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2. Conditions d'application et mode d'emploi

Le principe du crédit étant admis il est indispensable d'en définir les conditions d'allocations pour en assurer le succès.

2.1. Etude du marché local

2.1.1. Prix de vente du poisson.

Le prix de vente du poisson varie d'un lieu à l'autre suivant sa rareté relative, le coût des produits de substitution et leur abondance, les habitudes alimentaires et la saison qui amène sur le marché ou non des produits de substitution inhabituels (produits de pêche et de chasse en saison sèche, termites et chenilles en saison des pluies). En Centrafrique le prix de vente du kg de Tilapia le plus pratiqué dans le pays est de 600 F.CFA. Il varie entre 500 et 2.000 F.CFA avec une moyenne pour la ville de Bangui de 800 frs. Il est le plus souvent vendu à la pièce lorsqu' il dépasse 200 gr et en tas lorsqu'il est plus petit.

La proximité d'une ville ou d'une agglomération moyenne, le trafic et l'état des pistes peuvent également influencer le prix du poisson : en effet si une trop grosse quantité de poisson est mise en vente sur un petit marché le prix de vente ne descendra pas si le poisson peut être rapidement acheminé ailleurs. Dans le cas contraire il faudra fumer l'excédent, mais il perdra alors de la valeur, ou baisser le prix.

Le pisciculteur risque alors de perdre de l'argent si la marge bénéficiaire escomptée en achetant des aliments pour poisson est trop étroite. Si le coût de l'aliment est trop élevé pour assurer un bénéfice certain compte tenu des fluctuations du prix de vente des poissons il vaut mieux en rester à la pisciculture familiable et fertiliser le bassin par un compost valorisant des déchets.

2.1.2. Capacité d'absorption du marché local

Si le pisciculteur ne peut pas acheminer son poisson ailleurs pour avoir un meilleur prix de vente ou pour liquider l'excédent éventuel, il doit savoir quelle quantité de poissons il peut vendre sur place en une matinée et celles qui peuvent être vendues par d'éventuels pisciculteurs voisins le même jour.

Au marché de Bambari (± 30.000 habitants) il est possible de vendre en une matinée entre 50 et 100 kg de poissons chaque jour et à Bangui (± 300.000 habitants) près de 500kg.

Si on transpose ces chiffres à l'ensemble de la population Centrafricaine (± 3.000.000 habitants) la demande nationale en poissons de pisciculture serait de l'ordre de 5.000 kg/jour soit 1825 Tonnes/an.

La production piscicole nationale actuelle est de l'ordre de 300 Tonnes de Tilapia soit 16% de la demande théorique.

Le total des pêches potentielles annuelles est couramment estimé à 5.000 T. mais la plupart des produits de pêche sont amenés fumés du Nord vers le Sud et ne concurrencent pas directement les produits frais des bassins de pisciculture, qui sont très appré-ciés sur les marchés.

Il est donc théoriquement possible de produire six fois plus de poissons de pisciculture sans en affecter le prix sur l'ensemble du territoire centrafricain. Une évaluation théorique de ce type doit être pratiquée localement par les responsables régionaux avant toute intensification piscicole. Il est parfaitement inutile de produire plus que nécessaire et il est souvent judicieux de n'exploiter intensivement que des petits bassins plutôt que des grands pour mieux répartir les vidanges (et donc les ventes de poissons) sur toute l'année. Un sennage partiel peut également être une bonne solution pour écouler par fraction la production mais il nécessite l'achat d'un filet assez couteux pour des paysans.

Ainsi non seulement la capacité d'absorption du marché indique jusqu'où on peut aller dans l'intensification des productions, mais elle indique également la superficie la plus adaptée au marché qu'il convient de donner aux bassins de pisciculture dans un lieu déterminé.

2.1.3. Coûts des aliments utilisés pour l'intensification

Le coût des aliments détermine en grande partie le bénéfice du pisciculteur. Si des aliments sont disponibles à bas prix sur place, ils seront utilisés en priorité. Dans le cas contraire ou s'ils doivent être complétés par un ingrédient indisponible localement pour obtenir de meilleurs rendements il faut comptabiliser les frais de transport et de manutention des ingrédients transportés. L'achat d'aliments extérieurs et leurs transports ne se justifiect que si l'amélioration des rendements obtsnus grâce à ce nouvel aliment procure au pisciculteur un bénéfice plus elevé que s'il utilise uniquement les ingrédients locaux compte tenu du prix de vente des poissons.

Dans les frais de transport interviennent le kilométrage aller et retour et le coefficient de remplissage du véhicule de transport s'il est utilisé uniquement à cette fin. Il est donc justifié de grouper les commandes de plusieurs pisciculteurs de façon à remplir à pleine charge le véhicule de transport pour diminuer le coût du kg d'aliment transporté comme le montre le tableau figurant en annexe 1.

2.1.4. Opportunité d'une intensification piscicole

L'étude locale de tous les paramètre mentionnés ci-dessus et leurs fluetuations éventuelles, permettra de décider s'il est économiquement justifié d'intensifier les productions sur de petites surfaces par l'achat d'aliments ou s'il faut augmenter le nombre et la superficie des bassins fertilisés par compost pour augmenter la production piscicole dans un lieu donné (lorsque le réseau hydrographique rend possible la construction et l'exploitation de nouveaux bassins).

A l'exception de la zone Nord du pays, l'offre en poissons est dans chaque région, inférieure à la demande, mais seul un calcul rigoureux tenant compte des donnés économiques locales peut permettre de déterminer la méthode la plus appropriée pour satisfaire les besoins de la population en poissons.

Ainsi il est possible de calculer pour chacun des critères économiques mentionnés plus haut le seuil d'opportunité d'une alimentation intensive, tous les autres critères étant constants, fixés par les conditions du marché.

Ce seuil d'opportunité est atteint lorsque le bénéfice procuré par la vente des poissons alimentés intensivement est égal à celui procuré par la vente des poissons alimentés par fertilisation simple (dans des bassins d'un are exploités pendant 180 jours et empoissonnés de la même façon à 2 alevins de Tilapia nilotica par m2).

2.1.5. Application pratique : calcul des seuils d'opportunité d'une alimentation intensive

Le tourteaux de coton disponible toute l'année à Bangui a été utilisé dans les trois stations piscicoles principales du pays. Plusieurs essais ont montré que suivant la qualité du compost, il est possible d'obtenir des rendements compris entre 50 et 120kg/are/an en complètant la fertilisation de l'étang par la distribution de 500 gr de tourteaux par are et jour. Le tourteau coûte à Bangui 50 frs/kg et 90 kg sont nécessaires pour alimenter un bassin d'un are pendant 180 jours. On trouvera à l'annexe 2 le coût global du complément alimentaire ainsi fourni en fonction de la distance à parcourir pour se procurer et du remplissage du véhicule qui le transporte.

A l'annexe 3 figurent les recettes obtenues après 6 mois sur la vente de poissons produits dans ces conditions en fonction du prix de vente local et des rendements réellement obtenus.

Les tableaux et graphiques ci-dessous issus de cet exemple pratique illustrent les interactions de quelques données économiques à examiner pour déterminer le seuil d'opportunité d'une telle alimentation pour différents critères économiques.

2.1.5.1. Seuil d'opportunité “Prix de vente du poisson”

Dans les différents exemples de calcul qui suivent, nous prendrons comme rendement moyen obtenu par fertilisation simple le rendement moyen du pays soit 20 kg/are/an et 50kg/a/an comme rendement minimum obtenu grace à l'alimentation complémentaire préconisée.

En zone cetennière le rendement moyen possible est de 40kg/a/an si les graines de coten sent distribuées aux pisciculteurs et chargées ségulièrement dans les compostières.

Ainsi on peut remarquer sur la figure 1 suivante que le prix de vente du poisson à partir duquel il est plus interessant d'alimenter intensivement (droite c = 50kg/a/an) que d'exploiter les bassins par fertilisation dépend du rendement moyen obtenu par le compostage réalisé (droite A : 20kg/a/an ; droite B : 40kg/a/an)

En effet la droite c nous indique le bénéfice obtenu par la vente des poissons alimentés intensivement compte tenu du prix de vente local du poisson, déduction faite du ceût de l'alimentation (pour A et B les ceûts d'alimentations sont nuls car ils représentent seulement des déchets fournis par la main d'oeuvre familiale).

Figure 1 : Seuils d'opportunité du prix de vente du poisson (cf tableau 1)

Figure 1

Tableau 1 : Bénéfices obtenus en 6 mois en fonction du prix de vente des poissons.

A : par compost : moyenne du pays Rdt = 20kg/a/an
B : par compost : en zone cotonnière Rdt = 40kg/a/an
C : avec alimentation complémentaire Rdt = 50kg/a/an

P.V.ABRecettes poissons
Pour Rdt=50kg/a/an
Frais
aliment.
C
1.50015.00030.00037.5004.50033.000
1.30013.00026.00032.5004.50028.000
1.10011.00022.00027.5004.50023.000
9009.00018.00022.5004.50018.000
7007.00014.00017.5004.50013.000
5005.00010.00012.5004.5008.000
3003.0006.0007.5004.5003.000
1001.0002.0002.5004.500(- 2.000)

A la lecture de ce tableau on s'aperçoit que le seuil d'opportunité d'une alimentation intensive en ce qui concerne le prix de vente du poisson est de 300frs CFA sur l'ensemble du pays et de 900 frs/CFA en zone cotonnière. Si le prix de vente dépasse ces valeurs, il devient intéressant d'intensifier les productions.

Remarque 1 : Dans cet exemple il n'a pas été tenu compte des frais de transport d'aliment mais seulement du coût d'achat (50 frs CFA/kg ; 90 kg d'aliment utilisés en 6 mois de production).

Remarque 2 : Sachant qu'en zone cotonnière le prix de vente du poisson est en réalité de 600 frs CFA le kg, cet exemple démontre clairement qu'il est inutile d'y acheter du tourteaux (même sans frais de transport) si les rendements obtenus par compost seul sont de l'ordre de 40kg/a/an et si le complément tourteaux n'assure pas plus de 50kg/a/an.

On peut également à partir de ce tableau définir une formule de calcul plus générale qui permet de trouver le seuil d'opportunité “PV” (ou encore le prix de vente minimum pour qu'il soit plus rentable d'intensifier que d'étendre son exploitation en fonction des rendements comparés obtenus avec et sans alimentation complementaire et du coût de cette alimentation complémentaire en posant :

(1)
 où : (  Rdtc = Rendement local avec compost seul (en kg/a/an
  (  Rdta = Rendement local avec complt. alim. (en kg/a/an
  (       B = Coût de l'aliment pour 6 mois (1 cycle de prod.)
  (       X = Seuil d'opportunité “P.V.” = Prix de vente du poisson.
il vient :
En admettant par hypothèse que Rdta   Rdtc

Remarque 3 : Si on admet qu'en zone cotonnière le rendement réel obtenu grâce au complément en tourteaux est de 60kg/a/anau lieu de 50kg/a/an grâce à la valeur fertilisante du compest à base de graines de coton il vient par la formule =

 X = (2B)/(Rdta - Rdtc)
 X = (9000)/(60 - 40)


 X = 450 frs CFA

L'opportunité d'une alimentation complémentaire est dans ce cas évidente puisque le prix de vente réel du poisson en zone cotonnière est de 600 frs CFA/kg.

Toutefois il n'est pas tenu compte des frais de transport dans le coût de l'aliment et cette conclusion est prématurée (car le tourteaux de coton n'est disponible qu'à Bangui au prix de 50 frs/ kg et il n'existe pas de réseaux de commercialisation d'aliments, il est donc nécessaire de financer en plus le transport de tourteaux pour pouvoir l'utiliser).

Les figures 2 et 3 ci-dessous illustrent notre exemple :

Fig.2

Fig.2

Fig.3

Fig.3

2.1.5.2. Seuil d'opportunité “coût de l'aliment”

On peut également faire le raisonnement inverse et partir d'un prix de vente du poisson imposé pour déterminer le “coût de l'aliment” qu'il convient de ne pas dépasser (transport et manutention compris) pour une amélioration de rendement bien déterminée.

ainsi, partant de la formule (2)(X = PV poisson
(B = coût max de l'al.sup.
(Rdta = Rdt avec aliment sup.
(Rdtc = Rdt sans ali. suppl.


il vient : (3)
 

Formule originale à partir de laquelle il est possible d'établir le tableau 2 suivant des seuils d'opportunité “coûts de l'aliment” qui sont le résultat des produits de la différence de rendement escomptées sur 6 mois par le prix de vente local du poisson.

Tableau 2 : Seuils d'opportunité des coûts alimentaires par semestre.

P.V.40050060070080090010002000
Rdta - Rdtc
2
52.0002.5003.0003.5004.0004.5005.00010.000
104.0005.0006.0007.0008.0009.00010.00020.000
156.0007.5009.00010.50012.00013.50015.00030.000
208.00010.00012.00014.00016.00018.00020.00040.000
2510.00012.50015.00017.50020.00022.50025.00050.000
3012.00015.00018.00021.00024.00027.00030.00060.000
3514.00017.50021.00024.50028.00031.50035.00070.000
4016.00020.00024.00028.00032.00036.00040.00080.000
4518.00022.50027.00031.50036.00040.50045.00090.000
5020.00025.00030.00035.00040.00045.00050.000100.000

Ce tableau peut être d'une utilité pratique incontestable aux vulgarisateurs chargés d'effectuer les études du marché. Il permet de déterminer pour chaque ville de Centrafrique le coût global alimentaire qu'il ne faut pas dépasser pour intensifier les productions piscicoles. Au dela de cette dépense il faut soit rechercher d'autres aliments moins couteux qui permettent la même augmentation de production, soit en rester à la fertilisation par compost qui dans certaines régions, compte tenu du coût des aliments et de leur transport peut être la forme d'exploitation la plus rentable.

Ce coût global alimentaire maximum pour un cycle de production de 6 mois (ou seuil d'opportunité “coûts de l'aliment”) peut être subdivisé en coûts d'achat, de manutention et de transport et répartis par kg d'aliment. Ainsi lorsque le coût par kg d'aliment est connu, il est possible de calculer en fonction du coût global alimentaire maximum contenu dans le tableau 2 le nombre de kg d'aliments qu'il est économiquement justifié d'acheter et de comparer le résultat avec le poids de cet aliment qui est nécessaire pour produire la différence de production escomptée (lorsque le coefficient de transformation de l'aliment est connu). Cette comparaison indiquera si l'intensification de la production piscicole est possible et économiquement justifiée dans un endroit donné.

Exemple 1 :

A Bangui le prix de vente du poisson est égal à 800F/kg. L'utilisation de tourteaux permet d'augmenter la production piscicole d'un étang de 20kg/a/an avec un compost jusqu'à 100kg/a/an. Le tableau 2 indique que le coût alimentaire global pour 60kg/a/an d'augmentation de rendement peut monter jusqu'à 24.000 Frs CFA soit 480kg/ de tourteaux à 50 frs CFA. Les 30kg d'augmentation sur 6 mois de production nécessitent seulement 120kg de tourteaux pour un coefficient de transformation connu de 4kg de tourteaux pour un kg de poisson.

Il est donc parfaitement justifié sur le plan économique d'utiliser des tourteaux pour augmenter les productions à Bangui et cela procure au pisciculteur un bénéfice supplémentaire minimum equivalent à la différence de prix entre les deux quantités de tourteaux calculées soit 360kg à 50 frs CFA/kg ou 18.000 frs de bénéfice supplémentaire par are et par 6 mois.

Le coût par kg de tourteaux à partir duquel le pisciculteur n'obtient plus de bénéfice supplémentaire est de 200 frs/kg dans les mêmes conditions. Ce résultat prouve qu'il existe une marge importante pour les frais de transport éventuelsdes 120kg de tourteaux à utiliser en 6 mois pour obtenir le rendement escompté de 100kg/a/ar

Exemple 2 :

A Berberati le prix de vente du poisson est égal à 2.000 frs/ kg. Pour augmenter les productions de 10kg/a/an à 90 kg/a/an le pisciculteur de cette région dispose de 80.000 frs CFA. (cf tableau 2 intersection du PV à 2.000 et de 40kg augmentation de rendement par 6 mois).

Le poids de tourteaux nécessaire à l'obtention de 40kg de poissons supplémentaire est de 160kg pour un coefficient de transformation égal à 4. Le coût d'achat à Bangui de ces 160kg étant de 8.000 frs CFA seulement, il est évident que malgré les frais de transport de l'aliment, l'utilisation de tourteaux à Berberati doit être très rentable.

Exemple 3 :

En zone cotonnière, près d'Alindao, le prix de vente du poisson est de 600 frs CFA/kg. L'augmentation de rendement de 40kg/a/an à 100 kg/a/an permet d'après tableau 2 une dépense justifiée de 18.000 frs CFA. Le coût en tourteaux correspond à [(Rdta - Rdtc)/ 2] × 4 soit 120kg de tourteaux à 50 frs/kg ou 6.000 frs CFA, plus les frais de transport. Il y a 520km entre Alindao et Bangui soit 1.040 km aller retour pour un transporteur qui facture le transport à 50 frs la tonne kilométrique soit 6.240 frs de frais de transport calculés sur cette base. La dépense totale étant de 12.240 frs pour l'aliment rendu sur place, il reste 5.760 frs CFA/are/6 mois de bénéfice supplémentaire au pisciculteur de la région qui se donnerait la peine d'alimenter correctement ses bassins en tourteaux.

2.1.5.3. Seuil d'opportunité “frais de transport”

Si un pisciculteur désire augmenter ses productions à partir de tourteaux, il doit nécessairement le faire venir de Bangui et payer les frais de transport.

En République Centrafricaine les frais de transport sont calculés sur base de 50 frs CFA la tonne kilométrique ou au km roulé comme calculé dans l'annexe 1. Cette dernière méthode doit tenir compt de la capacité du véhicule et de son coefficient de remplissage. Les frais de transport sont calculés dans les deux cas sur la distance à parcourir aller et retour pour livrer l'aliment.

2.1.5.3.1. A la tonne kilométrique

A partir de la formule de calcul du coût alimentaire global maximum, il est possible de subdiviser les frais en coût d'achat de l'aliment et coûts de transport comme suit :

où (Ba = coût achat aliment
     (Bt = coût de transport

(4) Donc :    Bt = B - Ba

Ce coût de transport permet de calculer la distance qu'il est économiquement justifié de parcourir pour intensifier les productions compte tenu des conditions locales du marché :

soit  Ba = N. Pa (Ba = coût d'achat de l'aliment
(5)(N = nombre de kilo acheté
 (Pa = Prix achat par kilo d'aliment
et  où(Bt = coût de transport
(6)(N = nombre de kilo acheté
 (D = distance à parcourir (aller retour)
 (Pt = coût par tonne kilométrique
avecBt = B - Ba
ou:en remplacant B, Ba et
Bt par leur valeur (3), (5) et (6) dans la formule (4)
et en développent il vient :
(7)

Cette formule permet de calculer la distance à parcourir aller-retour entre les pisciculteurs et l'endroit de vente d'un aliment quelconque, à partir de laquelle il n'est plus justifié de se procurer cet aliment, le bénéfice étant égal à celui procuré par le mode d'exploitation piscicole de référence : (Rdtc X)/2. Cette distan représente le seuil d'opportunité “frais de transport” d'une alimentation intensive.

Exemple : Le plan d'alimentation en tourteaux disponible à Bangui à 50 frs CFA le kg nécessite le transport de 90 kg par cycle de production de 6 mois. Il permet d'augmenter le rendement moyen obtenu par fertilisation de 20kg/a/an à 50kg/a/an. A partir de la formule ci-dessus il est possible de déterminer le rayon d'action autour de Bangui pour lequel ce plan alimentaire proposé est économiquement jusitifié pour les pisciculteurs sachant que ce rayon d'action vaut la moitié de la distance à parcourir aller retour. En appliquant la formule (7) il vient :

Cette distance aller retour à parcourir pour livrer l'aliment est le double du rayon d'action “utile” du plan d'alimentation proposé (833 km) si on calcul le coût du transport à 50frs la tonne kilométrique.

On peut vérifier sur le tableau 2 du paragraphe 2.1.5.2. que ce coût de transport (166km × 90kg d'aliment à 50 frs/T.km) ajouté au prix d'achat du tourteaux (4.500 frs CFA) correspond bien au coût global alimentaire mentionné à l'intersection du prix de vente de 800 frs de l'augmentation de rendement de 15 kg/a/semestre soit 12.000 frs CFA.

En réalité, à l'extérieur de Bangui le prix de vente du poisson est généralement fixé à 600 frs CFA par les conditions du marché ce qui ramène la distance aller retour de transport justifié à 1.000 km (cf formule (7) et le rayon d'action utile du plan d'alimentation proposé à 500 km.

2.1.5.3.2. Au km roulé

Le coût de transport peut également être calculé sur base d'un prix forfaitaire par km roulé. Dans ce cas il dépend du nombre de km parcourrus aller retour, du coût par km roulé et du coefficient de remplissage du véhicule de transport.

(8)Bt = D. Pk. R où(Bt = coût de transport
(D = distance aller-retour
(Pk = coût par km
(R = % remplissage

On trouvera en annexe les tableaux représentant les frais de transport et les frais totaux de l'aliment transporté calculés sur cette base en Centrafrique.

Il est également possible de déterminer par calcul la distance et le coefficient de remplissage du véhicule à partir desquels il n'est plus intéressant d'importer l'aliment en sortant D et R de l formule Bt = B - Ba pour un coût kilométrique imposé.

On s'apercoit alors que pour des villes éloignées de Bangui il est nécessaire de remplir un gros véhicule à pleine charge et de stocker l'aliment en magasin pour une vente au détail. Faute de cela il faudra en rester à l'exploitation des bassins par fertilisation jusqu'à ce qu'un aliment meilleur marché soit disponible localement, le seuil d'opportunité “distance” d'une alimentation intensive étant rapidement dépassé pour des transports par petites quantité sur de longs trajets (sauf si le P.V. local du poisson est très élevé comme c'est le cas à Carnot - Berberati).

2.1.6. Commentaires

L'étude de marché est extrément importante car elle permet de déterminer l'opportunité d'une intervention quelconque en vue d'augmenter la production piscicole. Il est partout possible d'augmenter les rendements mais pas toujours par la même méthode ni avec la même rentabilité.

Les interventions en milieu rural pour augmenter les productions piscicoles doivent être murement réfléchies sur base des résultats de l'étude du marché local et doivent aboutir à une gestion saine des fonds affectés à cette fin. Dans tous les cas où la rentabilité d'une intervention est douteuse ou aléatoire il faudra rechercher une autre solution, surtout si cette intervention est financée par une formule de crédit. Le crédit piscicole ne doit-être accordé que lorsque l'opération proposée est très rentable à coup sûr pour inciter les pisciculteurs à intensifier leurs productions là où il est économiquement souhaitable de le faire. Il n'y a pas de formule miracle applicable à tous les marchés et cette étude doit être réalisécas par cas pour sélectionner les plus favorables.

2.2. Sélection des pisciculteurs :

2.2.1. Expérience piscicole et motivation

Les pisciculteurs qui possèdent déjà plusieurs bassins et qui pratiquent la pisciculture depuis plusieurs années sont en principe susceptibles de vouloir intensifier leurs productions. Il est nécessaire de les interroger à ce sujet et d'évaluer outre leur savoir faire, leur ambition. Une visite sur le terrain est indispensable pour juger de l'intérêt qu'ils portent à la pisciculture par l'état d'entretien des bassins, la qualité du compost et la couleur de l'eau.

2.2.2. Sécurité relative des bassins exploités

Les bassins doivent être situés dans une zone où le risque de vol est faible, de préférence proches de l'habitation des pisciculteurs. Ils doivent également avoir été creusé à un endroit tel que le risque d'innondation est nul même en cas de forte crue et l'approvisionnement en eau doit être assuré toute l'année.

Il est fréquent de rencontrer des pisciculteurs qui ne veulent pas alimenter leurs bassins parce qu'ils ne sont pas en mesure de lutter contre le vol de poisson. Ils veulent bien risquer de se faire voler du poisson si celui-ci ne leur coûte rien qu'un peu de travail (alimentation par compost) mais pas s'ils doivent investir leur argent dans l'achat d'aliments. Si besoin est il faudra proposer au pisciculteur de déménager et de construire une nouvelle case à proximité de ses bassins pour pouvoir bénéficier du crédit demandé.

2.2.3. Garanties morales et financières

Les pisciculteurs sélectionnés sur base de leur expérience et de la situation de leurs bassins doivent être solvables pour pouvoir bénéficier d'un crédit. On examinera pour ce faire leur situation familiale et leurs principales sources de revenu.

Le pisciculteur devra également être recommandé par son chef de village ou de quartier qui, tenu informé du prêt accordé, pourra faire pression sur le pisciculteur en cas de non remboursement. Un contrat en bonne et due forme stipulant toutes les conditions d'octroi du prêt consenti au pisciculteur sera établi, lu et signé par le bénéficiaire, et contresigné par l'aut rité locale.

Un exemple d'un contrat de ce type est présenté en annexe 4:il est utilisé en Centrafrique par les responsables de la vulgarisation piscicole pour garantir par écrit le crédit accordé aux pisciculteurs sélectionnés.

2.2.4. Commentaires

La sélection des pisciculteurs à créditer dans les régions où le marché est favorable à une intensification des productions est délieate. Elle demande de la part du vulgarisateur chargé de les identifier une rigoureuse impartialité. Celui-ci sera parfois tenté de favoriser un membre de sa famille ou une connaissance en vue mais il devra examiner en priorité les critères de sélection mentionnés cidessus. Ce n'est pas rendre un service à quelqu'un que de l'aider à investir dans des bassins peu sûrs ni d'imposer des techniques trop sophistiquées à quelqu'un qui n'a pas, assez d'expérience pour les appliquer correctement.

2.3. Caractéristiques du prêt.

2.3.1. Montant accordé

Le principe de base à appliquer dans le calcul du montant accordé doit être de ne jamais financer des investissements qui dépassent la moitié de la capacité de remboursement des pisciculteurs en une année ou deux maximum. Il est toujours préférable d'associer au crédit global un crédit aliment rentable de facon à permettre aux pisciculteurs d'accélérer les remboursements. En effet une meilleure alimentation permettra à coup sûr d'augmenter les productions piscicoles et la recette du pisciculteur, alors que la construction d'un moine représente une dépense improductive mais utile qu'il convient de financer si le pisciculteur obtient suffisamment de revenus par ses vidanges.

Do même dans la mesure du possible, les prêts seront consentis en nature (aliments, ciment, brouettes, etc…) plutôt qu'en liquide pour éviter qu'une partie du montant accordé soit utilisée à d'autres fins. Dans le cas de financement de main d'oeuvre, le vulgarisateur débloquera les fonds nécessaires le jour de la paye et exigera la signature des bénéficiaires pour la joindre au dossier du pisciculteur quand il ne pourra pas effectuer le paiement lui-même.

2.3.2. Modalitésde remboursement

La plupart des pisciculteurs en République Centrafricaine n'on pas de salaire fixe et doivent attendre les récoltes pour disposer d'un peu de liquidités. La meilleure formule consiste donc à prévoir les remboursements en fin de cycle de production, le jour de la vidan ge. Dans cette optique il est souhaitable de fixer dans le contrat, date de vidange prévue que doit respecter le pisciculteur, pour faci liter la tâche du vulgarisateur chargé de recupérer les sommes avancées.

La totalité du crédit sera remboursé le jour de la vidange dans le cas d'un crédit “aliment” simple ; dans le cas d'un crédit “construction” ou “équipement” il sera parfois nécessaire de prévoir plusieurs cycles de production.

Une date limite de remboursement sera fixée de commun accord awec le pisciculteur qui s'engagera par écrit à respecter les délais. Le vulgarisateur, gestionnaire du crédit tiendra à jour une fiche par pisciculteur sur laquelle figurera d'une part les dates et prestations fournies d'autre part les dates et les montant des remboursements effectués. On trouvera en annexes, le modèle de fiche utilisé au CPN Landjia en 1985 pour le crédit “aliment” remboursable en 6 mois.

2.3.3. Taux d'intérêt à appliquer

Malgré toutes les précautions qu'il est possible de prendre pour assurer le remboursement d'un crédit quelconque, il peut arriver que l'un ou l'autre pisciculteur ne puisse pas rembourser ce qu'il doit. Par ailleurs, avec l'inflaction, le pouvoir d'achat d'un crédit quel qu'il soit décroit avec le temps, même si tous les pisciculteurs remboursent ce qui a été avancé dans les délais prévus.

Un fond de roulement destiné à créditer les pisciculteurs est donc condamné à disparaître si un taux d'intérêt n'est pas appliqué sur les sommes avancées. Outre la survie du fond de roulement qui est déjà un but en soi, l'application d'un taux d'intérêt est suceptible d'intéresser une banque ou un quelconque organisme de crédit, qui pourrait également consentir des prêts aux pisciculteurs aux mêmes conditions que sur le fond de roulement. Il semble donc très indiqué d'appliquer un taux d'intérêt dans toutes les formules de crédit aux pisciculteurs. Afin de ne pas compliquer la tâche des vulgarisateurs, chargés de la gestion de ce crédit, il est préférable d'appliquer un taux uniforme par cycle de production plutôt que de recalculer tous les mois l'intérêt à rembourser en fonction des paiements déjà effectués. Ainsi au CPN Landjia, le taux d'intérêt sur les prêts consentis aux pisciculteurs est fixé à 8% sur six mois payables n'importe quand dans les six mois. Si après les six mois prévus dans le contrat, le prêt et l'intérêt ne sont pas entièrement remboursé pour l'une ou l'autre raison acceptable il sera calculé une nouvelle tranche d'intérêt sur la somme résiduelle à restituer au même taux de 8% pour les six mois suivants. Si malgré ce délai de remboursement supplémentaire, la dette du pisciculteur n'est toujours pas soldée, il devient nécessaire d'entamer une action en justice. Cette issue désagréable n'a jamais dû être atteinte lors des essais réalisés jusqu'à présent mais il est indispensable de la prévoir dans tout contrat d'assistance sous forme de crédit.

2.3.4. Commentaires

Les caractéristiques optimales des prêts accordés aux pisciculteurs sont le résultat d'un compromis entre une souplesse relative des conditions de remboursement pour adapter le crédit à chaque cas particulier et une homogenéité relative de ces mêmes conditions pour faciliter la tâche du service d'encadrement chargé de gérer le crédit.

Il va sans dire qu'un pisciculteur qui recoit un crédit pour ses achats d'aliments ne bénéficiera pas des mêmes conditions que celui qui augmente sa superficie exploitée ou qui achète du matériel. Toutefois il est possible d'adopter quelques règles générales comme celles vues précédemment, qui soient applicables pour tous et qui permettent une gestion plus aisée du fond de crédit.


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