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6. RECOMMANDATIONS

De cette étude sont issues un certain nombre de recommandations qui nous paraissent utiles à être transmises aux techniciens encadreurs mais aussi, par le biais de ces derniers, aux producteurs privés d'alevins eux-mêmes.

6.1. A propos de l'environnement social

  1. A propos des terrains exploités par les producteurs d'alevins dont les étangs piscicoles, on ne doit pas se tromper de risque. En effet, malgré l'actuelle non-légalisation de leur propriété, le risque de dépossession ne vient pas de l'Etat, du moins à court terme, mais plutôt de la famille même du producteur d'alevins. C'est que le partage des bas-fonds n'est pas encore définitif pour la plupart des familles. Ainsi, la désolidarisation sociale, la jalousie et les difficultés matérielles aidant, on risque de disputer au producteur une partie de ses terrains piscicoles et rizipiscicoles après la disparition des parents. En conseillant ou même aidant les intéressés à y mettre de l'ordre dès maintenant, la CIRRH/projet travaille à la pérennisation du réseau mis en place.

  2. Une personne issue de groupes sociaux minoritaires dans la zone ne peut pas être un bon producteur privé d'alevins, d'une part parce qu'il n'a pas toujours le tempérament et les moyens matériels nécessaires, mais aussi parce que la société locale peut le rejeter, le refuser comme leader. D'ailleurs ces deux conditions jouent déjà et sélectionnent les candidats à la production d'alevins. Etant minoritaires, les membres de ces groupes ne peuvent pas compenser ces entraves par la solidarité qui, certes, existe entre eux.

  3. La poursuite de l'affermissement du rôle des producteurs privés d'alevins à la direction des affaires locales est à encourager, vu les avantages qu'ils peuvent en tirer. Il s'agit seulement de ne pas y consacrer trop de temps.

  4. Le producteur d'alevins doit cultiver une solidarité sincère avec au moins quelques ménages, car l'isolement est une entrave pour une exploitation du type traditionnel où la mécanisation agricole est absente.

  5. De même, il doit éviter de se faire des ennemis ou des concurrents dans son secteur ; et ceux qui en ont déjà, ont intérêt à pactiser avec eux.

6.2. A propos de l'environnement économique

  1. Pour résoudre le problème de financement des exploitations et aussi pour fixer l'épargne paysanne (dont celle issue de l'aquaculture qui est parmi les plus élevées), il est indispensable de promouvoir des systèmes de caisse rurale, regroupant des producteurs d'alevins d'une même zone ou encore le producteur d'alevins et les paysans avoisinants, dont en particulier les (rizi)pisciculteurs. La formule peut être celle de tontine avec toutefois de bonnes mesures de suivi, la hantise des paysans dans ces systèmes étant le détournement des fonds. Ce genre de caisse aiderait les producteurs d'alevins qui ont des problèmes financiers (par exemple, le moitié d'entre eux qui doivent vendre du paddy pour financer l'aquaculture), mais qui ont aussi peur du crédit bancaire. Cependant, il n'est pas indispensable de limiter l'utilisation des emprunts à la seule aquaculture pour deux raisons : d'une part, certains producteurs disposent déjà d'étangs, de matériels et d'intrants piscicolés suffisants ; d'autre part, l'aquaculture n'est pas intégrée dans un système de production et peut alors subir les retombées d'une éventuelle mauvaise performance des autres activités, si celles-ci sont sans financement.

    Le producteur d'alevins peut par exemple utiliser la tontine pour s'équiper en matériels agricoles dans le but de compenser le manque de main-d'oeuvre familiale et la désolidarisation de la société. Il pourrait ainsi cultiver davantage les champs de tanety qui sont pour le moment sous-exploités ; le gain de temps et de produits (soja, maïs, arachides…) ainsi obtenu profiterait aussi à l'aquaculture.

    Etant donné que l'activité annexe tient une place importante parmi les revenus des exploitations (cf. Annexe III.), une partie de la tontine peut également y être investie. Pour les producteurs d'alevins encore au stade du démarrage du moins, la pratique ou l'extension de l'activité d'appoint atténue le problème pécuniaire qui est l'une des causes de l'inapplication des normes aquacoles.

  2. Comme solution partielle aux problèmes financiers et de main-d'oeuvre, nous avons recommandé dans le premier rapport l'association de quelques frères (ou autres) dans la production d'alevins, en ayant toutefois émis des réserves quant à la pérennité de l'association (risque de conflits). Au moment de l'actuelle étude, certaines d'entre elles fonctionnent encore correctement. Pour d'autres (deux cas sur cinq), la communauté des dépenses et recettes semble préjudiciable à la performance ; la motivation et les possibilités ne sont pas identiques pour tous les associés. De fait, pour l'une des associations, le système appliqué est plutôt un métayage, l'un des deux associés se contentant de recueillir une partie des avantages.

    L'association dans la production d'alevins n'est en somme bénéfique que si elle est bien définie et équitable.

6.3. A propos de l'encadrement proprement dit

  1. Pour éviter la concurrence entre les activités du ménage (cf. paragraphe “Provenance des soldes en caisse”) qui peut être préjudiciable à l'une d'entre elles, la CIRRH/projet doit continuer à inculquer aux producteurs d'alevins l'intérêt d'une bonne gestion du temps, de la main-d'oeuvre et des ressources financières. De cette façon, l'exploitation ne serait pas obligée de délaisser certaines activités, celles-ci étant interdépendantes et toutes utiles.

  2. La CIRRH/projet et les producteurs encadrés doivent aménager leur programme de campagne, de façon à ce que les longues visites, les formations et surtout les séances de vulgarisation-marketing aient lieu en dehors des périodes de pointe des travaux agricoles (octobre à décembre, puis avril). De cette façon, le nombre de l'assistance aussi bien au niveau de la famille qu'au niveau du village (rizipisciculteurs) serait plus élevé.

  3. Le service d'encadrement doit définir, imposer même une aire de vente bien précise pour chaque producteur d'alevins. La délimitation peut se faire par des critères comme le nombre de hameaux et en usant des limites naturelles (cours d'eau, versants montagneux…) ou administratives. En effet, en évitant l'empiètement des aires, on peut :

  4. Cette seconde étude a confirmé que la population cible pour la production d'alevins (ou une activité de ce genre) doit plutôt être les jeunes. En effet, ceuxci sont plus réceptifs certes, mais aussi plus ambitieux, moins préoccupés par les activités de subsistance pure (car ayant moins de “bouches à nourrir”). Par le service d'encadrement, le problème de la relève est en outre moins immédiat.

  5. Au stade actuel, les producteurs privés d'alevins (ainsi que leur clientèle) n'appliquent pas encore en totalité les normes techniques, en particulier la nécessité d'alimenter le cheptel tout au long de la campagne, en dépit des conseils et formations donnés par la CIRRH/projet. L'une des causes en est le fait qu'ils ne voient pas de façon nette les différences, notamment ce qu'ils ont perdu en appliquant peu ou mal les conseils. On peut y remédier en obligeant chaque producteur encadré à avoir une parcelle-témoin où toutes les conditions nécessaires sont réunies ainsi qu'une autre parcelle de taille identique où il produit comme il le fait habituellement. On calculera les dépenses et recettes du début à la fin de la chaîne de production aussi bien en production d'alevins qu'en (rizi)pisciculture. On invitera par ailleurs les habitants à observer les résultats, à témoigner, ce qui constitue déjà une vulgarisation.

    Cette action peut bien être effectuée par le service d'encadrement, mais le résultat ne serait pas le même : les gens sont plus convaincus quand l'auteur en est un simple paysan.

  6. On peut convaincre les producteurs d'alevins à effectuer correctement la vulgarisation-marketing en leur inculquant le fait que, ce faisant, ils évitent à leur marché de péricliter éventuellement. Ils doivent en effet comprendre que le vol et le manque d'eau, fléaux pour leur clientèle, peuvent être atténués par l'application des normes techniques, dont les drains, les grillages, les étangs-refuges… Si les rizipisciculteurs échouent durant une ou deux campagnes successives, ils pourraient être démotivés et surtout, dissuader les autres d'élever des alevins achetés, c'est-à-dire de perdre de l'argent.

  7. Il vaut mieux respecter le tendance de chaque famille quant à la répartition des tâches. Pour la vulgarisation par exemple, si la femme ne peut ou ne veut pas le faire, il n'est pas indispensable d'insister ; le vulgarisateur doit être convaincu et convaincant, sinon on obtient l'effet contraire.

  8. Il n'est non plus utile d'insister sur la présence du couple lors des formations et visites. Il vaut mieux suivre la tendance des producteurs d'alevins à se pencher plutôt sur l'un des fils, généralement l'aîné. De cette façon, on respecte le souci des exploitants de toujours laisser au moins un adulte s'occuper des autres activités ; en instruisant une jeune personne, la CIRRH/projet assure en outre la relève après l'affaiblissement plus ou moins proche du chef d'exploitation. D'ailleurs, plusieurs chefs d'exploitation envisagent de léguer l'activité à sa descendance ; ils ne font que l'amorcer. Ils transmettent donc à sa famille, mais surtout aux fils, le contenu des formations techniques.

    On peut également n'inviter aux formations que le chef d'exploitation, mais en formant celui-ci de façon à ce qu'il puisse transmettre les connaissances aux autres : formation en cascade.

  9. La CIRRH/projet doit veiller à ne pas privilégier fortement et de façon tangible les producteurs privés d'alevins. Une personne manifestement privilégiée ne peut en effet servir de leader à la paysannerie, mais serait au contraire un objet de jalousie ou de défiance des habitants.

  10. Enfin, la CIRRH/projet ne doit avoir aucun scrupule à suspendre l'encadrement des producteurs qui, manifestement, ne font aucun progrès ni effort sans que cette stagnation soit d'origine technique ou climatique. En effet, certains d'entre eux n'ont pas la motivation nécessaire et se laissent aller, occupant injustement une aire potentiellement rentable. En tenant compte de l'optique du projet en installant ce réseau, la production d'alevins n'est pas une activité pour ceux qui donnent peu et se contentent de peu.


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