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2. Les problèmes rencontrés par les intervenants dans le cadre de l’approvisionnement alimentaire des villes


2.1 Les contraintes économiques
2.2 Les contraintes administratives
2.3 Les contraintes législatives pour les commerçants
2.4 Les contraintes d’infrastructures et d’équipements
2.5 Les contraintes organisationnelles
2.6 Les contraintes humaines et sociales

Depuis la libéralisation des économies, peu de problèmes antérieurs ont été réglés; par contre, un certain nombre de nouveaux problèmes sont apparus, principalement à cause du retrait précipité des Administrations des filières alimentaires (sur la demande des grands bailleurs de fonds) et de la difficulté de jour ce rôle par les opérateurs privés qui n’étaient pas préparés à cela. On peut parler d’une certaine forme de désorganisation des filières.

L’approvisionnement des villes qui, autrefois, était planifié et effectué par l’Etat, est désormais réalisé sans une véritable vue d’ensemble car les opérateurs directs travaillent sans coordination, faute d’organismes professionnels qui centralisent les informations, analysent les situations et coordonnent les actions.

Les contraintes citées ci-dessous seront parfois contradictoires selon le point de vue du professionnel qui s’exprime. Cela montre qu’il y a un manque de concertation et de coordination important entre les opérateurs eux-mêmes, et entre les opérateurs et l’Administration.

2.1 Les contraintes économiques


2.1.1 Pour les producteurs
2.1.2 Pour les commerçants
2.1.3 Pour les transporteurs
2.1.4 Pour les agents des services publics
2.1.5 Pour les administrateurs de marchés
2.1.6 Pour les banques
2.1.7 Pour les Chambres de commerce
2.1.8 Pour les consommateurs

2.1.1 Pour les producteurs


2.1.1.1 Le prix élevé des intrants agricoles
2.1.1.2 Les difficultés d’écoulement des récoltes
2.1.1.3 Les prix de vente peu rémunérateurs par rapport aux prix de revient

2.1.1.1 Le prix élevé des intrants agricoles

Celle-ci est une contrainte constante pour tous les producteurs et est l’une des conséquences du PAS. En effet, la liquidation des sociétés d’Etat qui assuraient l’importation et la distribution des engrais, des semences, des produits phytosanitaires ou du matériel agricole, et la suppression des subventions aux intrants recommandées dans le PAS ont contribué au renchérissement de tous les intrants agricoles et, donc, à une baisse de leur consommation.

Cette même contrainte existe pour les éleveurs (produits vétérinaires) et pour les pêcheurs (acquisition de filets, nasses, et moteurs hors-bord). Elle s’est trouvée aggravée avec la dévaluation du FCFA intervenue en janvier 1994.

2.1.1.2 Les difficultés d’écoulement des récoltes

Tous les producteurs, en période de récolte, se plaignent de la difficulté de vendre leurs produits. Pour les produits céréaliers, le stockage est envisageable par le paysan, mais pour les fruits et légumes, cela s’avère impossible sans apporter une transformation minimum (séchage). Celle-ci est cependant peu utilisée par rapport aux volumes de production. Cela signifie que le gros de la récolte se retrouve mis en marché au même moment. La capacité d’absorption des produits par les circuits de commercialisation et par les consommateurs étant limitée, de gros volumes de produits sont perdus pour les fruits et légumes, et les prix sont très bas pour l’ensemble des produits: céréales, fruits et légumes, viande, poisson.

Pour les produits comme les céréales, la vente (qui pourrait être différée car le stockage est possible) doit se faire dès la récolte pour acquérir l’argent nécessaire aux remboursements des dettes contractées auprès des commerçants pour les dépenses vestimentaires, de santé, d’équipements.

Les difficultés d’écoulement des produits peuvent provenir aussi de la concurrence des produits importés qui inondent les marchés à toutes les périodes de l’année.

2.1.1.3 Les prix de vente peu rémunérateurs par rapport aux prix de revient

Les paysans se plaignent du prix trop bas offert pour leurs produits. Ils sont souvent en état de faiblesse dans le rapport de force qui les oppose aux négociants pendant la discussion des prix. Plusieurs cas se présentent, toujours négatifs pour le producteur:

2.1.2 Pour les commerçants


2.1.2.1 L’insuffisance des fonds de roulement
2.1.2.2 La difficulté d’accès aux crédits bancaires
2.1.2.3 Le manque de transparence dans l’allocation de devises

2.1.2.1 L’insuffisance des fonds de roulement

Les commerçants, dans leur ensemble, se plaignent du manque de fonds pour augmenter leurs achats et donc leurs bénéfices.

Les revendeurs et les collecteurs qui travaillent pour leur propre compte, et même les grossistes régionaux, ont trop souvent des fonds insuffisants pour acheter de grandes quantités de produits. Leur capital étant faible, ces opérateurs ne peuvent pas se permettre un long stockage des produits. Ils vendent le plus rapidement possible pour récupérer leur capital et le faire tourner afin de dégager la marge bénéficiaire qui fera vivre leur famille. Cette contrainte affaiblit leur pouvoir de négociation et les oblige à se contenter de faibles marges bénéficiaires.

Pour les collecteurs et les femmes qui font la revente, les bénéfices sont si faibles qu’ils sont entièrement utilisés pour les dépenses journalières de nourriture de la famille. Le capital n’augmentant pas, l’activité commerciale stagne et devient assez précaire. La moindre perte vient diminuer le capital.

La faiblesse des fonds de roulement des collecteurs empêche le groupage de quantités importantes de produits locaux au stade de la collecte. Le fractionnement des achats à ce stade et leur transport à des prix élevés renchérissent le coût des produits par rapport aux importations qui descendent des bateaux par gros tonnage. C’est le cas, par exemple, du riz produit localement comparé au riz importé des pays asiatiques.

2.1.2.2 La difficulté d’accès aux crédits bancaires

Une autre plainte régulière des commerçants concerne l’inaccessibilité à des prêts bancaires. Les banques commerciales exigent des garanties que les commerçants ne peuvent pas fournir.

Les banques installées en Afrique sont généralement des banques commerciales dont la maison mère est en Europe. Ces banques ne sont pas adaptées aux commerçants africains car les garanties classiques qu’elles demandent ne sont pas à la portée de tous les commerçants.

Les collecteurs et les grossistes régionaux sont généralement exclus du système bancaire, soit parce qu’ils présentent des garanties immobilières non transformables en argent, soit parce qu’ils n’ont pas de compte en banque, soit encore parce qu’il n’y a pas de banque dans leur préfecture. Les importateurs, basés dans les capitales, sont les clients privilégiés, mais les taux de crédit excessifs qui sont appliqués découragent beaucoup d’entre eux.

Dans beaucoup de pays, les projets agricoles ont des cellules de crédit destinées principalement aux producteurs. Très peu de projets se sont intéressés au cas des commerçants. De plus, le caractère passager des projets fait que ce système de crédit n’est pas une solution viable aux problèmes de financement des commerçants africains.

On constate cependant, actuellement, le développement de crédit rural ou de crédit mutuel très adaptés aux systèmes sociaux africains. Mais il faut constater qu’ils sont développés surtout pour les coopératives de producteurs (zone cotonnière du Mali). Il existe, toutefois, quelques exemples intéressants comme le crédit mutuel développé dans la zone de Labé en Guinée, et qui concerne les femmes commerçantes.

2.1.2.3 Le manque de transparence dans l’allocation de devises

Cette contrainte concerne tout particulièrement la Guinée qui possède sa propre monnaie, le franc guinéen. C’est une plainte émise par les importateurs qui ne comprennent souvent pas les raisons du refus de leur demande de devises.

Dans ce pays, l’Etat intervient sous forme de réglementation de l’allocation de devises (plafonnement des montants de devises attribuées, fixation de taux de couverture en monnaie locale des montants en devises demandés, etc.). Dans la pratique, il n’y a pas de transparence dans l’allocation des devises. Les critères de sélection pour l’obtention des devises et la fixation des montants restent flous, ce qui désoriente la majorité des commerçants qui désirent avoir accès aux devises.

2.1.3 Pour les transporteurs


2.1.3.1 Le prix élevé des pièces de rechange
2.1.3.2 Le manque de fonds pour entretenir le matériel roulant

2.1.3.1 Le prix élevé des pièces de rechange

Tous les transporteurs signalent cette contrainte. Pour eux, elle est d’importance car ils ne peuvent acheter des pièces de rechange neuves dont le prix est excessif. Or, sans pièces de rechange, leurs camions restent immobilisés.

Dans certains pays d’Afrique (Guinée, Mali, Côte d’Ivoire), les pièces détachées, massivement importées du Nigeria, rentrent parfois dans le pays en échappant à la vigilance des douanes. On peut alors les retrouver sur le marché à des prix abordables. Cependant, le gros des importations se fait avec les droits de douanes acquittés et les produits se retrouvent sur le marché à des prix inabordables pour un petit transporteur. La solution, pour ces derniers, ce sont les pièces de rechange d’occasion. Mais la demande est telle que les ruptures de stocks sont fréquentes.

Dans les deux cas, les véhicules sont immobilisés parfois pendant des mois et, dans les petites villes de préfecture où il n’y a qu’un ou deux camions, le commerce des produits est particulièrement touché.

2.1.3.2 Le manque de fonds pour entretenir le matériel roulant

Les transporteurs, qui sont souvent aussi des commerçants, ont le même problème de fonds de roulement pour l’entretien de leur camion que pour l’achat de produits pour leur commerce. Ils le signalent très souvent lors des discussions avec eux.

Dans des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, certains transporteurs possèdent un parc de véhicules qui compte plusieurs dizaines de camions ou de taxis-brousse. Ces transporteurs n’ont pas de problèmes de fonds de roulement car ils entretiennent d’excellentes relations avec les banques. Mais la grande majorité, constituée par les petits transporteurs, a des fonds de roulement insuffisants et quand un véhicule tombe en panne, il reste immobilisé pour de longues périodes. Il existe de nombreux exemples où, pour une panne de cardan, des camions ont été définitivement mis hors d’usage car le propriétaire n’avait pas les moyens d’assurer les frais de réparation.

2.1.4 Pour les agents des services publics


2.1.4.1 La faiblesse du budget de fonctionnement et d’équipement
2.1.4.2 Les bas salaires

2.1.4.1 La faiblesse du budget de fonctionnement et d’équipement

Il est plus que courant d’entendre dire par les chefs de services administratifs qu’il n’y a pas d’argent pour assurer le travail courant des fonctionnaires. Pour assurer le travail de terrain (visites, enquêtes, etc.), et même le dépouillement et l’analyse des dossiers dans les bureaux, les Administrations centrales et locales ont des budgets insuffisants. Cette contrainte réduit considérablement leur efficacité.

L’assistance technique des bailleurs de fonds, dont bénéficient certaines Administrations, s’efforce de pallier cette insuffisance en apportant un concours financier et logistique substantiel. Mais cet apport étranger est toujours limité dans le temps et ne saurait être la réponse adéquate à ce problème budgétaire.

2.1.4.2 Les bas salaires

C’est une plainte générale faite par l’ensemble des fonctionnaires. Les salaires sont souvent dérisoires pour nourrir la famille et assurer les autres dépenses nécessaires. Les fonctionnaires et autres agents des services publics sont alors tentés par d’autres activités plus lucratives (petit commerce parallèle par exemple) et, ce faisant, abandonnent très régulièrement leur poste pendant plusieurs heures de la journée. Dans la plupart des cas, ils se laissent aller à des solutions de facilité qui se traduisent par des actes répréhensibles (corruption, racket, escroquerie, etc.).

2.1.5 Pour les administrateurs de marchés

La très grande majorité des administrateurs des marchés se plaint du manque de fonds pour réaliser des investissements sur le marché. Cette revendication vient principalement des faibles rentrées financières qui sont faites à partir des marchés.

Le rôle principal des administrateurs des marchés est le recouvrement de la taxe de marché qui rentre dans le budget communal, préfectoral ou national. Cependant, de grandes difficultés font que le taux de recouvrement reste faible; il s’agit du mauvais recensement des opérateurs du marché, du mauvais calcul de l’assiette de la taxe, du nomadisme de certains commerçants qui changent de place plusieurs fois par jour, et de la mauvaise foi des opérateurs.

Une autre difficulté, et non des moindres, est le manque de probité de certains agents chargés du recouvrement qui préfèrent percevoir la moitié ou le tiers de la taxe due qu’ils gardent pour eux au détriment de l’Administration des marchés.

2.1.6 Pour les banques

Lorsqu’on leur parle ligne de crédit, les banquiers répondent garantie bancaire. Toutes les banques d’Afrique de l’Ouest souffrent de sur-liquidité qui ne trouve pas preneur faute de garanties suffisantes de la part des clients.

Le bétail ou l’immobilier peuvent être des garanties suffisantes dans des conditions de vie de sociétés européennes. En Afrique, le bétail, par exemple, dans sa composition et sa domiciliation, est insaisissable en raison de la pratique du nomadisme (les troupeaux se déplacent d’une région à l’autre selon les saisons et les possibilités de pâturage) et de l’élevage extensif. Quant à l’immobilier, les banques ne peuvent souvent pas les transformer en liquidité après la saisie car les africains ne se portent pas acquéreurs des locaux par solidarité avec celui qui est en litige avec la banque. Un habitant de la ville ou un voisin qui se porterait acquéreur serait mal jugé par la communauté sociale. Trop de banques ont ainsi perdu des millions de FCFA pour des crédits accordés sur des garanties inopérantes.

Pour les banques, les risques de traiter avec des opérateurs n’ayant pas suffisamment de couverture financière sont élevés, ce qui fait que leur clientèle préférée reste les importateurs qui prennent des crédits à court terme et à taux d’intérêt élevés, et dont le produit est localisé dans des magasins connus.

2.1.7 Pour les Chambres de commerce

Lorsqu’on discute avec les responsables de Chambres de commerce, on est toujours étonné du peu d’actions menées par la Chambre consulaire. Celle-ci répond que son budget de fonctionnement est très restreint.

Les ressources des Chambres de commerce sont constituées généralement de centimes additionnels que les Services de douanes leur reversent et de différentes subventions consenties par les Etats. Ces revenus sont souvent assez faibles. Cependant, depuis la libéralisation de l’économie et la nomination des Présidents de Chambre par les adhérents, et non plus par les Gouvernements, les Chambres de commerce développent des actions lucratives dans le but d’accéder à l’autonomie financière. Dans certains pays, comme le Burkina Faso, la Chambre de commerce est en passe de devenir une institution privée possédant des actions dans beaucoup de secteurs de la vie économique du pays.

2.1.8 Pour les consommateurs

Qu’il soit petit fonctionnaire, ouvrier ou petit commerçant, le consommateur africain a des revenus relativement modestes; c’est pour cette raison que la consommation des foyers sacrifie la diversification alimentaire à la recherche du produit le moins cher.

Le chômage et le sous-emploi qui affectent les africains depuis l’entrée en vigueur des PAS n’ont fait qu’aggraver cette situation. En effet, ceux qui perdent leur emploi n’ont, en général, d’autre recours que de vivre aux dépens du frère, de l’oncle ou du cousin encore actif, imposant une nouvelle répartition d’un revenu déjà assez faible.

Par ailleurs, la dévaluation du FCFA a contribué à l’érosion du pouvoir d’achat des foyers africains. Dans certains pays, comme la Côte d’Ivoire ou le Cameroun, la forte production alimentaire nationale est en passe de stabiliser les dépenses alimentaires et de réduire les effets négatifs de cette dévaluation. Par contre, au Sénégal et dans les pays sahéliens comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso, le renchérissement de l’ensemble des produits alimentaires (locaux ou importés), du fait de la dévaluation, reste un facteur préoccupant des politiques nationales de sécurité alimentaire.

Les consommateurs à petits revenus sont souvent condamnés à acheter sur des marchés de détail (marchés de quartier) car leur pouvoir d’achat ne leur permet pas d’acheter de grandes quantités. Et paradoxalement, ce sont eux qui vont payer proportionnellement le plus cher du fait de l’achat journalier en petites quantités.

2.2 Les contraintes administratives


2.2.1 Pour les commerçants
2.2.2 Pour les transporteurs
2.2.3 Pour les agents des Services publics
2.2.4 Pour les consommateurs

2.2.1 Pour les commerçants


2.2.1.1 Le contrôle des prix
2.2.1.2 Les autres contrôles administratifs
2.2.1.3 Les lenteurs administratives

2.2.1.1 Le contrôle des prix

Les commerçants se plaignent régulièrement de ne pas pouvoir vendre aux prix qu’ils désirent. Dans plusieurs pays d’Afrique, le contrôle des prix existe encore pour un certain nombre de denrées alimentaires (riz, sucre, pain, etc.). La vérification des factures pro forma, l’imposition d’un tarif plafond, l’homologation du coût de transport, qui sont des pratiques largement utilisées depuis longtemps, ne sont pas de nature à stimuler les commerçants dans l’approvisionnement alimentaire des villes.

2.2.1.2 Les autres contrôles administratifs

En plus du contrôle des prix, les commerçants sont soumis à d’autres contrôles administratifs qui, dans la pratique, donnent lieu à des abus. Ainsi, les services de contrôles phytosanitaires ou fiscaux défilent très régulièrement dans les magasins dans le but de rançonner les commerçants.

Les lois qui sont à la base de ces contrôles ne sont pas correctement appliquées par les agents de l’Etat. Elles le sont «à la tête du client» qui n’a ni les moyens ni l’autorité pour en vérifier la teneur.

Par ailleurs, dans certains pays comme la Guinée ou le Mali, la liquidation et la perception des droits de douanes donnent lieu à de graves malversations tendant à enrichir les agents des douanes et à escroquer les commerçants.

2.2.1.3 Les lenteurs administratives

Les commerçants perdent beaucoup de temps dans les Administrations locales ou nationales à cause de la lenteur qu’observent les agents dans le traitement des dossiers. Qu’il s’agisse de la délivrance des autorisations d’importation ou d’exportation, ou encore des formalités de douane ou de transit, les circuits des documents sont longs. Les agents peu motivés au plan salarial, ne sont pas pressés d’apposer les signatures et cachets. Ces retards donnent lieu à des intéressements financiers pour faire avancer le dossier plus rapidement. Les commerçants se plaignent beaucoup de ce temps perdu à attendre dans les bureaux de l’Administration.

2.2.2 Pour les transporteurs

Dans tous les pays africains, à quelques exceptions près, les barrages des Services de douane, de police et de gendarmerie sont caractérisés par de graves abus. Aussi bien à l’intérieur des pays qu’aux frontières, les véhicules sont arrêtés pendant de longues heures dans le seul but de rançonner les conducteurs et les passagers. Les conducteurs doivent obligatoirement payer des sommes forfaitaires, que les papiers soient à jour ou non; les passagers qui n’ont pas de pièces d’identité doivent payer aussi pour avoir le droit de continuer leur voyage. Il est bien évident que le commerçant répercute ces surtaxes sur le prix de son produit, et que c’est le consommateur qui finalement paie.

Sur les trains Dakar-Bamako et Abidjan-Ouagadougou, les mêmes abus sont constatés aux frontières. Ala frontière ivoirienne, tous les passagers de deuxième classe (classe fréquentée par la grande majorité des commerçants) sont obligés de descendre du train. Ils ne sont autorisés à remonter que lorsqu’une certaine somme a été versée par chacun d’eux aux autorités de la frontière.

2.2.3 Pour les agents des Services publics

Les agents des Services publics sont soumis à des pressions des chefs hiérarchiques ou des pressions politiques. Ils sont obligés d’exécuter des directives qui ne correspondent pas à l’esprit des textes régissant leurs attributions. Les agents qui ont le courage moral de refuser d’obtempérer à ces directives sont victimes de mutations arbitraires ou même de radiation sur la liste des employés.

2.2.4 Pour les consommateurs


2.2.4.1 La faiblesse des contrôles qualitatifs effectués par l’Administration
2.2.4.2 Le faible pouvoir des associations de consommateurs

2.2.4.1 La faiblesse des contrôles qualitatifs effectués par l’Administration

Dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, les Services de contrôle de l’hygiène et de la santé n’effectuent pas les contrôles sanitaires suffisamment souvent et ne sanctionnent pas assez fortement les contrevenants. En Guinée, par exemple, ces contrôles s’effectuent sur les produits alimentaires d’importation (laits en poudre, boîtes de conserve) où une date de peremption existe. Par contre, les produits vendus sur les marchés ne sont pas contrôlés.

Pour la viande, des contrôles sont exercés au niveau des abattoirs, mais pratiquement rien n’est fait lors de la revente sur les marchés. Si la viande provient d’abattoirs clandestins, aucun contrôle n’est fait.

En conséquence, les consommateurs sont à la merci de produits dangereux, sanitairement parlant, ou de prix prohibitifs sans fondement qualitatif.

2.2.4.2 Le faible pouvoir des associations de consommateurs

Ces associations sont en train de se mettre en place. Cependant, elles restent encore très embryonnaires et ne représentent pas encore un pouvoir important face à l’Administration et aux commerçants. On constate, cependant, que dans les grandes villes (capitales), les consommateurs commencent à réagir de plus en plus face à des produits mal présentés ou sanitairement dangereux. Ce sont encore des réactions en rangs dispersés mais qui laissent entrevoir une sensibilisation de plus en plus grande face aux problèmes d’hygiène, de prix et de présentation.

2.3 Les contraintes législatives pour les commerçants


2.3.1 Les réglementations rigides du commerce
2.3.2 L’aliénation de la législation au pouvoir politique
2.3.3 L’absence de loi sur la concurrence ou la mauvaise application de cette loi

2.3.1 Les réglementations rigides du commerce

Malgré la libéralisation en cours des activités économiques dans les pays africains, il existe encore des rigidités administratives et réglementaires qui freinent les activités des commerçants. Les opérations d’agrément, pour obtenir la qualité de commerçant, ont été beaucoup simplifiées dans un grand nombre de pays, mais le nombre de documents à fournir pour l’inscription au registre de commerce et les conditions éprouvantes pour les réunir font qu’on ne peut pas vraiment parler d’allègement des procédures.

2.3.2 L’aliénation de la législation au pouvoir politique

Dans beaucoup de pays, les réglementations commerciales ne sont pas appliquées de manière égale entre les commerçants. Dans de nombreux pays, les commerçants sont obligés de s’associer au pouvoir politique en participant au financement du parti au pouvoir ou en souscrivant aux dépenses de prestige du gouvernement, afin que leurs acquis ne soient pas remis en cause. Mais, depuis le début des années 90 qui a vu l’instauration du multipartisme en Afrique, ce phénomène d’allégeance des plus gros opérateurs au pouvoir politique s’est accentué. En effet, les opérateurs sont tenus de se ranger aux côtés du pouvoir et de participer à son financement pour ne pas être accusés de faire le jeu de l’opposition politique et d’être privés, pour cela, des licences nécessaires à la poursuite de leurs activités. Cette allégeance du commerçant devient un système pervers pour toute l’économie car le commerçant acquiert de grands privilèges dans l’attribution des marchés et ne paie pas, ou paie à des taux très bas, les droits de douane et les impôts. La législation commerciale existante n’est pas appliquée et les lois sont ignorées par tous afin que ces quelques gros pourvoyeurs financiers du pouvoir gardent leurs avantages.

2.3.3 L’absence de loi sur la concurrence ou la mauvaise application de cette loi

C’est la conséquence de l’aliénation des commerçants au pouvoir ou de la constitution de lobby de denrées alimentaires.

En Guinée, par exemple, les sociétés commerciales et les commerçants ne sont pas soumis aux mêmes conditions d’importations selon qu’ils travaillent pour le compte de l’Etat ou qu’ils soient de connivence avec le pouvoir, d’une part, ou de façon libre, d’autre part. La première catégorie n’est pas soumise aux procédures habituelles d’importation et est nettement privilégiée, au détriment de la deuxième catégorie qui stagne ou disparaît quelquefois. Ainsi en Guinée, en 1986, au début de la libéralisation du commerce, on comptait plus de quinze importateurs de riz, une trentaine d’importateurs de farine de blé et plus d’une centaine de commerçants pratiquant l’importation des denrées comme le sucre, l’huile végétale, les produits laitiers, etc. Aujourd’hui, l’importation du riz est monopolisée dans ce pays par trois ou quatre sociétés qui s’entendent, pratiquement, sur une répartition de quantités à importer de façon à soutenir les prix. Les importateurs des autres denrées, y compris la farine de blé, sont désormais une dizaine et forment une sorte de confrérie fermée aux autres opérateurs.

Le même phénomène existe au Burkina Faso dans certains secteurs économiques comme les travaux publics ou le traitement des peaux. D’autre part, la libéralisation en cours des importations de céréales (riz et blé) dans ce pays risque de concentrer ces opérations dans les mains d’une poignée d’opérateurs privilégiés.

2.4 Les contraintes d’infrastructures et d’équipements


2.4.1 Pour les producteurs et les transformateurs
2.4.2 Pour les commerçants
2.4.3 Pour les transporteurs
2.4.4 Pour les administrateurs de marchés
2.4.5 Pour les consommateurs

2.4.1 Pour les producteurs et les transformateurs


2.4.1.1 L’insuffisance des infrastructures de stockage et de transformation

2.4.1.1 L’insuffisance des infrastructures de stockage et de transformation

Du côté du stockage, beaucoup d’opérateurs se plaignent des pertes importantes enregistrées chaque année faute d’avoir des magasins convenables. Dans les zones de collecte, les magasins sont rares. Le stockage des produits a lieu dans les champs en plein air malgré les intempéries ou dans des greniers aux conditions de conservation souvent inadaptées. Beaucoup de commerçants utilisent les cases des villageois. Dans ces conditions, le produit s’abîme très vite et les pertes sont importantes.

Du côté de la transformation des produits, la première transformation, qui se fait manuellement dans la plupart des villages et qui est indispensable pour la consommation des produits, décourage en partie la production et la commercialisation. Dans presque tous les pays, les unités artisanales de transformation sont installées dans les villes. Dans les zones de production, on rencontre des décortiqueuses, des batteuses et d’autres matériels, principalement sur les lieux des projets ou des grandes exploitations privées ou publiques. Mais on ne peut parler de concentration des unités de mouture, de concassage etc. que dans les grandes villes.

Pour les denrées périssables, on constate, dans la plupart des pays, une pénurie cruciale de camions frigorifiques pour le transport et de chambres froides pour la conservation. Certains pays comme le Sénégal et le Cap-Vert ont, avec l’aide de certains projets, pallié cette pénurie en développant la transformation des fruits et légumes en confiture ou en purée.

2.4.2 Pour les commerçants


2.4.2.1 Le manque de magasins adéquats et en bon état
2.4.2.2 L’irrégularité des transports ferroviaires

2.4.2.1 Le manque de magasins adéquats et en bon état

Les commerçants qui possèdent des magasins en ville utilisent ces locaux à la fois pour le stockage, la vente en gros et la vente au détail. De plus, différents types de produits sont stockés côte à côte (riz, sucre, farine, cola, ciment, produits phytosanitaires, etc.), les produits chimiques côtoyant les produits alimentaires. Humides, infectés d’insectes et de parasites, ces magasins ne sont pas adaptés au stockage des produits alimentaires comme les céréales, les farines et les tubercules.

2.4.2.2 L’irrégularité des transports ferroviaires

Dans les pays équipés d’une ligne de chemin de fer, le train aurait pu être la solution aux problèmes de transport des commerçants en raison de son coût relativement bas et de sa fiabilité. Malheureusement, le tracé colonial des voies ferrées, qui répondait moins au besoin de développement intégré des pays qu’à celui du commerce de traite, est resté intact dans presque tous les pays africains. En Guinée, par exemple, ce chemin de fer ne fonctionne plus parce qu’il est jugé coûteux et non rentable.

Dans les pays où le train fonctionne encore, comme ente le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire par exemple, son rôle d’agent de développement du commerce est entravé par un manque important d’organisation. Les horaires ne sont pas respectés, les hommes et les bagages s’entassent comme du bétail dans les wagons et le passage des frontières est l’occasion de tracasseries interminables de la part de la police et de la douane.

2.4.3 Pour les transporteurs

Dans certains pays, le bon état du réseau routier se limite aux seules routes nationales qui sont soit goudronnées, soit carrossables. Les pistes qui mènent aux marchés hebdomadaires et les routes secondaires sont souvent en mauvais état. Pendant l’hivernage, ces tronçons sont impraticables et les zones qu’ils sont sensés desservir sont enclavées. Ce mauvais état des routes provoque chez les commerçants beaucoup de fatigue et de considérables pertes de temps. Il participe à l’augmentation des coûts de transport des personnes et des marchandises du fait des pannes fréquentes subies par les véhicules.

Dans les pays où le réseau routier est satisfaisant dans son ensemble, se pose le problème de la sécurité sur les routes. Des gangs armés dressent des barrages sur les routes et rançonnent les commerçants qui risquent quelquefois leur vie. Ce genre de pratique est fréquent en Côte d’Ivoire (sur l’axe Ferkéssédougou-Abidjan) et apparaît de plus en plus dans des pays comme le Burkina Faso et le Niger.

2.4.4 Pour les administrateurs de marchés

Un certain nombre de marchés de grandes villes en Afrique de l’Ouest sont dans un état déplorable. L’exemple le plus frappant est le marché du centre de Bamako, détruit il y a quelques années et toujours en l’état. Les commerçants sont éparpillés dans les rues environnantes et le centre de Bamako est inabordable pendant la journée car les marchands sont partout. D’autre part, ce marché n’est pas soutenu par les autres marchés de gros situés dans d’autres lieux. Par exemple, le marché de gros des produits de Sikasso est en très mauvais état: le déchargement des produits se fait pratiquement sur la route près d’une mare pestilentielle où les fruits pourrissent sur l’asphalte sans être nettoyés. Une telle situation est particulièrement insalubre pour l’approvisionnement en produits alimentaires. La plupart des marchés sont sales, n’ont pas de toilettes publiques, et sont désorganisés.

2.4.5 Pour les consommateurs


2.4.5.1 Le manque de chambres froides sur les marchés
2.4.5.2 Le manque de services de nettoyage et d’infrastructures sanitaires sur les marchés
2.4.5.3 Le manque de réfrigérateur au foyer du consommateur

2.4.5.1 Le manque de chambres froides sur les marchés

Le manque d’infrastructures sur les lieux d’achat (marchés principalement) signifie souvent un manque d’hygiène et donc de qualité des produits. Le fait que la plupart des marchés ne soient pas équipés de chambres froides augmente les pertes en produits frais (viande, poisson, légumes, fruits) pour les vendeurs mais gêne aussi considérablement les consommateurs.

Par exemple, lorsque les consommateurs veulent de la viande ou du poisson, ils sont obligés d’aller acheter tôt le matin sur les marchés pour trouver des produits hygiéniquement consommables (c’est-à-dire avant le passage de milliers de mouches sur la viande ou le poisson et avant qu’ils aient tournés à cause de la chaleur). Pour la viande, un certain nombre de consommateurs se déplacent jusqu’aux abattoirs; pour le poisson, ils se déplacent sur les marchés au poisson (à Ouagadougou, ce marché se tient tous les jours à côté du barrage, derrière l’hôtel Silmandé). Pour avoir des légumes frais, ils doivent se déplacer vers les marchés producteurs qui se trouvent proches des périmètres maraîchers. Tout ceci occasionne des frais de transport, une perte de temps et de la fatigue pour la ménagère.

2.4.5.2 Le manque de services de nettoyage et d’infrastructures sanitaires sur les marchés

Le fait que certains marchés ne soient pas nettoyés régulièrement (journellement) rend la condition hygiénique des produits extrêmement précaire. Par exemple, le marché de Treicheville à Abidjan ressemble à un véritable cloaque de boue et de produits en état de décomposition avancée. Pour le consommateur, acheter des produits alimentaires dans de telles conditions, c’est-à-dire marcher dans la boue et la saleté, et voir les mouches collées à tous les produits, n’incite pas beaucoup à acheter sur le marché si on a la possibilité de faire autrement (grandes surfaces ou petits étals de producteurs).

Ainsi, le fait que la plupart des marchés ne soient pas équipés de toilettes en bon état et de douches, rend la fréquentation du marché plus difficile pour le consommateur et surtout pour les vendeurs.

2.4.5.3 Le manque de réfrigérateur au foyer du consommateur

Ceci est une contrainte importante pour la plupart des ménagères. Ces dernières ne peuvent pas stocker de la nourriture fraîche ou cuisinée si elles ne possèdent pas un réfrigérateur à la maison. Elles sont alors obligées d’acheter tous les jours en petite quantité de manière à ce que tout soit consommé très rapidement (le plus souvent dans la journée). Aucune économie d’échelle n’est alors possible pour les produits frais.

2.5 Les contraintes organisationnelles


2.5.1 Pour les commerçants
2.5.2 Pour les administrateurs de marchés
2.5.3 Pour les consommateurs

2.5.1 Pour les commerçants

La Chambre de commerce est l’institution qui abrite les commerçants pour la résolution de leurs différents problèmes. Dans la plupart des pays africains, seuls les importateurs de céréales et d’autres denrées sont représentés à la Chambre de commerce; les grossistes et les collecteurs évoluent souvent dans le secteur informel et échappent ainsi à toutes les politiques définies dans le cadre de la Chambre de commerce pour améliorer la situation des commerçants.

Ainsi, il existe très peu d’organisations professionnelles. Les plus actives, en Afrique de l’Ouest, sont celles qui touchent à l’exportation de fruits et légumes vers l’Europe. En Côte d’Ivoire, on trouve également des syndicats dynamiques dans le cadre du commerce de la viande (la FIDESBEVI, par exemple). Les autres sont très peu dynamiques, et attendent encore beaucoup de l’Etat. Cette désorganisation des professions commerçantes fait qu’aucune amélioration des conditions de travail ne peut se faire; c’est chacun pour soi.

2.5.2 Pour les administrateurs de marchés

Il n’y a pas de plan de répartition des rôles de chaque marché dans les capitales. Cette planification faciliterait beaucoup l’approvisionnement en gros ou en détail des populations. Les marchés de gros sont souvent situés en plein centre-ville ce qui oblige de gros camions à bloquer la circulation pour décharger, par exemple.

2.5.3 Pour les consommateurs

Comme nous le disions plus haut, une prise de conscience se fait jour, de plus en plus au niveau du consommateur, pour des exigences qualitatives sur les produits achetés et consommés.

Cependant, ces mécontentements restent isolés car les associations de consommateurs ne sont pas encore assez structurées et dynamiques pour mobiliser ces consommateurs sensibles aux problèmes de qualité et conscients de leur droit de consommateur.

2.6 Les contraintes humaines et sociales


2.6.1 Pour les commerçants
2.6.2 Pour les agents des Services publics
2.6.3 Pour les consommateurs

2.6.1 Pour les commerçants


2.6.1.1 Le manque de compétences en comptabilité et en gestion
2.6.1.2 Le manque de motivations ou de compétences commerciales des vendeurs
2.6.1.3 L’impossibilité de capitaliser à cause des pressions financières de la famille

2.6.1.1 Le manque de compétences en comptabilité et en gestion

A part quelques gros importateurs, très peu de commerçants africains tiennent une comptabilité telle qu’on l’entend dans les pays occidentaux. L’exercice comptable n’est pas l’année mais la durée de la rotation du capital, c’est-à-dire un mois, deux mois ou trois mois pour les grossistes et, quelquefois, une semaine pour les collecteurs. Cela veut dire que la quantité de produits vendus n’est connue que le temps d’une rotation de capital, les bénéfices étant calculés aussi sur ce temps-là. Les dépenses sont faites au fur et à mesure qu’elles se présentent et sont prises en compte d’une manière empirique dans le calcul du prix de vente. Le seul calcul réalisé en fin d’année se fait pour la dîme, la taxe perçue sur le capital pour être versée aux pauvres dans le cadre de la religion musulmane. Pour déterminer le montant du capital, le commerçant calcule l’argent qu’il a en banque ou dans son coffre et il y ajoute la valeur estimative de son stock.

Ce système de comptabilité et de gestion a, pour le commerçant, peut-être l’avantage de ne pas présenter de documents comptables au fisc, mais il provoque la faillite de beaucoup d’opérateurs qui voient leur capital grignoté d’année en année par des pertes qu’ils n’arrivent pas à saisir.

2.6.1.2 Le manque de motivations ou de compétences commerciales des vendeurs

Les compétences des employés des commerçants sont médiocres. Pris au sein des familles pour éviter les détournements d’argent ou de marchandises, ils sont installés derrière le comptoir et savent à peine calculer. L’accueil du client n’existe pas, la mise en valeur du produit non plus. Quant à la motivation, elle est pratiquement nulle chez ces vendeurs: membres de la grande famille, ils sont logés et nourris, et ne reçoivent pour salaire que de l’argent de poche mais pas suffisamment pour les motiver au niveau de la vente.

2.6.1.3 L’impossibilité de capitaliser à cause des pressions financières de la famille

En Afrique, la personne qui gagne de l’argent est l’objet de fortes pressions sociales pour l’inciter (ou l’obliger) à redistribuer une partie de son avoir entre les membres de sa collectivité. Partant du principe qu’une seule personne peut gagner, «par la volonté de Dieu», la part de richesse de toute une grande famille ou de tout un village, on fait obligation aux riches de restituer aux autres membres de la famille ou du village ce qui leur est dû. Ainsi le commerçant, le transporteur ou l’opérateur qui monte une affaire en Afrique, n’a la certitude de faire des accumulations financières et de développer son affaire que lorsqu’il est relativement éloigné des sollicitations financières de sa communauté sociale.

2.6.2 Pour les agents des Services publics


2.6.2.1 Le manque de compétences techniques et l’incompréhension du rôle de l’Etat
2.6.2.2 Les conflits d’attribution

2.6.2.1 Le manque de compétences techniques et l’incompréhension du rôle de l’Etat

Le niveau technique des agents des Services publics est particulièrement bas dans la plupart des pays. Les fonctionnaires des Administrations centrales ne connaissent pas grand-chose au commerce libéral et continuent à agir, pour un certain nombre, comme si l’Etat avait tout pouvoir sur les filières commerciales des produits alimentaires.

2.6.2.2 Les conflits d’attribution

Entre la Chambre du commerce, le Ministère du commerce, le Ministère de l’agriculture et les banques, il existe des conflits d’attribution pour le traitement et le suivi des dossiers relatifs à l’importation et à la gestion des denrées alimentaires. Souvent, ces conflits d’attributions se transforment en conflits de personnes, et les personnes qui sont les plus puissantes au plan politique confisquent souvent l’essentiel des attributions au profit des départements ministériels ou consulaires qu’elles gèrent. Lorsqu’il existe dans le pays un stock de sécurité ou une aide alimentaire d’origine extérieure à gérer, les conflits d’attribution sont élargis au Ministère des affaires sociales et souvent à l’armée nationale ou aux organisations internationales, comme le PAM. Tout cela déroute les agents dans les bureaux qui ne savent plus à quel texte se vouer.

2.6.3 Pour les consommateurs


2.6.3.1 Le poids social de la grande famille
2.6.3.2 Les contraintes sociales de certains plats

2.6.3.1 Le poids social de la grande famille

L’importance en nombre des familles africaines pose un gros problème pour l’approvisionnement. Le chef de famille doit trouver suffisamment de produits pour un prix raisonnable par rapport à ses revenus. Au Burkina Faso, par exemple, on préfère acheter du riz importé qui gonfle plus que du riz local qui fait beaucoup moins de profit (CHEYNS, 1996).

C’est ainsi qu’une famille importante implique une consommation importante pour le mois. Pour acheter moins cher, il faudrait que le chef de famille puisse constituer les stocks nécessaires en début de mois. Cependant, cette attitude est loin d’être aisée car ce stockage demande des fonds importants qui souvent n’existent pas. L’achat journalier en petite quantité va, par contre, coûter plus cher. La solution n’est donc pas simple. Ainsi, le fait d’avoir un stock important dans une maison où beaucoup de personnes séjournent passagèrement, peut inciter ces personnes, le jour de leur départ, à se servir copieusement dans les provisions du ménage. Dans ces conditions, le chef de famille évitera de faire des stocks (DIA, 1997)

2.6.3.2 Les contraintes sociales de certains plats

Socialement, certains plats nécessitent des produits très précis avec une préparation particulière. Lors de fêtes ou d’événements particuliers, la ménagère est donc tenue de trouver le produit (soumbala ou dolo, par exemple, dont l’origine de fabrication est celle de la région de naissance), même si cela lui demande de parcourir plusieurs marchés de la ville.


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