Les premiers essais de crédit aux pisciculteurs de la République Centrafricaine ont débuté en 1983 aux alentours de la station - Landjia.
Ils consistaient à financer la construction et la mise en exploitation de poulaillers sur pilotis dans un étang pour tenter de vulgariser la pratique des élevages associés et augmenter les rendements piscicoles.
Les fonds disponibles à cette fin étaient limités car prélevés sur la caisse de fonctionnement de la station et sur une modeste donation de “Tilapia International Association”. Depuis lors, la caisse de la station Landjia et celle de l'écloserie ont avancé au total près de 4 millions de francs CFA sous forme de matériel de construction, alevins, poussins et aliments.
En 1985, l'USAID a mis 10.000 dollars U.S. à la disposition des pisciculteurs par l'intermédiaire d'un comité de gestion constitué par 2 cadres nationaux, 1 volontaire du corps de la paix et l'expert FAO en vulgarisation. Le montant total cumulé des prêts accordés aux pisciculteurs dans le cadre du projet CAF/80/002 au cours de ces trois dernières années est de 10 millions de francs CFA Il aura servi à mettre au point et à tester différentes formules de crédit aux pisciculteurs et 4 formules types de crédit ont été retenues, pour un usage généralisé en République Centrafricaine, si des fonds plus importants sont alloués à cette fin.
Ce type de crédit permet aux pisciculteurs peri-urbains d'équiper leurs plus grands bassins de poulaillers sur pilotis pour intégrer l'élevage de poulets de chair aux exploitations piscicoles. Outre la diversification des productions dans un même site et le bénéfice procuré par les spéculations avicoles, le pisciculteur recycle l'aliment ingéré par les poulets sous forme de fientes qui fertilisent l'étang. Cette fertilisation permet, l'obtention de rendements compris entre 40 et 80 kg/are/an si les densités conseillées en volailles (5 à 10 par are de bassin) et en poissons sont respectées, soit une production de poissons double par rapport à celle obtenue avec un compost classique.
Un module de poulailler de 6m2 sur pilotis a été mis au point sur base de ceux réalisés au Centre Piscicole National Landjia et vulgarisé en milieu rural. Dix modules sur pilotis de ce type ont été financés pour des pisciculteurs privés. Ceux-ci recoivent en crédit le matériel et la construction du poulailler (± 70.000 frs CFA), 120 poussins importés d'Europe à 1 jour et ayant subi un premier élevage de 3 semaines au Centre Piscicole National Landjia (30.000 frs CFA) et l'aliment préparé par le centre pour l'engraissement des poulets qui dure 2 mois. Il est souhaitable d'élever successivement 2 bandes de 60 poulets par cycle de production de poissons (6 mois) et d'appliquer un taux d'intérêt de 8% sur la somme totale avancée. On trouvera à l'annexe 6 le bilan chiffré d'un essai de ce type établi par le centre avec des pisciculteurs aviculteurs.
Les recettes sur ventesde volailles et poissons dépendent du rendement piscicole obtenu, mais on peut s'attendre à des rendements compris entre 40 et 80kg/a/an. Quoiqu'il en soit même en prenant le rendement le plus pessimiste possible, l'intérêt de récuperer les fientes pour fertiliser un étang de pisciculture est évident car les recettes totales couvrent en 6 mois les frais de production et la construction du poulailler comme nous le montre le tableau 3 suivant réalisé à partir du bilan chiffré de l'annexe 6.
En réalité on peut estimer à 5 ans la durée de vie du poulailler et amortir sur 10 cycles de production la construction de celui-ci : le bénéfice réel de l'exploitation par cycle de production figuré en bas du tableau 3 tient compte de cette valeur d'amortissement.
Sachant que le revenu annuel moyen par habitant en Centrafrique est de 50.000 F.CFA et qu'un pisciculteur seul peut facilement exploiter 4 à 5 unités de production de ce type, il nous semble particulièrement indiqué de développer les élevages associés volaill-espoissons partout où il est possible de le faire.
| Pas de pisciculture | Rdt min. 20kg/a/an | Rdt
moyan 40kg/a/an | Rdt bon 60kg/a/an | Rdt très bon 80kg/a/an | |
| Recettes poissons | 43.200 | 86.400 | 129.600 | 172.800 | |
| Recettes poulets | 295.000 | 295.000 | 295.000 | 295.000 | 295.000 |
| Recettes totale | 295.000 | 338.200 | 381.400 | 424.600 | 467.800 |
| % augmentation rec. par l'association volailles-poissons | 0% | 14,6% | 29,2% | 43,9% | 58,6% |
| poulailler (amortissement) | 6.987 | 6.987 | 6.987 | 6.987 | 6.987 |
| poussins | 60.000 | 60.000 | 60.000 | 60.000 | 60.000 |
| poissons | - | 10.800 | 10.800 | 10.800 | 1.800 |
| aliments | 144.000 | 144.000 | 144.000 | 144.000 | 144.000 |
| Dépenses totales | 273.870 | 284.670 | 284.670 | 284.670 | 284.670 |
| Bénéfices après 6 mois. | 21.230 | 53.530 | 96.730 | 139.930 | 183.130 |
| Bénéfice réel/cy. | 84.130 | 116.430 | 159.630 | 202.830 | 246.030 |
| Bénéfice réel/cy. en % des dépenses | 30,7% | 40,9% | 56,1% | 71,3% | 86,4% |
Il est possible de récupérer la totalité de la somme avancée et l'interêt de 8% dés les premiers 6 mois dans ce type de financement, même avec un rendement piscicole très bas.
Toutefois, si le pisciculteur a des revenus complémentaires modeste, il est préférable de programmer le remboursement du poulailler sur deux cycles de production au lieu d'un et d'appliquer 16% d'intérêt sur la deuxième tranche de rembourse ent. les remboursements s'effectuent 4 fois dans l'année, correspondants aux ventes de poulets et de poissons.
Le pisciculteur/aviculteur sera tenu d'aviser le responsable régional de toute modification apportée dans le calendrier des ventes établi au préalable. L'encadrement des pisciculteurs/ aviculteurs et la surveillance contre le vol sont deux facteurs essentiels à maitriser pour mener à bien ce type d'exploitation qu'il convient de développer dans lesprincipales villes du pays.
Ce type de crédit a déjà été décrit dans les applications pratiques de ce document technique. Il permet aux pisciculteurs d'intensifier leurs productions par la distribution régulière d'aliments fournis par le Centre Piscicole le plus proche. Le remboursement du coût de l'aliment et du coût de transport s'effectue à la vidange, après la vente des poissons.
Deux formules type de crédit aliment ent été mises au point ces deux dernières années, et appliquées en milieu peri-urbain.
- La première formule a été mise au point par le responsable de l'écloserie de Clarias lazera, Mr. Janssen, pour vulgariser les polyculture de Tilapia - Clarias.
Encadrés par le personnel de l'écloserie, les pisciculteurs qui remplissent les conditions exigées pour bénéficier du crédit recoivent l'empoissonnement de leurs bassins et l'aliment qu'ils remboursent à la vidange.
La quantité d'aliment distribuée est de 200 gr/a/jour le premier mois ; elle augmente de 100 gr chaque mois jusqu'au jour fixé pour la vidange.
Tous les essais réalisés la première année en milieu periurbain ont été suivis de très près par le personnel de l'écloserie qui effectuait avec le responsable régional de la vulgarisation, des pêches de contrôle tous les quinze jours afin de surveiller la croissance des poissons et améliorer la méthode de distribution d'aliment. Celle fur n été retenue consiste à distribuer en deux fois l'aliment dosé par une boite métallique calibrée dans un cadre de bambou flottant à la surface de l'étang, afin d'habituer les poissons à recevoir l'aliment au même endroit.
L'alimentation est complétée par la fertilisation de l'étang due à l'entretien régulier d'un compost imposé par le centre aux pisciculteurs qui désirent benéficier du crédit.
La totalité du crédit accordé sous cette forme en 1984 a été remboursé dans les délais prévus. Cette année là sur 93 ares de bassins le crédit accordé était de ± 1.200.000 frs CFA (60% frais alimentation, 20% empoissonnements, 20% déplacements et services) et la vente des poissons a fourni ± 2.400.000 frs de recettes aux pisciculteurs crédités.
Actuellement 257 ares de bassins sont exploités intensivement en polyculture Clarias-Tilapia à travers cette formule de crédit. La seconde formule de crédit aliment s'adresse aux pisciculteurs qui pratiquent la monoculture de Tilapia nilotica et qui veulent intensifier leurs productions. Les pisciculteurs sont de préférence regroupés en association ou en communauté pour faciliter les livraisons d'aliments par le centre.
Un stock de tourteaux de 25 Tonnes est acheté broyé et s en sac par le Centre Piscicole National qui avance l'aliment aux pisciculteurs sélectionnés par le responsable régional de la vulgarisation. Celui-ci provoque dans les secteurs où il est souhaitable d'intensifier les productions, des réunions d'information et remplit une fiche (voir annexe 5) pour chaque pisciculteur sélectionné qui désire bénéficier de ce type de crédit. Le responsable régional s'assure du bon état d'entretien des bassins de leurs situation etc… Il contrôle l'empoissonnement réalisé par le pisciculteur, assure les livraisons d'aliments et tient à jour les fiches de crédit. Il fixe de commun accord avec le pisciculteur une date de vidange pour être présent ce jour là et récupere les sommes avancées sous forme d'aliment. Pour simplifier sa tache un prix forfaitaire par kg d'aliment est fixé pour une région donnée compte tenu du prix d'achat, du transport et des services rendus. Une dose journalière moyenne de 500 gr/a/jour est distribués par le pisciculteur à l'aide d'une boite calibrée pour cet usage, ce qui permet de connaître à l'avance le poids d'aliment à livrer pour chaque pisciculteur en fonction de la superficie qu'il exploite. Actuellement à Bangui, 52 pisciculteurs exploitant 220 ares de bassins participent à co plan d'alimentation dont la rentabilité a été précédemment décrite en fonction des conditions imposées par le marché local.
Les formules de crédit pour achat d'aliment sont en principe les plus rentables et permettent une réelle intensification des productions. Il serait bon de pouvoir les généraliser en augmentant le volume de crédit et le nombre de cadres techniques compétents affectés à l'encadrement des pisciculteurs artisanaux. Les prêts consentis sous entre forme seront toujours remboursés en un cycle de production ce qui permet d'utiliser deux fois dans l'année le fond de crédit destiné à cet usage.
Dans certaines régions du pays, il est difficile, voire impossible d'acheter du matériel de construction tel que brouottes pelles pioches etc… Les stations piscicoles peuvent acheter du matériel à Bangui et le revendre soit directement aux pisciculteurs, soit leur prêter à crédit, soit encore leur louer pour une période déterminée contre une somme correspondant à l'amortissement de ce matériel. Jusqu'à présent ce petit matériel était fourni aux pisciculteurs à travers les animateurs piscicoles par l'UNICEF et l'USAID pour la construction et l'entretien des bassins. Tôt ou tard les pisciculteurs devront se procurer eux-même ce genre d'outillage minimum et il est souhaitable de les y préparer le plus tôt possible.
Près de 600.000 frs CFA en petit matériel ont été acheté par le Centre et revendus à crédit aux pisciculteurs. Il n'est pas tenu compte du matériel acheté aux stations par les pisciculteurs le jour de la vidange. L'achat d'une brouette équivaut à 58kg de poissons à 600 frs/kg, celui d'une pelle ou d'une pioche à 12kg. Il faut bien entendu tenir compte de la capacité de production des pisciculteurs avant d'accorder un crédit en matériel et il est conseillé d'associer à ce type de crédit un crédit aliment quand celui-ci procure un bénéfice supplémentaire au pisciculteur. Jusqu'à présent les remboursements ont eu lieu au plus tard le jour de la première vidange mais si le matériel commandé représente une somme importante, il faut les répartir sur plusieurs cycles de production.
Ce type de crédit doit servir en priorité à fournir du petit matériel de construction aux pisciculteurs qui ne peuvent en acheter sur place et qui désirent en acheter le jour de leur vidange avec le produit de la vente des poissons. Pour les autres, ceux qui désirent utiliser le matériel avant de l'acheter pour un travail bien déterminé comme la construction d'un étang, il est possible de leur louer le matériel nécessaire avec option d'achat. La location se fait sur base de la durée de vie estimée de l'outil et de son prix d'achat majoré de 16% par an pour pouvoir le remplacer une fois usé malgré l'inflation.
Cette formule n'a jamais été employée en Centrafrique, mais elle est utilisée avec succès par les volontaires du corps de la paix au Cameroun et devrait pouvoir être appliquée ailleurs.
Pour étendre leur superficie exploitée ou pour améliorer l'équipement de bassins existants, certains pisciculteurs font des demandes de crédit, pour l'achat d'un terrain, pour le paiement d'une main d'oeuvre plus qualifiée que la main d'oeuvre familiale ou pour installer des moines dans leur bassin. Ces crédits d'installation ne doivent être octroyés qu'après une étude minutieuse du pisciculteur, du site qu'il a choisi, de la durée probable de remboursement etc… Un dossier complet doit être présonté par le responsable régional qui donnera au gestionnaire du crédit son opinion sur l'intérêt de l'intervention. Il sera responsable de l'exécution du projet s'il est accepté et il établira avec le pisciculteur un calendrier de remboursement.
Une douzaine de pisciculteurs ont bénéficié ces trois dernières années de crédits d'installation pour un montant global de deux millions de francs CFA. La plupart d'entre eux habitent à côté de leurs bassins qui s'étendent sur 15 à 20 ares. A Bria, un pisciculteur a remis en état une ancienne station d'un ha de bassins grâce au crédit qui lui a été accordé.
En règle générale, les remboursements commencent après la première vidange, ils peuvent s'étaler sur deux à quatre cycles de production maximum. Le taux d'intérêt est fixé à 16% par an.
Chaque bénéficiaire de crédit d'installation est repertorié sur une fiche qui reprend les caractéristiques des pisciculteurs, celles de son projet et les modalités de remboursement.
On trouvera à l'annexe 8 un exemple de fiche de projet utilisé en Centrafrique pour régler le crédit USAID cité plus avant.
Cette formule de crédit est la plus hasardeuse car les investissements ne sont rentables qu'après la construction des bassins sources aux aléas des approvisionnement en matériaux, du temps effectif de travail, de l'environnement familial du pisciculteur. Tant que le bassin n'est pas sous eau empoissonné et alimenté, l'investissement est improductif et il est essentiel de prévoir une marge de sécurité dans le plan de remboursement établi sur la fiche de projet.
C'est aussi la seule formule qui rend possible actuellement l'établissement de fermes piscicoles privées de moyenne importance où le pisciculteur est employé à plein temps dans la pisciculture et les élevages annexes. De telles fermes privées réparties dans le pays seraient d'un grand intérêt pour le maintient et le développement de la pisciculture familiale par la production et la vente d'alevins. Elles serviraient également de modèle aux autres pisciculteurs et participeraient à la vulgarisation des techniques d'intensification des productions piscicoles. Il est donc souhaitable de favoriser les initiatives privées de ce genre, lorsque des pisciculteurs motivés et expérimentés situés dans des endroits propices en font la demande.
