2.1 Les contraintes économiques
2.2 Les contraintes administratives
2.3 Les contraintes législatives pour les commerçants
2.4 Les contraintes dinfrastructures et déquipements
2.5 Les contraintes organisationnelles
2.6 Les contraintes humaines et sociales
Depuis la libéralisation des économies, peu de problèmes antérieurs ont été réglés; par contre, un certain nombre de nouveaux problèmes sont apparus, principalement à cause du retrait précipité des Administrations des filières alimentaires (sur la demande des grands bailleurs de fonds) et de la difficulté de jour ce rôle par les opérateurs privés qui nétaient pas préparés à cela. On peut parler dune certaine forme de désorganisation des filières.
Lapprovisionnement des villes qui, autrefois, était planifié et effectué par lEtat, est désormais réalisé sans une véritable vue densemble car les opérateurs directs travaillent sans coordination, faute dorganismes professionnels qui centralisent les informations, analysent les situations et coordonnent les actions.
Les contraintes citées ci-dessous seront parfois contradictoires selon le point de vue du professionnel qui sexprime. Cela montre quil y a un manque de concertation et de coordination important entre les opérateurs eux-mêmes, et entre les opérateurs et lAdministration.
2.1.1 Pour les producteurs
2.1.2 Pour les commerçants
2.1.3 Pour les transporteurs
2.1.4 Pour les agents des services publics
2.1.5 Pour les administrateurs de marchés
2.1.6 Pour les banques
2.1.7 Pour les Chambres de commerce
2.1.8 Pour les consommateurs
2.1.1.1 Le prix élevé des intrants agricoles
2.1.1.2 Les difficultés découlement des récoltes
2.1.1.3 Les prix de vente peu rémunérateurs par rapport aux prix de revient
Celle-ci est une contrainte constante pour tous les producteurs et est lune des conséquences du PAS. En effet, la liquidation des sociétés dEtat qui assuraient limportation et la distribution des engrais, des semences, des produits phytosanitaires ou du matériel agricole, et la suppression des subventions aux intrants recommandées dans le PAS ont contribué au renchérissement de tous les intrants agricoles et, donc, à une baisse de leur consommation.
Cette même contrainte existe pour les éleveurs (produits vétérinaires) et pour les pêcheurs (acquisition de filets, nasses, et moteurs hors-bord). Elle sest trouvée aggravée avec la dévaluation du FCFA intervenue en janvier 1994.
Tous les producteurs, en période de récolte, se plaignent de la difficulté de vendre leurs produits. Pour les produits céréaliers, le stockage est envisageable par le paysan, mais pour les fruits et légumes, cela savère impossible sans apporter une transformation minimum (séchage). Celle-ci est cependant peu utilisée par rapport aux volumes de production. Cela signifie que le gros de la récolte se retrouve mis en marché au même moment. La capacité dabsorption des produits par les circuits de commercialisation et par les consommateurs étant limitée, de gros volumes de produits sont perdus pour les fruits et légumes, et les prix sont très bas pour lensemble des produits: céréales, fruits et légumes, viande, poisson.
Pour les produits comme les céréales, la vente (qui pourrait être différée car le stockage est possible) doit se faire dès la récolte pour acquérir largent nécessaire aux remboursements des dettes contractées auprès des commerçants pour les dépenses vestimentaires, de santé, déquipements.
Les difficultés découlement des produits peuvent provenir aussi de la concurrence des produits importés qui inondent les marchés à toutes les périodes de lannée.
Les paysans se plaignent du prix trop bas offert pour leurs produits. Ils sont souvent en état de faiblesse dans le rapport de force qui les oppose aux négociants pendant la discussion des prix. Plusieurs cas se présentent, toujours négatifs pour le producteur:
2.1.2.1 Linsuffisance des fonds de roulement
2.1.2.2 La difficulté daccès aux crédits bancaires
2.1.2.3 Le manque de transparence dans lallocation de devises
Les commerçants, dans leur ensemble, se plaignent du manque de fonds pour augmenter leurs achats et donc leurs bénéfices.
Les revendeurs et les collecteurs qui travaillent pour leur propre compte, et même les grossistes régionaux, ont trop souvent des fonds insuffisants pour acheter de grandes quantités de produits. Leur capital étant faible, ces opérateurs ne peuvent pas se permettre un long stockage des produits. Ils vendent le plus rapidement possible pour récupérer leur capital et le faire tourner afin de dégager la marge bénéficiaire qui fera vivre leur famille. Cette contrainte affaiblit leur pouvoir de négociation et les oblige à se contenter de faibles marges bénéficiaires.
Pour les collecteurs et les femmes qui font la revente, les bénéfices sont si faibles quils sont entièrement utilisés pour les dépenses journalières de nourriture de la famille. Le capital naugmentant pas, lactivité commerciale stagne et devient assez précaire. La moindre perte vient diminuer le capital.
La faiblesse des fonds de roulement des collecteurs empêche le groupage de quantités importantes de produits locaux au stade de la collecte. Le fractionnement des achats à ce stade et leur transport à des prix élevés renchérissent le coût des produits par rapport aux importations qui descendent des bateaux par gros tonnage. Cest le cas, par exemple, du riz produit localement comparé au riz importé des pays asiatiques.
Une autre plainte régulière des commerçants concerne linaccessibilité à des prêts bancaires. Les banques commerciales exigent des garanties que les commerçants ne peuvent pas fournir.
Les banques installées en Afrique sont généralement des banques commerciales dont la maison mère est en Europe. Ces banques ne sont pas adaptées aux commerçants africains car les garanties classiques quelles demandent ne sont pas à la portée de tous les commerçants.
Les collecteurs et les grossistes régionaux sont généralement exclus du système bancaire, soit parce quils présentent des garanties immobilières non transformables en argent, soit parce quils nont pas de compte en banque, soit encore parce quil ny a pas de banque dans leur préfecture. Les importateurs, basés dans les capitales, sont les clients privilégiés, mais les taux de crédit excessifs qui sont appliqués découragent beaucoup dentre eux.
Dans beaucoup de pays, les projets agricoles ont des cellules de crédit destinées principalement aux producteurs. Très peu de projets se sont intéressés au cas des commerçants. De plus, le caractère passager des projets fait que ce système de crédit nest pas une solution viable aux problèmes de financement des commerçants africains.
On constate cependant, actuellement, le développement de crédit rural ou de crédit mutuel très adaptés aux systèmes sociaux africains. Mais il faut constater quils sont développés surtout pour les coopératives de producteurs (zone cotonnière du Mali). Il existe, toutefois, quelques exemples intéressants comme le crédit mutuel développé dans la zone de Labé en Guinée, et qui concerne les femmes commerçantes.
Cette contrainte concerne tout particulièrement la Guinée qui possède sa propre monnaie, le franc guinéen. Cest une plainte émise par les importateurs qui ne comprennent souvent pas les raisons du refus de leur demande de devises.
Dans ce pays, lEtat intervient sous forme de réglementation de lallocation de devises (plafonnement des montants de devises attribuées, fixation de taux de couverture en monnaie locale des montants en devises demandés, etc.). Dans la pratique, il ny a pas de transparence dans lallocation des devises. Les critères de sélection pour lobtention des devises et la fixation des montants restent flous, ce qui désoriente la majorité des commerçants qui désirent avoir accès aux devises.
2.1.3.1 Le prix élevé des pièces de rechange
2.1.3.2 Le manque de fonds pour entretenir le matériel roulant
Tous les transporteurs signalent cette contrainte. Pour eux, elle est dimportance car ils ne peuvent acheter des pièces de rechange neuves dont le prix est excessif. Or, sans pièces de rechange, leurs camions restent immobilisés.
Dans certains pays dAfrique (Guinée, Mali, Côte dIvoire), les pièces détachées, massivement importées du Nigeria, rentrent parfois dans le pays en échappant à la vigilance des douanes. On peut alors les retrouver sur le marché à des prix abordables. Cependant, le gros des importations se fait avec les droits de douanes acquittés et les produits se retrouvent sur le marché à des prix inabordables pour un petit transporteur. La solution, pour ces derniers, ce sont les pièces de rechange doccasion. Mais la demande est telle que les ruptures de stocks sont fréquentes.
Dans les deux cas, les véhicules sont immobilisés parfois pendant des mois et, dans les petites villes de préfecture où il ny a quun ou deux camions, le commerce des produits est particulièrement touché.
Les transporteurs, qui sont souvent aussi des commerçants, ont le même problème de fonds de roulement pour lentretien de leur camion que pour lachat de produits pour leur commerce. Ils le signalent très souvent lors des discussions avec eux.
Dans des pays comme la Côte dIvoire ou le Sénégal, certains transporteurs possèdent un parc de véhicules qui compte plusieurs dizaines de camions ou de taxis-brousse. Ces transporteurs nont pas de problèmes de fonds de roulement car ils entretiennent dexcellentes relations avec les banques. Mais la grande majorité, constituée par les petits transporteurs, a des fonds de roulement insuffisants et quand un véhicule tombe en panne, il reste immobilisé pour de longues périodes. Il existe de nombreux exemples où, pour une panne de cardan, des camions ont été définitivement mis hors dusage car le propriétaire navait pas les moyens dassurer les frais de réparation.
2.1.4.1 La faiblesse du budget de fonctionnement et déquipement
2.1.4.2 Les bas salaires
Il est plus que courant dentendre dire par les chefs de services administratifs quil ny a pas dargent pour assurer le travail courant des fonctionnaires. Pour assurer le travail de terrain (visites, enquêtes, etc.), et même le dépouillement et lanalyse des dossiers dans les bureaux, les Administrations centrales et locales ont des budgets insuffisants. Cette contrainte réduit considérablement leur efficacité.
Lassistance technique des bailleurs de fonds, dont bénéficient certaines Administrations, sefforce de pallier cette insuffisance en apportant un concours financier et logistique substantiel. Mais cet apport étranger est toujours limité dans le temps et ne saurait être la réponse adéquate à ce problème budgétaire.
Cest une plainte générale faite par lensemble des fonctionnaires. Les salaires sont souvent dérisoires pour nourrir la famille et assurer les autres dépenses nécessaires. Les fonctionnaires et autres agents des services publics sont alors tentés par dautres activités plus lucratives (petit commerce parallèle par exemple) et, ce faisant, abandonnent très régulièrement leur poste pendant plusieurs heures de la journée. Dans la plupart des cas, ils se laissent aller à des solutions de facilité qui se traduisent par des actes répréhensibles (corruption, racket, escroquerie, etc.).
La très grande majorité des administrateurs des marchés se plaint du manque de fonds pour réaliser des investissements sur le marché. Cette revendication vient principalement des faibles rentrées financières qui sont faites à partir des marchés.
Le rôle principal des administrateurs des marchés est le recouvrement de la taxe de marché qui rentre dans le budget communal, préfectoral ou national. Cependant, de grandes difficultés font que le taux de recouvrement reste faible; il sagit du mauvais recensement des opérateurs du marché, du mauvais calcul de lassiette de la taxe, du nomadisme de certains commerçants qui changent de place plusieurs fois par jour, et de la mauvaise foi des opérateurs.
Une autre difficulté, et non des moindres, est le manque de probité de certains agents chargés du recouvrement qui préfèrent percevoir la moitié ou le tiers de la taxe due quils gardent pour eux au détriment de lAdministration des marchés.
Lorsquon leur parle ligne de crédit, les banquiers répondent garantie bancaire. Toutes les banques dAfrique de lOuest souffrent de sur-liquidité qui ne trouve pas preneur faute de garanties suffisantes de la part des clients.
Le bétail ou limmobilier peuvent être des garanties suffisantes dans des conditions de vie de sociétés européennes. En Afrique, le bétail, par exemple, dans sa composition et sa domiciliation, est insaisissable en raison de la pratique du nomadisme (les troupeaux se déplacent dune région à lautre selon les saisons et les possibilités de pâturage) et de lélevage extensif. Quant à limmobilier, les banques ne peuvent souvent pas les transformer en liquidité après la saisie car les africains ne se portent pas acquéreurs des locaux par solidarité avec celui qui est en litige avec la banque. Un habitant de la ville ou un voisin qui se porterait acquéreur serait mal jugé par la communauté sociale. Trop de banques ont ainsi perdu des millions de FCFA pour des crédits accordés sur des garanties inopérantes.
Pour les banques, les risques de traiter avec des opérateurs nayant pas suffisamment de couverture financière sont élevés, ce qui fait que leur clientèle préférée reste les importateurs qui prennent des crédits à court terme et à taux dintérêt élevés, et dont le produit est localisé dans des magasins connus.
Lorsquon discute avec les responsables de Chambres de commerce, on est toujours étonné du peu dactions menées par la Chambre consulaire. Celle-ci répond que son budget de fonctionnement est très restreint.
Les ressources des Chambres de commerce sont constituées généralement de centimes additionnels que les Services de douanes leur reversent et de différentes subventions consenties par les Etats. Ces revenus sont souvent assez faibles. Cependant, depuis la libéralisation de léconomie et la nomination des Présidents de Chambre par les adhérents, et non plus par les Gouvernements, les Chambres de commerce développent des actions lucratives dans le but daccéder à lautonomie financière. Dans certains pays, comme le Burkina Faso, la Chambre de commerce est en passe de devenir une institution privée possédant des actions dans beaucoup de secteurs de la vie économique du pays.
Quil soit petit fonctionnaire, ouvrier ou petit commerçant, le consommateur africain a des revenus relativement modestes; cest pour cette raison que la consommation des foyers sacrifie la diversification alimentaire à la recherche du produit le moins cher.
Le chômage et le sous-emploi qui affectent les africains depuis lentrée en vigueur des PAS nont fait quaggraver cette situation. En effet, ceux qui perdent leur emploi nont, en général, dautre recours que de vivre aux dépens du frère, de loncle ou du cousin encore actif, imposant une nouvelle répartition dun revenu déjà assez faible.
Par ailleurs, la dévaluation du FCFA a contribué à lérosion du pouvoir dachat des foyers africains. Dans certains pays, comme la Côte dIvoire ou le Cameroun, la forte production alimentaire nationale est en passe de stabiliser les dépenses alimentaires et de réduire les effets négatifs de cette dévaluation. Par contre, au Sénégal et dans les pays sahéliens comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso, le renchérissement de lensemble des produits alimentaires (locaux ou importés), du fait de la dévaluation, reste un facteur préoccupant des politiques nationales de sécurité alimentaire.
Les consommateurs à petits revenus sont souvent condamnés à acheter sur des marchés de détail (marchés de quartier) car leur pouvoir dachat ne leur permet pas dacheter de grandes quantités. Et paradoxalement, ce sont eux qui vont payer proportionnellement le plus cher du fait de lachat journalier en petites quantités.
2.2.1 Pour les commerçants
2.2.2 Pour les transporteurs
2.2.3 Pour les agents des Services publics
2.2.4 Pour les consommateurs
2.2.1.1 Le contrôle des prix
2.2.1.2 Les autres contrôles administratifs
2.2.1.3 Les lenteurs administratives
Les commerçants se plaignent régulièrement de ne pas pouvoir vendre aux prix quils désirent. Dans plusieurs pays dAfrique, le contrôle des prix existe encore pour un certain nombre de denrées alimentaires (riz, sucre, pain, etc.). La vérification des factures pro forma, limposition dun tarif plafond, lhomologation du coût de transport, qui sont des pratiques largement utilisées depuis longtemps, ne sont pas de nature à stimuler les commerçants dans lapprovisionnement alimentaire des villes.
En plus du contrôle des prix, les commerçants sont soumis à dautres contrôles administratifs qui, dans la pratique, donnent lieu à des abus. Ainsi, les services de contrôles phytosanitaires ou fiscaux défilent très régulièrement dans les magasins dans le but de rançonner les commerçants.
Les lois qui sont à la base de ces contrôles ne sont pas correctement appliquées par les agents de lEtat. Elles le sont «à la tête du client» qui na ni les moyens ni lautorité pour en vérifier la teneur.
Par ailleurs, dans certains pays comme la Guinée ou le Mali, la liquidation et la perception des droits de douanes donnent lieu à de graves malversations tendant à enrichir les agents des douanes et à escroquer les commerçants.
Les commerçants perdent beaucoup de temps dans les Administrations locales ou nationales à cause de la lenteur quobservent les agents dans le traitement des dossiers. Quil sagisse de la délivrance des autorisations dimportation ou dexportation, ou encore des formalités de douane ou de transit, les circuits des documents sont longs. Les agents peu motivés au plan salarial, ne sont pas pressés dapposer les signatures et cachets. Ces retards donnent lieu à des intéressements financiers pour faire avancer le dossier plus rapidement. Les commerçants se plaignent beaucoup de ce temps perdu à attendre dans les bureaux de lAdministration.
Dans tous les pays africains, à quelques exceptions près, les barrages des Services de douane, de police et de gendarmerie sont caractérisés par de graves abus. Aussi bien à lintérieur des pays quaux frontières, les véhicules sont arrêtés pendant de longues heures dans le seul but de rançonner les conducteurs et les passagers. Les conducteurs doivent obligatoirement payer des sommes forfaitaires, que les papiers soient à jour ou non; les passagers qui nont pas de pièces didentité doivent payer aussi pour avoir le droit de continuer leur voyage. Il est bien évident que le commerçant répercute ces surtaxes sur le prix de son produit, et que cest le consommateur qui finalement paie.
Sur les trains Dakar-Bamako et Abidjan-Ouagadougou, les mêmes abus sont constatés aux frontières. Ala frontière ivoirienne, tous les passagers de deuxième classe (classe fréquentée par la grande majorité des commerçants) sont obligés de descendre du train. Ils ne sont autorisés à remonter que lorsquune certaine somme a été versée par chacun deux aux autorités de la frontière.
Les agents des Services publics sont soumis à des pressions des chefs hiérarchiques ou des pressions politiques. Ils sont obligés dexécuter des directives qui ne correspondent pas à lesprit des textes régissant leurs attributions. Les agents qui ont le courage moral de refuser dobtempérer à ces directives sont victimes de mutations arbitraires ou même de radiation sur la liste des employés.
2.2.4.1 La faiblesse des contrôles qualitatifs effectués par lAdministration
2.2.4.2 Le faible pouvoir des associations de consommateurs
Dans la plupart des pays dAfrique de lOuest, les Services de contrôle de lhygiène et de la santé neffectuent pas les contrôles sanitaires suffisamment souvent et ne sanctionnent pas assez fortement les contrevenants. En Guinée, par exemple, ces contrôles seffectuent sur les produits alimentaires dimportation (laits en poudre, boîtes de conserve) où une date de peremption existe. Par contre, les produits vendus sur les marchés ne sont pas contrôlés.
Pour la viande, des contrôles sont exercés au niveau des abattoirs, mais pratiquement rien nest fait lors de la revente sur les marchés. Si la viande provient dabattoirs clandestins, aucun contrôle nest fait.
En conséquence, les consommateurs sont à la merci de produits dangereux, sanitairement parlant, ou de prix prohibitifs sans fondement qualitatif.
Ces associations sont en train de se mettre en place. Cependant, elles restent encore très embryonnaires et ne représentent pas encore un pouvoir important face à lAdministration et aux commerçants. On constate, cependant, que dans les grandes villes (capitales), les consommateurs commencent à réagir de plus en plus face à des produits mal présentés ou sanitairement dangereux. Ce sont encore des réactions en rangs dispersés mais qui laissent entrevoir une sensibilisation de plus en plus grande face aux problèmes dhygiène, de prix et de présentation.
2.3.1 Les réglementations rigides du commerce
2.3.2 Laliénation de la législation au pouvoir politique
2.3.3 Labsence de loi sur la concurrence ou la mauvaise application de cette loi
Malgré la libéralisation en cours des activités économiques dans les pays africains, il existe encore des rigidités administratives et réglementaires qui freinent les activités des commerçants. Les opérations dagrément, pour obtenir la qualité de commerçant, ont été beaucoup simplifiées dans un grand nombre de pays, mais le nombre de documents à fournir pour linscription au registre de commerce et les conditions éprouvantes pour les réunir font quon ne peut pas vraiment parler dallègement des procédures.
Dans beaucoup de pays, les réglementations commerciales ne sont pas appliquées de manière égale entre les commerçants. Dans de nombreux pays, les commerçants sont obligés de sassocier au pouvoir politique en participant au financement du parti au pouvoir ou en souscrivant aux dépenses de prestige du gouvernement, afin que leurs acquis ne soient pas remis en cause. Mais, depuis le début des années 90 qui a vu linstauration du multipartisme en Afrique, ce phénomène dallégeance des plus gros opérateurs au pouvoir politique sest accentué. En effet, les opérateurs sont tenus de se ranger aux côtés du pouvoir et de participer à son financement pour ne pas être accusés de faire le jeu de lopposition politique et dêtre privés, pour cela, des licences nécessaires à la poursuite de leurs activités. Cette allégeance du commerçant devient un système pervers pour toute léconomie car le commerçant acquiert de grands privilèges dans lattribution des marchés et ne paie pas, ou paie à des taux très bas, les droits de douane et les impôts. La législation commerciale existante nest pas appliquée et les lois sont ignorées par tous afin que ces quelques gros pourvoyeurs financiers du pouvoir gardent leurs avantages.
Cest la conséquence de laliénation des commerçants au pouvoir ou de la constitution de lobby de denrées alimentaires.
En Guinée, par exemple, les sociétés commerciales et les commerçants ne sont pas soumis aux mêmes conditions dimportations selon quils travaillent pour le compte de lEtat ou quils soient de connivence avec le pouvoir, dune part, ou de façon libre, dautre part. La première catégorie nest pas soumise aux procédures habituelles dimportation et est nettement privilégiée, au détriment de la deuxième catégorie qui stagne ou disparaît quelquefois. Ainsi en Guinée, en 1986, au début de la libéralisation du commerce, on comptait plus de quinze importateurs de riz, une trentaine dimportateurs de farine de blé et plus dune centaine de commerçants pratiquant limportation des denrées comme le sucre, lhuile végétale, les produits laitiers, etc. Aujourdhui, limportation du riz est monopolisée dans ce pays par trois ou quatre sociétés qui sentendent, pratiquement, sur une répartition de quantités à importer de façon à soutenir les prix. Les importateurs des autres denrées, y compris la farine de blé, sont désormais une dizaine et forment une sorte de confrérie fermée aux autres opérateurs.
Le même phénomène existe au Burkina Faso dans certains secteurs économiques comme les travaux publics ou le traitement des peaux. Dautre part, la libéralisation en cours des importations de céréales (riz et blé) dans ce pays risque de concentrer ces opérations dans les mains dune poignée dopérateurs privilégiés.
2.4.1 Pour les producteurs et les transformateurs
2.4.2 Pour les commerçants
2.4.3 Pour les transporteurs
2.4.4 Pour les administrateurs de marchés
2.4.5 Pour les consommateurs
2.4.1.1 Linsuffisance des infrastructures de stockage et de transformation
Du côté du stockage, beaucoup dopérateurs se plaignent des pertes importantes enregistrées chaque année faute davoir des magasins convenables. Dans les zones de collecte, les magasins sont rares. Le stockage des produits a lieu dans les champs en plein air malgré les intempéries ou dans des greniers aux conditions de conservation souvent inadaptées. Beaucoup de commerçants utilisent les cases des villageois. Dans ces conditions, le produit sabîme très vite et les pertes sont importantes.
Du côté de la transformation des produits, la première transformation, qui se fait manuellement dans la plupart des villages et qui est indispensable pour la consommation des produits, décourage en partie la production et la commercialisation. Dans presque tous les pays, les unités artisanales de transformation sont installées dans les villes. Dans les zones de production, on rencontre des décortiqueuses, des batteuses et dautres matériels, principalement sur les lieux des projets ou des grandes exploitations privées ou publiques. Mais on ne peut parler de concentration des unités de mouture, de concassage etc. que dans les grandes villes.
Pour les denrées périssables, on constate, dans la plupart des pays, une pénurie cruciale de camions frigorifiques pour le transport et de chambres froides pour la conservation. Certains pays comme le Sénégal et le Cap-Vert ont, avec laide de certains projets, pallié cette pénurie en développant la transformation des fruits et légumes en confiture ou en purée.
2.4.2.1 Le manque de magasins adéquats et en bon état
2.4.2.2 Lirrégularité des transports ferroviaires
Les commerçants qui possèdent des magasins en ville utilisent ces locaux à la fois pour le stockage, la vente en gros et la vente au détail. De plus, différents types de produits sont stockés côte à côte (riz, sucre, farine, cola, ciment, produits phytosanitaires, etc.), les produits chimiques côtoyant les produits alimentaires. Humides, infectés dinsectes et de parasites, ces magasins ne sont pas adaptés au stockage des produits alimentaires comme les céréales, les farines et les tubercules.
Dans les pays équipés dune ligne de chemin de fer, le train aurait pu être la solution aux problèmes de transport des commerçants en raison de son coût relativement bas et de sa fiabilité. Malheureusement, le tracé colonial des voies ferrées, qui répondait moins au besoin de développement intégré des pays quà celui du commerce de traite, est resté intact dans presque tous les pays africains. En Guinée, par exemple, ce chemin de fer ne fonctionne plus parce quil est jugé coûteux et non rentable.
Dans les pays où le train fonctionne encore, comme ente le Burkina Faso et la Côte dIvoire par exemple, son rôle dagent de développement du commerce est entravé par un manque important dorganisation. Les horaires ne sont pas respectés, les hommes et les bagages sentassent comme du bétail dans les wagons et le passage des frontières est loccasion de tracasseries interminables de la part de la police et de la douane.
Dans certains pays, le bon état du réseau routier se limite aux seules routes nationales qui sont soit goudronnées, soit carrossables. Les pistes qui mènent aux marchés hebdomadaires et les routes secondaires sont souvent en mauvais état. Pendant lhivernage, ces tronçons sont impraticables et les zones quils sont sensés desservir sont enclavées. Ce mauvais état des routes provoque chez les commerçants beaucoup de fatigue et de considérables pertes de temps. Il participe à laugmentation des coûts de transport des personnes et des marchandises du fait des pannes fréquentes subies par les véhicules.
Dans les pays où le réseau routier est satisfaisant dans son ensemble, se pose le problème de la sécurité sur les routes. Des gangs armés dressent des barrages sur les routes et rançonnent les commerçants qui risquent quelquefois leur vie. Ce genre de pratique est fréquent en Côte dIvoire (sur laxe Ferkéssédougou-Abidjan) et apparaît de plus en plus dans des pays comme le Burkina Faso et le Niger.
Un certain nombre de marchés de grandes villes en Afrique de lOuest sont dans un état déplorable. Lexemple le plus frappant est le marché du centre de Bamako, détruit il y a quelques années et toujours en létat. Les commerçants sont éparpillés dans les rues environnantes et le centre de Bamako est inabordable pendant la journée car les marchands sont partout. Dautre part, ce marché nest pas soutenu par les autres marchés de gros situés dans dautres lieux. Par exemple, le marché de gros des produits de Sikasso est en très mauvais état: le déchargement des produits se fait pratiquement sur la route près dune mare pestilentielle où les fruits pourrissent sur lasphalte sans être nettoyés. Une telle situation est particulièrement insalubre pour lapprovisionnement en produits alimentaires. La plupart des marchés sont sales, nont pas de toilettes publiques, et sont désorganisés.
2.4.5.1 Le manque de chambres froides sur les marchés
2.4.5.2 Le manque de services de nettoyage et dinfrastructures sanitaires sur les marchés
2.4.5.3 Le manque de réfrigérateur au foyer du consommateur
Le manque dinfrastructures sur les lieux dachat (marchés principalement) signifie souvent un manque dhygiène et donc de qualité des produits. Le fait que la plupart des marchés ne soient pas équipés de chambres froides augmente les pertes en produits frais (viande, poisson, légumes, fruits) pour les vendeurs mais gêne aussi considérablement les consommateurs.
Par exemple, lorsque les consommateurs veulent de la viande ou du poisson, ils sont obligés daller acheter tôt le matin sur les marchés pour trouver des produits hygiéniquement consommables (cest-à-dire avant le passage de milliers de mouches sur la viande ou le poisson et avant quils aient tournés à cause de la chaleur). Pour la viande, un certain nombre de consommateurs se déplacent jusquaux abattoirs; pour le poisson, ils se déplacent sur les marchés au poisson (à Ouagadougou, ce marché se tient tous les jours à côté du barrage, derrière lhôtel Silmandé). Pour avoir des légumes frais, ils doivent se déplacer vers les marchés producteurs qui se trouvent proches des périmètres maraîchers. Tout ceci occasionne des frais de transport, une perte de temps et de la fatigue pour la ménagère.
Le fait que certains marchés ne soient pas nettoyés régulièrement (journellement) rend la condition hygiénique des produits extrêmement précaire. Par exemple, le marché de Treicheville à Abidjan ressemble à un véritable cloaque de boue et de produits en état de décomposition avancée. Pour le consommateur, acheter des produits alimentaires dans de telles conditions, cest-à-dire marcher dans la boue et la saleté, et voir les mouches collées à tous les produits, nincite pas beaucoup à acheter sur le marché si on a la possibilité de faire autrement (grandes surfaces ou petits étals de producteurs).
Ainsi, le fait que la plupart des marchés ne soient pas équipés de toilettes en bon état et de douches, rend la fréquentation du marché plus difficile pour le consommateur et surtout pour les vendeurs.
Ceci est une contrainte importante pour la plupart des ménagères. Ces dernières ne peuvent pas stocker de la nourriture fraîche ou cuisinée si elles ne possèdent pas un réfrigérateur à la maison. Elles sont alors obligées dacheter tous les jours en petite quantité de manière à ce que tout soit consommé très rapidement (le plus souvent dans la journée). Aucune économie déchelle nest alors possible pour les produits frais.
2.5.1 Pour les commerçants
2.5.2 Pour les administrateurs de marchés
2.5.3 Pour les consommateurs
La Chambre de commerce est linstitution qui abrite les commerçants pour la résolution de leurs différents problèmes. Dans la plupart des pays africains, seuls les importateurs de céréales et dautres denrées sont représentés à la Chambre de commerce; les grossistes et les collecteurs évoluent souvent dans le secteur informel et échappent ainsi à toutes les politiques définies dans le cadre de la Chambre de commerce pour améliorer la situation des commerçants.
Ainsi, il existe très peu dorganisations professionnelles. Les plus actives, en Afrique de lOuest, sont celles qui touchent à lexportation de fruits et légumes vers lEurope. En Côte dIvoire, on trouve également des syndicats dynamiques dans le cadre du commerce de la viande (la FIDESBEVI, par exemple). Les autres sont très peu dynamiques, et attendent encore beaucoup de lEtat. Cette désorganisation des professions commerçantes fait quaucune amélioration des conditions de travail ne peut se faire; cest chacun pour soi.
Il ny a pas de plan de répartition des rôles de chaque marché dans les capitales. Cette planification faciliterait beaucoup lapprovisionnement en gros ou en détail des populations. Les marchés de gros sont souvent situés en plein centre-ville ce qui oblige de gros camions à bloquer la circulation pour décharger, par exemple.
Comme nous le disions plus haut, une prise de conscience se fait jour, de plus en plus au niveau du consommateur, pour des exigences qualitatives sur les produits achetés et consommés.
Cependant, ces mécontentements restent isolés car les associations de consommateurs ne sont pas encore assez structurées et dynamiques pour mobiliser ces consommateurs sensibles aux problèmes de qualité et conscients de leur droit de consommateur.
2.6.1 Pour les commerçants
2.6.2 Pour les agents des Services publics
2.6.3 Pour les consommateurs
2.6.1.1 Le manque de compétences en comptabilité et en gestion
2.6.1.2 Le manque de motivations ou de compétences commerciales des vendeurs
2.6.1.3 Limpossibilité de capitaliser à cause des pressions financières de la famille
A part quelques gros importateurs, très peu de commerçants africains tiennent une comptabilité telle quon lentend dans les pays occidentaux. Lexercice comptable nest pas lannée mais la durée de la rotation du capital, cest-à-dire un mois, deux mois ou trois mois pour les grossistes et, quelquefois, une semaine pour les collecteurs. Cela veut dire que la quantité de produits vendus nest connue que le temps dune rotation de capital, les bénéfices étant calculés aussi sur ce temps-là. Les dépenses sont faites au fur et à mesure quelles se présentent et sont prises en compte dune manière empirique dans le calcul du prix de vente. Le seul calcul réalisé en fin dannée se fait pour la dîme, la taxe perçue sur le capital pour être versée aux pauvres dans le cadre de la religion musulmane. Pour déterminer le montant du capital, le commerçant calcule largent quil a en banque ou dans son coffre et il y ajoute la valeur estimative de son stock.
Ce système de comptabilité et de gestion a, pour le commerçant, peut-être lavantage de ne pas présenter de documents comptables au fisc, mais il provoque la faillite de beaucoup dopérateurs qui voient leur capital grignoté dannée en année par des pertes quils narrivent pas à saisir.
Les compétences des employés des commerçants sont médiocres. Pris au sein des familles pour éviter les détournements dargent ou de marchandises, ils sont installés derrière le comptoir et savent à peine calculer. Laccueil du client nexiste pas, la mise en valeur du produit non plus. Quant à la motivation, elle est pratiquement nulle chez ces vendeurs: membres de la grande famille, ils sont logés et nourris, et ne reçoivent pour salaire que de largent de poche mais pas suffisamment pour les motiver au niveau de la vente.
En Afrique, la personne qui gagne de largent est lobjet de fortes pressions sociales pour linciter (ou lobliger) à redistribuer une partie de son avoir entre les membres de sa collectivité. Partant du principe quune seule personne peut gagner, «par la volonté de Dieu», la part de richesse de toute une grande famille ou de tout un village, on fait obligation aux riches de restituer aux autres membres de la famille ou du village ce qui leur est dû. Ainsi le commerçant, le transporteur ou lopérateur qui monte une affaire en Afrique, na la certitude de faire des accumulations financières et de développer son affaire que lorsquil est relativement éloigné des sollicitations financières de sa communauté sociale.
2.6.2.1 Le manque de compétences techniques et lincompréhension du rôle de lEtat
2.6.2.2 Les conflits dattribution
Le niveau technique des agents des Services publics est particulièrement bas dans la plupart des pays. Les fonctionnaires des Administrations centrales ne connaissent pas grand-chose au commerce libéral et continuent à agir, pour un certain nombre, comme si lEtat avait tout pouvoir sur les filières commerciales des produits alimentaires.
Entre la Chambre du commerce, le Ministère du commerce, le Ministère de lagriculture et les banques, il existe des conflits dattribution pour le traitement et le suivi des dossiers relatifs à limportation et à la gestion des denrées alimentaires. Souvent, ces conflits dattributions se transforment en conflits de personnes, et les personnes qui sont les plus puissantes au plan politique confisquent souvent lessentiel des attributions au profit des départements ministériels ou consulaires quelles gèrent. Lorsquil existe dans le pays un stock de sécurité ou une aide alimentaire dorigine extérieure à gérer, les conflits dattribution sont élargis au Ministère des affaires sociales et souvent à larmée nationale ou aux organisations internationales, comme le PAM. Tout cela déroute les agents dans les bureaux qui ne savent plus à quel texte se vouer.
2.6.3.1 Le poids social de la grande famille
2.6.3.2 Les contraintes sociales de certains plats
Limportance en nombre des familles africaines pose un gros problème pour lapprovisionnement. Le chef de famille doit trouver suffisamment de produits pour un prix raisonnable par rapport à ses revenus. Au Burkina Faso, par exemple, on préfère acheter du riz importé qui gonfle plus que du riz local qui fait beaucoup moins de profit (CHEYNS, 1996).
Cest ainsi quune famille importante implique une consommation importante pour le mois. Pour acheter moins cher, il faudrait que le chef de famille puisse constituer les stocks nécessaires en début de mois. Cependant, cette attitude est loin dêtre aisée car ce stockage demande des fonds importants qui souvent nexistent pas. Lachat journalier en petite quantité va, par contre, coûter plus cher. La solution nest donc pas simple. Ainsi, le fait davoir un stock important dans une maison où beaucoup de personnes séjournent passagèrement, peut inciter ces personnes, le jour de leur départ, à se servir copieusement dans les provisions du ménage. Dans ces conditions, le chef de famille évitera de faire des stocks (DIA, 1997)
Socialement, certains plats nécessitent des produits très précis avec une préparation particulière. Lors de fêtes ou dévénements particuliers, la ménagère est donc tenue de trouver le produit (soumbala ou dolo, par exemple, dont lorigine de fabrication est celle de la région de naissance), même si cela lui demande de parcourir plusieurs marchés de la ville.