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I. DISPONIBILITES D'APPROVISIONNEMENT

1. Ressources halieutiques

Les prospections halieutiques, les pêches expérimentales ainsi que la production déjà réalisée démontrent l'existence d'un potentiel assez important en ressources exploitables dans la zône économique exclusive (Z.E.E.) malgache et à l'intérieur du pays. D'aprés l'état actuel des connaissances elles sont estimées à environ 450.000 tonnes (prise maximale équilibrée - PME).

Il faut insister sur le fait que pour certaines ressources maritimes, comme les petits poissons pélagiques, les poissons démersaux, les langoustes et les crevettes profondes ainsi que pour les ressources estuarines, les quantités présentées au tableau 1 ne sont que des évaluations auxquelles on ne peut accorder qu'un faible degré de fiabilité. D'autres ressources (trépangs, langoustes néritiques, algues rouges) sans avoir été l'objet de la moindre étude préalable sont déjà exploitées et le chiffre cité dans le tableau ne présente que la production annuelle maximale obtenue jusqu'à maintenant. Seule la pêcherie de crevettes péneides du plateau continental est suffisamment maîtrisée.

En ce qui concerne la prise maximale équilibrée de la pêche continentale, c'est à dire, dans les lacs, marais et certaines lagunes ainsi que dans deux mangroves (Loza Narinda et Bombetoka-Betsiboka), elle a été estimée à 40.000 tonnes environ. Pour l'aquaculture, dont essentiellement la rizipisciculture, la potentialité a été calculée à environ 30.000 tonnes par an. Tandis que la mariculture, en système semi-intensif, a été évaluée à 57.000 tonnes.

Si on compare le potentiel maritime et estuarin avec celui de l'eau douce, on constate que le premier constitue presque 85% du potentiel halieutique entier de Madagascar.

2. Production

2.1 Caractéristique des données disponibles

Le tableau 2 contient les données concernant la production totale halieutique à Madagascar pour les années 1960, 1970, 1980 et 1989. Il faut mettre en exergue le fait que ces chiffres ne sont pas (sauf pour la pêche industrielle maritime) des statistiques de production au sens véritable du mot, mais uniquement des estimations. Etant donné qu'elles existent et elles sont officielles, elles sont citées avec cependant quelques commentaires.

Tableau 1 : Potentiel du stock halieutique a Madagascar
RessourcesPotentiel (tonne)Observations
I.Ressources marines et estuarines374.500 
- Crevettes Pénéides du plateau continental (côtières)8.000Capture en 1987, supérieure à 9.000 tonnes
- Crevettes profondes1.000Potentiel mal connu, peut être à partager avec le Mozambique
- Crabes de palétuvier (Scylla Serrata)7.500Estimation basée sur une productivité de 25 Kg/ha/an pour 300.000 ha de mangroves
- Langoustes du plateau continental340Capture réalisée en 1988
- Petits poissons pélagiques160.000Evaluation accoustique, grande partie consistée d'espèces non commerciales et/ou en poissons de très petite taille
- Poissons démersaux45.000Evaluation accoustique et pêches d'essais, poissons de fonds meubles seulement, moins de 50% du potentiel sont de valeur commerciale
- Thons majeurs1.600Capture réalisée en 1977 par les palangriers japonais et sudcoréens
- Thons mineurs50.000Un quart du stock localisé dans le triangle Madagascar - Comores - Seychelles
- Algues rouges3.600Ramassage en 1973
- Trépangs460Ramassage en 1978
- Poissons des eaux estuarines40.000Estimation sur la base de la surface des eaux de lagunes et mangroves localisés sur la façade maritime
- Mariculture de crevettes57.000Estimation sur la base de l'existence à l'Ouest de Madagascar 55.000 ha environ des sites propices (élévage semi-intensif).
II.Resources des eaux douces70.000 
- Produits d'eaux douces dont :  
a) eaux continentales
40.000Estimation sur la base de la surface des eaux douces propres à la pêche
b) pisciculture
30.000Estimation sur la base de la surface de rizières irriguées qui pourraient être aménagées pour la rizipisciculture (150.000 ha)
III.TOTAL444.500 

Sources : Rapport du projects MAG/77/009, du project MAG/80/008 et de R/V Fridtjof Nansen (1983), du project MAG/86/006, A. Ralison (1982), A. Ralison (1987), A. Collart et M. Vincke (1989), Rapport d'activité de la DPA.

La production de la pêche industrielle maritime est estimée à partir des statistiques des sociétés crevettières ainsi que, les fiches de pêche fournies directement par les commandants de thoniers étrangers opérant dans la Z.E.E. malgache et transbordant leurs captures à Antsiranana.

Concernant la pêche traditionnelle et artisanale maritime, les sources d'information et les méthodes d'estimation ont été différentes pour chaque année analysée. Pour le cas de 1960, aucune explication n'a été fournie sur la façon dont le chiffre a été évalué. Les chiffres avancés pour 1970 découlent des résultats des enquêtes de recensement des effectifs de pêche piroguière. Ils ne couvrent pas la pêche à pieds. La production en 1980 a été estimée sur la base des statistiques recueillies par le Service de la Pêche Maritime. Plus précisément, elle a été obtenue par la somme des quantités commercialisées sur les marchés contrôlés, des quantités expédiées hors des Fivondronana (sous-préfecture) d'origine, c'est à dire à destination notamment des grands centres de consommation de la zone centrale, et enfin, des tonnages des exportations.

L'estimation de la production de l'année 1989 a été fondée sur les informations collectées par l'enquête cadre, réalisée au sein du projet MAG/ 85/014. Elle contient aussi bien la pêche piroguiére que la pêche à pied. Cette estimation semble trouver une confirmation dans la première évaluation de la production traditionnelle maritime réalisée sur la base des données collectées par le nouveau système d'estimation de capture mis en place au cours de l'année 1989. Cette évaluation estime la production annuelle des pêcheries traditionnelles maritimes à 44.500 tonnes environ (pêche artisanale exclue). En prenant en considération que cette première estimation n'est fondée que sur les données de deux mois seulement pour le cas de Mahajanga et Toliara, il a été décidé de ne pas corriger pour l'instant l'estimation précédente de la DPA (52.000 tonnes - pêche artisanale inclue).

Il faut cependant souligner le fait qu'à partir de 1989, les prises dans les eaux estuarines ont été aussi classées dans la pêche maritime. Auparavant, la production dans ces eaux faisait partie de la pêche continentale. Les raisons de ce changement sont au moins triple:

Les résultats relatifs à la pêche dans les eaux douces sont également des estimations, puisqu'il n'existe pas encore de statistiques valables. Pour les plans d'eaux principaux, ces estimations ont été basées sur les recencements des moyens de production, des informations sur la commercialisation de produits pour certains lacs et des enquêtes effectuées à différentes époques. Pour les zones de production secondaires, les renseignements ont été beaucoup plus rares et en général dispersés dans les rapports et les notes. Dans le cas de l'année 1989, les estimations de la DPA (60.000 tonnes), ont été confirmées par l'évaluation de A. Collart et M. Vincke (1989) à la base des chiffres des deux enquêtes-cadres menées dans le cadre du projet MAG/85/014. Si on enlève de ce chiffre la quantité prise dans les eaux estuarines - 30.000 tonnes environ (rapport No10), dont la quantité a été déjà inclue dans la production maritime, les captures dans les eaux douces ne constituent que 30.000 tonnes.

Dans le domaine de la pisciculture, la production a été évaluée sur la base des enquêtes et des recencements repris dans les diverses monographies des Fivondronana. La production dans les rizières a été, dans la majorité des cas, calculée sur la base de la production et de la vente d'alevins.

2.2 Tendances générales du développement

Il est évident que dans cette siutation de fiabilité limitée des chiffres présentés au tableau 2, les analyses très détaillées et mathématiques (p.ex analyse des taux de croissances annuels) n'ont pas de justification. Mais on peut, sans courir le risque de faire une faute, constater certaines tendances générales et en retirer plusieurs remarques et conclusions.

Les observations qu'appelle l'étude des chiffres du tableau 2 sont les suivantes :

1960 - 25.121 tonnes
1970 - 40.876 tonnes
1980 - 46.850 tonnes
1989 - 82.000 tonnes

Tableau 2 : Production halieutique à Madagascar
NoP ê c h e s1 9 6 01 9 7 01 9 8 01 9 8 9
I.PECHE MARITIME3.5009.37613.61869.412
1.1.Pêche industrielle, dont :-3.0105.11917.412
- crevettes-2.9104.9136.962
- poissons-10020610.4501
1.2.Pêche traditionnelles/artisanale3.5006.3668.50052.0002
II.PECHE D'EAUX DOUCES22.50035.09038.70030.215
2.1.Pêche continentale21.62134.51038.35030.0002
2.2.Pisciculture en étangs864508250100
2.3.Rizipisciculture1572100115
III.PRODUCTION TOTALE26.00044.46652.31999.627

1 dont 8.510 tonnes de thons pêchés par les bateaux sous pavillon étranger.

2 A partir de 1989 la production estuarine, classée auparavant dans la pêche continentale, a été inclue dans la pêche maritime.

Sources : Anonyme (1962), M. Vincke (1972), Statistiques de la Direction de la Pêche et de l'Aquaculture, Rapport d'activités de la DPA en 1989, A. Collart, M. Vincke (1989), Rapport No10.

Si on compare les résultats obtenus en 1989 avec les projections avancées par les différents auteurs qui avaient analysé antérieurement les activités halieutiques, d'un côté, on constate que leurs prévisions de développement pour la pêche maritime industrielle et pour la pêche continentale ont été rélativement correctes. Quant à la capacité de développement de la pêche traditionnelle maritime les prévisions ont été trop pessimistes. De l'autre côté, les estimations des possibilités de la croissance de l'aquaculture paraissaient trop optimistes.

En comparant le niveau de la production réalisé en 1989 avec le potentiel du stock halieutique à Madagascar, on peut constater que ce potentiel est nettement sous-exploité. Cette constatation concerne essentiellement les ressources marines.

2.3. Pêche traditionnelle - principal fournisseur de produits halieutiques sur le marché local.

L'objectif principal de cette étude étant la commercialisation interne et la consommation des produits halieutiques à Madagascar, l'analyse de la pêche industrielle maritime, dont presque la totalité de la production est destinée à l'exportation, n'a pas été approfondie. Ce type de pêche malgache orienté vers les captures de crevettes côtières permet, par, ailleurs, la capture de poissons d'accompagnement. Ces poissons sont, soit systématiquement rejetés à la mer, soit gardés à bord pour être commercialisés sur le marché local lorsque les rendements en crevettes sont faibles et que les espaces de conservation sur les chalutiers sont, de ce fait, sous-employés. D'après J. Roullot (1989), la flotille crevettière malgache rejette annuellement entre 18.000 et 24.000 tonnes de poissons. En outre la Division des Pêches Maritimes à Mahajanga estime que jusqu'à 40% de cette prise peuvent constituer des poissons de table et le reste de poissons de farine. Une faible partie seulement de ces captures de poissons est commercialisée actuellement. En 1989, ce qui est démontré par le tableau 2, les sociétés ont gardé à bord et congelé seulement 1.940 tonnes de poissons, ce qui représente moins de 10% de prises globales des poissons d'accompagnement.

Dans le même tableau 2, on trouve aussi un chiffre de 8.510 tonnes de thons, qui ont été déclarés en 1989 par certains bateaux étrangers opérant dans la ZEE malgache. Ce produit n'a pas été destiné pour le marché interne.

Par contre, les produits de la pêche traditionnelle tant maritime que continentale sont en quasi totalité commercialisés localement ou autoconsommés. En l'absence presque d'importation de poisson (tableau 3), ce sont les seuls qui contribuent au ravitaillement de la population en protéines animales d'origine halieutique.

La pêche traditionnelle a noté ces dernières années un développement plus dynamique et, dans le cas de la pêche maritime, inattendu. C'est pourquoi il faudrait analyser un peu plus les raisons de ce progrès. Cette analyse peut être plus approfondie uniquement dans le cas de la pêche en mer (sans la pêche estuarine) pour laquelle on dispose des chiffres de l'année 1970 (A. Collart, 1973) et ceux de 1988/89 (rapports No4, 10 et 12 du projet MAG/85/014).

En comparant les chiffres des ces deux périodes, on ne peut pas rejeter l'hypothèse selon laquelle cette augmentation de la production est liée partiellement à l'amélioration de la couverture statistique. L'enquête réalisée en 1970 a couvert au total 300 villages environ, celle de 1988 deux fois plus (598).

Entre les années 1970 et 1989, la production en mer a augmenté de trois fois plus (de 6.400 tonnes jusqu'à 20.000 tonnes environ). Cette croissance a été influencée seulement par un facteur : l'augmentation du nombre de pirogues (de 3.800 à 12.100 environ). On peut classer ce facteur comme extensif de développement, de la pêche. Le deuxième facteur, la productivité annuelle par pirogue, qu'on peut nommer comme un facteur intensif ou qualitatif de développement, est resté invariable - 1,7 tonnes par pirogue et par an. Par ailleurs, si on compare l'effort de pêche par pirogue, c'est-à-dire le nombre de sorties en mer au cours de l'année, on peut constater qu'il a augmenté de moins de 100 en 1970 jusqu'à 170 environ actuellement. En effet, le rendement de pêche par sortie en mer a diminué, ce qui pourrait indiquer une certaine surexploitation des pêcheries les plus proches des centres de débarquement. Ces effets négatifs sont essentiellement visibles dans la province de Toliara.

En outre, on peut dire que la stimulation du développement de la pêche traditionnelle trouve son origine dans la demande qui a monté ces dernières années. C'était la croissance de la population en générale (2,7%) et de la population urbaine en particulier (4,9%) 1, ainsi que la baisse de la consommation de la viande per capita qui ont poussé à la hausse la consommation des produits halieutiques.

Mais il faut aussi considérer que le développement de la production traditionnelle maritime est dû à la rentabilité de ce genre d'activité. Le pêcheur-patron d'une pirogue, accumule annuellement un revenu net égal à 780.000 FMG, soit 65.000 FMG environ par mois (annexe 1). Les frais d'exploitation (ammortissement de la pirogue, achat d'engins de pêche, entretien et autres dépenses) sont relativement très bas et constituent moins de 20% de la valeur annuelle de la production commercialisée.

1 Taux de croissance pour la population rurale 1,9%, moyen 1984–88. T. Rabetsitonta (1989).

Même si le patron de pirogue doit partager ce revenu avec son assistant, ce qui lui reste est au moins égal au salaire d'un ouvrier travaillant en ville. En plus, sa famille consomme en moyenne 218 Kg de poissons par an, ce qui limite les dépenses en nourriture. En plus, la moitié des pêcheurs menent une activité complémentaire à la pêche, comme l'agriculture, l'élevage etc… Donc, dans la majorité des cas, les conditions matérielles de vie des pêcheurs sont meilleures, que celles de paysans ou ouvriers.

Ainsi on peut comprendre que la rentabilité de la pêche traditionnelle, l'augmentation de la demande et l'élargissement des possibilités d'écoulement des produits halieutiques (grâce aux activités des sociétés de collecte et des revendeurs individuels) ont favorisé le développement accéléré de ce secteur ; et ce malgré les obstacles cités par différents auteurs1.

Par ailleurs, la pêche traditionnelle s'est transformée d'une activité d'autoconsommation et de subsistance en activité commerciale. Cette conclusion est fondée sur les faits suivants :

1 Différents auteurs ont énuméré le plus souvent les obstacles suivants : déséquilibre considérable entre les zones de production et les zones de consommation, enclavement des villages de pêcheurs et leur grande dispersion, insuffisance des voies de communication terrestre, épuisement de certaines zones traditionnellement exploitées, pénurie en approvisionnement en équipement de pêche, absence de crédit bancaire à taux favorable, certain individualisme des pêcheurs, etc…

2 D'après les chiffres du rapport No12, la famille moyenne du pêcheur maritime consomme annuellement 218 Kg de poissons (les pêcheurs d'eau douce consomment moins). Prenant en considération que l'équipage d'une pirogue se compose de 2 personnes et que la production de cette pirogue oscille autour de 2000 Kg par an (moyenne pour la pêche en mer et en estuaire), l'autoconsommation constitue 21.8% de la prise annuelle. En réalité, elle se situe au-dessous de 20% car souvent le patron de la pirogue travaille avec son enfant (26% des enfants de pêcheurs travaillent dans la pêche).

3 L'effort peu intensif des pêcheurs en 1970 parait indiquer, d'après A. Collart (1973), soit que les pêcheurs ont partagé régulièrement leur temps entre la pêche et l'agriculture ou d'autre activité, soit qu'ils ont limité le nombre de leurs sortie en mer en fonction du marché potentiel local ou les possibilités d'écoulement du surplus vers l'intérieur.

Malgré sa croissance, la production, ne couvre pas encore la demande, particulièrement dans les villes des provinces centrales et orientales. Deux faits entre autres démontrent cette situation : les prix de la viande (augmentation permanente) sont toujours suivis par ceux du poisson, et la faible disponibilité de produits halieutiques est jugée par les revendeurs comme la première contrainte limitant leur activité (les autres contraintes telles que par exemple l'accés difficile aux lieux de débarquement ou le mauvais état des routes ont été rangées plus bas dans la liste classée par ordre d'importance).

Les dépenses très basses sur l'investissement et l'exploitation de pirogue traditionnelle stimulent, d'un côté, le développement de ce sous-secteur mais limitent, de l'autre côté, le passage naturel des pêcheurs vers la pêche artisanale utilisant les embarcations motorisées. Ce type de pêche, s'il ne se base pas sur les dons, demande des investissements beaucoup plus couteux (embarcation, moteur, engin de pêche plus efficaces) et des dépenses d'exploitation plus élevées (carburant, pièces détachées, entretien). Il est difficile de croire dans ces conditions que ce dernier type de pêche axé seulement sur les poissons pourraient être compétitif dans les prochaines années avec celui de la pêche traditionnelle. La pêche artisanale peut être rentable et intéressante pour les pêcheurs au cas où elle associe la capture des poissons avec celle des crustacés ou d'autres espèces destinées à l'exportation. Probablement, mais cela reste encore à vérifier, elle pourrait donner des résultats économiques satisfaisants dans les régions relativement riches en poissons, où les conditions tant météorologiques que géographiques limitent le développement de la pêche traditionnelle piroguière (par exemple, région de la baie d'Antongil à l'Est de Madagascar).

Le développement de la pêche maritime traditionnelle et artisanale est encore largement possible vu le potentiel en ressources halieutiques qui existe (tableau 1). Cette constatation est indiscutable dans le cas de la pêche artisanale, qui pourrait exploiter les stocks de poissons presque vierges, situés au-dehors de la zone d'action des pirogues. En ce qui concerne la pêche traditionnelle, elle est justifiée pour les régions assez riches en poisson qui se caractérisent actuellement par une faible concentration des pêcheurs et par conséquent, un effort de pêche limité (par exemple certaines parties de la côte des provinces de Mahajanga et Antsiranana). Tandis que la croissance de la production dans les zones de pêche proches des grands centres de consommation et de commercialisation est beaucoup moins évidente en raison de leurs exploitations intensives (par exemple dans certains Fivondronana de la province de Toliara).

Prenant en considération tous ces éléments présentés auparavant (demande en hausse, rentabilité de la pêche traditionnelle et artisanale ainsi que le potentiel halieutique existant) on peut prévoir dans un avenir assez proche :

Les raisons du développement de la pêche traditionnelle continentale sont les mêmes que pour la pêche maritime, c'est-à-dire l'augmentation de la demande en poissons provoquée par une croissance rapide de la population malgache et la production insuffisante d'autres produits d'origine animale. De plus, cette activité a offert du travail à une grande partie des gens de la campagne, restant souvent sans travaille ou vivant dans des conditions difficiles.

Après plusieurs années d'exploitation intensive, certains grands plans d'eau atteignent leur niveau maximal de production ou même ont montré une baisse des captures annuelles provoquée par la surexploitation (lacs Itasy, Alaotra ou Canal des Pangalanes). Une augmentation permanente de la demande a stimulé les pêcheurs à intensifier leurs efforts de pêche dans les plans d'eau secondaires. Actuellement tous ces plans d'eau sont exploités, naturellement à différents niveaux d'intensité. En conséquence, la production actuelle de 30.000 tonnes est très proche de l'estimation de la potentialité estimée de la pêche continentale (40.000 tonnes).

1 D'après l'enquête réalisée auprès des revendeurs 31% des enquêtés investissent dans la pêche traditionnelle. Cet investissement porte surtout sur l'achat de matériel de pêche et de pirogue. Cette situation illustre certaine interdépendance entre le revendeur et le pêcheur. Le partenariat est renforcé par l'existence d'un débouché sûr des mises à terre, d'un côté, et par l'existence d'une garantie de ravitaillement pour le revendeur. En effet, le revendeur facilite l'acquisition des moyens de pêche par les pêcheurs. Les comptes se régularisent par arrangement (cf. tableaux R-7 et R-8, tome II).

Dans cette situation, la possibilité de sa croissance ultérieure est très limitée. Certains experts constatent même qu'actuellement, dans le domaine des pêches continentales, ce n'est plus de développement dont il conviendrait de parler, mais bien de rationalisation, ce qui implique l'application des mesures générales suivantes pour l'ensemble des plans d'eaux :

3. Importation et exportation

La quantité et le type des produits commercialsiés sur le marché interne ne dépendent pas seulement de la production locale mais aussi du commerce extérieur. L'importation peut augmenter la disponibilité du poisson et enrichir la gamme de produits recherchés par la clientèle. L'exportation, au contraire, diminue l'offre et souvent prive les consommateurs locaux de certaines espèces qui trouvent facilement un débouché à l'étranger.

Dans le cas de Madagascar, l'échange international des produits halieutiques est très déséquilibré - l'importation est minime et très nettement inférieure à l'exportation. La valeur des produits importés a constitué en 1989 seulement 3,4% de la valeur des produits halieutiques expédiés à l'extérieur de Madagascar. D'après les chiffres présentés au tableau 3, le poids des produits importés a dépassé en 1989, 400 tonnes. En réalité ce n'étaient que les conserves achetées à l'étranger parmi lesquelles ont dominé les conserves de sardines, de sardinelle et de sprat (62,5% de l'importation totale) dont la provenance (en majorité des cas) est le Maroc et la France. Les autres conserves importées sont des espèces plus nobles, comme : le thon, l'enchois, les mollusques ou les crustacés ont été le plus souvent d'origine française, italienne, allemande et scandinave.

Il faut souligner que les conserves ne sont pas consommées en général par le malgache moyen car elles coûtent relativement chères (une boîte de sardine de 125 gr. coûte 1.200 – 1.300 FMG alors que 1 Kg de viande de boeuf avec os coûte 1600 – 1800 FMG en 1989).

L'analyse des données du tableau 3 permet de constater une augmentation de l'importation dans la deuxième moitié des années quatre vingt, dont particulièrement en 1989. Cette année correspond au début de la libéralisation du commerce extérieur. Malgré cette progression, l'importation actuelle de produits de la pêche reste toujours très loin des quantités importées en 1970 et en 1960 (respectivement 674 et 890 tonnes)1.

Tableau 3 : Importation de produits halieutiques à Madagascar
Produits exportés1 9 8 01 9 8 51 9 8 61 9 8 71 9 8 81 9 8 9
QVQVQVQVQVQV
1. Produits halieutiques frais, congelés, salés-séchés, fumés et vivants0,38830,15180,9 1.5800,11.2730,31.1150,23.977
 4.179 751 2.207 1.051 713 2.487
2. Conserves74,549.627146,2 302.891120,5200.619106,4 246.093268,7778.719411,22.017.868
 234.865 438.972 280.194 203.248 498.125 1.261.956
T O T A L
74,850.510146,3303.409121,4202.199106,5247.366269,0 779.834411,42.021.845
 239.044 439.723 282.401 204.299 498.838 1.264.443

Q : Quantité en tonne

V : Valeur CAF - première ligne, en millier de FMG
- deuxième ligne, en dollars EU

Sources : Statistiques du commerce extérieur de Madagascar, Banque de données de l'Etat.

Mais, on peut envisager d'augmenter l'importation de poissons de faibles valeurs commerciales et dont les prix seraient accessibles aux consommateurs ayant des revenus moyens. Cela permettrait, dans une certaine mesure de réduire le déficit protéinique local. Toutefois, cette importation devrait être compensée par l'exportation de produits halieutiques de fortes valeurs commerciales (non seulement des crustacés, mais aussi de certaines espèces de poissons à nageoires comme le thon, l'espadon, etc…).

Contrairement à l'importation, la vente de produits halieutiques à l'étranger se caractérise par une augmentation permanente depuis la fin des années soixante, lorsque la flotille des chalutiers crevettiers a commencé son activité (en 1967). Actuellement, les produits de pêche occupent la troisième place parmi les principaux produits exportés de Madagascar (tableau 4). Il faut rappeler qu'en 1960, le secteur de la pêche a exporté seulement 187 tonnes, pour une valeur de 18.084 milles CFA et que l'importation était à cette époque là, d'un niveau beaucoup plus élevé : 890 tonnes, pour une valeur de 133.348 milles CFA 2.

Le rapprochement de la situation de l'année 1960 avec celle de 1989 permet de tirer une conclusion de caractère général : pendant la période d'une génération, Madagascar s'est créée une nouvelle spécialisation exportatrice laquelle est devenue ces dernières années, une des principales activités contribuant à l'équilibre de la balance des paiements par des rentrées substantielles de devises 3.

1 D'après le “Statistique du commerce extérieur de Madagascar en 1960 et 1970”, disponible à la Banque de données de l'Etat.

2 La même source.

3 En 1989, la balance commerciale du pays a été presque équilibrée avec le taux de couverture de l'importation par l'exportation de 91,1% (la balance commerciale a été négative de 43.149 milliards FMG, soit 26.966 millions de dollars E.U., d'après les statistiques de la Banque des données de l'Etat).

L'analyse des chiffres du tableau 4 montre aussi que :

D'autres types de remarques sortent de l'analyse du changement de la structure des produits halieutiques exportés :

En général, Madagascar exporte peu de poissons (ils ne représentent que 0,6% de la valeur totale de l'exportation) mais beaucoup de crustacés (plus de 96% de l'exportation des dernières années). Cette situation est liée, d'un côté, à la demande mondiale et les prix élevés des crustacés et de l'autre côté, à la position géographique de Madagascar qui le situe loin des principaux marchés de poissons. Les poissons sont exportés le plus souvent vers les îles voisines : Comores, Réunion et Maurice. Le commerce du poisson avec les pays situés en dehors de la sous-région de l'Océan Indien occidentale est négligeable. Cette situation semble être dûe à l'absence de compétitivité des poissons malgaches, qui ne peuvent qu'être grevés par de lourds frais de transport sur les marchés desdits pays.

Les crevettes, la principale ressource exportée, sont expédiées actuellement presque exclusivement à vers trois pays : le Japon, la France et la Réunion (tableau 5).

Tableau 5 : Exportation de crevettes par pays de destination (en %)
Destination198019841985198619871988
Réunion12,63,25,35,64,35,0
France15,215,015,124,129,131,3
Japon45,681,076,768,166,063,3
Autres26,60,82,92,20,60,4
Total100,0100,0100,0100,0100,0100,0

Source : Statistiques du commerce extérieur de Madagascar, Banque de données de l'Etat

Les principaux marchés pour les autres produits importés sont les suivants:

-langoustes:France
-crabes:Réunion, France
-trépangs:Singapour et Hong Kong
-ailerons de requin:Singapour et Hong Kong
-coquillages:Italie, France, république Fédérale d'Allemagne et Inde

Il reste encore à noter que les exportations sont sujettes à des impôts et des taxes et qu'aucun régime spécifique douanier n'avantage (ni n'handicape) le commerce international des produits halieutiques.

L'analyse menée auparavant permet de tirer quelques conclusions plus générales. Madagascar appartient au groupe des pays exportateurs nets de produits halieutiques. En conséquence, le marché interne est privé d'une certaine quantité de produits de pêche. Il est difficile de trouver les facteurs qui pourraient changer à l'avenir cette situation. L'importation, même si elle va augmenter, sera toujours limitée, d'un côté, par la disponibilité de ressources importantes en poissons et de l'autre côté, par le pouvoir d'achat très bas des malgaches.

Pour l'exportation, on peut prévoir, à court et moyen termes qu'elle va se développer, tant pour les crustacés que pour les poissons et les autres produits de mer. Mais cette exportation (en quantité) resterait probablement toujours aux alentours de 10 à 15% de la production annuelle de Madagascar. En 1989, l'exportation du secteur de la pêche a atteint le niveau de 9.600 tonnes environ (tonnage converti en produits entiers frais), soit 9,6% de la prise totale. Prenant en considération ce pourcentage qui est actuellement relativement bas ainsi que la spécialisation des opérateurs malgaches dans l'exportation de crustacés, produits trop chers pour le malgache moyen, on peut constater que ce genre de commerce extérieur n'a qu'une influence très limitée sur la consommation locale des produits halieutiques.

4. Adéquation entre les zones de production et les zones de consommation

La carte 1 nous montre l'inadéquation entre la localisation des ressources halieutiques maritimes de la Z.E.E. malgache et les zones à forte concentration démographique à Madagascar. Il apparait clairement que plus de 80% des ressources halieutiques maritimes sont localisées dans la ZEE de la côte occidentale, plus précisément située entre le Cap d'Ambre et le Cap Saint Vincent. Cette portion de la côte-Ouest ne représente que le tiers de la longueur totale des côtes malgaches. Le plateau continental dans cette partie est relativement large (de 30 à 60 milles). Les eaux qui baignent les côtes Sud et Est sont beaucoup moins riches en ressources halieutiques - respectivement 10,8 et 7,6% du potentiel global maritime de Madagascar. Presque deux tiers de ressources estuarines sont concentrées dans la province de Mahajanga.

Dans le cas des eaux continentales, on constate que les eaux à haute productivité sont beaucoup plus dispersées. Elles se trouvent en général dans la partie centrale de Madagascar (le Nord et le Sud sont presque sans grands plans d'eau) et notamment dans les provinces de Mahajanga, Toamasina et Toliara (dans ce dernier cas, les eaux les plus productives sont situées dans la partie Nord-Ouest de la province, à savoir à Belo sur Tsiribihina et à Miandrivazo).

Contrairement aux ressources halieutiques, la population est concentrée sur les Hauts-Plateaux et sur la côte Est (province d'Antananarivo, de Fianarantsoa et de Toamasina). Dans ces trois provinces vivent 69% des malgaches.

Cette inadéquation entre les zones de production et les zones de consommation pose le problème d'approvisionnement en poisson des régions peuplées à partir des régions éloignées de l'Ouest à potentiel excédentaire. Mais ce n'est pas seulement une question de disponibilité et de régularité de livraison des produits de pêche. Cette situation a eu dans le passé et a également actuellement des influences, d'un côté, sur le développement de la pêche et, de l'autre côté, sur l'organisation du commerce (circuits de produits), la technique de conservation et les prix des produits halieutiques.

carte 1

Carte no 1 Dislocation des ressources halieutiques maritimes et de densité demographique.

Source: préparé sur la base de : Rapport des projets MAG/77/009 et MAG/ 80/008, A. Ralison (1982), A. Ralison (1987) Publications de CNRO et la carte de JGN (1984).

Les conséquences pour la pêche continentale ont été le déséquilibre géographique du dévéloppement avec une surexploitation des plans d'eau les plus facilement accessibles. L'expansion de la pêche sur les plans d'eau plus éloignés et le développement de la pêche maritime (qui ont été limités pendant longtemps à cause de cette inadéquation et cette distance) augmentent en fait la longueur des circuits de commercialisation. Cette augmentation, à son tour, demande le traitement des poissons en vue de leur conservation (congélation, réfrigération, salage, fumage). Les dépenses supplémentaires liées avec le traitement et le transport sur une distance considérable grèvent en résultat final les prix au consommateur.

Une des conséquences de l'allongement du circuit de commercialisation sera aussi probablement la diminution de l'offre en produits frais et l'augmentation des disponibilités en produits traités aux marchés des zones de consommation. Cette conclusion est valable à condition qu'il n'y ait pas dans un proche avenir une augmentation significative de la rizipisciculture ou de développement de la pêche maritime semi-industrielle orientée vers la production en masse de poissons frais au prix relativement bas.


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