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Creusement de canaux à l'explosif pour la mise en exploitation des forêts tropicales de marais au Surinam


F. C. BUBBERMAN et A. T. VINK

F. C. BUBBERMAN et A. T. VINK sont conservateurs adjoints principaux des forêts au Service forestier du Surinam.

LE SERVICE FORESTIER du Surinam, qui utilise depuis quelques années la technique du creusement de canaux à l'explosif pour la mise en exploitation de forêts de marais intéressantes, mais jusqu'à présent inaccessibles, a acquis une certaine expérience en la matière. A la connaissance des auteurs, à part quelques notes mentionnant les travaux au Surinam, l'emploi des explosifs dans l'exploitation forestière n'a encore jamais fait l'objet d'une publication technique. Pensant que la méthode pourrait offrir une solution aux problèmes de transport en forêt dans d'autres pays, nous avons estimé qu'elle méritait une discussion technique plus ample. Le lecteur trouvera dans les pages suivantes une description assez détaillée du sol et de la végétation des forêts de marais du Surinam, qui l'aidera à apprécier les possibilités d'application de la méthode dans les conditions locales.

Les forêts de marais

Le Surinam (162 900 km²) est situé sur la côte nord-orientale de l'Amérique du Sud, dans la zone de la forêt tropicale humide de plaine. La température journalière moyenne se maintient à peu près toute l'année aux environs de 26°C. Les précipitations atteignent en moyenne 2 000 à 2 400 millimètres par an, avec de grandes pluies d'avril à juillet, une saison sèche jusqu'en novembre, et une alternance de courtes périodes humides et sèches moins bien définies entre décembre et avril.

Du point de vue géologique, on distingue deux grandes divisions:

1. Un bouclier primaire (d'âge archaïque à paléozoïque) affleurant principalement dans les reliefs densément boisés qui constituent les quatre cinquièmes du Surinam.

2. Des dépôts plus récents, comprenant:

- les séries de sables blancs dans les régions basses;
- les séries sédimentaires de la bande côtière.

Ces dépôts récents forment, grosso modo, des bandes continues plus ou moins parallèles à la côte atlantique et dont la largeur augmente de l'est vers le sud-ouest.

Les types de sols et de végétation suivent en général les grandes lignes de la conformation géologique.

Les sables et limons pauvres des séries de sables blancs portent différents types de végétation xérophile. Sur les argiles fertiles des alluvions côtières se trouvent les forêts de marais qui nous intéressent ici. La plaine côtière, qui couvre au total environ 21000 kilomètres carrés, est un pays presque plat, partiellement inondé en raison du mauvais drainage et couvert d'une végétation hydrophile de divers types. La population du Surinam (325 000 habitants) y est largement concentrée.

CONFIGURATION ET SOLS DE LA PLAINE CÔTIÈRE

Pédologiquement parlant, on peut distinguer dans la plaine côtière, du nord au sud:

- la plaine côtière récente;
- la plaine côtière ancienne.

La plaine côtière récente est formée d'argiles marines situées à un niveau égal ou inférieur à celui de la haute marée et sur lesquelles des bourrelets de sables et de coquillages se sont formés de place en place, à la limite des anciens rivages. Ces longs bourrelets peu élevés et étroits, se présentent isolément ou par faisceaux et se trouvent surtout dans la région centrale et orientale du Surinam.

La plaine côtière ancienne reproduit le paysage précédent, mais elle est plus ancienne, plus érodée et plus élevée, atteignant une dizaine de mètres au-dessus du niveau de la mer.

Elle se compose de zones sèches de sables fins avec des enclaves marécageuses de forme irrégulière à sol limoneux. Les formations sables et limons sont séparées par des systèmes de rigoles et des marais à sol argileux, de même âge et de même origine que la plaine côtière récente.

Comme celle-ci, la plaine côtière ancienne a été formée de sédiments marins qui se sont déposés dans des eaux basses retenues par des barres littorales. Les avancées et les retraits successifs de la mer ont modifié la configuration première du terrain bien plus profondément que dans la plaine côtière récente. Les marais récents qui subsistent entre les parties anciennes émergées de la formation argileuse témoignent d'une avancée de la mer et la différence d'altitude entre la plaine récente et la plaine ancienne montre qu'un retrait considérable a suivi.

LA VÉGÉTATION DE LA PLAINE CÔTIÈRE

En général, sur la bande côtière, le terrain se recouvre de nouvelles couches par accumulation de sédiments, de débris organiques ou des deux. A mesure que ce processus se poursuit, la végétation herbacée qui s'installe d'abord fait place peu à peu à des formes arborescentes basses qui poussent dans les terrains inondés, puis à la haute forêt de marais et, en fin de compte, à la forêt de marécage. Cette évolution peut être retardée ou inversée par la mer ou l'incendie.

En dehors des lignes de collines qui portent principalement un type de haute forêt, la végétation naturelle de la zone côtière est constituée exclusivement d'associations hygrophiles caractérisées par la simplicité de leur structure et par un petit nombre d'espèces.

Parmi ces types de végétation hydrophile, c'est à la haute forêt de marais que s'intéresse la présente étude.

LA HAUTE FORÊT DE MARAIS

Ce type de forêt, dernière forme intermédiaire entre le marais découvert et la forêt de marécage, occupe les parties les plus âgées de la plaine côtière récente et la plaine côtière ancienne, principalement les argiles primitives. Il constitue environ 36 pour cent des forêts côtières et sensiblement 4 pour cent de toute la superficie forestière du pays.

Le sol est une argile compacte, grisâtre et parfois limoneuse. La forêt de marais est inondée pendant la plus grande partie de l'année et elle reste au moins humide pendant la longue saison sèche. Pendant la grande saison des pluies, la couche d'eau atteint un mètre et plus par endroits. Des matières organiques incomplètement décomposées forment sur l'argile une couche de tourbe - dite pegasse dans le pays - partout où une eau stagnante et fortement acide crée les conditions favorables à cette fermentation anaérobie. L'épaisseur de la tourbe est de 0,25 à 0,75 mètre et elle peut dépasser 2 mètres dans les anciennes ravines d'érosion.

En années d'extrême sécheresse, la pegasse peut se dessécher complètement, ce qui crée un sérieux danger d'incendie. En 1963-64, des feux de pegasse dus à l'homme ont ainsi détruit de vastes secteurs de forêt de marais.

La haute forêt de marais est à deux étages: un étage dominant qui s'élève de 20 à 30 mètres, et un sous-étage mixte composé de gaulis des mêmes essences et de quelques palmiers dont l'un (Euterpe) peut s'élever lui aussi jusqu'à la voûte. Les essences qui la composent ont des racines plates et se sont adaptées à l'habitat grâce à divers supports mécaniques: contreforts de Virola surinamensis et de Pterocarpus officinalis, racines-échasses de Symphonia globulifera, grosses touffes de racines des palmiers des espèces Euterpe oleracea et Mauritia flexuosa. On trouve aussi couramment dans ces forêts Triplaris surinamensis et Tabebuia.

La forêt de marais compte peu d'essences, d'autant moins nombreuses que la période d'inondation complète est plus longue. Dans un peuplement assez ouvert, on peut compter à l'hectare 110 à 130 fûts de plus de 25 centimètres de diamètre, soit une surface terrière d'environ 13 mètres carrés.

FIGURE 1. - La haute forêt de marais.

LA FORÊT A VIROLA

Virola surinamensis est dans certaines de ces forêts une des essences de voûte dominantes, à tel point que ces peuplements ont été qualifiés de «forêts à Virola».

Les essences de voûte qui caractérisent ces forêts sont: Symphonia globulifera, Pterocarpus officinalis, Tabebuia insignis var. monophylla et les palmiers Euterpe oleracea. La figure 1 donne le profil d'un peuplement à Virola.

Les forêts à Virola (5 en tout, avec des superficies comprises entre 6 000 et plus de 40 000 hectares, et représentant globalement 100 000 hectares) se trouvent principalement dans les zones basses formées par érosion des argiles de la plaine côtière ancienne. Des îles de forme irrégulière, qui émergent du marais environnant et portent des forêts de marécage ou de hautes forêts, sont les témoins de la plaine originale.

Le tableau 1 indique la configuration des terrains et les types de sols et de végétation de la zone côtière et situe la forêt à Virola dans l'ensemble.

Virola surinamensis (le nom local est «Baboen») se rencontre assez fréquemment dans la haute forêt de marais et aussi, mais un peu moins, dans la forêt de marécage et dans la forêt riveraine. Son aire géographique comprend l'Amazonie, les Guyanes, le Venezuela et certaines régions des Antilles.

Il s'agit d'un arbre à contreforts, qui atteint 30 à 35 mètres de haut, avec un diamètre de 60, 70, voire 90 centimètres. La bille, en général rectiligne et cylindrique, mesure de 15 à 20 mètres.

Son bois de couleur brun rosé a acquis le renom d'un excellent matériau de déroulage et les peuplements à Virola sont devenus une source précieuse d'approvisionnement pour l'industrie du contre-plaqué au Surinam (les exportations de contre-plaqués de Virola ont atteint en 1963 2,3 millions de dollars U.S., soit environ 5 pour cent des exportations totales du pays). On voit donc combien il importe de rechercher des méthodes d'inventaire et de mise en exploitation des réserves de Virola.

Inventaire

INTERPRÉTATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

Etant donné la nature du terrain, il est difficile de mener au sol de grandes opérations d'inventaire dans ces forêts inondées une grande partie de l'année, et il faut donc recourir le plus possible à la photographie aérienne.

On possède déjà des photographies aériennes au 1/40 000 et au 1/20 000 pour tout le nord du Surinam. A ces échelles, on discerne facilement les différents types forestiers, mais rarement les essences. A plus forte raison, l'identification des essences est-elle impossible dans la forêt à Virola dont l'aspect uniforme donne des photographies peu contrastées.

On a cependant pu constater qu'au 1/10 000, les photographies aériennes donnent une image assez détaillée du couvert pour qu'on puisse y distinguer individuellement les arbres et, dans le cas de la forêt à Virola qui est floristiquement pauvre, y identifier les diverses essences. En 1956-1960, on a ainsi photographié au 1/10000 tous les principaux massifs à Virola.

Une reconnaissance sur le terrain permet de comparer aisément l'image photographique avec la composition du couvert telle qu'il apparaît vu d'en bas, sans interférence des étages intermédiaires, et l'établissement d'une clef d'interprétation ne pose pas de difficultés. Une fois établie la clef d'interprétation pour une zone donnée, on peut inventorier facilement et précisément tout le massif en pointant sur les photos tous les Virola visibles et en dénombrant les arbres par carrés de 100 hectares. Les points sont ensuite reportés sur les cartes au 1/100 000, qui indiquent clairement l'emplacement des concentrations les plus riches de Virola et servent à établir un plan d'exploitation.

Jusqu'à présent, on a inventorié les Virola dans trois massifs:

Zone

Hectares

Nombre de Virola

Evaluation du volume mètres cubes

Rorac

11 300

41 000

78 000

Perica

13 800

37 400

75 000

Tibiti

11 900

11 300

19 000

TABLEAU 1. - CONFIGURATION DU TERRAIN, SOLS ET TYPES DE VÉGÉTATION

Divisions géologiques

Types de sols

Formation pédologique

Configuration du terrain

Type de végétation

Zone

Dépôts récents

Sédiments récents

Demerara (plaine côtière récente)

Cordons de collines

Forêt de collines

Côte




Formations argileuses

Mangrove
Marais découvert
Forêt de marais



Sédiments anciens

Coropina (plaine côtière ancienne)

Cordons de collines de formation ancienne

Forêt de collines
Forêt de marécage





Formations argileuses anciennes

Forêt de marécage






Forêt de marais
Forêt à Virola




Zanderij

Dépôts sableux

Savane


Bouclier primaire

Sol autochtone


Granites schistes

Haute forêt
Forêt de marécage

Intérieur

PRÉCISION DES INVENTAIRES SUR PHOTOGRAPHIE

L'habileté de l'interprétateur mise à part, l'erreur d'interprétation dépend principalement de la composition floristique du massif.

La présence d'espèces étrangères dans le couvert peut fausser l'interprétation de manière différente dans chaque localité, selon la composition du massif. Par exemple, Tabebuia insignis, autre essence des forêts de marais et qui, sur les photographies aériennes, ressemble beaucoup à Virola, devient de plus en plus fréquent à mesure que l'on va vers l'ouest du pays.

La qualité de la photo et la position du soleil interviennent aussi beaucoup sur la tonalité et le contraste de l'image et, par conséquent, sur l'interprétation des résultats.

L'interprétation des photographies peut réduire considérablement le travail sur le terrain, mais il faut toujours la vérifier du sol. En contrôlant les résultats d'un inventaire sur photo par pointage au sol sur deux secteurs - échantillons totalisant 34 hectares - on a constaté que:

1. Environ 70 pour cent des arbres classés comme Virola par un observateur expérimenté avaient été identifiés correctement, tandis que 30 pour cent appartenaient à d'autres espèces.

2. Le nombre de Virola visibles - et qui auraient pu être reconnus - sur la photo est égal ou supérieur à celui des arbres identifiés à tort ou à raison comme Virola. C'est dire que l'interprétation photographique sous-estime la densité réelle du massif.

3. L'exactitude de l'interprétation augmente avec le diamètre des arbres.

4. Les arbres de plus de 40 cm de diamètre - taille marchande - sont toujours visibles sur les photographies.

5. Assez souvent, plusieurs Virola formant un groupe serré sont pris pour un arbre unique.

On peut donc conclure de cette vérification que l'interprétation des photographies aériennes au 1/10 000 donne une estimation suffisamment précise de la densité et de la distribution des Virola de taille marchande.

Creusement de canaux à l'explosif

Le bois de Virola flotte sur l'eau et les peuplements sont inondés au moins une partie de l'année. Il est donc tout naturel que le flottage ait été et demeure la principale méthode de débusquage des grumes.

Les fûts situés à proximité des cours d'eau et facilement accessibles ont été enlevés il y a des années, grâce à des canaux creusés à la main. Pour mettre en exploitation les vastes massifs vierges situés loin des fleuves, il fallait trouver des méthodes plus rapides et plus efficaces.

En Amérique du Nord, en Scandinavie et dans d'autres pays on emploie couramment l'explosif au lieu de l'outil mécanique pour creuser des canaux de drainage dans les terres plates saturées d'eau. La dynamite a facilement raison de la végétation, des souches, des rochers et autres obstacles qui arrêtent les machines de terrassement classiques. Elle se prête aux travaux les plus divers selon les besoins et ne nécessite ni investissements coûteux, ni ateliers et personnel d'entretien.

L'opération consiste simplement à placer dans le sol des charges d'explosifs à intervalles déterminés le long du tracé de la future tranchée. La déflagration fait voler la terre de toutes parts, et s'il en retombe certes un peu dans le fossé, la plus grande partie est projetée vers l'extérieur et l'on obtient ainsi une tranchée en forme de V ou d'U plus ou moins large et profonde selon la nature du sol et la charge utilisée. L'espacement des mines dépend de leur puissance. Dans le cas d'une tranchée à creuser, on fait en général exploser les différentes charges par propagation: seule la première est amorcée et mise à feu soit électriquement, soit à l'aide d'une mèche de sûreté; l'ébranlement produit par son explosion se propage puissamment à travers le sol mouillé ou humide et fait détoner les autres.

En terrain sec, la propagation des ondes ne suffit pas et il faut allumer toutes les charges simultanément avec des amorces électriques ou un cordeau.

Le premier de ces deux procédés étant moins coûteux et plus simple, il y a lieu de le préférer chaque fois que l'humidité du sol le permet. Si la terre, avant été modelée dans les mains, ne se désagrège pas, elle est assez humide pour que les charges puissent exploser par propagation. L'insuffisance d'humidité diminue beaucoup la distance de propagation; au contraire, plus l'humidité est grande, plus on peut espacer les charges.

EMPLOI DES EXPLOSIFS AU SURINAM

Des essais dans ce sens paraissaient justifiés, d'autant plus que toutes les conditions favorables se trouvaient réunies dans les marais à Virola: terrain assez plat, plan d'eau élevé et présence d'un horizon compact assez près de la surface.

Les essais ayant donné de bons résultats, le Service forestier du Surinam passa en 1958 à l'aménagement d'un réseau de canaux à l'aide d'explosifs, afin de mettre en exploitation la forêt Rorac (39 km de tranchées ouverts de 1958 à 1961) et la forêt Perica (22 km ouverts de 1961 à 1963). Simultanément, une société privée d'exploitation forestière ouvrait par le même procédé 23 kilomètres de canaux dans la forêt à Virola Tibiti.

Le réseau est projeté sur une carte d'inventaire sur laquelle on a pointé les Virola, de manière qu'il atteigne les plus riches concentrations et donne accès à toutes les parties du peuplement. Pour permettre le flottage des grumes jusqu'au fleuve, les canaux d'exploitation doivent avoir de 3 à 4 mètres de large et une profondeur de 0,75 à 1 mètre pendant la saison de pluies.

Tous les renseignements contenus dans les manuels de génie forestier sur le creusement de canaux à l'explosif sont confirmés par l'expérience du Service forestier. Les explosifs donnent des résultats médiocres dans la tourbe molle et sont pratiquement inutilisables dans le sable et les fins graviers. Au Surinam, on a bien réussi à creuser ainsi des canaux dans des sables très fins, mais ils se sont comblés en peu de temps.

On trouve ci-après quelques indications sur l'emploi de cette technique, considérée plus spécialement à la lumière des résultats obtenus dans les forêts de marais du Surinam.

EXPLOSIFS, ACCESSOIRES, OUTILLAGE

Explosifs¹

¹ Il s'agit de marques américaines et canadiennes.

La Ditching Dynamite (appelée ici DD) est un puissant explosif contenant 50 pour cent de nitroglycérine dans un milieu absorbant. Fabriquée spécialement pour le creusement de canaux, la DD est très sensible au choc et résistante à l'eau, ce qui permet de la détoner par propagation en terrain humide ou mouillé. C'est un produit coûteux d'un maniement assez dangereux étant donné sa sensibilité. On l'a utilisée au Surinam en boîtes de 23 kilogrammes, contenant une centaine de cartouches (230 g. 3,1 X 20 cm).

Dans les dynamites Red Cross Extra (RC), la nitroglycérine est remplacée en partie par du nitrate d'ammonium, d'où des explosifs moins coûteux, mais aussi moins sensibles, donc moins dangereux à manier. Le RC «puissance 50 pour cent» est assez résistant à l'eau pour pouvoir être utilisé pour le creusement de canaux, mais il n'explose pas par propagation et il faut donc l'allumer à l'aide d'une cartouche de DD ou d'un détonateur. Au Surinam on l'a utilisé principalement en cartouches de 2,3 kilogrammes (7,6 X 40 cm) pour faire sauter des souches et autres obstacles sur le tracé du canal.

D'autres explosifs, moins chers et moins dangereux que le RC, ne contiennent pas de nitroglycérine. Très peu sensibles aux chocs et sans aucune résistance à l'humidité, ils ne peuvent être employés qu'en terrain sec et il faut un autre explosif puissant ou des amorces convenables pour les mettre à feu. Le Service forestier du Surinam a aussi utilisé quelque peu ces explosifs, d'ailleurs avec succès, pour certains travaux dans des collines de sable fin.

Pour raccourcir les délais de livraison et réduire les frais d'expédition, ce service commande les explosifs à une compagnie minière locale, qui les lui livre régulièrement.

Accessoires

Les détonateurs sont de petits tubes métalliques contenant un explosif extrêmement sensible, qui servent à mettre à feu la charge principale. Ils sont allumés électriquement (amorce électrique) ou par les étincelles de la mèche de sûreté.

La mèche de sûreté est constituée par une âme combustible contenue dans une gaine de protection. Allumée, elle brûle lentement et permet à l'opérateur de s'éloigner tandis qu'elle transmet la flamme au détonateur et à la cartouche-amorce fixés à son autre extrémité.

Le cordeau détonant est constitué par une âme explosive enfermée dans une gaine de protection. Allumé électriquement ou à l'aide d'un détonateur et d'une mèche ordinaires, il fait exploser toutes les charges placées à son contact.

La pince à sertir est un outil spécialement construit pour couper les mèches et sertir le détonateur.

Outillage

Il faut un certain outillage pour faire les trous de mine, les disposer à l'espacement voulu et les bourrer.

On peut se servir d'une barre ordinaire en métal ou même d'un pieu en bois pour percer en terrain meuble des trous peu profonds destinés à recevoir une seule cartouche.

On utilise en général une barre à mine coulissante pour forer des trous de 0,75 à 1 mètre dans les sols plus compacts ou envahis de racines. Il s'agit d'un tube d'environ 4 à 5 centimètres de diamètre, muni de poignées et que l'on enfonce progressivement dans le sol en frappant à coups redoublés sur une barre à mine lestée coulissant à l'intérieur du tube. Il existe des barres à mine de différents modèles: celui qui est utilisé au Surinam est illustré dans les figures 2 et 3. Il peut être fabriqué par n'importe quel forgeron, avec du tube et des tiges de fer. Comme cet outil peut se rompre au moment le plus inopportun, il est prudent d'en avoir une bonne réserve sur le chantier.

Le Service forestier a constaté qu'il y avait intérêt à employer deux tubes par barre à mine: pendant que l'un est enfoncé à la profondeur voulue, on glisse une charge de dynamite dans l'autre, déjà mis en place. On bourre l'explosif avec un bâton sur lequel on fait glisser le tube pour l'extraire du sol. De la sorte, il devient impossible que la cartouche se bloque dans le tube au moment où l'on retire celui-ci ou qu'une barre à mine soit insérée par erreur dans un trou déjà chargé, deux éventualités également désastreuses (figure 4).

FIGURE 2. - Modèle de barre à mine coulissante utilisé par le Service forestier. A noter que le tube de 2,54 cm de diamètre utilisé précédemment comme barre à mine a été remplacé dans les nouveau c modèles par une barre pleine d'acier de 1,9 cm de diamètre. Dans le modèle ancien, le jeu avec la tige creuse extérieure était insuffisant et bientôt l'appareil se coinçait.

Les tarières, d'un diamètre de 7,5 à 15 centimètres, à main ou mécaniques permettent de creuser des trous de 1 à1,20 mètre de profondeur dans les terrains argileux plus secs pour disposer les charges suivant la «méthode à la tarière» (voir plus loin). Parfois, on est obligé de préparer l'endroit à la bêche quand le terrain est envahi par les racines.

Le bourroir est un simple bâton arrondi, d'un mètre environ de long et équarri à son extrémité, qui sert à pousser les cartouches dans les trous. (Ne jamais utiliser pour cette opération un outil métallique, qui pourrait produire des étincelles.) Le bourroir peut être gradué, ce qui aide à disposer les charges à la même profondeur.

Pour espacer les charges comme il convient, on utilise un mètre ordinaire.

PRÉPARATION DU TERRAIN

On établit le projet du réseau de canaux sur une carte où les Virola ont été marqués par un point, d'après les indications des photographies aériennes, puis on reporte le tracé sur le terrain à la boussole et à la chaîne et on piquette le tracé.

Dans certains cas, il a fallu niveler le terrain. Les forêts de marais, éloignées du cours inférieur des fleuves de marée, sont drainées par des cours d'eau naturels très sinueux, lents, parfois difficiles à discerner, qui finissent par aboutir au fleuve à travers quelque marigot ou par des chenaux ouverts par les marées dans la berge des fleuves.

Dans le projet Rorac, le nivellement a montré une différence d'altitude de 3 mètres entre le fleuve et le marais situé à 2 kilomètres et demi seulement à l'intérieur. On a dû alors aménager une série de barrages munis de vannes sur le chenal d'accès au fleuve.

Dans le projet Perica, on avait prévu un canal secondaire qui devait traverser un fossé de drainage peu profond déjà existant. Le nivellement révéla que ce dernier se trouvait à un niveau inférieur à celui de l'accès principal du réseau de canaux, de sorte que le système se serait vidé dans la mauvaise direction si l'on avait creusé le raccord projeté.

Au début, on coupait tous les arbres sur une bande de 20 mètres et on enlevait tous les petits troncs et tous les déchets d'abattage sur une largeur de 10 mètres à l'intérieur de cette bande. On essaya ensuite de réduire la largeur de la coupe à 10 mètres, en se bornant à nettoyer à fond l'axe du tracé; les résultats furent satisfaisants, mais le coût du curage des canaux augmenta légèrement. C'est en tout cas le système qui est normalement pratiqué depuis 1962.

Pour faciliter le transport de la dynamite dans un terrain difficile et souvent très bourbeux, on construit le long du tracé un caillebotis de troncs de palmier.

TECHNIQUES DE TRAVAIL

Pour un calcul approximatif, on peut admettre que 2 cartouches de DD 50 pour cent (454 grammes) déplacent à peu près 0,75 mètre cube de déblai, ce volume se réduisant à 0,50 mètre cube environ en terrain argileux compact et augmentant au contraire en sol léger et meuble.

FIGURE 3. - Creusement et chargement du trou de mine: tandis qu'une des deux tiges est enfoncée dans le sol, l'autre est chargée avec des cartouches de dynamite.

FIGURE 4. - Schéma de l'opération - a. creusement - b. chargement - c. bourrage.

On peut ainsi établir une sorte de barème des charges à utiliser selon le dispositif utilisé (en. ligne, en quinconces, à la tarière), la nature du terrain et les dimensions de la tranchée à creuser. On trouve des formules de charge dans tous les manuels de pyrotechnie, mais il faut souligner que le facteur déterminant est la nature du sol et de la végétation. En réalité, le seul moyen de déterminer la charge correcte d'explosif et la disposition des cartouches est de faire des tirs d'essai.

Dans le calcul des charges, on tiendra compte de l'eau de surface aussi bien que du sol. L'emploi des explosifs en terrain recouvert d'une épaisse couche d'eau n'est pas économique. Au Surinam, on attend en général la saison sèche.

Chargement

Dispositif en ligne simple. Selon la nature du sol et la dimension de la tranchée, on dispose en ligne, à intervalle de 35 à 55 centimètres selon la charge, une ou plusieurs cartouches de DD superposées dans chaque trou. Le sommet de la cartouche supérieure doit être 15 à30 centimètres au-dessous de la surface du sol (figure 5a).

Dispositif en quinconce. C'est au fond le même que dans le cas précédent, sauf qu'une charge sur deux est renforcée par d'autres, placées latéralement et perpendiculairement à la ligne principale. Les trous de la ligne principale sont en général chargés plus fortement que les troux latéraux. On emploie ce dispositif pour obtenir des tranchées plus larges ou pour briser un enchevêtrement épais de racines, comme on en trouve au Surinam dans la forêt de marais, dans les sites où abonde Symphonia gobulifera (figure 5b).

La plupart du temps, le Service forestier a utilisé la méthode de la ligne simple, en employant de temps à autre le dispositif à charges latérales dans les zones envahies par les racines. En général, des charges de 2, 3, 2, 3, 2, etc., cartouches de DD, espacées de 45 centimètres ont suffi à ouvrir des tranchées aux dimensions voulues (3 à 4 m de large sur 0,75 m de profondeur). En sols plus compacts ou s'il fallait traverser des buttes, on s'est servi de charges de 3, 4, 3, 4, 3, etc., cartouches. Les grosses souches sont en général détruites avec une ou plusieurs cartouches de 5 livres de RC.

Le chargement des mines est effectué en général par une équipe de trois hommes: un porteur amène les caisses de dynamite jusqu'à l'emplacement, un ouvrier fait les trous et un troisième les garnit. Un seul porteur peut desservir deux équipes si la distance de portage n'est pas trop longue. Le rendement d'une équipe est de 100 mètres par jour.

Le chargement des mines proprement dit ne demande d'ordinaire pas plus de 3 ou 4 heures; le reste du temps est pris par les allers et retours entre le camp, situé à proximité du fleuve, et le chantier, déplacements qui se font par les canaux au moyen de corials (pirogues).

Méthode à la tarière. Un moyen efficace de creuser des tranchées profondes, surtout en terrains lourds et compacts, est de placer des charges de plusieurs kilos dans des trous creusés à la tarière mécanique, à une profondeur égale aux deux tiers de celle de la tranchée et à espacement de 0,90 à1,20 mètre, selon la charge. On allume les charges par propagation ou individuellement (cordeau détonant, amorce électrique). Cette méthode, qui utilise des charges plus puissantes, mais plus espacées que dans les deux autres dispositifs, convient bien dans les terrains secs où les mines doivent être détonées une par une (figure 5c).

Au Surinam, on l'a employée avec succès pour pousser des canaux à travers des parties plus élevées et relativement sèches du marais. Les trous sont creusés à la bêche, à l'aide de grosses barres ou à la tarière. On les charge en général de cartouches de 5 livres de RC, plus une cartouche de DD pour assurer la détonation. L'allumage se fait par propagation ou au cordeau détonant, selon l'humidité du sol.

Cette méthode a permis de creuser à travers des bourrelets qui s'élevaient à 1,80 mètre au-dessus du niveau du marais, avec des charges allant jusqu'à 15 kilogrammes enterrées de 1,50 à 1,80 mètre et espacées de 1,50 mètre (figure 6).

Tous les dispositifs décrits peuvent éliminer souches, rocher, troncs d'arbre, etc., mais il est évident qu'il faut alors forcer la charge, en plaçant quelques cartouches supplémentaires dans le trou le plus proche de l'obstacle, voire plusieurs livres d'explosif disposées spécialement sous la souche ou une rangée de cartouches de DD tout autour des contreforts. Ces charges particulières doivent être reliées à la ligne principale par une rangée de cartouches DD convenablement espacées pour assurer l'allumage par propagation.

Pour donner tout son effet, l'explosif doit être fortement tassé au fond du trou. Il faut bien enfoncer la charge et bourrer le trou avec de la terre. Au Surinam, où le travail se fait dans le marais, les trous se remplissent rapidement d'eau et il n'est pas nécessaire de bourrer davantage. La cartouche-amorce ne doit jamais être tassée directement.

FIGURE 5. - Trois manières de disposer les charges:

a. en ligne simple -

b. en ligne renforcée -

c. à la tarière.

Mise à feu

Les explosions par propagation sont provoquées par une cartouche-amorce placée en un point de la ligne des charges. On appelle ainsi une cartouche de dynamite sur laquelle a été serti un détonateur ordinaire ou une amorce électrique. N'importe quel manuel de minage indique les différentes manières de préparer une cartouche-amorce.

L'allumage individuel se fait électriquement ou au cordeau détonant. Celui-ci, à son tour, est allumé à l'aide soit d'une amorce électrique, soit d'un détonateur ordinaire et d'une mèche.

Pour la sécurité du personnel, les outils et les explosifs de réserve doivent être éloignés d'au moins 100 à 150 mètres de la zone d'explosion. Au Surinam, dans le terrain mouillé de la forêt de marais, la terre est rarement projetée à plus d'une cinquantaine de mètres, mais les pierres et les graviers, quand il s'en trouve dans le sol, peuvent l'être beaucoup plus loin.

Une fois chargée la cartouche-amorce, l'artificier prépare d'une coupe nette l'extrémité de la mèche de sûreté, l'allume et s'abrite en hâte.

Après l'explosion, les ouvriers doivent attendre que la fumée et les poussières se dispersent avant de s'approcher. Les exhalations de la dynamite sont toxiques et causent de violents maux de tête (figure 7.)

Durant tous ses travaux à l'explosif, le Service forestier n'a enregistré que très peu de ratés. Dans ce genre d'opérations en terrain humide, les ratés proviennent en général de détonateurs mal placés ou mal sertis ou de cordeaux endommagés ou humides.

Si une mine rate, il faut absolument se tenir à l'écart au moins une heure. On peut ensuite s'en approcher sans danger et la faire exploser.

Les explosifs DD et RC 50 pour cent sont résistants à l'eau, mais ils se détériorent s'ils y restent trop longtemps. C'est pourquoi il faut éviter d'abandonner un chantier miné pendant toute une nuit: si, en général, la dynamite s'allume encore après une et même deux journées d'immersion, la propagation peut cependant se faire incomplètement et une partie de la charge ne pas détoner.

FIGURE 6. - Résultat de l'explosion de mines placées à la tarière d'travers une ride de terrain de près de 2 mètres de haut. Pour ouvrir ces 120 mètres de tranchée, il a fallu 31 caisses de dynamite (23 kg).

FIGURE 7. - Explosion de la charge.

Façonnage des canaux

L'explosion laisse dans le terrain une tranchée en V ou en U. qui se remplit plus ou moins rapidement d'eau, selon la hauteur générale du plan d'eau et la porosité du sol. Dans les marais du Surinam, le remplissage est presque immédiat. Selon la nature du sol et de la végétation, la tranchée obtenue est assez dégagée, ou au contraire envahie de mottes d'argile, de souches, de branchages et de débris flottants qu'il faut donc enlever. On a constaté au Surinam que, lorsqu'on trouve une couche d'argile dure superficielle ou peu profonde, on obtient facilement des tranchées creuses et nettes. Dans les argiles compactes, les talus de la tranchée peuvent être abrupts sans risque d'émiettement et une largeur de 3 mètres suffit pour assurer la profondeur et la largeur de fond voulues (environ 0,75 à 1 m).

En sols mous et tourbeux, les explosions donnent des tranchées peu profondes qu'il faut ensuite dégager et approfondir à la main, au prix d'un grand travail. La tourbe pulvérisée par l'explosion forme une poudre inconsistante qui retombe dans le fossé ou surnage en nappes denses. Pour donner au canal une profondeur suffisante, il faut d'abord laisser cette poussière se déposer puis, peu à peu, nettoyer et creuser la tranchée à la main. Dans la tourbe molle, les bords sont naturellement en pente douce et il faut donner à la tranchée plus de largeur pour avoir la profondeur voulue.

Le Service forestier doit aménager ses canaux pour le flottage des grumes mais aussi pour la navigation de petits hors-bord, car tout le transport du personnel et du matériel affectés au projet doit se faire par cette voie. Il faut donc un façonnage assez complet, effectué par des ouvriers dotés de pelles, de râteaux et de treuils à main légers. Les gros obstacles sont enlevés à la mine.

PERSONNEL, MESURES DE SÉCURITÉ

Le Service forestier a utilisé pour ses travaux aux explosifs une équipe permanente d'ouvriers sérieux, soigneusement triés. Mais le vieil adage «qui vit avec le danger ne le voit plus» est tout à fait applicable à ce genre de travail. Au bout d'un certain temps, les ouvriers tendent à devenir imprudents et il faut une surveillance de tous les moments pour combattre cette tendance. Les activités du Service se sont déroulées sans accident.

Toutes les dynamites donnent des maux de tête aux manipulateurs, car la nitroglycérine dilate les vaisseaux sanguins. On a pu constater au Surinam une certaine accoutumance à cet inconvénient, mais la sensibilité individuelle varie. Le port de gants de travail évite jusqu'à un certain point ces maux de tête.

Chaque caisse d'explosifs contient une liste des choses à faire et à éviter; d'ailleurs on trouvera des renseignements complets à cet égard dans n'importe quel manuel de minage. Les règles à observer pour l'entreposage (poudrière spéciale, fermée à clef), le transport (utiliser des embarcations en bois, des camions à caisse également en bois, toujours séparer les explosifs des amorces) et la manutention sont surtout affaire de bon sens et il est inutile de les décrire en détail dans le présent article.

COÛT DES TRAVAUX

La ventilation du coût des travaux donnée ici devra sans doute être modifiée selon les conditions de terrain, de végétation et de travail ailleurs. Il faut considérer que les canaux d'accès ont été creusés dans une vaste forêt de marais inaccessible et inhabitée, et que le personnel et le matériel ont dû être amenés sur les chantiers par les canaux. La construction des camps a entraîné de gros frais et beaucoup de temps a été perdu en déplacements et en transports.

Voici quelques prix de base au Surinam, comme élément de comparaison pour les autres pays (1 florin du Surinam = 0,54 dollar U.S.):

Salaires (indemnité de subsistance comprise), etc.: 6-7 florins par jour
DD 50 pour cent: 32 florins la caisse de 50 livres
RC 50 pour cent: 24 florins la caisse de 50 livres
Détonateurs et mèches: quelques cents la pièce ou le mètre

Les canaux ont coûté au Service forestier (non compris l'amortissement, l'intérêt des capitaux engagés dans la construction des camps, etc.) environ 5 500 à 7 500 florins le kilomètre. Les chiffres ci-après ont trait à 1962, moment où les travaux battaient leur plein (16,2 km de canaux creusés à l'explosif cette année-là) et où les techniques; avaient été perfectionnées.

Coût de construction (1962) du projet Perica: 5 550 florins le kilomètre (soit 4 800 dollars U.S. le mile).

A savoir:


En pourcentage

Surveillance des travaux

18

Explosifs

40

(100 caisses de DD: en moyenne 50 livres au km 60 pièces de RC: en moyenne 5 livres au km)


Outils, matériel, camps, hors-bord, carburant

10

Transports, divers

4/72

Journées d'ouvriers (en pourcentage)


Traçage

6



Nettoyage du tracé

21



Minage, y compris transport des explosifs

16



Dégagement des tranchées

15


Salaires

Barrages, déversoirs

8

28/100


Construction des camps, entretien

7



Dimanches, congés de maladie, jours chômés etc.

27/100


Comme on le voit, le coût des explosifs est le principal poste de dépenses.

COLMATAGE DES CANAUX

Même quand une forêt de marais est devenue accessible, elle ne peut être exploitée que pendant la saison des pluies, au moment où les bûcherons peuvent creuser sans grand effort des tranchées peu profondes à travers le marais inondé, pour y flotter les troncs abattus jusqu'aux canaux de dégagement. Pour empêcher l'eau de s'écouler trop rapidement et prolonger l'exploitation sur la saison sèche, on construit sur les canaux de sortie des barrages fixes avec vannes en planches. Pendant la saison des pluies, on entrouvre les vannes pour établir dans les canaux un courant régulier qui favorise le flottage des grumes et nettoie le canal par son action de dragage. Quand les pluies diminuent et que le niveau de l'eau commence à baisser, les vannes sont refermées.

A partir du milieu de la saison sèche, les sections peu profondes s'assèchent et les herbes commencent à y pousser. Certaines de ces herbes sont détruites par la crue suivante, mais d'autres résistent. Dans les eaux stagnantes apparaît bientôt une végétation aquatique. Des débris de la forêt, allant des feuilles aux troncs entiers, viennent aussi s'accumuler. Si les canaux ne sont pas entretenus, ils deviennent inutilisables au bout d'une ou deux campagnes d'exploitation seulement.

Le genre de végétation qui envahit les canaux et, par conséquent, le travail d'entretien nécessaire dépendent beaucoup des conditions de sol.

Les tronçons creusés dans la pegasse, déjà peu pro fonds, se colmatent encore plus sous l'effet des pluies et des remous dus au passage des bateaux. Certaines plantes aquatiques comme les nénuphars (Nymphoides sp.) et les Sara sara grasi (Camomba sp.) croissent à profusion, ces dernières arrivant à former des radeaux flottants de 20 centimètres d'épaisseur, qui sont à leur tour colonisés par des graminées et des joncs.

Dans les tronçons profonds et à bords abrupts creusés dans l'argile, l'ensablement est négligeable et la végétation aquatique moins gênante, mais on y rencontre par endroits ces mêmes plantes, provenant des secteurs à pegasse. Les graminées et les joncs commencent par occuper les rives et gagnent peu à peu le canal. Le développement rapide du recrû, composé principalement d'espèces pionnières à larges feuilles comme Cecropia, Heliconia, etc., forme en quelques années au-dessus du canal un couvert dense dont l'ombrage supprime peu à peu la végétation aquatique qui demande´ la pleine lumière.

Heureusement, la redoutable jacinthe d'eau, bien qu'elle existe au Surinam, n'a pas encore fait son apparition dans les canaux.

NETTOYAGE DES CANAUX

Les grosses obstructions formées par les branches et les troncs tombés dans les canaux sont enlevées à la main. Les herbes sont détruites soit à la main, soit par pulvérisation de désherbants. Contre la végétation aquatique on a obtenu des résultats efficaces avec le «Silvex» (formulation d'acide trichlorophénoxypropionique 2-2,4,5).

Ce désherbant est simplement épandu sur l'eau ou dans l'eau à l'aide d'un pulvérisateur à dos, à la dose de 8 à 9 litres par kilomètre de canal. Quand il y a beaucoup d'herbes, on ajoute 400 grammes de «Dalapon» (dichloropropionate de soude 2,2) par litre de «Silvex». Pour faciliter la pulvérisation, on peut diluer le désherbant dans l'eau. Le désherbage chimique se fait au début de la saison sèche, alors que les canaux sont encore navigables, mais que le produit ne risque plus d'être immédiatement dilué par l'eau douce affluée dans le marais. Les moyens chimiques sont évidemment à proscrire si les canaux sont la seule source d'eau potable pour les bûcherons et les équipes d'artificiers et de nettoyeurs.

FIGURES 8 et 9. - Barrage permanent avec déversoir à la bouche principale du réseau de canaux du secteur Perica. La vanne est construite en planches de 7,6 X 24 cm assemblées par rainures et languettes et glissant entre deux montants garnis d'un fer en U. On règle le niveau en ajoutant ou en enlevant des planches.

Barrage a

Barrage b

Barrage c

Le «Silvex» se vend environ 5 florins le litre, ce qui porte le coût du traitement de 40 à 45 florins par kilomètre, plus les frais de main-d'œuvre. Le désherbage manuel, seule solution possible dans les tronçons complètement bloqués, demande 25 à 30 journées d'ouvrier au kilomètre, soit une dépense de 250 à 300 florins.

Il est déjà évident que les tronçons creusés dans la pegasse ne dureront que quelques années. Pour les maintenir en état de servir, il faudra les rouvrir à la dynamite ou par des moyens mécaniques. Dans les parties argileuses, les canaux dureront probablement longtemps avec peu d'entretien, une fois qu'une galerie de feuillage les aura recouverts et que les plantes aquatiques seront moins à craindre.

Le passage régulier des grumes et le courant d'eau continu empêchent les obstructions. Le creusement des canaux doit donc suivre le rythme de l'exploitation forestière, et il ne faut entreprendre aucun nouveau tronçon tant que le secteur précédent n'a pas été complètement exploité.

Résumé

Dans les vastes forêts de marais qui s'étendent sur les côtes du Surinam, Virola surinamensis, essence commercialement intéressante comme bois à placages, constitue par endroits ce que l'on peut appeler des peuplements à Virola (en moyenne 1 à 7 arbres à l'hectare). Ces peuplements couvrent près de cent mille hectares répartis entre 5 forêts dont la superficie va de 6 000 à plus de 40 000 hectares. Ils représentent une partie de la formation dite «forêt haute de marais» et occupent principalement des terrains plats, de sédiments marins, appartenant géologiquement à la plaine côtière récente située entre les témoins plus élevés et érodés de la plaine côtière ancienne. Le sol est une argile compacte recouverte d'une couche de tourbe d'une épaisseur variable (de moins de 0,50 m à plus de 2 m).

La forêt claire à Virola, dont les cimes atteignent 20 à 30 mètres, contient deux ou trois autres espèces dominantes, avec un sous-étage d'une espèce de palmier. Des photographies aériennes spéciales au 1/10000 permettent d'identifier avec une précision suffisante les sujets mûrs de Virola (à partir d'environ 40 cm de diamètre) à l'aide d'une clef d'identification préparée sur le terrain. Les arbres exploitables sont pointés sur la carte. Le Service forestier a inventorié jusqu'ici trois peuplements´ de Virola totalisant 37 000 hectares.

Afin de les ouvrir à l'exploitation, le Service forestier creuse à travers le marais des canaux de 3 à 4 m de large et de 0,75 à 1 mètre de profondeur. Le creusement se fait à la dynamite, suivant une bande de 10 à 20 mètres de large, qui a été au préalable coupée et partiellement nettoyée à la main. L'auteur décrit les explosifs et l'outillage employés ainsi que les techniques de préparation du terrain et les opérations de minage. Celles-ci ne s'effectuent que pendant les deux saisons sèches. La construction des canaux coûte de 5 500 à 7 500 florins au kilomètre. Pendant la saison des pluies, les grumes de Virola sont flottées le long de ces canaux jusqu'au fleuve, où elles sont groupées en radeaux et acheminées à l'usine de contre-plaqué. Le niveau de l'eau dans les canaux est réglé par un système permanent de digues et vannes construites en bois (figures 8 et 9).

De 1958 à 1963, le Service forestier a creusé à la mine 61 kilomètres de canaux qui ont ouvert à l'exploitation environ 23 000 hectares de Virola (deux forêts de marais). Une compagnie forestière privée a construit 23 kilomètres de canaux dans un troisième peuplement.

Les travaux réalisés au Surinam ont montré que la technique faisant appel aux explosifs est valable dans les terrains argileux des forêts de marais de ce pays, à condition que la couche de tourbe ne soit pas trop épaisse.

Les canaux sont peu à peu obstrués par des débris de la forêt et par les herbes et il faut les dégager en ouvrant les vannes (action de nettoyage du courant), et en désherbant soit à la main, soit par pulvérisation de produits chimiques.

Dans les canaux profonds et assez nets, obtenus dans l'argile, les herbes sont beaucoup moins gênantes que dans les canaux peu profonds creusés en terrains bourbeux. L'ombrage épais des arbres arrive à supprimer les herbes.

Il est bon que les travaux de minage suivent le rythme de l'exploitation car cela permet d'utiliser efficacement les canaux et d'en réduire le coût d'entretien.

Bibliographie

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5. SURINAM FOREST SERVICE. 1958-63. Annual reports. Paramaribo.

6. VINK, A. T. 1964. Ditching with dynamite. Paramaribo, Surinam Forest Service. (Mimeografiado)

7. VOORDE, P. K. J. VAN DER. 1957. De bodemgesteldheid van het ritsenlandschap en van de oude kustvlakte in Suriname. [Condiciones del suelo del paisaje de arrecifes y de la llanura costera vieja de Surinam.] Paramaribo, Landbouw-proefstation. Bulletin N° 74.


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