Page précédente Table des matières Page suivante


P A R T I E  II

PROGRAMMES D'ACTIONS

I. Accroissement de la production destinée au marché local

PROGRAMME I - Promotion de la pêche traditionnelle maritime, amélioration des moyens de travail et du niveau de vie des pêcheurs

1.1. Situation actuelle et contraintes

La pêche traditionnelle maritime s'est développée de façon spectaculaire ces dernières années atteignant en 1990 une production de plus de 50.000 tonnes, ce qui constitue 50% de la capture totale malgache et plus de 60% des produits halieutiques destinés à la consommation locale. Cet accroissement de la production est due pour 80% à la multiplication du nombre des pirogues et seulement pour 20% à l'amélioration de la productivité annuelle par pirogue. Cette pêcherie est passée d'une activité d'autoconsommation et de subsistance à une activité commerciale. La part de l'autoconsommation est estimée à moins de 20% des prises.

Les problèmes majeurs de cette pêche traditionnelle sont liés aux débouchés des produits, à l'approvisionnement en engins de pêche et autres équipements, au renforcement de la vulgarisation et à l'introduction de nouvelles techniques et technologies.

Les villages de pêcheurs maritimes sont très dispersés et généralement de petites tailles. Cette caractéristique liée à l'inadéquation entre les zones de production à l'Ouest du pays et les zones de consommation concentrées sur les Hauts-Plateaux ainsi qu'à l'insuffisance des réseaux routiers, rend difficile l'approvisionnement en matériel, l'encadrement technique et la collecte des poissons.

Pour la collecte et la distribution des poissons, la petite taille des entreprises fonctionnant essentiellement avec leurs propres ressources financières, (le problème de fonds de roulement) et le niveau d'investissement insuffisant limitent la portée et l'expansion des activités des collecteurs (72% des revendeurs opèrent à l'intérieur de leur Fivondronana).

La dispersion des villages de pêcheurs, le niveau d'instruction générale peu élevé, l'absence de tradition d'épargne et d'investissement chez les pêcheurs, qui font également preuve d'individualisme très marqué, ainsi que l'insuffisance de l'approvisionnement en matériel et engins de pêche et leurs coûts souvent élevés limitent les progrès de la technique traditionnelle de capture et de la technologie de conservation. La production industrielle locale d'engins de pêche est presque inexistante. La majorité est importée, de surcroît, en quantité insuffisante. En plus, ce matériel arrive de façon irrégulière auprès des utilisateurs.

A tous ces problèmes et contraintes il faut encore ajouter ceux liés à l'absence d'un système approprié de financement des activités des petits opérateurs, l'insuffisance des moyens humains et techniques pour assurer la vulgarisation ainsi que l'application de mesures législatives et réglementaires visant à protéger les activités des pêcheurs traditionnels. A signaler que, sur la côte Est, le développement de la pêche traditionnelle est en outre freinée par des conditions météorologiques difficiles.

1.2. Possibilités de développement et propositions d'actions

Parmi les facteurs les plus importants qui stimulent le développement de la pêche traditionnelle, on note essentiellement la demande croissante de poissons sur le marché local et la rentabilité de cette activité. L'augmentation de la demande en poisson est liée particulièrement à la croissance de la population en général (3%) et de la population urbaine en particulier (4,9%), à la baisse de la consommation de la viande per capita ainsi qu'au prix compétitif du poisson par rapport à celui de la viande. Ses faibles coûts d'investissement et d'exploitation rendent cette pêcherie lucrative, permettant des bénéfices numéraires immédiats par opposition aux autres activités (par exemple l'élevage et l'agriculture) qui procurent des bénéfices à plus long terme. Tous ces facteurs ajoutés à l'existence de ressources halieutiques côtières faiblement exploitées (sauf dans certaines régions proches des grands centres de consommation qui montrent des signes de surexploitation) permettent de croire que la pêche traditionnelle maritime dispose encore d'importantes possibilités de développement.

Cette pêcherie restera encore pour longtemps “la clef de voûte” de l'économie des pêches malgaches du fait du rôle primordial qu'elle joue dans l'approvisionnement des marchés locaux en poisson, de l'utilisation importante de main d'oeuvre et de compétences locales, de la consommation de carburant nulle (pour la capture) ou faible (pour la collecte) et du coût des investissements restant à la portée des pêcheurs.

Tous ces points forts et le rôle de cette pêcherie, qui n'a pas bénéficié d'un soutien significatif de la part du Gouvernement et des organismes de développement, méritent une attention particulière de la part des pouvoirs publics afin d'encourager son évolution vers une pêche traditionnelle plus productive.

Trois types d'actions sont proposés pour stimuler le développement de la pêche traditionnelle maritime. Le premier, qui doit être réalisé en priorité à court et moyen terme, est celui qui permet d'accroître les possibilités d'écoulement des produits. Ceci concerne les régions les plus éloignées des grands centres de consommation où l'effort de pêche (production) est limité volontairement par les pêcheurs eux-mêmes à cause du manque de débouchés. Le deuxième type d'action se rapporte à l'augmentation de la production par la modernisation des techniques de pêche, de traitement et de stockage. Enfin, le troisième englobe les activités permettant d'améliorer les conditions de vie et le mode de fonctionnement des communautés villageoises de pêcheurs.

1.2.1. Intensification de la collecte des poissons auprès des pêcheurs traditionnels

L'évacuation des produits est liée, premièrement, à l'entretien des infrastructures routières existantes et, ensuite, à la construction de nouvelles voies de desserte dans les régions à forte potentialité de développement de la pêche. Le désenclavement des villages par la construction de nouvelles routes est une action à long terme qui ne dépend pas de l'administration des pêches, mais qui doit être résolu au niveau du plan national. Cependant, l'administration des pêches doit insister pour que le nouveau plan routier prenne en compte les besoins du développement de la pêche et de l'aquaculture dans certaines régions, telles que:

Vu les difficultés et la lenteur des constructions routières, il est très probable que la collecte par voie maritime et fluviale se développera plus rapidement.

Néanmoins, malgré les problèmes liés au réseau routier, on peut augmenter l'offre en poissons à court et moyen terme par l'élargissement des actions des mareyeurs et par l'augmentation de la régularité de leurs passages dans les villages et ce, grâce à la mise en place de conditions plus favorables à l'exercice de leurs activités. Il s'agit d'abord d'accroître les capacités d'investissement et d'achat de produit des opérateurs en leur facilitant l'accès au crédit. Il faut, ensuite, faciliter l'acquisition des intrants par la diminution ou l'exonération de certaines taxes et impôts. Il s'agit essentiellement de l'exonération sinon de la réduction jusqu'à 10% de la taxe d'importation pour les moteurs hors bord et in bord, à pétrole ou à gas-oil de faible puissance (moins de 25 CV). Ce genre de moteurs peut être utilisé pour la pêche et le transport ou la collecte mais pas pour la plaisance qui demande des moteurs de plus forte puissance. Il faut rappeler qu'actuellement les importateurs de moteurs marins payent 10% de droit de douanes, 30 - 35% de taxe d'importation, et 15% de TUT. Si on ajoute à ces charges le bénéfice de l'importateur, le prix de vente est doublé par rapport au prix d'achat à l'étranger. La diminution de la taxe d'importation devrait toucher également les pièces détachées pour ces moteurs ainsi que certains équipements et matériel nécessaires à la conservation et au traitement des poissons sous-froid (comme par exemple le matériel d'isolation et la fabrique de glace). Les autres besoins en matériel et équipement des revendeurs peuvent être couverts d'une manière générale localement (camionnettes d'occasion, embarcations tant en bois qu'en polyester et en acier, matériel pour la construction de fumoirs et magasins, etc.).

Les taxes et impôts divers portant sur la commercialisation pour le marché intérieur des produits halieutiques à payer aux Services des Contributions Directes, devraient être limités à la patente. Cette patente devrait se rapporter à une période bien définie (un an, une saison, etc.), être d'un montant relativement bas, à la portée de tous, même des petits opérateurs, et être différente selon la spécialisation des opérateurs (produits frais, séchés, etc.) ou leur fonction (grossiste, mareyeur, collecteur). Toutes ces dispositions légales et fiscales favorisant le développement de la coilecte des poissons permettront, non seulement d'attirer les gens à la commercialisation des produits halieutiques et, en conséquence, de créer une concurrence entre les opérateurs (situation la plus favorable pour les pêcheurs souvent dépendants, actuellement, des revendeurs), mais aussi de limiter la hausse des prix au niveau des consommateurs qui ont un pouvoir d'achat très bas.

Malgré ces mesures d'allègement des taxes et des impôts, les recettes fiscales du Gouvernement ne diminueront pas en volume globale vu l'augmentation du nombre de collecteurs (plus de patentes) et de la quantité d'équipements et de matériel à importer.

A part la création d'un environnement économique et fiscal favorable au développement de la collecte, l'administration responsable de la gestion du secteur des pêches devrait plus largement collaborer avec les revendeurs, en concentrant essentiellement son assistance sur :

L'augmentation de l'offre en poissons peut également être obtenue grâce à une collaboration plus étroite entre revendeurs et pêcheurs. Les revendeurs peuvent approvisionner les pêcheurs en engins, matériel et équipements, ce qui évite aux pêcheurs de se déplacer, ou cofinancer l'achat des engins et matériel de pêche, de pirogues ainsi que les équipements nécessaires à la transformation ou à la conservation des poissons. Le manque de disponibilité financière chez les pêcheurs traditionnels, d'une part, et l'insuffisance de l'offre de produits dans certaines zones, d'autre part, ont conduit les collecteurs et les mareyeurs à participer au financement du renouvellement et de l'acquisition de moyens de production et de conservation des produits. Ils participent ainsi à l'accroissement de la production dont ils ont besoin et, en même temps, facilitent l'acquisition de moyens de pêche par les pêcheurs. Les revendeurs peuvent également, dans leur intérêt, proposer aux pêcheurs de nouvelles techniques de transformation et de conservation appropriées pour améliorer la qualité et augmenter la disponibilité des produits qu'ils recherchent (par exemple les nouvelles techniques de fumage ou de conservation du poisson frais dans des viviers). Le soutien des collecteurs peut aussi porter sur la construction de petites infrastructures villageoises concernant directement la collecte (par exemple : quai pour le chargement des embarcations de collecte ou magasins de stockage).

Pour le court et moyen terme, trois projets nécessitant un financement extérieur ont été identifiés pour résoudre certains problèmes liés à la collecte. Il s'agit de l'intensification de la collecte et du mareyage des poissons de la pêche traditionnelle, l'analyse et l'adaptation du régime fiscal et juridique aux besoins du secteur des pêches et l'étude sur les problèmes et perspectives des chaînes de froid à Madagascar.

1.2.2. Amélioration des techniques de capture et des technologies de traitement et de conservation

L'augmentation de l'offre par les pêcheurs eux-mêmes peut se faire, soit par la multiplication des moyens de production, soit par l'augmentation de la productivité grâce à l'amélioration des techniques de pêche et des technologies de conservation et traitement. Compte tenu des tendances de développement de la pêche traditionnelle observée jusqu'à présent, il s'avère qu'à court et à moyen terme, l'accroissement de la production, malgré certaines innovations techniques, aura encore essentiellement un caractère extensif.

Toute innovation technique visant à augmenter la production et à améliorer les conditions de travail doit être scrupuleusement analysée en tenant compte de l'environnement du pêcheur, de sa tradition, de son niveau d'instruction et de sa capacité à assimiler de nouvelles techniques. L'expérience de Madagascar, comme ailleurs en Afrique, a démontré que tous les programmes de modernisation de la pêche traditionnelle entrepris jusqu'à ce jour, s'ils ont été parfois des succès techniques, se sont soldés par des échecs économiques ou sociaux, faute d'avoir préparé les pêcheurs à recevoir un matériel plus élaboré que celui auquel ils sont traditionnellement habitués.

Les innovations technologiques conduisant à un accroissement de la production et à une augmentation de l'efficacité sont néanmoins faisables, mais devraient être appliquées progressivement, après avoir été testées minutueusement avant d'être diffusées en collaboration étroite avec les pêcheurs eux-mêmes. Il est évident que ces innovations doivent être apportées essentiellement dans les régions bien peuplées et facilement accessibles. Les pêcheurs de ces régions, pour maintenir ou augmenter leur production, seront obligés d'utiliser des engins plus efficaces ou mieux adaptés à l'exploitation de nouvelles zones plus éloignées, au large ou le long de la côte jusque-là inaccessibles, étant donné que les stocks les plus proches des points de débarquement montrent des signes de surexploitation. Dans les autres régions où les ressources sont toujours sous exploitées, le progrés technique sera à court et moyen terme moins marqué. Pour ces régions, il suffira de résoudre le problème d'écoulement des poissons pour obtenir une croissance des captures, soit par l'augmentation de l'effort de pêche (plus de sorties en mer), soit par la multiplication des équipements de pêche traditionnellement utilisés (pirogue, engins de pêche) et, par l'augmentation du nombre de pêcheurs (développement extensif).

La tâche la plus urgente doit être consacrée à une formation technique simple des pêcheurs. Cette formation devrait être réalisée, soit par différents projets de développement de la pêche traditionnelle, soit par une meilleure vulgarisation réalisée par les services décentralisés de la DRH. Cette formation doit être appuyée par quatre groupes d'actions plus précises. Le premier contient les actions qui doivent servir à faciliter l'acquisition d'engins de pêche, le deuxième englobe les actions visant à améliorer les embarcations utilisées par la pêche traditionnelle, le troisième concerne l'amélioration des techniques de traitement et de conservation et enfin le quatrième est constitué des actions se rapportant à la vulgarisation de nouvelles techniques et technologies.

1.2.3. Augmentation de l'offre en engins de pêche

Les pirogues et une grande partie des engins de pêches sont produits localement, sauf certains filets maillants, sennes et hameçons qui sont importés. Les pêcheurs, lorsqu'ils trouvent la matière première (particulièrement les fils) produisent souvent eux-mêmes les filets. Cependant, cette production individuelle reste très limitée.

La fabrication de matériel et équipements de pêche à Madagascar est insignifiante. Différentes sociétés ont essayé de produire des filets, des fils et des hameçons, mais très vite elles ont orienté leurs activités vers l'importation de ces matériels et équipements pour des raisons de rentabilité. Le niveau de production assez bas explique la faible rentabilité de cette activité. Plusieurs missions effectuées à Madagascar ayant analysé les possibilités de produire localement des hameçons ont conclu que le marché local, relativement limité, ne justifie pas ce genre d'investissement. Les gros producteurs mondiaux, grâce à leur niveau de production très élevé, resteront plus compétitifs que les petits producteurs malgaches. Dans cette situation l'approvisionnement des pêcheurs dépendra de l'importation. Il semble logique que la taxe d'importation des hameçons (principal engin de pêche) soit ramenée à celle appliquée aux filets de pêche, c'est-à-dire, 10% au lieu de 40% actuellement.

Pour aider les opérateurs à mieux orienter leur production locale ou leurs achats à l'étranger, un inventaire des besoins des pêcheurs en différents types d'engins de pêche devrait être effectué par l'administration des pêches.

A une échelle beaucoup plus restreinte et pour trouver une solution ponctuelle au problème, il faut encourager la fabrication des filets par les villageois eux-mêmes. Pour ce faire, il faut mettre en oeuvre un projet visant à faire construire par les pêcheurs et leur famille des engins répondant aux normes réglementaires. C'est une activité qui peut être réalisée par les femmes, ce qui augmenterait le revenu de la famille.

1.2.4. Amélioration de la construction et de la conservation d'embarcation de pêche traditionnelle

Avant d'envisager l'introduction de nouvelles embarcations à expérimenter auprès des pêcheurs traditionnels, il faudrait, en priorité, chercher à prolonger la durée de vie des pirogues et améliorer leur mode de construction. En effet, il faut en remplacer 5.000 par an (il existe plus de 21.000 pirogues et leur durée de vie moyenne est de 4 ans). Les besoins annuels en embarcation pourraient encore augmenter avec le développement de la pêche traditionnelle. Les trones d'arbres servant à la construction des pirogues près des villages côtiers deviennent de plus en plus rares. L'introduction de nouveaux modèles d'embarcation s'avère une solution trop coûteuse pour les pêcheurs traditionnels et, le plus souvent, ils ne leur conviennent pas. Toutefois, cette action est à tenter dans le cadre de projets ponctuels de formation de jeunes pêcheurs dans des localités où les prix du poisson permettent de réaliser des bénéfices pouvant amortir des investissements importants. Elle devra être associée à des essais d'engins et des méthodes de pêche plus performants ainsi qu'un encradrement intensif, le tout renforcé par un système qui permettra un accès plus facile au crédit.

Parmi les facteurs qui raccourcissent la durée de vie des pirogues, on peut citer la pourriture, les tarets et l'éclatement du bois sous l'action du soleil. Certains pêcheurs enduisent leurs pirogues de goudron ou les imprègnent d'huile de requin ou d'huile de vidange. Des actions aussi simples peuvent sensiblement réduire les pertes. Il convient de déterminer les traitements les plus efficaces et d'engager une action de vulgarisation auprès des pêcheurs. Par ailleurs, il faudrait chercher les moyens de multiplier le nombre de pirogues pouvant être obtenues à partir d'un trone avec l'objectif de réduire les besoins en arbre.

Pour introduire auprès des pêcheurs de nouvelles techniques de construction et de conservation d'embarcation de type traditionnel, il faut réaliser des expériences par la mise en oeuvre de projets isolés, conçus uniquement pour cela ou dans le cadre d'autres projets de développement de la pêche traditionnelle de plus grande envergure (développement communautaire intégré, promotion de la pêche traditionnelle maritime, formation pratique de jeunes professionnels dans cette branche d'activités, etc.). Enfin, il faut essayer de tirer profit des expériences déjà réalisées dans les pays de la région du Sud-Ouest de l'Océan Indien qui ont essayé de résoudre ce problème. Et dans ce sens, il est proposé d'organiser d'abord un atelier permettant l'échange de diverses expériences déjà effectuées dans ces pays et de retenir celles qui peuvent être appliquées à Madagascar, pour éviter de répéter des essais déjà testés ailleurs.

1.2.5. Amélioration et vulgarisation des techniques de traitement et de conservation

En ce qui concerne les technologies de traitement et de conservation, il faut admettre que la qualité des poissons traités avec des technologies traditionnelles est généralement assez bonne à Madagascar en comparaison avec ce que l'on trouve sur les marchés africains. Il est possible d'améliorer encore la qualité de ces poissons. Pour encore une longue période, le commerce du poisson sera basé essentiellement sur les produits frais, fumés, séchés et salés. Il est important que l'amélioration du traitement et de la conservation des poissons soit réalisée progressivement et basée sur des techniques et des pratiques traditionnelles. Il n'est done pas nécessaire d'encourager, dans un court ou moyen terme, de grands programmes visant à introduire des changements technologiques brusques dans le traitement des poissons, mais de vulgariser des technologies simples (comme par exemple celles proposées par le séminaire de Mahajanga, organisé par la FAO et l'Unité de Formation Supérieure Halieutique en 1990, concernant l'amélioration des techniques traditionnelles de fumage et de séchage au soleil du poisson, les moyens de prévention du noircissement des crustacés et l'utilisation d'isolants naturels :fibre de coco et son de riz). Il convient également d'introduire l'utilisation d'abris ouverts sur un côté au-dessus des fours de fumage pour permettre la poursuite de l'opération pendant la saison des pluies et encourager la construction du fumoir chorkor amélioré.

En renfort des actions réalisées par les cadres de terrain de la DRH, la vulgarisation des nouvelles techniques et technologies peut être menée dans les centres de formation des pêcheurs et cela dans le cadre de différents projets exécutés sur le terrain ou dans le cadre des activites de certaines organisations non gouvernementales (comme par exemple, Apostolat de la Mer à Toamasina).

L'atelier, indiqué au paragraphe 1.2.4., doit réunir des maîtres-pêcheurs et des experts ayant travaillé dans la région Sud-Ouest de l'Océan Indien et permettre d'aborder également les expériences touchant d'autres domaines tels que les techniques de pêche des poissons, des céphalopodes et des crustacés, l'amélioration des embarcations (propulsion et sécurité), de la pêche à pied, de la navigation au large, des détections des poissons et de la technique de vulgarisation. A la suite de cet atelier, on pourra élaborer et distribuer auprés de tous les vulgarisateurs des pêches un document technique comportant les plans détaillés des matériels utilisés et testés dans la région.

L'élaboration d'un catalogue de référence des engins et matériels des pêches traditionnelle et artisanale malgaches s'avère indispensable et pourrait intéresser plus particulièrement les maître-pêcheurs, les technologistes des pêches et les instructeurs des centres de formation de pêcheurs ainsi que les agents de vulgarisation sur le terrain. Le but principal de ce catalogue est de faire l'inventaire des engins et matériels qui existent à Madagascar et constituer une base indispensable à partir de laquelle il sera possible de définir les améliorations ou innovations à apporter dans la conception et la construction des engins de pêche.

1.2.6. Assistance au développement intégré des communautés des pêcheurs

L'expérience vécue dans différents pays montre que les incitations extérieures et la seule vulgarisation de nouvelles techniques pour accroître la production n'ont pas toujours apporté de résultats durables. L'approche préconisée est de faire participer pleinement et activement les pêcheurs à la conception et à la prise en charge du développement de leur communauté. C'est pourquoi, il convient d'associer l'apport d'améliorations techniques avec une modification progressive de la structure des institutions et organisations locales, de sorte que l'acquis ne soit pas ultérieurement oublié lorsque l'assistance extérieure prend fin. La participation active des individus et des groupes ainsi que le climat de confiance mutuelle où les responsabilités sont partagées entre les pêcheurs et les spécialistes extérieurs, constituent la clef du succès de cette approche.

L'une des conditions d'un développement durable de la production repose sur l'amélioration des conditions socio-culturelles des pêcheurs. La production et la consommation alimentaire, l'approvisionnement en eau et en combustible, le logement, les loisirs et l'éducation, entre autres, sont au centre des préoccupations immédiates des pêcheurs et devraient faire l'objet d'une attention spécifique au moyen de mini-projets complétant les projets de développement.

Trois impératifs fondamentaux sont à considérer pour toute intervention externe (Etat, ONG, bailleurs de fonds) dans les communautés de pêcheurs. En premier lieu, il est essentiel que les futurs bénéficiaires soient convaincus qu'ils doivent apporter une contribution personnelle en travail, capitaux et/ou matériaux au projet en question. Si l'on n'incite pas les pêcheurs à engager leurs propres ressources, ils considèrent presque toujours le projet comme une sorte de cadeau offert par l'administration ou le projet et se sentent peu concernés par la gestion, l'entretien et les réparations. En second lieu, les bénéficiaires doivent être associés dès le début à la préparation et à la réalisation du projet et être invités collectivement à prendre des décisions concernant l'exécution du projet. Sinon, ils considéreront, à juste titre, qu'ils n'ont aucun contrôle réel des événements et ne se jugent plus tenus par les obligations qu'ils ont contractées. En troisième lieu les bénéficiaires doivent escompter certains avantages tangibles (principalement économiques) de leur participation au projet. S'ils ne constatent pas ces avantages dans un délai raisonnable, ils ne verront plus l'intérêt de leur participation au projet ni l'intérêt du projet lui-même.

A ces impératifs fondamentaux, il faudrait ajouter d'autres principes qui sont nécessaires au bon déroulement et à la réussite des projets :

Etant donné qu'un projet intégré doit prendre en considération non seulement les aspects techniques mais aussi les besoins socio-économiques des pêcheurs spécifiques, il doit être mené particulièrement dans des régions isolées, caractérisées par un niveau de développement relativement bas, où il existe un important potentiel de développement des pêcheries et où les possibilités de mener d'autres activités sont limitées.

Dans le cadre du fonctionnement d'un projet de développement communautaire intégré, les innovations technico-organisationnelles s'appuieront essentiellement sur une “Caisse villageoise de crédit” de type mutualiste, autofinancée et autogérée par ses membres. Ce système permet en outre de dégager une épargne à partir de laquelle peuvent être accordés des prêts d'investissements productifs ou sociaux à moyen terme à la collectivité ou à des individus. Les mini projets à caractère social, tel que adduction d'eau, réparation d'école, etc., doivent être gérés par l'équipe des différentes personnes occupant des fonctions-clés dans le village que l'on peut dénommer “Unité de développement des pêches” et les représentants des communautés que l'on peut qualifier de “Conseil villageois de développement”. Les deux structures sont à mettre en place dans le cadre du projet.

A la fin du projet, le systéme et son cadre institutionnel devraient pouvoir fonctionner de manière totalement autonome et durable, en générant assez de revenus pour financer son propre développement et en utilisant la base des connaissances socio-économiques accumulées pour favoriser de nouvelles opportunités aussi bien dans la pêche (par exemple : exploitation et commercialisation de nouvelles espèces) qu'en dehors (par exemple : artisanat, nouvelles espéces de produits agricoles). Signalons que ce type de projet ne nécessite généralement pas d'infrastructures ni d'équipements coûteux.

Ainsi, ce projet considéré comme centre de vulgarisation pilote, devra servir de modèle reproductible au niveau national pour un développement autonome basé sur le potentiel des opérations de la pêche traditionnelle telle qu'elle est pratiquée par les communautés de pêcheurs établies dans les localités éloignées des grands centres urbains. En conséquence, dans le projet pilote il faut prévoir la formation sur le tas de vulgarisateurs en approche communautaire intégrée.

Mise à part la participation de l'Etat dans la construction des infrastructures routiére et sociale (par exemple école, dispensaire) dans les villages, l'administration chargée de la pêche doit essentiellement veiller à l'application des règlements visant à protéger les intérêts des pêcheurs tel que le respect du droit de pêche dans la zone des deux milles. Les pêcheurs traditionnels, étant très souvent dépourvus d'éléments de garantie, ont en général difficilement accès au crédit institutionnel. Quand ils ont besoin d'argent, ils doivent s'adresser à des prêteurs qui demandent souvent des intérêts très élevés allant jusqu'à plus de 100%. Pour améliorer leur productivité, les pêcheurs ont besoin de sources de crédit moins coûteux. C'est pourquoi l'administration des pêches doit les aider à avoir la possibilité d'accéder à des prêts bancaires.

Programme 2 - Participation plus importante de la pêche artisanale et industrielle dans le ravitaillement du marché intérieur

2.1. Situation actuelle et contraintes

Contrairement à la pêche traditionnelle, la pêche industrielle et la pêche artisanale ne contribuent que très modestement au ravitaillement du marché local. Elles ont apporté en 1990, seulement 3.100 tonnes de poissons pour le marché local. Cette production ne constitue que 3% des captures totales et 3,8% des produits destinés à la consommation locale.

La production secondaire de la pêche industrielle crevettière (poissons d'accompagnement) était de 2.300 tonnes environ et celle de la pêche thonière (poissons de rebut) de 300 tonnes environ. On estime que la flottille crevettière malgache rejette à la mer entre 18.000 et 24.000 tonnes de poissons chaque année dont une grande partie pourrait être récupérée pour la consommation humaine. Les obstacles qui s'opposent à leur débarquement sont le problème de rentabilité de cette opération, l'espace de conservation limité à bord des bateaux ainsi que le peu de souci des armateurs à motiver les marins à ramener des produits à faible valeur commerciale. En effet, le prix des crevettes est environ 15 fois plus élevé que celui des poissons. Par ailleurs, les crevettes constituent une importante source de devises. Parmi les poissons récupérés, environ 10% seulement constituent des produits de haute valeur commerciale, rentables pour les opérateurs. Cependant, 20 à 40% des poissons de taille moyenne à faible valeur commerciale intéressent la population locale qui n'a qu un faible pouvoir d'achat.

A signaler également qu'actuellement, aucune société de pêche industrielle ne s'adonne spécialement à la capture de poissons destinés au marché local. Plusieurs raisons semblent expliquer le manque d'intérêt des opérateurs pour se lancer dans cette activité. Premièrement, la pêche industrielle nécessite des investissements importants, entraînant des charges d'exploitation assez élevées et met en oeuvre des techniques non encore maîtrisées par les nationaux. Cette pêcherie demande une partie importante de son financement en devises, tant pour les investissements que pour son fonctionnement. Par ailleurs, les investisseurs étrangers qui maîtrisent les techniques et disposent de fonds ne s'intéressent qu'à la production des produits destinés à l'exportation, parce que cette opération est beaucoup plus rentable que la commercialisation locale. Deuxièmement, le manque de données fiables sur l'état des stocks de poissons qui pourraient intéresser les opérateurs industriels et la saisonnalité de l'exploitation de certains stocks de poissons constituent aussi un obstacle au développement de cette activité.

Quant à la pêche artisanale, qui a bénéficié d'investissements importants depuis plusieurs années, elle n'a produit que 500 tonnes environ de poissons. Après une période de coopérativisation (les années 70 et début des années 80) qui s'est soldée par un échec, l'administration des pêches a de nouveau tenté de développer la pêche artisanale par la distribution presque gratuite de dons en équipements (don japonais). Malgré cet apport de l'Etat, plusieurs sociétés bénéficiaires de ces dons ont fait faillite, à cause de leur expérience limitée dans le domaine des pêches et à cause de leur mauvaise gestion. Sur 70 embarcations distribuées pendant les années 80, seule la moitié était opérationnelle en 1990 et la majorité de ces embarcations est utilisée pour la collecte et non pour la pêche. Trois quart de ces sociétés n'ont pas réalisé leurs propres investissements visant à étendre leurs activités ; leur souci majeur était de recevoir de nouveaux dons en matériel, équipements ou pièces détachées. Cette politique de distribution gratuite de dons a eu une influence très négative sur les opérateurs non concernés, qui ont limités leurs propres investissements en espérant recevoir gratuitement des équipements.

Parmi les contraintes majeures qui empêchent le développement de la pêche artisanale aux poissons, on peut noter la faible rentabilité de cette pêcherie. Ce résultat modeste est lié avant tout au niveau relativement bas des prix de vente du poisson sur le marché local, déterminés par la pêche traditionnelle, mais aussi au manque d'expérience en pêche et en gestion de la plupart des armateurs. En conséquence, ce type de pêche destiné au ravitaillement du marché interne semble être insuffisamment rénumérateur pour amortir l'investissement et couvrir les coûts élevés d'exploitation. La cherté des embarcations motorisées, la pénurie des pièces de rechange, le manque d'infrastructures d'appui technique contribuent à la rentabilité peu intéressante de cette pêcherie. Tous ces éléments, ainsi que la rentabilité satisfaisante de la pêche traditionnelle piroguière, représentent les principaux facteurs limitant l'évolution des pêcheries traditionnelles aux poissons vers la pêche artisanale.

2.2. Possibilités de développement et propositions d'actions

2.2.1. Meilleure utilisation des poissons d'accompagnement de la pêche crevettière et des poissons de rebut de la pêche thoniére

La récupération des poissons d'accompagnement n'est pas uniquement un problème malgache. Partout dans le monde les difficultés de cette recupération sont soulignées et ce, malgré les besoins en produits alimentaires des pays producteurs de crevettes. D'après les estimations de la FAO, plusieurs millions de tonnes de poissons d'accompagnement sont rejetés annuellement en mer. Différents projets ont été mis en place pour une meilleure utilisation de ces poissons (comme nourriture destinée à la consommation humaine et produits d'ensilage). Certains progrès ont été accomplis par des pays asiatiques (Thaïlande, Singapour, Inde), en Amérique Latine et en Europe. En Afrique occidentale un effort est fait pour utiliser ces poissons, alors qu'en Afrique orientale peu d'actions ont été menées.

Compte tenu de la demande croissante en poissons sur le marché local, il devient primordial que les sociétés de pêches industrielles débarquent une partie plus importante de poissons d'accompagnement. Ceci est possible d'autant plus qu'une société (REFRIGEPECHE EST) a réussi à surmonter les différents obstacles relatifs au débarquement des poissons et déclare même en tirer des bénéfices satisfaisants. A la lumière de cette réussite on peut envisager d'imposer des quotas de poissons à débarquer par les sociétés, d'autant plus que l'exploitation de ces sociétés se caractérise par une rentabilité élevée, justifiée par une productivité importante en crevettes sur la côte Ouest de Madagascar. Cette recommandation est aussi justifiée par le fait que, pour le moment, les licences sont attribuées gratuitement aux sociétés crevettières. Elles bénéficient en outre de l'exonération des différentes taxes et surtout elles ont obtenues pour leur exploitation exclusive des portions de mer (zones de pêche).

Parallèlement aux efforts demandés aux sociétés de pêche crevettière de débarquer plus de poissons d'accompagnement, on doit envisager des essais de récupération directement en mer, afin d'éviter la perte de temps occasionnée par des voyages supplémentaires pour débarquer au port les poissons. En plus, on éviterait ainsi l'occupation des cales réservées aux crevettes. Etant donné que les poissons d'accompagnement seront directement achetés à bord des chalutiers, l'équipage de ceux-ci pourrait être motivé et intéressé.

Cette collecte pourrait être effectuée par les sociétés de commercialisation des produits halieutiques ou par les opérateurs artisanaux. La deuxième solution semble plus appropriée dans le contexte actuel car elle ne nécessite ni de gros investissements ni des connaissances techniques élevées. On peut prévoir la collecte en mer d'une partie de ces poissons à l'aide d'embarcations de 9 à 10 m munies de caisses isothermes pour la conservation sous glace des espèces à haute valeur commerciale et de bonne qualité. Les autres poissons seront transformés à terre (séchés, fumés ou salés). Pour la transformation, il faut prévoir la construction de séchoirs, de bacs de salage, de fumoirs et de hangars de stockage. Lorsque les activités de chalutage sont arrêtées (fermeture de la pêche, déplacement des chalutiers ailleurs), ou lorsque les conditions en mer ne permettent pas le transbordement des poissons d'accompagnement, les embarcations pourront être engagées dans la pêche artisanale ou dans la collecte des captures de la pêche traditionnelle afin de mieux rentabiliser les moyens de production.

L'augmentation des débarquements de poissons d'accompagnement des pêches crevettières, nécessitera un renforcement de l'infrastructure de stockage et de distribution à terre (chambres froides, camions frigorifiques…) et une réhabilitation des axes routiers reliant les centres de consommation aux ports de débarquement.

Pour les poissons de rebut des thoniers, il faut mener une étude pour améliorer leur récupération lors des opérations de transbordement au port. Cette étude devra également proposer les meilleures solutions de distribution pour éviter la concurrence avec les activités de la pêche traditionnelle et artisanale qui est déjà constatée actuellement.

La proposition de projet d'usine de farine pour les poissons d'accompagnement a été jugée non appropriée, à court et à moyen terme, lors du séminaire national sur les politiques et la planification du développement des pêches à Madagascar, en raison de sa rentabilité non démontrée. Toutefois, une étude de faisabilité est à réaliser, en prenant aussi en considération les poissons de rebut de la pêche thonière ainsi que les déchets de la conserverie à Antsiranana.

2.2.2. Possibilités de développement de la pêche artisanale et industrielle aux poissons

Des possibilités de développement de la pêche aux poissons tant pour la pêche artisanale qu'industrielle existent du fait essentiellement de la présence de plusieurs stocks peu ou pas exploités. Parmi les principales ressources qui pourraient attirer à l'avenir l'attention des opérateurs figurent plusieurs espèces pélagiques et des poissons démersaux. Un autre facteur pouvant favoriser ce développement est l'existence de plusieurs ports et chantiers navals. On dénombre à Madagascar 15 ports sur lesquels tout projet de développement des pêches artisanales, semi-industrielles et industrielles pourrait s'appuyer. Malheureusement, ces ports ne sont pas dotés d'infrastructures adaptées à la pêche (manipulation et stockage de poisson) sauf à Mahajanga et à Nosy-Be où les sociétés de pêche crevettière ont construit des quais adaptés à leurs activités.

Le chantier naval le plus important et le plus complet en équipements modernes pour la réparation et la construction des différents types de bateaux de pêche se trouve à Antsiranana (la SECREN). D'autres chantiers et ateliers navals (une dizaine) existent à Madagascar, mais ils sont de moindre importance, tout en disposant de possibilités de constructions de bateaux en bois, en acier et en plastique. A noter que leur expérience en matière de construction de bateaux de pêche reste limitée.

Les possibilités de développement de la pêche artisanale aux poissons semblent être limitées à court et à moyen terme. Toutefois, on pourrait envisager la rentabilisation de cette pêcherie en associant la capture des poissons à l'exploitation de produits nobles destinés à l'exportation tels que la crevette, le thon, l'espadon, le calmar, etc. La pêche artisanale aux poissons pourrait donner des résultats économiques satisfaisants dans les régions relativement riches en poissons où les conditions, tant météorologiques que géographiques, limitent le développement de la pêche traditionnelle piroguière et où, par conséquent, les prix d'achat au producteur sont plus élevés (par exemple, sur la côte Est de Madagascar).

D'autres actions peuvent également faciliter le développement de la pêche artisanale :

Mise à part l'action visant la récupération plus importante des poissons d'accompagnement pour le marché intérieur, on doit orienter, à long terme, la pêche industrielle vers l'exploitation des ressources destinees en grande partie à la consommation locale, lorsque le prix à la vente sera suffisamment rémunérateur. Un tel développement passe incontestablement par un programme expérimental destiné à identifier les techniques, à former les équipages et à démontrer la faisabilité des programmes envisagés.

Pour démontrer aux opérateurs les possibilités de développement de la pêche artisanale et industrielle aux poissons, on peut proposer des projets à localiser sur la côte Est où la pêche traditionnelle est peu développée et le prix du poisson élevé. Les possibilités de production annuelle de cette région sont estimées à quelques 25.000 tonnes de produits marins. Les captures actuelles oscillent autour de 5.300 tonnes (la pêche dans les eaux estuarines non comprise). Les ressources sont essentiellement concentrées dans la Baie d'Antongil et le Canal de Sainte Marie.

Les conditions météorologiques relativement difficiles font en sorte que le développement de la production doit passer nécessairement par des bateaux solides de type artisanal ou industriel. La pêche artisanale n'est concevable que sur quelques endroits abrités de la côte Est. Mises à part les difficultés liées à l'état de la mer l'insuffisance des réseaux routiers rend difficile, voire parfois impossible, l'évacuation des produits vers les grands centres de consommation. Tous ces obstacles pourraient être surmontés par l'utilisation de bateaux plus grands possédant une autonomie plus élevée. L'existence d'un grand port à Toamasina et l'existence d'une voie de desserte de bonne qualité entre Toamasina et Antananarivo, le plus grand marché de poissons justifie la possibilité de tester le fonctionnement d'une pêcherie industrielle (côtière) basée à Toamasina et spécialisée dans la production massive de poissons.

Programme 3 - Développement de la pisciculture

3.1. Situation actuelle et contraintes

Le développement de la pisciculture est justifié par la disponibilité en rizières aménageables pour la rizipisciculture (150.000 ha environ pouvant produire 30.000 tonnes de poissons par an), l'existence de lacs, lagunes et autres réservoirs propices à l'élevage en cage ou en enclos et des conditions climatiques favorables. Compte tenu de ces potentialités plusieurs actions pour son développement ont été menées pour aboutir à des résultats positifs au début des années 60. Cependant, la production qui était de 880 tonnes en 1960 a baissé, faute d'actions concrètes des pouvoirs publics, jusqu'à un peu plus de 230 tonnes en 1990 (production, essentiellement de la région du Vakinankaratra), ce qui ne constitue que 0,2% de la production halieutique malgache. Cette chute de la production aquacole est due à un manque d'encadrement et à la réduction des efforts antérieurs. L'augmentation de la rizipisciculture depuis le démarrage du projet MAG/88/005 (160 tonnes en 1990) n'a pas compensé la baisse de la pisciculture en étangs.

L'élevage de poissons en eau douce, autant en rizière qu'en étang, n'a jamais démarré de façon substantielle et durable car le développement de la pisciculture jusqu'à présent a été tributaire d'une action de distribution d'alevins menée par les services étatiques. La production massive d'alevins dans certaines stations piscicoles d'Etat n'est plus un problème grâce à la mise au point des technologies et à une autonomie relative de gestion. La contrainte au développement de la pisciculture réside dans le manque de moyens des transports pour la distribution de ces alevins, dans l'insuffisance et la vétusté des réseaux routiers ainsi que dans l'insuffisance de la vulgarisation. Parallèlement à ces contraintes, il faut noter la faiblesse du niveau de technicité des (rizi)pisciculteurs et des producteurs privés, la dégénérescence des souches de géniteurs, l'éloignement des points de cession des lieux d'élevage entraînant une forte mortalité des alevins au cours du transport et un désintéressement certain des paysans. La production d'alevins à proximité des paysans serait possible mais elle est limitée par la demande qui reste faible.

3.2. Possibilités de développement et propositions d'actions

La pisciculture peut représenter une alternative pour améliorer les ravitaillements en poissons, notamment dans les zones à forte densité démographique ou dans les zones rurales isolées difficiles d'accès, où la pêche est faible ou inexistante. Cette activité, qui ne nécessite pas de gros investissements et qui reste dans la plupart des cas une exploitation familiale, peut engendrer à long terme une augmentation des excédents qui sont commercialisables et, par conséquent, qui deviennent des revenus supplémentaires.

Pour assurer un développement durable de la pisciculture et de la rizipisciculture, les actions déjà prises doivent être intensifiées en ce qui concerne la mise en place de réseaux autonomes de producteurs d'alevins en milieu rural. Les premiers résultats sont probants et démontrent l'efficacité de cette stratégie, mais il faudrait attendre encore deux ou trois campagnes pour confirmer la pérénisation du système. D'ores et déjà on peut constater que la maîtrise technique et la gestion conditionnent les résultats de ces producteurs privés. Il faudra donc quelques années de formation et de suivi pour que les producteurs d'alevins soient autonomes. La privatisation de la production d'alevins doit être appuyée par une libéralisation de leur prix de cession. Si la production d'alevins ne constitue plus une contrainte majeure pour le développement de la pisciculture dans les régions où cette activité est réalisée depuis plusieurs années, le facteur qui risque de limiter cette production pourrait être la faible demande des paysans-éleveurs. En effet, la plupart des paysans ne produisent que pour les besoins de leur famille. La relance de la rizipisciculture est récente, les collecteurs et les paysans eux-mêmes n'ont pas encore pu s'organiser pour commercialiser la production dans les grands centres de consommation.

Il semble nécessaire de poursuivre pendant quelques années la subvention de certaines stations piscicoles jusqu'à ce que la production des producteurs privés d'alevins se développe et prenne le relais des stations. Celles-ci devraient être par la suite cédées à des opérateurs privés, soit sous forme de vente directe, soit sous forme de location. Toutefois, l'administration devrait en garder une ou deux au maximum pour assurer (i) la production et la distribution des géniteurs certifiés, (ii) l'amélioration des souches de géniteurs afin de remplacer les souches peu performantes, (iii) la formation permanente des agents de vulgarisation et producteurs privés et (iv) la recherche appliquée.

En ce qui concerne l'élevage en eau douce des Macrobrachium, écrevisse, truite, etc, son développement n'est pas considéré comme prioritaire. Cependant, sa maîtrise technique est déjà connue dans d'autres pays et un transfert des technologies pourrait éventuellement être envisagé. Il faudrait évaluer la faisabilité en comparant les expériences effectuées ailleurs avec les conditions de production et socio-économiques à Madagascar.

Enfin, il faut rappeler le rôle de l'administration dans le repeuplement des plans d'eaux surexploités. Ceci doit se faire en collaboration étroite avec les pêcheurs et les autorités locales. Le financement de la production d'alevins destinés à cet effet pourrait provenir à la fois du Fonds de développement de la pêche et de l'aquaculture (à créer), mais aussi des pêcheurs eux-mêmes et du budget des collectivités locales.

Le réempoissonnement des plans d'eaux surexploités est intéressant, surtout pour les petits plans d'eaux. Pour les lacs et les réservoirs, par contre, il est probable que le coût du réempoissonnement ne soit pas justifié par les résultats qui pourraient être atteints. Ceci est en particulier vrai pour les plans d'eaux où la présence du fibata (Ophicephalus striatus) est constatée. Une approche plus complexe serait nécessaire, ce qui pourrait être trop coûteux même à moyen terme.

Programme 4 - Promotion de la commercialisation locale des poissons et mise en place des infrastructures de base

4.1. Situation actuelle et contraintes

La quantité de produits halieutiques commercialises sur le marché local est estimée à environ 82.000 tonnes (1990), fournie essentiellement par la pêche traditionnelle et commercialisée à 70 % en état frais. La part de la consommation urbaine dans la consommation totale de Madagascar était de 10.500 tonnes en 1970/71, soit 25 % du total, en 1990 elle était de 38.000 tonnes, soit 46 % de la consommation totale. Ainsi, près de la moitié des produits disponibles est actuellement consommée dans les villes. Antananarivo constitue le marché principal.

Les conséquences de l'inadéquation entre les zones de production et les zones de consommation pour la pêche continentale ont été le déséquilibre géographique du développement avec une surexploitation des plans d'eaux les plus facilement accessibles. L'expansion de la pêche dans les plans d'eaux plus éloignés et le développement de la pêche maritime augmentent en fait la longueur des circuits de commercialisation. Cet allongement des circuits, à son tour, demande un traitement des poissons pour permettre leur conservation (congélation, réfrigération, salagefumage). Les dépenses supplémentaires liées au traitement et au transport sur des distances considérables grèvent finalement le prix au consommateur. Cependant, le prix des poissons est déterminé par la loi du marché. Les poissons sont en général moins chers ou au même prix que la viande.

D'une manière générale, le consommateur malgache préfère les poissons frais et les poissons congelés. Les autres produits traités (salés, sechés et fumés), traditionnellement commercialisés dans les villes sont moins appréciés. Presque trois-quart des poissons frais sont commercialisés à l'intérieur de leur Fivondronana d'origine. Tandis que les produits salés-séchés, congelés et fumés sont commercialisés dans le circuit inter-régional, les poissons frais sont écoulés dans un circuit court, étant donné l'insuffisance sinon l'inexistence de chaîne de froid (magasin frigorifique, transport spécialisé, production et utilisation de la glace).

Les circuits commerciaux des produits halieutiques se caractérisent par une atomisation très élevée des opérateurs commerciaux et des sources d'approvisionnement, en particulier pour les produits frais. Cet éparpillement entraîne un faible chiffre d'affaires et un niveau de revenu moyen assez modeste qui ne permet pas en général une épargne suffisante pour l'investissement dans les moyens de collecte et de transport ainsi que dans les infrastructures de vente.

La plupart des moyens de stockage frigorifiques existants à Madagascar appartient aux producteurs (sociétés de pêche industrielle et artisanale et certains opérateurs privés). La capacité de production de glace reste insuffisante et mal répartie. Par exemple, les revendeurs de la capitale sont obligés de transporter de la glace d'Antananarivo vers les lieux de production (lac Alaotra, Miandrivazo, Ambato-Boéni).

En ce qui concerne le transport, celui par voie terrestre est prédominant dans le transport de tous les produits halieutiques. Or, le réseau routier malgache est de trés faible densité et est constitué à 90% de routes non bitumées. Ces routes sont, dans l'ensemble, fortement dégradées, inégalement réparties entre les faritany, engendrant ainsi des difficultés de liaison et de communication entre les régions. Les routes non classées (pistes en terre), sont souvent impraticables lors de la saison des pluies, de novembre à mars. Dans les régions côtières où l'accès aux villages de pêcheurs par voie terrestre est très difficile ou impossible les revendeurs utilisent des embarcations. C'est le cas des régions de Morondava, Toliara, Mahajanga, Manakara et Antsiranana. Il faut signaler que dans la majorité des cas, les revendeurs et les détaillants utilisent des moyens qui ne leur appartiennent pas.

En ce qui concerne les infrastructures et les modes de vente, on remarque que la majorité des détaillants (87%) vendent leurs produits sur des étals, dont 69% au marché et 18% au bord de la rue. Les détaillants qui distribuent leurs produits dans un magasin ne constituent que 8% de l'ensemble. Les autres vendent les produits au porte à porte ou directement aux restaurateurs. Les magasins de vente se trouvent surtout à Antananarivo où on commercialise une forte partie des produits congelés. En général, ces magasins (poissonneries ou mixtes) sont mieux équipés et par conséquent offrent aux consommateurs des produits d'assez bonne qualité. Au contraire, les produits vendus au marché ou au bord de la rue sur des étals, présentent des qualités moindres, surtout pour les produits frais. Dans les ⅔ des marchés des principales villes de Madagascar on ne trouve ni eau ni électricité. Toutefois, l'aggravation de la mauvaise qualité des produits frais est limitée par la rapidité de leur écoulement.

A toutes ces contraintes s'ajoute le faible pouvoir d'achat des consommateurs. Les opérateurs commerciaux sont obligés de s'adapter à cette contrainte, en limitant les coûts et autant que possible, les frais supplémentaires, soit en évitant les transports trop éloignés dans des zones enclavées, soit en évitant les frais de conservation ou de transformation, soit encore en évitant le recours au crédit qui risque d'être assez onéreux.

4.2. Possibilités de développement et propositions d'actions

4.2.1. Promotion de la commercialisation

L'analyse de la commercialisation et de la consommation des produits halieutiques à Madagascar ainsi que la nouvelle stratégie de développement du secteur des pêches permettent de formuler certaines prévisions d'organisation et de fonctionnement de la commercialisation des poissons. Ces prévisions sont à préciser pour mieux orienter les actions des opérateurs.

En ce qui concerne le circuit de commercialisation ces prévisions sont les suivantes :

Pour les produits, on peut prévoir :

En ce qui concerne les opérateurs du circuit commercial, il est probable que:

Face aux besoins de la population en protéine animale et en présence de ressources abondantes, le poisson doit être considéré comme une source potentielle de protéines bon marché. Il faut donc faire en sorte que toutes les opérations (production, transformation, distribution) soient effectuées de façon à ce que le produit reste à la portée du pouvoir d'achat de la population. Cela nécessite un certain nombre de choix, dont la concentration des efforts sur le développement des méthodes de traitement et de conditionnement appropriées utilisant, entre autres, comme isolants les matériaux locaux (balle de riz, fibre de coco, etc.). Ces propositions ont l'avantage de ne pas majorer de façon excessive les coûts de transformation. En outre, elles n'exigent pas de devises et facilitent la distribution quand les infrastructures sont défaillantes.

4.2.2. Infrastructures

Des actions de plus grande envergure sont à mettre en oeuvre pour améliorer les infrastructures et permettre l'acheminement des poissons des côtes vers les grands centres de consommation à l'intérieur et à l'Est du pays. C'est pourquoi il faudrait développer les circuits inter-régionaux et encourager la création de chaînes de froid pour les produits congelés et frais sous glace.

L'insuffisance des chaînes de froid est une contrainte qui ne peut s'éliminer que progressivement avec le développement de l'économie, l'amélioration des routes, une meilleure disponibilité en sources d'énergie et l'accroissement du pouvoir d'achat. Il convient donc de commencer par une meilleure utilisation de ce qui existe et qui est fonctionnel ou de réhabiliter certains magasins et équipements de froid, lorsque c'est techniquement et économiquement justifié. Il faut commencer par analyser la situation actuelle des installations existantes et, sur la base de l'identification des principaux circuits des produits frais et congelés, il faut préciser les localités qui nécessitent des infrastructures de froid et proposer une meilleure organisation de leur exploitation. Cette étude permettra à l'administration des pêches d'orienter l'action des investisseurs qui veulent se lancer dans ce genre d'activité et d'éviter, à l'avenir, les erreurs d'investissements.

Le gouvernement vendra aux opérateurs privés les infrastructures de froid actuellement sous sa gestion. Le rôle du gouvernement consistera essentiellement à veiller à la qualité des produits halieutiques, à créer les conditions juridiques, économiques et fiscales permettant d'attirer les opérateurs potentiels et de les orienter vers les activités jugées prioritaires, notamment la réhabilitation des infrastructures frigorifiques existantes et l'amélioration des petites infrastructures des points de débarquement pour faciliter le transport et réduire les pertes après la prise.

D'autres activités peuvent être réalisées avec la collaboration des autorités locales et les commerçants, essentiellement pour la réhabilitation ou la construction de halles aux poissons et emplacements spécifiques couverts sur les principaux marchés (eaux, électricité, glace et facilité de stockage). Les autorités d'Antananarivo devraient prévoir la construction d'un complexe de stockage et de commercialisation des poissons frais et congelés pour recevoir une production accrue, notamment en poissons de mer et attendue par la mise en oeuvre des projets retenus dans le plan.

Pour le débarquement d'une quantité importante de poissons par des bateaux d'un tonnage plus élevé, il est indispensable de disposer d'installations portuaries adéquates, essentiellement pour la manipulation et le stockage des poissons. Ainsi il faudrait que les armements à la pêche puissent utiliser une partie des quais, qui doit être dotée d'équipements adéquats (essentiellement le port de Toamasina). Il est recommandé par ailleurs que Morondava, ville située à proximité des zones de pêche à potentialités intéressantes et reliée par la route avec les grands centres de consommation des Hauts-Plateaux, soit dotée d'un port accessible à tout moment aux bateaux de moyen tonnage.


Page précédente Début de page Page suivante