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3. GROSSISSEMENT EN ETANGS

3.1. Etang de grossissement

Les bassins pour l'élevage de Clarias, soit en monoculture, soit en élevage mixte avec tilapia Oreochromis niloticus devront correspondre aux critères suivants afin de garantir la réussite de ce type de grossissement :

Localisation :Le choix du site piscicole est très important. Les facilités suivantes doivent être réunies à la fois : (a) l'eau de bonne qualité, en quantité suffisante, pendant toute l'année ; (b) un endroit surveillé pas trop loin des axes routiers ; (c) possibilité de vider complètement les bassins (les bassins dans la nappe phréatique sont exclus).
Dimensions :Des étangs carrés de 4 à 10 ares avec une profondeur de 80 à 100 cm sont préférables.
Digues :Les digues du bassin doivent être solides et suffisamment hautes (40 à 50 cm au-dessus du niveau de l'eau).
Eau, étanchéité et exposition : Ces critères sont les mêmes que pour les étangs d'alevinage (voir 2.1.).
Equipement :Chaque bassin doit être équipé de : (a) un canal d'amenée ; (b) un tuyau de remplissage ; (c) une caisse filtrante ou un filet à l'entrée d'eau ; (d) un moine ou un tuyau de trop plein ; (e) une pêcherie devant ou derrière le moine ; (f) une clôture de toile moustiquaire de 50 à 75 cm autour de l'étang.

3.2. Elevage mixte de C. lazera avec tilapia O. niloticas

La pisciculture en Afrique Centrale est, à l'heure actuelle, concentrée autour de l'élevage de O. niloticus, en méthode mixte c'est-à-dire l'élevage par classes d'âge mélangées dû à la reproduction spontanée. Des tilapia se reproduisent en étangs à partir de 30 à 50 g. Le surplus des jeunes poissons limite la production piscicole. Pourtant cette espèce a de multiples qualités piscicoles : potentiel de production élevée (croissance élevée), accepte facilement l'alimentation artificielle, résistance à des densités élevées, des maladies et des taux d'oxygène faible.

La façon la plus simple d'augmenter la production de l'élevage de tilapia est l'association de celui-ci avec un prédateur afin de contrôler la surpopulation de l'étang. C'est donc dans ce but que l'on élève le tilapia ensemble avec le silure.

La méthode d'élevage mixte ou polyculture du silure C. lazera et tilapia O. niloticus décrite ci-dessous est un élevage semi- intensif basé sur une fertilisation de l'eau et une alimentation supplémentaire. Cet élevage nécessite peu d'investissement et est à la portée de tous les pisciculteurs privés à condition que leur (s) bassin (s) correspond (ent) aux critères mentionnés au paragraphe 3.1.

3.2.1. Préparation de l'étang

Le nettoyage, la mise à sec, la désinfection et la protection contre les prédateurs sont déjà discutés au paragraphe 2.2.2. La présence d'une clôture autour du bassin est fortement conseillée et évite également la disparition des Clarias. Ce poisson qui saute très bien peut sortir de l'étang et se déplacer sur des distances assez importantes.

Assurez-vous que le profil de l'étang soit juste. Une légère pente jusqu'au point le plus profond (le moine) est obligatoire afin de faciliter la vidange et la récolte des poissons.

L'étang de polyculture est équipé d'un enclos fait de piquets de bambou ou de bois pour y retenir les produits fertilisants (voir 3.2.4.). L'enclos ou compostière est placé dans un angle dans la partie la moins profonde de l'étang. Le rayon de la compostière est de 1,5 m2 pour un bassin de 4 ares jusqu'à 3,0 m pour un bassin de 10 ares. Un cadre flottant de bambou (2 × 2 m) est placé dans la partie moyennement profonde à environ 50 cm du bord de l'étang. Ce cadre est tenu en place par un bout de bambou ou de bois et sert à retenir l'aliment artificiel (voir 3.2.5.).

Des grillages ou d'autres systèmes de protection sont installés à l'entrée de l'eau et au trop plein ou moine pour empêcher l'entrée des poissons sauvages et la sortie des poissons élevés.

3.2.2. Mise en eau

La bassin est rempli dans un maximum de 2 à 4 jours afin d'éviter toute prédation des alevins de Clarias par des grenouilles et/ou tétards. Le débit d'eau et le nombre de bassins à remplir en même temps peuvent être calculés à l'aide du tableau 4.

Tableau 4
Nombre de jours nécessaire pour remplir des étangs de differentes tailles et débit d'eau requis
Délais approximatifs de remplissage (jours)Volume de l'étang (m3)Débit d'eau requis (1/s)
44001,0
 6001,5
 8002,0
 1 0002,5
 4002,0
26003,0
 8004,0
 1 0005,0

3.2.3. Mise en charge

Les alevins de C. lazera de 1 g (élevés en écloserie) ou de 3 à 6 g (élevés en étang) et de tilapia O. niloticus de 10 à 20 g sont déversés à une densité de 2/m2 chacun. Au total on empoissonne donc 4 poissons par M2. Les alevins de tilapia sont soit produits par le pisciculteur lui-même soit achetés chez un collègue pisciculteur ou à un centre d'alevinage.

La différence de poids initial des deux espèces doit être respectée afin d'empêcher la prédation des tilapia empoissonés par les silures après quelques mois d'élevage.

Une augmentation du nombre initial de silures entraîne une diminution du poids moyen final dû à une compétition accrue sur la nourriture. Une diminution du nombre initial a un effet opposé. Les silures deviennent plus grands et moins homogènes et le risque de prédation exercée sur les tilapia mis en charge initialement augmenet sérieusement.

L'empoissonnement des alevins est relativement simple. Il suffit de déterminer le poids moyen des alevins à partir d'un échantillon d'un nombre assez élevé. Après quoi on peut calculer le poids total des alevins à peupler.

Exemple : Vous voulez empoissonner votre bassin de 650 m2. Vous avez pris deux échantillons : 57 silures pour 240 g et de 70 tilapia pour 1 120 g. Le nombre d'alevins de chaque espèce à peupler est de 650 m2 × 2/m2 = 1300/m2. Le poids moyens sont : Clarias 240 g ÷ 57 = 4,2 g et tilapia 1 120 g ÷ 72 = 15,8 g. Le poids total d'alevins nécessaire est donc de : Clarias 1 300 × 4,2 g = 5 460 g soit 5,5 kg et tilapia 1 300 × 15,8 g = 20 540 g soit 20,6 kg.

Après d'être pesés les alevins sont mis directement dans un seau rempli de quelques litre d'eau. Les alevins sont de suite transportés vers l'étang. Le récipient contenant les poissons est placé document dans l'eau. En basculant ce récipient un peu les alevins peuvent sortir d'eux-mêmes en nageant. Ne versez jamais les poissons directement dans le bassin. Evitez une différence de température trop élevée entre l'eau du récipient et l'eau de l'étang.

3.2.4. Fertilisation

La production naturelle de l'étang doit être augmentée et/ou maintenue par fertilisation afin de garantir une quantité optimale d'aliment naturel. Le tilapia O. niloticus a un régime alimentaire naturel microphage avec une préférence phytophage, le silure C. lazera est omnivore avec une nette tendance prédatrice. Dans un bassin de polyculture de ces deux espèces le tilapia mange donc : phytoplancton, zooplancton, benthos et algues épiphytes (des algues attachées à un substrat ou une plante) et le silure : zooplancton, benthos et les alevins de tilapia.

La manière la plus simple et économique de fertiliser le bassin de pisciculture est la compostière. Les produits fertilisants sont placés dans un enclos qui se trouve dans un angle de l'étang. La compostière est remplie avec des déjections animales (fumier) fraîches ou séchées, du matériel végétal (herbes, feuilles, drèches, graines de coton, tourteaux, fruits gâtés, dóchets ménagers, cendres etc.) ou du compost.

L'utilisation de compost à base de fumier ou de matériel végétal est peu répandu puisque la fabrication de ce dernier demande beaucoup de temps et de travail. Elle consiste en empilant plusieurs couches de produits végétaux (herbes, feuilles hachées, etc.) ou de fumier et en y ajoutant une pelletée de terre superficielle a chaque couche. Cette pile est construite dans un endroit ombragé à l'abri de la pluie. Cette pile est arrosée de temps à l'autre pour qu'elle pourrisse plus vite. Le compost peut être utilisé après un mois de décomposition.

La compostière est remplie avant la mise en eau de l'étang. On la remplit avec du compost ou dans la plupart des cas on empile plusieurs couches de matériel végétal et de déjections animales. Une première couche est formée de paille, la deuxième de matériel végétal la troisième de déjections animales (provenant de moutons, chèvres, vaches, chevaux, porcs, poules ou canards) et ensuite on répète les mêmes couches. La compostière est bien entassée avant de commencer le remplissage du bassin.

Une fois par quinze jours ou trois semaines, suivant la vitesse de la décomposition des matières organiques, on y ajoute des produits fertilisants. Quand la couleur et/ou la transparence sont optimales, on n'y ajoute plus rien (voir 2.5.3.) Si l'on n'utilise que du matériel végétal ou du compost à base de matériel végétal l'enclos doit toujours rester rempli jusqu'à la surface de l'eau.

Une autre façon de fertiliser l'étang est l'association de l'élevage de poissons à l'élevage d'animaux. Les animaux sont gardés au dessus de l'étang (volaille) ou sur la digue (porcs) et leurs déjections tombent directement dans l'eau. Ainsi une fertilisation permanente de 10 poules/canards ou de 0,5 à 1,0 porc par are est conseillé. Si on met plus d'animaux, l'on risque d'avoir un manque d'oxygène dans l'eau.

3.2.5. Alimentation

L'alimentation naturelle de l'étang, augmentée au maximum grâce à une fertilisation optimale, ne pourra jamais satisfaire le besoin alimentaire des poissons. Une alimentation supplémentaire est obligatoire. Des sous-produits agricoles riches en énergie tels que des drèches de brasserie, de son de riz ou de blé, mais plutôt des produits énergétiques riches en protéines tels que les tourteaux de coton arachides, soya ousesame devront être distribues deux fois par jour, le matin (7 heures) et le soir (5 heures). L'aliment est distribué sous forme de poudre (broyé machinalement ou dans un mortier) dans un cadre flottant fixé dans la partie moyennement profonde de l'étang. L'alimentation dans un cadre fixe stimule l'ingestion directe de la nourriture (les poissons s'habituent très vite à s'alimenter à un endroit fixe) et empêche que la nourriture se disperse sur toute la superficie de l'étang. En flottant elle aurait la tendance de fonctionner comme produit fertilisant au lieu d'aliment. Dans le tableau 5 se trouve la ration alimentaire de tourteaux (matière sèche) pour chaque mois d'élevage. Il est conseillé d'augmenter la ration de 50 % si l'on ne dispose que des produits tels que du son ou de la drèche.

En général, les poissons se disputent la nourriture à la surface. Ainsi dispose-t-on d'un parfait critère d'ingestion et d'observation. La quantité de nourriture doit être ajustée selon l'appétit des poissons, c'est-à-dire diminuée s'il reste de la nourriture et augmentée si l'aliment est trop disputé et par conséquent consommé entièrement dans très peu de temps.

Tableau 5
Ration mensuelle de tourteaux pour l'élevage mixte
MoisQuantité
(g/are/jour)
Ration alimentaire approximatif
(÷ biomasse)
12008,5
23005,5
34003,5
45002,5
56002,0
6700–9001,5

La quantité d'aliment est déterminée à l'aide d'une balance ou d'une boîte à conserve, dont on a déterminé auparavant le poids de son contenu.

Exemple : Vous avez un étang de 650 m2 (= 6,5 are), vous êtes dans le 5ème mois d'élevage et vous disposez d'une boîte à conserve : contenant 500 g de tourteaux. Dans le 5ème mois vous devrez nourrir : 600 g/are/jour. Vous nourrissez : 600 g/are/jour × 6,5 ares = 3 900/g/jour. Ceci correspond à 3 900 g ÷ 500 = 7,8 soit 8 boîtes. Vous distribuez donc : 4 boîtes d'aliment le matin et 4 boîtes le soir.

3.2.6. Gestion

La gestion d'un étang d'élevage mixte nécessite des contrôles réguliers pendant tout le cycle d'élevage afin de garantir une bonne croissance et une survie élevée. Il faut :

3.2.7. Vidange et commercialisation

La récolte des poissons est effectuée au bout d'environ 6 mois d'élevage lorsque les poissons ont atteint un poids assez gros pour être vendus (Clarias 200 à 250 g, tilapia 80 à 100 g). Il est conseillé de vérifier le poids moyen des poissons au début du 6ème mois. Un échantillon de poissons est pris avec un épervier. Le résultat de cette pêche de contrôle permet de fixer la date de la récolte de tous les poissons.

La quantité de poissons à récolter dépend de la taille du bassin. Il faut compter une production de 40 à 60 kg/are. La façon de vidanger l'étang est en fonction de cette quantité de poissons (donc la taille du bassin) et la capacité du marché (= la quantité de poissons que l'on peut vendre dans une journée). Cette capacité n'est pas toujours stable mais varie selon l'époque du mois ou de l'année. Quand la quantité de poissons espérée est inférieure à la capacité du marché, on vide toute l'eau de l'étang et les poissons récoltés sont vendus le jour même. Quand la quantité de poissons espérée excède la quantité que l'on pourrait vendre par jour, on procèd de manière suivante :

  1. Pendant un ou plusieurs jours en récupère une partie des poissons à l'aide d'une senne après quoi, l'étang est vidé complement la dernière journée de la vente ;

ou

  1. L'étang est vidé complètement, tous les poissons sont récupérés, stockés et gardés vivants, après quoi on les vend en plusieurs jours.

La deuxième méthode est moins utilisée puisqu'elle nécessite une infrastructure plus importante (bacs ou étang de stockage) et un débit d'eau élevé pour le renouvellement de l'eau des bacs ou de l'étang de stockage.

Exemple : Vous vidangez votre étang de 6,5 ares et vous pouvez vendre au maximum 100 kg/jour. La quantité de poissons espérée est de : 6,5 ares × 50 kg/are = 325 kg. La vente des poissons est répartie sur : 325 kg ÷ 100 kg/jour = 3,25 jours soit 4 jours. Vous enlevez donc d'abord pendant 3 jours environ 100 kg/jour avec la senne et la 4ème jour vous videz complètement l'étang.

La vidange et/ou le sennage sont effectués le matin de bonne heure lorsqu'il fait encore frais. L'étang est vidangé complètement soit par la moine soit en pratiquant une ouverture dans la digue, à son extrémité profonde. Une grille est placée à la sortie de manière à ne perdre aucun poisson. Ces derniers sont récupérés soit dans la pêcherie soit dans l'étang avec des épuisettes ou des paniers. Les poissons récoltés sont d'abord bien rincés après quoi on les trie sur une table de tri. Ensuite, ils sont pesés et placés espèce par espèce dans des récipients et vendus immédiatement. La vente des poissons peut être facilitée en utilisant un chariot sur lequel on place deux demi-fûts de 100 l chacun. Ainsi on peut transporter 100 à 150 kg de poissons. Les récipients avec les poissons sont toujours gardés à l'ombre.

Il est d'une très grande importance de vider toute l'eau et de récupérer tous les poissons, surtout tous les silures. Un seul silure échappé peut être responsable pour la disparition complète des alevins d'un nouveau cycle d'élevage.

Les courbes de croissance et de biomasse des deux espèces se trouvent dans les figures 1 et 2. Le tableau 6 montre l'évaluation du poids moyen, de la survie et de la biomasse de chaque espèce. La biomas ou poids total d'un étang est égal(e) à :

nombre initial × survie × poids moyen.

Tableau 6
Evaluation de la production de chaque espèce d'une polyculture silure-tilapia
MoisSilureTilapiaTotal
PM
(g)
Survie
(%)
Biomasse
(kg/are)
PM
(g)
Survie
(%)
Biomasse
(kg/are)
Biomasse
(kg/are)
031000,6101002,02,6
115902,716852,75,4
245857,628703,911,5
3908014,446757,021,4
41357520,262809,830,0
51857527,77510015,142,8
62307534,69010018,052,6

Ce tableau montre que les tilapias se reproduisent au moins une fois, avant que les silures commencent à se nourrir des alevins de tilapia. Pour obtenir cette production il fallait une fertilisation adéquate de l'étang à l'aide d'une compostière et environ 800 à 100 kg de tourteaux.

Certains paramètres peuvent être calculés à base des résultats de vidange afin de pouvoir comparer la productivité de différents étangs ou de plusieurs types d'élevage. Les plus importants paramètres sont le rendement et le taux de conversion alimentaire ou quotient nutritif.

Le rendement est la production annuelle de l'étang exprimée par unité de superficie. On l'exprime en kg/are/an (petits étangs) ou en t/ha/an (grands étangs). La production de l'étang est la différence entre la biomasse finale moins la biomasse initiale.

production (kg)

= biomasse finale (kg) - biomasse initiale (kg) = (poids moyen × nombre final) - (poids moyen × nombre initial)

Exemple : Vous avez vidangé votre étang de 6,5 ares après 6 mois d'élevage.
Après 6 mois vous récoltez (voir tableau 6) : 6,5 ares × 52,6 kg/are = 341,9 kg (silure + tilapia). Vous avez empoissonné :
6,5 ares × 2,6 kg/are = 16,9kg (silure ♀ tilapia). Votre production est donc de :
341,9 kg - 16,9 kg = 325 kg par 6,5 ares par 6 mois ou 325 kg ÷ 6,5 ares = 50 kg/are par 6 mois ou 50 kg/are × 12 mois ÷ 6 mois = 100 kg/are/an.

Le taux de conversion alimentaire exprime l'effet de l'alimentation sur la production piscicole et est calculé :

Ce taux de conversion alimentaire est relatif pour ce type d'élevage parce que la production piscicole n'est pas uniquement due à l'alimentation supplémentaire mais aussi à la production naturelle. Les valeurs du taux de couversion alimentaire sont donc surestimées, c'est-à-dire trop bas.

Exemple : Vous avez obtenu une production de 325 kg (voir ci-dessus) et vous avez nourri 585 kg de tourteaux de coton.
Le taux de conversion alimentaire (ou quotient nutritif) est donc de :
585 kg : 325 kg = 1,8

Des rendements de 80 à 120 kg/are/an et des taux de conversion alimentaire de 1,5 à 2,5 peuvent être obtenus à condition d'une maîtrise complète de la méthode piscicole.

L'annexe 2 montre le résultat d'une enquête menée avec 12 pisciculteurs, à un village à proximité de Bangui, qui ont pratiqué la polyculture silure-tilapia pendant un an. Cette enquête démontre un rendement moyen de 97 kg/are/an. Pour atteindre ce résultat le pisciculteur s'est occupé 20 % de son temps de travail à la pisciculture. Trois quarts de ce temps a été pris pour la compostière (préparation, remplissage et entretien) et essentiellement pour le transport du fumier de poules (brouette) que le pisciculteur achète à 6 km de son village. Le bénéfice piscicole représente 24% du revenu total du pisciculteur.

3.3. Monoculture de C. lazera

La monoculture du silure vise à obtenir des productions élevées. Ces productions peuvent être réalisées puisque l'on peut peupler le silure à des densités élevées grâce à son organe respiratoire accessoire avec lequel il obtient de l'oxygène directement de l'air.

La densité du peuplement est tellement élevée que la production naturelle n'est qu'une fraction du besoin alimentaire des poissons. La croissance de silures dépend presque complètement de l'aliment artificiel. Il est évident que cet aliment doit contenir tous les éléments nutritifs nécessaires à une croissance optimale des silures.

L'élevage monospécifique du silure basé sur une densité élevée et une alimentation artificielle, demande une technicité beaucoup plus élevée que pour la polyculture et un investissement assez important. Ce type d'élevage est uniquement à la portée des pisciculteurs confirmés. Ceux-ci sont des très bons pisciculteurs ayant prouvés d'avoir compris le principe d'élevage. Il faut d'abord investir (alevins et surtout la nourriture), ensuite soigner les animaux avant de pouvoir récupérer cet investissement ainsi qu'une bénéfice à la vidange.

3.3.1. Préparation de l'étang

La préparation de l'étang est décrite en paragraphe 3.2.1., avec une seule différence qu'un étang de monoculture ne nécessite pas un enclos pour la compostière.

3.3.2. Mise en eau

La mise en eau est identique à celle de l'étang de polyculture (voir 3.2.2.).

3.3.3. Mise en charge

Les alevins de 1 g (provenance écloseries) ou de 3 à 6 g (provenance étangs) sont peuplés à une densité de 10/m2.

3.3.4. Alimentation

L'aliment complet artificiel est fabriqué avec des sousproduits agricoles disponibles localement, complété avec de produits chimiques contenant des vitamines et des minéraux. La composition de cet aliment, la fabrication, ainsi que le stockage, sont discutés dans le tôme 4 de cette série (Doc. Tech. n° 23).

L'aliment est distribué en forme de granulés afin d'assurer l'ingestion complète de tous les ingrédients, mêmes ceux présents dans des très faibles quantités (vitamines, minéraux).

La quantité de granulés à distribuer par are et par jour se trouve dans la fiche technique de cet élevage (tableau 7). Les silures sont alimentés trois fois par jour, le matin (7 heures) le midi (12 heures) et le soir (5 heures). Il est important de distribuer l'aliment toujours au même endroit (de préférence dans un cadre) sur une superficie d'environ 2 à 3 m2 afin de réduire au maximum la compétition alimentaire entre les silures. Ne distribuez pas l'aliment sur toute la superficie de l'étang. La quantité d'aliment est déterminée à l'aide d'une balance ou d'une boîte à conserve dont on a déterminé auparavant le poids de son contenu.

Exemple : Vous avez un étang de 6,5 ares et vous êtes dans la 7ème semaine d'élevage et vous disposez d'une boîte à conserve contenant 600 g de granulés. Le tableau 7 indique que vous devrez alimenter 400 g/are/jour (6ème et 7 ème semaine). Vous alimentez donc : 6,5 ares × 400 g/are/jour = 2.600 g/jour.
Cette quantité d'aliment est distribuée en trois fois. Vous distribuez : 2 600 g ÷ 3 = 870 g le matin, le midi et le soir. Ceci correspond à : 870 ÷ 600 = 1,45 soit 1,5 boîtes. Vous distribuez donc 3 fois par jour 1,5 boîtes.

Le comportement des silures pendant l'alimentation est difficile à observer. Les granulés tombent au fond de l'étang. Des bulles d'air qui remontent à la surface sont la seule indication que les silures mangent. De temps à autre un silure monte à la surface pour prendre de l'air. Il est donc presque impossible à savoir si tout l'aliment est ingéré.

Une fois chaque 4 à 6 semaines on vérifie le poids et la condition des silures à l'aide d'un échantillon pêché avec un épervier. Cette pêche de contrôle permet d'ajuster la quantité d'aliment (voir tableau 7). Dans ce tableau on a calculé la biomasse approximative et la quantité d'aliment par jour par rapport au poids moyen. Cette dernière est calculée par : biomasse × ration alimentaire (% de la biomasse). Evitez la suralimentation des poissons. L'aliment non ingéré fonctionne comme produit fertilisant et le risque de déséquilibre du système biologique augmente due à une surfertilisation.

Tableau 7
Fiche technique d'un élevage monospécifique de C. lazera
(densité initiale 10/m2)
SemainePoids moyen
(g)
Survie
(%)
Biomasse
(kg/are)
Ration alimentaire
(%)
Quantité d'aliment
(g/are/jour)
011001,020200
25703,57,5250
410656,54,5300
6186010,84,0400
827 16,23,3525
1036 21,63,0650
12525528,62,7775
1465 35,72,6900
1679 43,42,41 025
181025051,02,31 150
20130 65,02,11 350
22160 80,01,91 500
24200 100,01,8récolte

Exemple : Le poids moyen est 50 g. Le tableau indique une survie de 55 %. Le nombre de poissons par are est :

1 000 (nombre initial) × 55 ÷ 100 = 550

Le poids total est calculé :

550 × 50 g = 27 500 g soit 27,5 kg

Le tableau indique une ration alimentaire de 2,7 %. La quantité d'aliment par are est donc :

27,5 × 2,7 ÷ 100 = 0,743 kg soit 743 g.

3.3.5. Gestion

Le but de l'élevage monospécifique est d'obtenir une production élevée. Cette production peut seulement être réalisée quand l'étang est géré de manière que tous les facteurs qui influencent la croissance (aliment adéquat, indemne de toxines, taux d'oxygène, qualité d'eau) et la survie (prédation, maladies, vol, fuite d'eau, inondation) soient optimaux.

Les contrôles journaliers sont discutés dans les paragraphes 2.7. et 3.2.7.

L'observation des silures élevés en monoculture est difficile, d'abord parce que les poissons s'alimentent au fond du bassin et ensuite parce que la transparence de l'eau est souvent très faible due à des activités fouilleuses des silures dans la vase. Ainsi l'argile et le détritus sont en permanence tenus en suspension. Ceci diminue aussi la production naturelle de l'étang (manque de photosynthèse dû à un manque de luminosité).

De temps à autre on peut essayer d'observer le comportement des poissons en distribuant quelques granulés à la fois. Parfois les plus gros silures remonteront à la surface, afin de se disputer ces quelques granulés.

Dans le tableau 7 se trouve l'évaluation typique du poids moyen d'un élevage monospécifique peuplé à une densité initiale de 10/m2. Cette évaluation du poids moyen, la condition des poissons (pêche de contrôle) et le comportement de ceux-ci sont les plus importantes indications pour mener à terme la monoculture de C. lazera.

Une augmentation excessive du poids entre deux pêches de contrôle indique généralement une diminution importante de la survie due à :

  1. vol de poissons ;

  2. la perte de poissons (fuite d'eau, grilles enlevées ou inondation) ;

  3. prédation.

Dans tous ces cas, il faut diminuer de manière rigoureuse la quantité d'aliment; Parfois il est même conseillé de vidanger le bassin afin de déterminer le nombre exact de poissons.

Une stabilisation ou une faible augmentation du poids moyen indique :

  1. une survie élevée ;

  2. des problèmes de maladies, souvent accompagnés de mortalités. Ceci est confirmé par une mauvaise condition des poissons (pêche de contrôle) et une diminution de l'appétit et parfois la présence de poissons morts.

Dans le premier cas, il faut augmenter la quantité d'aliment tandis que dans le deuxième cas on la diminue.

3.3.6. Vidange et commercialisation

Après environ 6 mois, quand les silures ont atteint un poids suffisamment gros (200 à 250 g), on peut vidanger l'étang et vendre tous les poissons. Le calcul de la date de vidange, la vidange et la commercialisation ont été décrites en détail au paragraphe 3.2.7.

Des productions de 180 à 240 kg/are/an et des taux de conversion de 1,5 à 2 peuvent être obtenues en maîtrisant complètement la méthode de cet élevage monospécifique de C. lazera.

Les figures 3 et 4 montrent les courbes de croissance et de biomasse relatives à un élevage typique du silure à une densité initiale de 10/m2 (tableau 7).

3.4. Maladies

Des organismes pathogènes sont toujours présents dans chaque étang. Ces organismes (virus, bactéries, parasites) sont en permanence en contact avec le poisson (peau et ouies). Dans des conditions d'élevage optimales, ces organismes pathogènes et les silures vivent en équilibre. Cet équilibre peut être perturbé par une mauvaise qualité d'eau, une sur-alimentation ou un déséquilibre écologique de l'étang. La résistance des poissons est affaiblie par un mauvais aliment (manque d'ingrédient, vitamines périmées) ou une sous-alimentation. En général, il en résulte qu'un ou plusieurs de ces organismes pathogènes profilèrent et que le système de résistance des poissons ne fonctionne plus après quoi des maladies apparaissent. Les jeunes poissons (larves, alevins et fingerlings) sont les plus vulnérables puisque leur système d'autorésistance ne fonctionne pas encore d'une manière convenable.

Des silures stressés ou malades sont reconnus par un comportement anormal, tel qu'un manque d'apétit, position verticale à la surface, mouvements lents, etc. ou par des symptômes cliniques tels que des tâches blanches, des barbillons raccourcis, des ulcères, les yeux gonflés, etc…

Il est donc très important de vérifier tous les jours le comportement et la condition des poissons. L'alimentation et la pêche de contrôle sont des moments idéaux pour ces observations.

Jusqu'à présent on n'a jamais obtenu une perte importante due à des maladies virales, bactérielles, fongiques ou parasitaires. Ces maladies sont discutées dans le premier tôme de cette série (Doc. tech. no20).

Une seule maladie importante a été rencontrée :

Symptômes :Les yeux gonflés, les os affaiblis, nécrose de l'organe respiratoire accessoire. A un stade plus avancé la maladie se généralise hémorragie, septicémie et le cartillage des os craniens devient nécrotique. On distingue une nette ligne rouge (hémorragie) transversalement sur le crâne du silure. Finalement le crâne fend suivi par la mort du poisson.
Diagnose    :Maladie du crâne fendu. Cette maladie est probablement due à une dégradation de la qualité de l'eau. La suralimentation et le manque de lumière sont responsables pour une accumulation de matériel organique au fond de l'étang suivi par un manque d'oxygène et une prolifération des bactéries. C'est dans ce milieu contaminé et malsain au fond de l'étang que les silures vivent. Cette maladie a été constaté en écloserie et chez le silure américain et asiatique dans les mêmes conditions.
Prophylaxie et therapie      :La meilleure prophylaxie est d'éviter une suralimentation et d'assurer une bonne qualité d'aliment (vérifier que les micro éléments ne sont pas périmés). Dès les premiers symptômes, il faut augmenter le débit d'eau de manière considérable et renouveler régulièrement l'eau de l'étang ainsi que diminuer la ration alimentaire. Après 3 à 4 semaines, quand le comportement et la condition des poissons sont devenus normaux, on peut augmenter la quantité d'aliment.

3.5. Gestion d'une ferme artisanale

La taille et le nombre d'étangs que l'on peut construire dépendent du débit d'eau disponible au moment où on envisage de les remplir. Le débit d'eau pendant la saison sèche devrait être suffisant pour compenser la perte d'eau due à l'évaporation et l'infiltration. En général, on compte 10 1/s pour chaque hectare d'étangs. La taille des étangs, conseillée entre 4 et 10 ares, est calculée en fonction du fait de pouvoir remplir chaque étang dans 2 jours (voir 3.2.2.).

Il est fortement déconseillé de projeter une vidange ou un remplissage pendant la saison sèche. Les vidanges sont réparties de manière homogène sur la période de l'année où l'on dispose d'un débit d'eau suffisant.

Un plan de travail annuel est établi afin de pouvoir gérer la station piscicole. Il est important de savoir quand on doit remplir les bassins, combien d'eau et combien d'alevins on a besoin, combien d'aliment est nécessaire (faire la commande bien en avance). et quand se feront les vidanges.

Les annexes 3 et 4 montrent les comptes d'exploitation d'un étang ou d'une ferme piscicole à proximité de Bangui. Ces annexes donnent une idée sur les montants l'investissement et de bénéfices d'une telle exploitation.


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