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I. CONTEXTE

1. Description du secteur

Le secteur des pêches a connu pendant les années 1980 un développement important. Sa production a doublé entre 1980 et 1990, alors que pour les décennies antérieures, la croissance était moins rapide. En 1990, la production totale était de 104.000 tonnes. Cette production a représenté 4,8% du PIB national et 12% du PIB du secteur primaire (agriculture, élevage, pêche et forêt). Il est à souligner l'importance de la pêche traditionnelle dans la constitution du PIB du secteur des pêches (77%). Cette pêcherie traditionnelle, qui fournit 80% de la production totale, assure également presque entièrement le ravitaillement de la population en protéine animale d'origine halieutique car le pays n'importe quasiment pas de poissons.

En 1990, la disponibilité théorique en poissons par habitant était de 7,4 kg alors que celle en viande oscillait autour de 18 kg. La part du poisson dans la consommation de protéines d'origine animale a augmenté de 16,3% en 1960 à 29,4% en 1989. Cette augmentation est liée d'une part à l'accroissement de la consommation de poissons et d'autre part à la baisse de la consommation de la viande. En 1989, la disponibilité théorique par habitant en viande et en poisson était de 25,5 kg par an alors qu'elle était de 30 kg en 1960. Actuellement, cette disponibilité se situe à 25 kg, seuil de carence en protéine animale reconnu par la FAO.

L'apport des produits de la pêche dans les exportations globales malgaches était de 13% en 1990. Ainsi, les produits de la pêche occupent désormais la troisième position parmi les principaux produits exportés par Madagascar après la vanille et le café. Les produits exportés sont constitués essentiellement de crevettes (85% de la valeur des produits halieutiques exportés en 1990). Cependant, la part des autres produits a augmenté ces dernières années.

Le recensement effectué en 1989–1990 indique la présence de plus de 62 mille pêcheurs professionnels (personnes considérant la pêche comme activité principale). En dehors de ces pêcheurs, plus de 6.200 personnes travaillent pour des activités liées directement à la pêche (transformation, stockage et commercialisation des produits halieutiques, construction des embarcations et engins de pêche, administration etc.). Ces 68 mille personnes travaillant pour la pêche constituent 1,2% de la population active malgache (de 15 à 64 ans). Si on considère que chaque pêcheur a en charge entre 6 et 10 personnes, on constate que la pêche fait vivre plus de 550 mille personnes, soit 5,2% de la population globale.

Outre les pêcheurs professionnels, des milliers de personnes pratiquent la pêche ou l'aquaculture de façon occasionnelle ou comme activité secondaire (par exemple les pisciculteurs et les pêcheurs saisonniers des lacs tarissables). Il est très difficile de préciser le nombre total de ces pêcheurs et pisciculteurs. Certains spécialistes estiment leur nombre à 81 mille dont 60 mille pour la pêche continentale et l'aquaculture.

2. Facteurs déterminants le développement du secteur

La pêche a connu ces dernières années un développement important (tel que signalé plus haut). On peut se demander si cette augmentation est directement liée et à quel degré avec la nouvelle politique économique du pays. L'influence de cette politique n'a pas été ressentie de la même façon selon qu'il s'agit de la pêche orientée vers l'approvisionnement du marché interne ou de la pêche orientée vers l'exportation.

La pêche orientée vers l'approvisionnement du marché local, c'est-àdire la pêche traditionnelle aux poissons, s'est développée plutôt grâce à l'existence de ressources disponibles, à sa rentabilité permettant des bénéfices immédiats par opposition aux autres activités agricoles qui procurent des bénéfices à plus long terme, au faible coût d'investissement et à l'existence de débouchés pour les poissons.

La demande croissante du poisson tient à l'accroissement démographique, à la compétitivité avec le prix de la viande et à la substitution de la consommation de la viande par le poisson liée avec la baisse de la consommation de la viande per capita. La libéralisation des prix intérieurs en 1988 n'a pas provoqué une hausse significative des prix au niveau des pêcheurs traditionnels aux poissons. Malgré le prix fixé autoritairement par le gouvernement, le niveau de ce prix était en réalité toujours déterminé par la loi du marché, c'est-à-dire par l'offre et la demande. La dispersion des pêcheurs, le nombre important des collecteurs et revendeurs de petite taille agissant plutôt comme opérateurs du secteur informel et l'insuffisance du personnel de l'administration sur le terrain expliquent la non application des décisions administratives.

En revanche, la pêche orientée vers l'exportation (essentiellement la pêche industrielle crevettière) semble avoir été stimulée plus largement par la nouvelle politique économique. Après une phase difficile entre 1978 et 1983 durant laquelle les sociétés mixtes de la pêche industrielle se sont rapidement essoufflées, on note une reprise à partir de 1984, caractérisée par une extension de l'exploitation avec l'achat de nouveaux navires, la rénovation des équipements et installations. La libéralisation des échanges internes et externes, la politique du désengagement de l'état dans les activités de production ainsi qu'une dévaluation importante de la monnaie malgache ont contribué à cette reprise.

On ne peut pas expliquer le développement de la pêche industrielle, qui nécessite de lourds investissements, uniquement par des mesures économiques prises au cours des années 80. D'autres facteurs ont également favorisé ce développement, notamment : la confirmation de l'existence d'un potentiel de crevettes dans le Sud-Ouest du pays, l'assurance des débouchés pour les produits grâce aux contrats avec les sociétés-mères à l'étranger, le faible niveau d'imposition et l'attribution à partir de 1986 en exclusivité de certaines zones de pêche aux sociétés industrielles crevettières. Tous ces facteurs constituent une garantie suffisante pour l'investissement de ces sociétés.

Par ailleurs, la libéralisation des échanges et la dévaluation importante de la monnaie malgache ont contribué aussi à l'augmentation de l'exportation des produits halieutiques autres que les crevettes. La fin du monopole des sociétés étatiques de collecte de certains produits, la facilité des procédures d'enregistrement des collecteurs-revendeurs, des conditionneurs-stockers et des exportateurs ont favorisé la concurrence, l'augmentation des prix aux producteurs, l'élargissement des rayons de collecte et en conséquence l'augmentation des captures.

Parmi les facteurs les plus importants qui continueront d'influencer le développement du secteur, il faut mentionner l'existence d'une réserve importante de ressources halieutiques peu ou pas exploitées. En comparant le niveau actuel de production (104.000 tonnes) au potentiel du stock halieutique de Madagascar évalué à 450.000 tonnes dont 300.000 tonnes environ ayant une valeur commerciale, les captures actuelles pourraient tripler. Ces possibilités d'augmentation concernent essentiellement la pêche maritime et estuarine.

Parmi les principales ressources peu ou pas exploitées actuellement, qui pourraient attirer à l'avenir l'attention des opérateurs, figurent : les thonidés et autres gros poissons pélagiques, les poissons démersaux, les requins de profondeur, les petits poissons pélagiques ainsi que les crabes de palétuviers et les langoustes néritiques et de profondeur. Outre ces ressources, la côte malgache, particulièrement la partie occidentale, est très propice au développement de la mariculture de crevettes (52.000 ha de terrain propice à cet élevage) avec un potentiel à terme de production crevettière (58.000 tonnes) plus importante que celle de la pêche (9.000 tonnes). Il semblerait également que l'élevage de poissons d'eau douce (notamment la rizipisciculture) puisse constituer à l'avenir une source non-négligeable de poissons.

D'autres atouts favorisant le développement du secteur sont également à signaler :

Malgré tous ces facteurs favorables au développement du secteur, il reste plusieurs problèmes et contraintes qui constituent encore des obstacles limitant le développement de la pêche et de l'aquaculture. Ces problèmes et contraintes qui doivent être résolus à court, moyen et long termes seront présentés dans la partie concernant la justification du Programme Cadre.

3. Stratégie de développement économique du pays

3.1. Principales orientations gouvernementales

Face à la crise économique qui frappe le pays depuis 1980, le gouvernement malgache a entrepris des programmes d'assainissement des finances publiques et d'ajustement structurel. De nombreuses mesures d'accompagnement ont été prises pour relancer l'économie. Parmi les mesures les plus importantes, on peut citer la libéralisation de presque tous les marchés, le désengagement progressif de l'Etat dans les activités de production mieux assurées par le privé, et une forte dévaluation de la monnaie malgache. Cette politique commençait à donner les premiers résultats avant la crise politique qui sévit dans le pays depuis le mois de mai 1991 et c'est surtout au niveau des équilibres généraux que les efforts positifs ont été les plus marquants. Cependant, au niveau social et au niveau de l'augmentation de la production, essentiellement pour le secteur agricole, les résultats n'ont pas été satisfaisants.

Cette politique d'ajustement structurel, après plusieurs années d'application, était arrivée à un tournant. Le Gouvernement malgache et ses partenaires étrangers ont décidé d'orienter leurs préoccupations vers une politique d'accroissement et de diversification des exportations tant des produits agricoles que ceux d'autres secteurs et ce, sans abandonner les mesures de stabilisation et de restructuration.

Le prochain plan quinquennal en cours d'élaboration serait le reflet de cette nouvelle politique économique. Les principales orientations retenues dans sa phase actuelle de préparation sont les suivantes :

Pour atteindre ces objectifs globaux, les réformes structurelles entreprises seront probablement poursuivies et approfondies dans le sens notamment de la redéfinition des rôles respectifs de l'Etat et du secteur privé (promotion du secteur privé et dynamisation de la politique de privatisation des entreprises publiques).

Dans le secteur agricole, au sens large (cultures, élevage et pêches), la nouvelle politique se traduirait par les grands axes suivants :

L'élargissement de la production du secteur agricole destinée à l'exportation, qui permet actuellement de réaliser au moins 80% des recettes totales en devises du pays, devrait (i) aider à équilibrer la balance commerciale qui s'est détériorée gravement en 1990, mais aussi (ii) créer les possibilités de développement de certaines zones rurales. Les produits d'exportation qui dépendent de la demande extérieure, présentent probablement un potentiel de croissance beaucoup plus important que ceux destinés pour le marché interne pour lesquels la demande est limitée par le pouvoir d'achat de la population malgache. Une stratégie de développement et de diversification des produits d'exportation devrait donc représenter un des moteurs fondamentaux de la croissance du secteur agricole et partant de l'économie en général.

3.2. Objectifs de développement de la pêche et de l'aquaculture

La politique du secteur de la pêche et de l'aquaculture à Madagascar a pour objectif fondamental d'optimiser les avantages économiques et sociaux retirés de l'exploitation des ressources halieutiques relevant de la juridiction nationale. Cet objectif global peut se décomposer en des objectifs spécifiques dont les principaux sont :

  1. la participation pour une large part à la satisfaction des besoins locaux en protéine d'origine animale, par une augmentation de la disponibilité en poissons sur le marché intérieur ;

  2. la contribution à l'accroissement des rentrées de devises pour le pays ;

    On ne saurait pas, par ailleurs, oublier les impacts socio-économiques découlant de l'exploitation desdites ressources entre autres :

  3. l'élévation du niveau de vie des pêcheurs ;

  4. la création d'emplois (pêcheurs, armateurs, dockers, mareyeurs, main d'oeuvre pour la transformation et la conservation des produits, transporteurs, …).

Pour une pêcherie unique bien structurée, il est notoire que l'on ne peut pas atteindre simultanément ces objectifs qui sont parfois antinomiques. Ainsi, il faudrait faire un choix sur la destination de la production, à savoir entre le marché local et l'exportation. Par ailleurs, développer la pêche industrielle peut freiner dans certains cas le développement de la pêche artisanale tandis qu'accroître le nombre d'emplois n'augmente pas obligatoirement le niveau de vie des pêcheurs. Toutefois comptetenu de la structuration du secteur malgache de la pêche et de l'aquaculture où l'on constate une distinction très nette de par leur vocation, d'une part entre la pêche industrielle (essentiellement exportatrice) et la pêche traditionnelle (approvisionnant le marché local), et d'autre part entre l'aquaculture marine (visant le marché extérieur) et l'aquaculture dulçaquicole (ravitaillant les consommateurs locaux), une orientation judicieuse du développement de ces différentes branches d'activités permet de réaliser simultanément les objectifs retenus.

Dans le cadre de la préparation du prochain plan quinquennal sectoriel 1992–1996, certains objectifs de développement présentés ci-haut ont été quantifiés, notamment ceux concernant la production destinée tant à la consommation locale qu'à l'exportation. Pour la consommation locale de poisson, on prévoit une augmentation de 7,4 Kg en 1990 à 8 Kg en 1996 par habitant (niveau de consommation moyenne africaine). En ce qui concerne la production, les objectifs de son développement sont présentés dans le tableau ci-après.

Tableau 1: Production en 1990 et objectifs de son développement pour 1996
DésignationProduction nationalePêche
Pêtrangère
T O T A L
Destinée à la
consommation
intérieure
Destinée à
l'exportation
Production en 1990 (tonnes)82.20011.50010.000103.700
Objectifs de production en 1996 (tonnes)105.00024.00015.000144.000
Accroissement (tonnes)22.80012.5005.00040.300
Taux de croissance annuelle (%)4,618,18,36,7

La concrétisation de ces objectifs est possible à condition que toutes les activités prévues pour le secteur soient réalisées, la situation socio-politique stabilisée et le processus de libéralisation de l'économie nationale poursuivi.

3.3. Stratégie de réalisation des objectifs retenus

Le prochain plan quinquennal sera caractérisé en matière de pêche et d'aquaculture par (i) la contribution dominante de la pêche maritime dans le développement de la production halieutique, (ii) la poursuite de la prépondérance de la pêche nationale, (iii) l'accroissement (en volume) plus important de la production nationale destinée à la consommation locale, (iv) un taux de croissance plus rapide de la production nationale destinée à l'exportation par rapport au développement de celle orientée vers le marché intérieur et (v) l'augmentation des produits destinés à l'exportation grâce essentiellement à l'exploitation de nouveaux produits (thons, crevettes d'élevage, etc).

Pour réaliser les objectifs qui ont été retenus dans le cadre du prochain plan quinquennal, les stratégies suivantes ont été retenues :

  1. Accroissement de l'approvisionnement du marché local en poissons.

  2. Diversification et développement des produits marins d'exportation.

  3. Renforcement et amélioration de la gestion du secteur.

Pour concrétiser ces trois axes stratégiques et pour atteindre les objectifs fixés, le programme cadre retenu par le gouvernement contient 39 thémes qui sont considérées comme prioritaires (tableau 2, page 15).

4. Assistance antérieure et en cours

Le volume de l'aide étrangère accordée au cours de la dernière décennie au secteur de la pêche et de l'aquaculture semble être relativement limité par rapport au rôle et au dynamisme du secteur. Cette aide est à la fois bilatérale et multilatérale. Parmi les projets financés par les organismes internationaux de développement, le PNUD joue un rôle important. Cet organisme a financé des projets sur la pisciculture, l'aquaculture de crevettes, la pêche thonière, la formation des ingénieurs halieutes et l'assistance à l'administration des pêches.

Parallèlement au financement des projets par le PNUD, l'aide au secteur des pêches est octroyée par certains pays dont le Japon, l'Allemagne, la France, l'Indonésie, et ce dans le cadre de la coopération bilatérale, Actuellement, quatre projets significatifs sont à signaler :


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