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3. CARACTERISTIQUES DE LA REGION

3.1. Une vaste région où prédomine le relief montagneux

Le Vakinankaratra, zone d'intervention de la CIRPA du même nom, est situé dans la partie centrale de Madagascar (cf. Figure 2.1.), en grande partie sur le socle cristallin constituant les Hautes-Terres malgaches. C'est une région à forte prédominance montagneuse. En effet, étymologiquement, le Vakinankaratra est “la région traversée par l'Ankaratra”, ċe dernier étant un massif d'origine volcanique qui a pour sommet le Tsiafajavona (2.643 m).

Au temps des royaumes, le Vakinankaratra était un territoire beaucoup plus vaste, s'étendant au-delà d'Ambositra au sud (cf. Figure 2.1.). Dans son acception actuelle, bien qu'amputée de sa partie méridionale par suite des morcellements administratifs, la région du Vakinankaratra couvre encore une superficie de 18.014 km2.

Sur le plan administratif, elle occupe la partie sud du Faritany (ou Province) d'Antananarivo. Le principal pôle urbain en est Antsirabe, la deuxiéme ville de Madagascar. La région est composée de six Fivondronana1, soit d'ouest en est: Betafo, Faratsiho, Antsirabe I, Antsirabe II, antanifotsy et Ambatolampy2 (cf. Figure 2.2.).

3.2. Une région tropicale d'altitude

La région du Vakinankaratra fait donc partie des Hautes-Terres centrales de Madagascar. De ce fait, elle baigne dans un climat dit tropical d'altitude caractérisé par l'alternance annuelle d'une saison chaude et pluvieuse (novembre-mars) et d'une saison fraîche et séche (avril-octobre). Il en découle une certaine sécheresse dans la région durant 5 ou 6 mois, les précipitations étant essentiellement concentrées durant la saison pluvieuse, notamment de décembre à mars.

La pluviométrie varie toutefois d'une zone à l'autre, à cause du caractére tourmenté du relief de la région (présence du massif de l'Ankaratra). Pour illustration, nous allons comparer la pluviosité des principales stations de la région (cf. Tableau 3.1.).

Outre les différences liées à l'altitude, on remarque une dissymétrie des pluviosités entre les deux versants du massif de l'Ankaratra. Cette dissymétrie peut être visualisée dans la Figure 3.1., tirée du Tableau 3.1.. Cette figure fait ressortir la variation des précipitations dans l'année, ainsi que la dissymétrie pluviométrique entre l'ouest et l'est du massif de l'Ankaratra : indépendamment de l'altitude, on constate qu'il pleut davantage à l'ouest qu'à l'est. Ceci s'explique par le fait que l'alizé du sud-est s'est déjà déchargé d'une partie de son humidité sur les gradins orientaux de l'Ile avant d'aborder la bande orientale des Hautes-Terres, où il se défait du reste, tandis que la mousson du nord-ouest rencontre peu d'obstacles avant les reliefs occidentaux des Hautes-Terres, où elle génère de violents orages.

1- Echelon administratif situé immédiatement en-dessous du Faritany (ou Province). Madagascar en compte actuellement 111.

2- Certains organismes de développement excluent du Vakinankaratra ce dernier Fivondronana, ce qui raméne leur zone d'action à une superficie de 15.344 km2.

En revanche, les pluies sont plus concentrées dans l'année (et la saison sèche plus marquée) à l'ouest, alors qu'elles sont mieux étalées dans l'année à l'est.

Tableau 3.1.: Pluviosité moyenne mensuelle de quelques stations du Vakinankaratra, en mm (nombre d'années d'observation inconnu)

StationsAltitudeJFMAMJJASONDMoyenne annuelle
Mandoto915360289256681668711721562901539
Betafo1402316247218493012141322721542901467
Antsirabe1506293241218773012171523771582681429
Ambatolampy1555331291279824216222223601782791625
Antanifotsy1560297157182381416262736401253031261
Ambohimandroso1600300151180401215272737391203121260
Tsinjoarivo1640280205195603020263015351503001346
Ambohibary1658288266226923824281731741742871545
Faratsiho175039933631310932131914281011953521911
Soanindrariny1800300160182401820313040451283101304
Manjakatompo18063623223861065528304040962113292005
Antsampandrano1844298254272923422252632721963661689
Nanokely2100351290272942813161330921822931674

Source: RAUNET (1981).

Figure 3.1.: Régime pluviométrique comparé d'une station située à l'ouest de l'Ankaratra et de deux autres situées à l'est

Figure 3.1.

Précipitations totales : Faratsiho (1.750 m) : 1.911 mm                                        
Ambatolampy (1.555 m) : 1.625 mm
    Antsampandrano (1.844 m) : 1.689 mm

Quant au régime thermique de l'air, le Tableau 3.2. en présente les principaux traits. Il apparaît que la température moyenne annuelle de l'air varie de 13°9 à 17°5 dans la région du Vakinankaratra1, selon les stations et en fonction de l'altitude. D'une façon générale, la température moyenne annuelle diminue avec l'augmentation de l'altitude.

Tableau 3.2.: Températures moyennes mensuelles de l'air dans quelques stations de la région du Vakinankaratra, en °C (nombre d'années d'observations inconnu)

StationsAltitudeJFMAMJJASONDMoyenne annuelle
Betafo140220,420,219,818,415,813,813,213,916,018,219,620,217,5
Antsirabe150619,419,718,817,414,512,712,413,214,817,218,719,316,8
Ambatolampy155518,818,718,117,214,913,413,213,115,016,917,318,316,2
Tsinjoarivo164019,218,217,517,314,113,213,113,215,016,318,018,516,2
Ambohibary165819,319,218,817,415,112,712,212,914,416,918,018,016,3
Faratsiho175018,717,817,817,015,114,013,214,315,917,618,318,416,5
Soanindrariny180017,918,017,517,014,512,011,411,614,016,217,117,715,2
Manjakatompo180617,917,517,616,414,012,311,912,413,916,317,417,815,6
Antsampandrano184417,417,617,615,813,211,210,611,313,415,616,917,614,8
Nanokely210016,416,416,214,912,711,110,411,313,115,015,916,413,9

Source: RAUNET (1981).

Les variations annuelles de la température moyenne sont visualisées dans la Figure 3.2. à travers le régime thermique de 3 stations représentatives2 de la région : Betafo, Faratsiho et Ambatolampy.

En aquaculture, les températures de l'air sont moins utiles que celles de l'eau dormante, ce qui est d'ailleurs compréhensible. Les données sur ces dernières sont toutefois rares à Madagascar. De ce fait, il est impossible de présenter ici le régime thermique de l'eau dans les zones du Vakinankaratra. Il est néanmoins possible d'en estimer la courbe à partir de celle des températures d'air. En effet, il existe toujours un certain parallélisme entre les courbes de ces deux facteurs (cf. Annexe IV), celle de l'eau étant généralement au-dessus de celle de l'air.

En somme, tout comme l'air atmosphérique, l'eau dormante subit également des variations de la température tout au long de l'année, avec une période de fraîcheur qui correspond à la saison fraîche.

Ces variations de la pluviosité et de la température, aussi bien dans l'année que dans l'espace, conditionnent déjà la performance de chaque producteur d'alevins, comptetenu de l'importance de l'eau et de la chaleur dans l'élevage de poisson.

1 Le tableau ne présente que les stations situées au-dessus de 1.400 m, puisque l'essentiel de la région dépasse cette altitude, compte-tenu de son appartenance aux Hautes-Terres centrales.

2 Altitudes et situations par rapport au massif de l'Ankaratra différentes.

Figure 3.2. : Régime thermique de l'air dans quelques stations du Vakinankaratra

Figure 3.2.

Températures moyennes annuelles : Betafo (1.402 m) : 17,5°C                                                 
                Ambatolampy (1.555 m) : 16,2°C
         Faratsiho (1.750 m) : 16,5°C

Pour l'eau en particulier, l'omniprésence de la longue saison sèche dans tous les secteurs peut gêner l'activité piscicole des unités de production qui sont fortement dépendantes des eaux de pluies : retard de la mise en ponte par exemple, puisqu'en début de la saison de reproduction (septembre et octobre), les précipitations restent encore faibles pour la plupart des zones (cf. Tableau 3.1.) alors que les riziculteurs commencent aussi à prélever de l'eau pour les pépinières (octobre-novembre). Dans ces cas-là, tout repose donc sur la capacité des usagers à s'entendre sur le partage du peu d'eau à leur disposition (question d'organisation sociale).

Quant à la température de l'eau, sa baisse notable durant la saison fraîche limite la durée de la période d'élevage, ainsi que la croissance des poissons, en particulier en haute altitude. Toutefois, la rizipisciculture en contre-saison n'en reste pas moins possible et il reste à vérifier si elle n'est pas plus rentable que les cultures de contresaison pratiquées habituellement par les paysans.

En somme, les facteurs climatiques zonaux peuvent influencer la performance des producteurs d'alevins (et aussi des rizipisciculteurs). Les traits les plus limitants en sont la longue saison sèche et fraîche où les précipitations et la température de l'eau sont nettement faibles, ainsi que la déficience des précipitations dans certains secteurs de cette région montagneuse.

3.3. Une région à communication intérieure difficile

Au niveau national, la région du Vakinankaratra est au carrefour du grand axe routier nord-sud (routes nationales 7 et 4) et de la route nationale 34 qui dessert les régions occidentales de l'Ile ; elle est en outre reliée à la capitale par une ligne de chemin de fer (cf. Figure 2.1.). Cette région est donc bien reliée avec les principaux centres de consommation et/ou d'approvisionnement du pays.

Mais au niveau régional, le Vakinankaratra connaît des difficultés de communication, dès que l'on s'éloigne des principaux axes. En saison sèche, les pistes de la région sont en grande partie carrossables, au moins avec des véhicules tout-terrain pour certaines. Mais durant la saison pluvieuse, certaines zones sont inaccessibles, même pour ces voitures spécialisées ; c'est par exemple le cas du Fivondronana de Faratsiho et de la moitié orientale du Fivondronana d'Antanifotsy (cf. Figure 2.2.). Pour le reste de la région, même si la circulation demeure possible en période de pluies, l'utilisation d'une voiture tout-terrain est souvent nécessaire.

Dans le domaine de l'aquaculture, la densité du réseau routier est très utile, à moyen terme : pour la commercialisation de poisson dans la région et/ou dans d'autres régions, pour l'approvisionnement régulier des exploitations en intrants et pour la fourniture des services (informations, vulgarisations, crédits).

Mais même au niveau local, la déficience ou la mauvaise qualité du réseau de communication peut entraver les actions du producteur privé. L'un d'entre eux, situé à Faratsiho, se plaint par exemple de la mauvaise qualité des pistes de sa localité, qui l'empêche d'utiliser sa charrette pour ramasser des débris végétaux en vue d'en faire du compost.

Un bon réseau de pistes apparait en somme important pour le devenir des unités de production d'alevins, en ce sens que celles-ci devront être, à terme, autonomes et indépendantes.

3.4. Une région fortement encadrée par les organismes de développement

La population agricole du Vakinankaratra est en général réputée pour son niveau technique assez élevé. Ceci est dû au fait que le Vakinankaratra était une ancienne URER1, et on y trouve aussi à l'heure actuelle un grand nombre d'organismes et opérations étatiques et privés (ONG) ayant pour objectif commun le développement rural par des techniques agricoles améliorées : KOBAMA, CIRIR, Service des Eaux et Forêts, CIRVA-ODR, FIFAMANOR, ROMANOR, Tsimoka-FERT, AVEAMM, etc…

Cet environnement technique favorable contribue en partie à la réceptivité de la population. De plus, les paysans sont contraints d'intensifier et de diversifier leurs activités, à cause de la pression démographique et foncière. La densité moyenne dans le Vakinankaratra est de 66 hab/km2, mais elle varie beaucoup selon les secteurs; les plus fortes densités sont observées dans la partie orientale de la région, où certains secteurs comptent plus de 200 hab/km2, et les plus faibles dans la partie occidentale, en particulier le sud-ouest.

1 Unité Régionale d'Expansion Rurale. Il s'agissait d'une représentation régionale de l'Opération Productivité Rizicole qui, à travers l'intensification de la riziculture, a contribué à l'introduction des techniques agricoles améliorées en milieu rural.

Cette “réceptivité” de la population se manifeste par une certaine facilité à adopter les innovations (agricoles ou non) qui pourraient apporter un supplément de revenus monétaires :

L'agriculture du Vakinankaratra est confrontée à un grave problème de dépassement démographique. Ceci conditionne la grande vivacité avec laquelle les paysans répondent aux incitations de la demande urbaine (…), quelle qu'elle soit : les villes de l'Imerina demandent-elles des fruits, le Vakinankaratra crée des vergers ; une usine de jus de fruit s'installe-t-elle à Antsirabe, les vergers s'étendent ; une usine de lait condensé demande-t-elle du lait frais, les paysans nourrissent des vaches laitières. Faut-il du blé, les paysans font du blé ; ils feront encore du soja ou de l'orge si les prix de collecte sont rémunérateurs, pourvu que le temps nécessaire à l'acceptation des nouvelles cultures leur soit laissé” (MTP, 1986).

Néanmoins, les paysans ne peuvent pas répondre simultanément à toutes les sollicitations. Ils y répondent successivement, en choisissant celle qui serait en mesure de restaurer la viabilité de leur exploitation morcelée par les partages successoraux :

Une spéculation chasse l'autre. Ces succès éphémères s'expliquent aisément. Toute opération de développement doit offrir quelque avantage immédiat aux paysans qu'elle veut mobiliser : surprix de collecte, fourniture d'intrants agricoles à prix réduit, action de crédits agricoles ou fourniture de travaux à façon mécanisée, qui permettent d'élever la rémunération de la journée de travail agricole”. (MTP, 1986).

En somme, le paysan du Vakinankaratra adopte la spéculation la plus avantageuse pour lui dans l'immédiat et, étant réceptif, répond à une nouvelle incitation si la précédente est peu rentable. Il cherche avant tout à contrebalancer la paupérisation engendrée entre autres par le morcellement de l'exploitation causé par les partages successoraux, donc par la pression foncière.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le développement de la production des poissons marchands et de la production d'alevins dans la région. En tant que spéculations potentiellement rentables, elles répondent à l'attente des paysans locaux. Ceux-ci les ont donc acceptées de façon assez rapide et massive1. De même, l'adoption des espèces importées comme le tilapia et la carpe commune par les paysans a été facile, même dans les secteurs qui n'ont pas bénéficié de vulgarisation préalable2.

En fin de compte, étant réceptifs par nécessité, les paysans du Vakinankaratra ont adopté la production d'alevins et surtout la rizipisciculture, car ce sont des activités potentiellement rémunératrices. Mais ils doivent en rester convaincus, faute de quoi, ils pourraient se tourner vers une autre incitation, auquel cas ces activités redeviendraient marginales et extensives. Il n'est pas exagéré de parler de compétition entre les organismes et entreprises de développement qui opèrent dans cette région.

1 La (rizi)pisciculture est connue dans la régions des Hautes-Terres depuis les années 40 et 50, mais était restée une activité marginale.

2 Les rizipiciculteurs élevaient traditionnellement des espèces moins performantes (tilapias, cyprins dorés, carpes de variétés hybrides, …) avant la vulgarisation de la carpe commune var royale par la CIRPA/projet.

3.5. Une population pratiquant la pluriactivité

Comme les autres populations rurales de Madagascar, celle du Vakinankaratra pratique la pluriactivité. La diversification des activités agricoles répond au souci de produire la majorité des denrées dont le paysan a besoin, l'économie étant axée sur l'autosubsistance ; mais c'est aussi dans le but de limiter les risques. La pratique de spéculations rémunératrices (agricoles ou non) est par contre un moyen d'avoir des revenus monétaires d'appoint, notamment quand le capital foncier exploité se trouve limité.

Et comme partout dans l'Ile, la culture du riz demeure l'activité primordiale : elle est prioritaire sur les autres, et est également le pivot de ces dernières. Le paysan malgache a par exemple adopté les cultures de contre-saison, notamment parce que celles-ci améliorent le rendement rizicole, tout en fournissant des productions et revenus d'appoint.

La pratique de cultures de contre-saison est presque généralisée dans la région. La culture de pomme de terre y tient la première place, tant par la superficie totale occupée que par le nombre de pratiquants. Mais, la place des nouvelles céréales (blé, triticale, orge) y devient également de plus en plus importante.

En plus de celles de rizières, les paysans pratiquent plusieurs autres cultures de tanety. Pour l'ensemble du Vakinankaratra, les principales sont, par ordre décroissant de superficie : le maïs, la pomme de terre, le manioc, les nouvelles céréales, les fruits et les cultures maraîchères.

Le Vakinankaratra ne délaisse pas pour autant l'élevage. Il s'agit surtout de l'élevage bovin et porcin, plus quelques animaux de basse-cour (poules et lapins).

Enfin, il existe de nombreuses activités non-agricoles que pratiquent les habitants de la zone, selon leurs possibilités : petit commerce rural, artisanat, activité forestière, emploi industriel, exploitation minière, spéculations diverses, etc …

A ces nombreuses activités s'ajoute comme activité de l'élevage l'aquaculture qui, sans être contraignante, nécessite également du travail et des investissements monétaires.

Les paysans doivent ainsi hiérarchiser le temps et les fonds à consacrer à chaque activité en fonction des revenus qu'ils peuvent en tirer, compte tenu de la faiblesse relative de leur main-d'oeuvre et de leurs possibilités monétaires.


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