'importance des eucalyptus en tant qu'essence à croissance rapide n'a plus besoin d'être soulignée: en dehors de leur pays d'origine, ces arbres ont démontré souvent une capacité de production bien supérieure à celle constatée en Australie, et ils gagnent chaque année plus d'importance dans l'économie forestière mondiale (Métro, 1954, 1963), surtout dans les régions tropicales et subtropicales.

Un des caractères les plus importants des eucalyptus, notamment de certaines espèces, est la plasticité, qui leur permet de pousser avec grande vigueur dans des conditions écologiques bien différentes de celles de leur aire naturelle. De plus, les eucalyptus sont capables de s'adapter à de nouvelles conditions, et de transmettre cette adaptation à leur descendance.

En outre, la facilité d'hybridation inter et intraspécifique aboutit fréquemment à la création de nouveaux types et certains d'entre eux sont déjà utilisés sur une grande échelle (E. algeriensis, E. alba et E. «hybride de Mysore»).

Mais plusieurs pays trouvent des difficultés à l'utilisation des bois d'eucalyptus, et notamment du bois des plantations à croissance rapide (fibre torse, collapse et autres défauts).

L'obstacle principal à de nouvelles introductions d'eucalyptus est la difficulté d'obtenir des graines d'origine connue des espèces et des provenances requises; ce problème a été toujours débattu dans les réunions consacrées aux eucalyptus et surtout lors de la deuxième Conférence mondiale des eucalyptus de Sao Paulo (FAO, 1961). La sélection de peuplements à graines et la création d'arboretums à graines dans chaque région d'introduction permettront de résoudre ces difficultés. Une autre méthode importante est la multiplication végétative et on a déjà mis au point une méthode efficace pour plusieurs espèces.

Les recherches pour l'amélioration des eucalyptus poursuivent aujourd'hui trois buts fondamentaux: extension de l'eucalypticulture, amélioration de la productivité, amélioration des qualités technologiques.

En vue de l'extension de l'eucalypticulture à des régions nouvelles, les recherches se basent sur la plasticité de certaines espèces ou provenances, l'accent étant mis surtout sur la résistance à la sécheresse dans la région méditerranéenne et sur la résistance au froid. Les sélections conduites en France et en Italie, notamment sur E. Gunnii, E. dalrympeana, E. rubida, E. viminalis et E. bridgesiana, paraissent ouvrir de bonnes perspectives pour la résistance au froid.

L'amélioration de la productivité se base en premier lieu sur la sélection massale et individuelle, et la possibilité de multiplication végétative devient fondamentale; pour la sélection massale, il faut signaler l'importance de la sélection rigoureuse des matériels de pépinière qui, à Rio Claro (Brésil), a donné des résultats remarquables. En outre, l'hybridation naturelle et artificielle et la production à grande échelle de graines hybrides permettent de créer ou de reproduire de nouveaux types et d'utiliser les phénomènes d'hétérosis.

Enfin, l'amélioration des qualités technologiques, sujet sur lequel les chercheurs australiens ont déjà abouti à des bons résultats, devra se baser surtout sur la sélection individuelle.

Pin de Monterey (Pinus radiata)5

5 Voir le rapport Planning a genetical survey of Pinus radiata populations par M. B. Bannister (FAO-FORGEN 63-4/1)

Pinus radiata donne l'exemple le plus frappant de la plasticité d'une espèce. Depuis son aire naturelle, limitée à trois peuplements de petite surface en Californie, et à quelques groupes d'arbres sur les îles de Guadalupe et Cedros (Baja California, Mexique), il a été diffusé avec grand succès dans des régions à climats très différents, comme le Chili, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et le nord de l'Espagne. Parmi les exotiques, le pin de Monterey est sans doute l'espèce resineuse qui couvre les plus grandes surfaces.

Bien que l'aire naturelle de Pinus radiata soit concentrée, il semble qu'on puisse distinguer des différences écologiques entre les trois îlots d'origine en Californie, différences qui sont très probablement bien plus marquées dans les stations mexicaines de Baja California (P. radiata var. binata).

Dans les pays où l'espèce a été introduite depuis de nombreuses années sur de grandes surfaces, il est probable qu'en raison de la ségrégation, de la migration de gènes et de l'hybridation entre génotypes différents, la population ait une composition génétique tout à fait différente de celle d'une population sauvage (Bannister, 1963).

Selon Scott (1960), en Australie, au Chili, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et en Espagne, on trouve des peuplements très beaux avec, cependant, une très grande variabilité des caractères morphologiques. Les généticiens et les sélectionneurs forestiers d'Australie et de Nouvelle-Zélande (Bannister, 1954; Fielding, 1947; Thulin, 1957) ont déjà réalisé un important travail de sélection, soit de peuplements à graines, soit d'arbres plus. L'hybridation naturelle entre P. radiata et P. attenuata ou P. muricata, déjà observée en Californie et en Nouvelle-Zélande, a été aussi étudiée. Aux Etats-Unis et en Espagne, une certaine importance est donnée à l'hybridation artificielle.

Il serait intéressant d'examiner plus en détail la question des provenances en relation avec la plasticité, en vue d'étendre les plantations de pin de Monterey dans des zones à climats relativement secs et froids.

Pins du Mexique

Zobel (1961) a défini le Mexique comme étant «the melting pot of the genus Pinus»: on y trouve, en effet, sur une aire relativement limitée, une très vaste série d'entités de Pinus dont la gamme de variabilité, la position systématique, l'importance forestière sont loin d'être définies. Les différents auteurs ont donné le rang d'espèce à un nombre d'entités variant de 30 à 80 (Martinez, 1948); mais il faut souligner que chez plusieurs espèces on observe, dans les différents secteurs, une variabilité morphologique très marquée, qui permet d'affirmer la présence de plusieurs «complexes d'espèces» dont l'évolution semble encore active.

D'autre part, l'importance que quelques-uns de ces pins ont déjà prise dans le sud de l'Afrique, notamment P. patula (Loock, 1950), et l'intérêt soulevé par le voyage d'études FAO au Mexique en 1960 (Morandini, 1961) ont déjà attiré l'attention des forestiers des pays tropicaux et subtropicaux qui voient là un instrument précieux de production de bois à court terme. Le rapport d'Hodgson (1963) fait un tour d'horizon important des directives à suivre pour améliorer Pinus patula qui est aujourd'hui le plus répandu des pins mexicains.

Voilà donc un champ d'action idéal pour les spécialistes des différentes branches de la génétique. Le point de départ est sans doute l'étude systématique des différentes entités, et l'analyse de leurs variations morpho-génétiques. Les études écologiques permettront de déterminer l'existence et la répartition de races écologiques qui, chez certaines espèces à aire très étendue, présentent sans doute des différences très marquées. A cet égard, il faut souligner l'intérêt de races relativement tolérantes au froid, qui permettraient la diffusion de certaines espèces dans des régions à climat moins doux (telles que la région méditerranéenne). La sélection de peuplements à graines et d'arbres plus permettra d'organiser sur des bases rationnelles la production de graines, dont la demande est déjà très importante: le programme d'assistance technique de la FAO devrait continuer de jouer à cet égard un rôle de premier plan. Un chercheur hautement qualifié a déjà été envoyé au Mexique pour travailler à l'organisation des approvisionnements en graines en coopération avec les forestiers mexicains. Si le pivot de l'amélioration de ces pins est leur patrie d'origine, il faut sou ligner que plusieurs pays, notamment l'Afrique du Sud, ont déjà lancé des programmes d'amélioration sur place, en se basant sur les plantations existantes, dont certaines dépassent 50 ans.

CONCLUSIONS

L'établissement d'un programme d'introduction d'essences exotiques et de leur amélioration devrait être basé sur les points principaux suivants:

Introduction de l'espèce

1. Etudes des homologies écologiques entre les différentes régions du monde: la Carte bio-climatique de la zone méditerranéenne récemment publiée par l'Unesco et la FAO (1963) en donne un exemple excellent.

2. Analyse bio-économique de la flore forestière des régions homologues, et choix des essences à croissance rapide, dont le bois peut trouver une utilisation facile pour les grandes industries (surtout papeterie).

3. Etudes écologiques pour individualiser les races et les provenances les plus convenables.

4. Essais d'élimination de nombreuses espèces, par plantation de petits groupes en arboretum, et essais de plantation (d'étendue suffisante pour garantir la valeur statistique des résultats) des seules espèces qui présentent de bonnes possibilités de succès.

Amélioration de l'espèce

1. Essais de provenances.

2. Sélection en vue de l'amélioration de la production quantitative et qualitative.

3. Production à grande échelle de graines et boutures de choix en peuplements à graines et vergers à graines.

Il est évident que la réalisation d'un tel programme demande de longs délais et des investissements importants: il sera donc utile de concentrer l'attention et les recherches sur un nombre d'espèces qui ne soit pas exagéré et dont la valeur économique des produits soit bien sûre.

Il sera bon de rappeler encore une fois l'importance de la coopération internationale, qui permet de tirer parti des expériences déjà acquises et de concentrer les efforts en vue de la réalisation de nouveaux progrès.

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