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7. Lutte contre les insectes et les maladies de la forêt


Première partie - Insectes
Deuxième partie - Maladies


Première partie - Insectes

Dans un grand pays d'Europe centrale, des spécialistes, dont la profession consiste à protéger les végétaux contre les insectes nuisibles et les maladies, ont fondé une «ssociation de médecins des plantes». Les membres de cette association considèrent, on le voit, qu'ils exercent une profession analogue à celle des médecins ordinaires et des vétérinaires, tout au moins en ce qui concerne les principes scientifiques de leur travail (quoique certainement pas d'un point de vue financier).

Dans ces trois branches de la science médicale, qui s'occupent respectivement des plantes, des animaux et des hommes, le principe fondamental «qu'il vaut mieux prévenir que guérir» est évidemment valable au même titre, mais il faut reconnaître que trop souvent, on est bien loin de cet idéal. La raison principale de cet état de choses est, comme il a été maintes fois souligné au Symposium, notre connaissance insuffisante des causes qui sont à l'origine d'un fléau. Et comme nous ne savons pas comment «prévenir» il ne nous reste, comme à nos collègues médecins, qu'à chercher à «guérir». Pour remédier à cette situation, il faut développer la recherche fondamentale, notamment en ce qui concerne la dynamique des populations et l'écologie des ennemis de nos forêts. Cette recherche doit recevoir la priorité absolue, comme il est dit dans la première recommandation générale adoptée par le Symposium.

C'est surtout la «lutte» qui a retenu l'attention des divers orateurs qui ont pris part à la IXe séance.

Il existe quatre méthodes de lutte, dont trois ont été amplement discutées au Symposium, à savoir a) la lutte chimique, b) la lutte biologique et c) la lutte sylvicole. La quatrième, la lutte mécanique, n'a pas été examinée en détail, car elle a perdu beaucoup de son ancienne importance; en effet, sans parler d'autres raisons, le manque de main-d'œuvre en Europe et,´ en Amérique du Nord, l'énorme étendue des forêts et le niveau élevé des salaires, rendent souvent impossible ce genre d'intervention. Mais, dans les pays où une main-d'œuvre abondante et peu coûteuse est disponible, certains insectes pourraient être combattus par des procédés mécaniques.;

De l'avis général, quand on est en présence d'un fléau de la forêt, il faut procéder à une évaluation précise de la situation avant de décider s'il y a lieu ou non de passer à l'action. Toutefois, la principale difficulté d'une telle évaluation vient souvent de l'insuffisance d'informations quantitatives sur les pertes directes et indirectes occasionnées à la forêt par les maladies et les insectes. Comme l'a souligné le Symposium dans une de ses recommandations, cette détermination quantitative donnerait à notre effort de recherche, d'enquête et de lutte une base beaucoup plus solide et renforcerait notre position vis-à-vis du forestier et de l'opinion publique.

Actuellement, notre arme préférée dans la lutte contre les insectes de la forêt est le produit chimique. Les nombreux insecticides extrêmement puissants que fabrique actuellement l'industrie et la facilité avec laquelle on peut les utiliser sur de vastes secteurs permettent de venir rapidement à bout de la plupart des insectes défoliateurs. Ce progrès rappelle celui qu'a constitué, dans la médecine humaine, l'avènement des sulfamides et des antibiotiques.

Toutefois, les insecticides organiques modernes présentent de sérieux inconvénients, car ils peuvent avoir des effets secondaires imprévus et même dangereux (comme cela arrive avec les sulfamides), en tuant non seulement l'insecte visé, mais aussi ses ennemis naturels et bien d'autres animaux. Certains même sont toxiques pour l'homme. Ces graves inconvénients sont connus depuis longtemps des entomologistes forestiers et agricoles, mais ce n'est que depuis peu qu'il en est discuté largement; aux Etats-Unis, le Congrès a même enquêté sur la question. D'où la recherche actuelle visant à produire des insecticides plus spécifiques et moins toxiques.

Un autre inconvénient sérieux des insecticides est que, bien souvent, ils ne suppriment pas la cause réelle des invasions. Il faut alors recommencer tous les ans l'application, ce qui augmente considérablement les frais.

Pour ces raisons, le Symposium a été amené à discuter longuement des autres procédés de lutte contre les insectes de la forêt - biologiques et sylvicoles - tout en reconnaissant que pendant encore plusieurs décennies, les entomologistes devront surtout compter sur les insecticides chimiques.

La lutte biologique, sous sa forme classique, a été dirigée surtout contre les insectes venus de l'étranger. Mais les découvertes récentes en matière de lutte micro-bienne et de lutte «autocide» offrent maintenant des possibilités intéressantes de combattre les insectes indigènes, comme on peut le faire par la conservation de leurs ennemis naturels indigènes et par des moyens biotechniques, comme les attractifs sexuels, etc.

L'importation d'entomophages pour combattre les ennemis d'origine étrangère est particulièrement intéressante dans le domaine forestier où la récolte reste sur pied pendant une longue période de révolution; les entomophages importés trouvent dans la forêt un milieu plus stable où ils peuvent mieux s'acclimater que dans les cultures agricoles dont la durée est éphémère.

L'expérience a montré qu'il est extrêmement important d'étudier à fond le mécanisme hôte-parasite dans le pays d'origine avant de recommander toute introduction. Beaucoup des échecs enregistrés sont dus au fait que l'on n'avait pas effectué ces recherches sur la spécificité des hôtes et les relations entre les diverses espèces de parasites découverts. Une question très débattue actuellement est de savoir s'il est préférable d'introduire une espèce unique ou plusieurs espèces (c'est-à-dire les plus efficaces et les mieux adaptées). Autrement, on pourrait introduire tous les parasites primaires disponibles, en vue de reconstituer entièrement le complexe d'ennemis naturels tel qu'il existe dans la situation originale. Or, dans certains cas, on a pu constater des interférences entre plusieurs parasites introduits (par exemple, dans le cas de la tordeuse des pousses, passée d'Europe au Canada). Par contre, on pourrait citer aussi d'autres exemples dans lesquels un ensemble de parasites différents a donné de meilleurs résultats qu'une espèce isolée (notamment contre la tenthrède européenne de l'épicéa au Canada). Chaque cas demande par conséquent une étude particulière.

FIGURE 29. - La lutte biologique contre les insectes donne des résultats prometteurs et les méthodes ont déjà fait ´ des progrès notables. Grâce à une pulvérisation de virus spécifiques, on a eu raison, dans des essais limités, de la tenthrède européenne du pin (Neodiprion sertifer), grave défoliateur des résineux.

(United States Forest Service)

Un sérieux inconvénient de ce type de lutte biologique dérive du fait que l'on a bien souvent introduit des parasites sans avoir, au préalable, déterminé soigneusement leur efficacité réelle. Les rapports sur les résultats des opérations de lutte biologique aux Etats-Unis, en Australie et au Canada n'ont été publiés que tout récemment. Il faut donc effectuer des recherches sérieuses et de longue durée, avant de pouvoir évaluer les résultats et les améliorer. Parmi les moyens supplémentaires de lutte qui mériteraient d'être explorés à fond, citons: la sélection biologique de souches de parasites introduits, la recherche, pour les parasites, d'espèces hôtes étroitement apparentées à l'insecte que l'on veut combattre, l'amélioration du complexe formé par les parasites ou les prédateurs par transfert d'ennemis naturels à l'intérieur d'une zone donnée (par exemple de l'ouest à l'est de l'Amérique du Nord).

L'utilisation d'organismes pathogènes, tels que virus, bactéries, cryptogames, attaquant les insectes nuisibles de la forêt, est un autre domaine de la lutte biologique que beaucoup de pays explorent activement. Certains de ces organismes (par exemple Bacillus thuringiensis et Beauveria) se prêtent à une production industrielle et correspondent donc largement à ce que l'on attend d'«insecticides» plus spécifiques. La méthode d'application est la même que pour les insecticides chimiques avec lesquels on peut les utiliser sans crainte d'interférence.

Les micro-organismes entomopathogènes ont une grande analogie avec les antibiotiques utilisés en médecine humaine, mais il faut contrôler avec soin la spécificité de chacune des souches de micro-organismes à l'égard des différents insectes avant d'en faire l'application.

En général, les effets de la lutte microbienne ne sont pas aussi rapides ni aussi complets que ceux de la lutte chimique. Mais il faut y voir un avantage plutôt qu'un inconvénient, car il y a ainsi plus de chances que l'organisme pathogène se transmette d'une génération à l'autre de l'insecte, et que son action soit, par conséquent, durable.

Une des dernières découvertes dans le domaine de la lutte biologique est ce que l'on a appelé la lutte «autocide». Elle consiste à contenir le développement d'une espèce nuisible par des lâchers en masse d'individus de souches génétiquement inférieures. Des mâles, rendus stériles par des radiations gamma, sont lâchés en grand nombre dans la zone d'infestation et leur accouplement avec les femelles ne donnera que des produits non viables. Dans le domaine forestier, cette méthode a été appliquée récemment en Suisse à une population locale de Mélolonthides et les résultats ont été prometteurs, si bien qu'elle va être étendue à d'autres projets dans différentes régions du monde. La découverte de produits chimiques ayant une action stérilisante sur les mâles ou sur les deux sexes à la fois pourrait simplifier considérablement la lutte par la méthode «autocide». Ces stérilisants chimiques peuvent être appliqués directement à une population d'insectes, ce qui réduit énormément les frais.

L'élevage et le lâcher de souches d'insectes à constitution génétique inférieure (c'est-à-dire comprenant de nombreux gènes létaux) offre une autre possibilité d'affaiblir les populations nuisibles et, ainsi, de les réduire.

D'une manière générale, la lutte biologique semble particulièrement indiquée contre les insectes de la forêt, car le milieu est relativement stable et, par conséquent, à l'abri d'influencer contraires, comme celles des produits antiparasitaires ou des pratiques culturales en agriculture.

Comme les agents utilisés dans la lutte biologique, une fois solidement établis, se perpétuent d'eux-mêmes et peuvent même se propager au-delà des frontières nationales, les petits pays pourraient collaborer à des projets internationaux.

FIGURE 30. - Pleolophys basizonas est un parasite du cocon des tenthrèdes que l'on a réussi à établir en Amérique du Nord pour lutter contre des espèces nuisibles introduites telles que la tenthrède européenne du pin, Neodiprion sertifer. Si l'on a obtenu des résultats spectaculaires avec certaine parasites, le rôle de cette espèce dan, une lutte efficace contre les tenthrèdes est plus lent à s'affirmer.

(Canada Department of Forestry)

Il existe déjà deux organismes internationaux pour la lutte biologique: ce sont la CIBC pour les pays du Commonwealth britannique, et la Commission internationale de lutte biologique contre les ennemis des cultures (CILB) pour la plus grande partie des pays de l'Ouest européen et de la Méditerranée.

Certains aspects de la lutte biologique, comme par exemple l'enrichissement des habitats avec des plantes à fleurs produisant du pollen et du nectar pour les insectes entomophages adultes, relèvent aussi de la troisième méthode de lutte, à savoir la lutte sylvicole, qui a beaucoup retenu l'attention du Symposium.

La lutte sylvicole est une méthode indirecte visant a) à prévenir les infestations d'insectes, b) à modifier les conditions de la forêt quand une infestation s'est déclarée afin de la combattre, c) à éviter les blessures aux arbres, et d) à accélérer la restauration des peuplements dévastés.

Dans le cas de peuplements nouvellement implantés, les précautions doivent être prises dès le début. Un des principes les plus importants à cet égard est qu'il faut choisir correctement les espèces d'arbres et les races de chaque espèce. Comme l'a bien prouvé l'histoire récente des forêts européennes, les risques les plus sérieux sont liés à l'introduction d'une nouvelle espèce dans un nouveau milieu.

L'exemple le plus frappant est celui de Picea abies qui, à l'origine, était cantonné dans une région montagneuse d'Europe centrale, à partir d'un millier de mètres d'altitude. Au cours du siècle dernier, les forestiers de la plaine, pensant augmenter leurs rendements par hectare, se mirent à remplacer leurs forêts naturelles composées de chênes et de hêtres par des plantations de Picea abies en peuplements purs. De nos jours, l'exploitation de la première ou de la deuxième génération de ces résineux fait ressortir clairement tous les inconvénients des peuplements purs. Non seulement les conditions du sol se sont rapidement détériorées, compromettant l'établissement de nouveaux peuplements, mais de plus, le bois est de mauvaise qualité à cause des attaques incessantes de champignons et d'insectes. Le bois récolté n'a pu être utilisé que pour la fabrication de pâte ou écoulé dans les qualités médiocres. Parmi les insectes présents, les plus dangereux étaient Lymantria monacha et Pristiphora abietina, qui sont à peu près inconnus dans les forêts naturelles d'épicéas.

L'opinion générale est que la présence en masse de ces insectes est due à ce que l'«équilibre biotique» est différent dans les peuplements purs. On pense, par exemple, que l'absence des ennemis naturels de ces insectes dérive sans doute du manque de plantes à fleurs et d'hôtes intermédiaires. En outre, les arbres peuvent faire preuve d'une plus grande sensibilité dans des stations où ils ne trouvent pas leur milieu naturel. En tout cas, des recherches sont indispensables pour déterminer les circonstances qui provoquent le «trouble de l'équilibre biocœnotique». Cet exemple devrait servir d'avertissement aux autres pays qui ont des problèmes analogues de reboisement.

La sélection biologique des arbres étant une science relativement nouvelle, la sélection de souches résistantes est encore dans l'enfance, comparativement à ce que l'on a réalisé contre les ennemis de l'agriculture. Depuis quelques années, on cherche davantage à améliorer les peuplements artificiels, déjà installés, par la fertilisation chimique, suivant une méthode universellement appliquée en agriculture. Des travaux effectués récemment en Allemagne ont montré que les engrais azotés, s'ils favorisent le développement de certains insectes suceurs, ont par contre pour effet de réduire efficacement, dans beaucoup de cas, les populations de défoliateurs. Il y a donc là un domaine intéressant pour des recherches plus approfondies, conduites sur une base plus large, et de longue durée.

Une des conditions principales auxquelles doit répondre le traitement sylvicole des arbres sur pied aussi bien qu'en cours d'exploitation, est ce que l'on a appelé en Allemagne l'aménagement «propre et hygiénique». Il s'agit d'effectuer les coupes et les éclaircies dans un esprit de sélection, avec enlèvement des arbres éliminés et des sujets physiologiquement faibles, et d'exécuter «proprement» les travaux d'abattage et de débardage. En ce qui concerne ces derniers, les procédés modernes d'abattage et de débardage mécanique peuvent constituer un pas en arrière. C'est ainsi que certaines méthodes d'abattage extensif, que l'auteur a pu observer en Amérique du Nord, sont certainement loin de répondre aux conditions d'hygiène préconisées ici.

Comme il a été dit au Symposium, un domaine aussi complexe que celui de la lutte sylvicole ne saurait être convenablement exploré sans une coopération très poussée entre le forestier et les divers spécialistes: entomologistes, pathologistes, phytosociologues, etc.

Disons, pour conclure, que l'avenir de la lutte contre les insectes de la forêt dépend de l'intégration des trois grandes méthodes examinées ici. Cependant, dans les cas d'urgence, nous serons sans doute toujours obligés d'avoir recours aux produits chimiques. Mais, en cherchant à mieux connaître le rapport écologique qui existe entre le milieu forestier et les attaques d'insectes, on devrait de plus en plus s'attacher à remplacer les traitements chimiques par des mesures préventives ou tout au moins par des méthodes de lutte plus naturelles.

Deuxième partie - Maladies


Rapports phytosanitaires
Maladies d'importance internationale et quarantaines phytosanitaires
Principes de lutte contre les maladies forestières
Personnes responsables et formation
La lutte contre les ennemis de la forêt aux Etats-Unis


Rapports phytosanitaires

La lutte contre les maladies et les insectes qui attaquent les arbres forestiers est l'un des derniers thèmes examinés au Symposium sur les maladies et insectes des forêts dangereux sur le plan international. De nombreux rapports ont résumé la littérature mondiale et les recherches en cours sur les maladies forestières.

Les scientifiques qui représentaient à cette réunion les divers pays participants les ont longuement discutés en faisant des rapprochements entre les problèmes, d'intérêt commun ou particulier qui se présentent dans des milieux forestiers extrêmement différents.

Ces rapports étudiaient en premier lieu les principaux types de maladies, et ensuite les maladies les plus importantes pour les divers pays ou régions du monde.

La plupart, en outre, indiquaient et évaluaient les procédés de lutte couramment employés contre des maladies déterminées (chapitre 5). Quelques autres communications de portée générale examinaient les principes, les procédés et les problèmes relatifs à la lutte contre les maladies des arbres forestiers (chapitre 3).

Maladies d'importance internationale et quarantaines phytosanitaires

Le Symposium a dirigé surtout son attention sur les «maladies constituant un danger international» et les moyens d'en éviter la propagation. Comme il a été souligné à maintes reprises tout au long de cette conférence, «une quarantaine efficace est notre première ligne de défense contre la propagation des maladies de la forêt d'un pays à l'autre». Les principes, les difficultés et les possibilités d'une «limitation de la circulation des semences, plantes et parties de plantes vivantes ainsi que du bois sous ses différentes formes (et des agents pathogènes qu'ils peuvent véhiculer)» étaient discutés dans des communications envoyées par des fonctionnaires des services phytosanitaires de nombreux pays du monde entier (chapitre 6). Divers procédés de désinfection, de désinfestation et de décontamination des produits végétaux et des matériaux d'emballage ont été énumérés (voir les chapitres précédents). Le Symposium a préconisé diverses manières de renforcer les quarantaines phytosanitaires (recommandations 7-20 et 39-43), et la nécessité a été soulignée de développer les recherches, notamment sur les agents pathogènes transportés par les semences et les moyens de les combattre.

Un point mérite peut-être d'être repris ici, à propos de l'objectif du Symposium qui était d'instaurer et de développer une coopération internationale en matière de lutte contre les maladies. Dans les débats sur les réglementations quarantenaires, il a été surtout question des pays importateurs mais certaines responsabilités ont été attribuées aussi aux pays exportateurs. Sans aucun doute, en matière de réglementation phytosanitaire, la «règle d'or», ainsi que l'a si bien déclaré Farstad, devrait s'énoncer comme suit: «Chaque pays doit être prêt à assurer au pays qui achète ses produits la même protection qu'il attend des pays auxquels il achète lui-même». La réunion a proposé aux pays et organismes exportateurs certaines mesures qui donneraient cette garantie (recommandations 11, 13 et 15).

FIGURE 31. - L'étude approfondie des maladies des insectes met en lumière les grandes possibilités qu'offrent ces maladies pour lutter contre les insectes tant indigènes qu'introduits. Sur la photo, on voit des larves de tenthrèdes européennes du pin tuées par un virus de la polyédrie.

(Canada Department of Forestry)

Principes de lutte contre les maladies forestières

Les principes généraux qui gouvernent la lutte contre les maladies forestières ont été définis sous différentes formes. Les principes classiques de lutte contre les maladies des végétaux, à savoir l'exclusion, l'éradication, la protection et l'immunisation, si universellement appliqués avec d'excellents résultats dans le domaine agricole, sont également applicables en foresterie. Les deux premiers sont dirigés contre l'agent qui détermine ou favorise la maladie; les deux derniers contré la plante hôte.

Les mesures de lutte directe, conçues spécialement pour limiter le développement d'un germe de maladie particulier ou même l'éliminer complètement, comprennent les traitements de caractère temporaire utilisés dans une situation critique contre des organismes pathogènes nouvellement introduits et avant qu'ils se soient solidement implantés, ou contre des maladies existantes et qui ont atteint ou risquent d'atteindre des proportions épidémiques dans des circonstances particulièrement favorables. Ces traitements sont coûteux, mais ils peuvent se justifier dans certaines situations caractérisées par une valeur exceptionnelle de la production de la forêt ou d'arbres considérés isolément. Parmi les exemples cités figurent les fongicides, les insecticides, les nématicides, les herbicides, les fumigants appliqués au sol, et quelques pratiques culturales spéciales utilisées dans les pépinières, les plantations d'arbres de Noël, parfois au moment de la plantation, et ordinairement pour les arbres d'ombrage et ornementaux. Des recherches récentes ont montré les possibilités offertes par certains micro-organismes antagonistes des agents pathogènes, les antibiotiques, les produits chimiques à effet systémique, les régulateurs de croissance, enfin les sylvicides dans la lutte contre les maladies des arbres.

Les mesures de lutte indirecte visent à corriger ou à éviter les défauts fondamentaux d'un milieu forestier qui favorisent le développement initial d'un foyer de maladie. Ces mesures visent à prévenir plutôt qu'à guérir et s'étendent sur une longue période de temps. Il s'agit d'interventions sylvicoles qui, considérées parfois comme accessoires dans l'aménagement sylvicole normal, arrivent parfois à prendre une place de premier plan et à déterminer largement le mode de sylviculture adopté (pour des exemples, voir le chapitre 1). Le coût immédiat doit être mis en regard des pertes qu'elles évitent et des bénéfices qu'elles assurent (voir le chapitre 4 pour un examen plus approfondi des facteurs économiques qui gouvernent les programmes de lutte; voir aussi la recommandation 2, en ce qui concerne les décisions adoptées par le Symposium).

La réunion a reconnu qu'à mesure que «les peuplements naturels sont remplacés par des plantations ou des forêts régénérées artificiellement», il se posera de nouveaux problèmes de pathologie. On a pu constater dans la pratique les dangers qu'il peut y avoir à planter une essence unique en une seule fois sur de grandes étendues, à mal choisir les essences ou la provenance des semences, à se servir de plants médiocres, à planter dans des stations très dégradées, à négliger l'entretien des nouvelles plantations. Par contre, les possibilités d'augmenter la valeur du produit et de réaliser un aménagement intensif permettront d'appliquer des mesures de lutte supplémentaires et sans doute plus efficaces à partir du moment où la plantation est effectuée. Dans le cas des peuplements artificiels, on a aussi la possibilité d'employer des plants de types supérieurs et résistants obtenus par sélection ou hybridation. Dans le cas de plusieurs espèces, on trouve déjà dans le commerce des variétés d'arbres résistantes.

FIGURE 32. - Lorsqu'on ne peut faire appel à des méthodes de lutte biologique et lorsque la forêt a une grande valeur, des applications massives d'insecticides par avion sont souvent nécessaires. Il est, en général, possible de protéger les arbres contre le parasite visé, mais des précautions s'imposent souvent pour les autres formes de vie telles que les poissons, les oiseaux, les être humains.

(Canada Department of Forestry)

FIGURE 33. - Parasite exotique d'un insecte exotique. Rhyssa persuasoria pondant dans des larves de Sirex, qui se reproduisent dans le pin de Monterey (forêt de Kaingaroa, Nouvelle-Zélande). ´ Les Rhyssa ont été introduits pour la première fois en Nouvelle-Zélande en 1925; par la suite, les introductions de Rhyssa, de Megarhyssa et d'Ibalia ont joué un rôle important dans la lutte contre les Sirex sur tout le territoire national.

(New Zealand Forest Service)

Dans la plupart des rapports relatifs aux maladies des arbres, on trouve de nombreux exemples d'interventions sylvicoles qui ont effectivement permis d'éviter ou de réduire au minimum les dégâts. En fait, on peut constater que le plus souvent la lutte contre les maladies forestières a un caractère indirect et oblige à adapter les méthodes d'aménagement forestier. Reconnaissant ces possibilités, le Symposium a fortement insisté pour que l'on mette davantage à profit la somme considérable d'informations dont on dispose actuellement, mais aussi pour que, de leur côté, les scientifiques continuent assidûment leurs recherches afin de découvrir des méthodes de lutte encore plus efficaces. Le Symposium a demandé, en outre, que la recherche soit intensifiée «pour recueillir de nouvelles informations sur l'identification, la répartition et la biologie des organismes pathogènes qui attaquent les arbres forestiers»; sur les processus d'infection, l'action du milieu, l'épidémiologie, les interactions hôte-parasite, les mécanismes pathologiques, les réactions de défense, les variations génétiques chez l'hôte comme chez l'agent pathogène. Ces recherches scientifiques méritent de recevoir un généreux soutien financier, même si l'on n'en voit pas, dans les circonstances présentes, l'application immédiate sur le terrain. Ces études fondamentales ont habituellement pour résultat sur le front de la connaissance des percées importantes qui font fortement progresser une science. La réunion a reconnu en même temps la nécessité d'une meilleure évaluation quantitative des dégâts occasionnés par les maladies pour permettre d'orienter les programmes de recherches sur les méthodes de lutte vers les secteurs où la nécessité s'en fait le plus sentir.

Personnes responsables et formation

Comme l'application des mesures de lutte dépend surtout du forestier praticien ou de l'administrateur de forêts, ceux-ci tout au moins doivent connaître les principales maladies qui menacent leurs forêts, savoir en reconnaître les signes et les symptômes, juger de leur importance en termes de dégâts actuels et futurs, connaître et savoir appliquer les mesures de lutte consenties par la valeur du peuplement; enfin ils doivent aussi savoir comment faire et où s'adresser pour obtenir l'aide des services scientifiques forestiers. Le pathologiste forestier, il va de soi, a la responsabilité non seulement de découvrir les éléments scientifiques de base, mais aussi de les ordonner et de les présenter sous une forme accessible au forestier praticien. A ce propos, le Symposium a considéré divers dispositifs qui permettraient de rassembler les informations et, après les avoir classées et résumées, de les communiquer aux divers milieux intéressés dans le monde entier (recommandations 3, 5, 20, 26, 28, 30 et 33). De même, au terme d'un débat sur la formation qui, pour qu'ils soient à même d'assurer un service efficace, devrait être donnée au personnel scientifique forestier, aux gestionnaires de forêts et aux fonctionnaires responsables de la réglementation, la conférence a formulé des recommandations concrètes (chapitre 8 et recommandations 4, 16-17, 23-24).

La lutte contre les ennemis de la forêt aux Etats-Unis

Voici, en résumé, les principes dont s'inspire, aux Etats-Unis, la lutte contre les maladies forestières.

1. Le fléau à combattre doit constituer une menace grave, et l'on en juge d'après les évaluations préalables.

2. L'application des mesures de lutte doit être approfondie et complète et strictement conforme aux normes techniques.

3. La recherche doit être dynamique et permanente afin de mettre constamment à la disposition de la lutte contre les ennemis de la forêt des procédés d'une efficacité maxima.

4. Les administrateurs des forêts et l'opinion publique doivent être exactement informés pour être à même d'apprécier les possibilités ou les limites des programmes de lutte.

5. Tous les intéressés doivent être amenés à comprendre la nécessité d'entretenir avec tous de bons rapports dans un esprit de coopération. Cette coopération doit s'établir entre le Gouvernement fédéral, les gouvernements des Etats, les propriétaires forestiers et les porte-parole du public.


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