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III. CAPACITIES DE RECHERCHE NATIONALES

Le rapport de A. Ralison systhétise les informations contenues dans les rapports des établissements de recherche et d'enseignement (FOFIFA, CNRE, CNRO, ESSA, IHSM ; annexe I).

3.1. Moyens disponibles

3.1.1. Moyens humains

Les cinq établissements engagés dans la recherche et l'enseignement halieutiques représentent un effectif d'environ 45 chercheurs et enseignants-chercheurs, et une trentaine de techniciens. II faut ajouter à ces chiffres les étudiants qui effectuent leurs premiers travaux de recherche sur des sujets d'halieutique, et les chercheurs et les enseignants-chercheurs en sciences humaines (économie et sociologie rurales) travaillant au FOFIFA et dans les universités autres que celle d'Antananarivo potentiellement mobilisables sur les mêmes thèmes de recherche. Ces personnels, toutefois, ne sont pas engagés dans des travaux de longue durée dans le domaine qui nous préoccupe.

Si l'on excepte les établissements d'enseignement (17 enseignants et étudiants-chercheurs à l'IHSM, 15 techniciens à l'ESSA, qui ne correspondent pas à des effectifs temps plein), l'effectif de chercheurs et techniciens se consacrant à la recherche halieutique dans chaque centre est inférieur à la dizaine. La capacité du potentiel humain est réduite par la dispersion institutionnelle.

En ce qui concerne les spécialités, les sciences naturelles (environnement, évaluation des stocks halieutiques, zootechnie aquacole) prédominent par rapport aux sciences humaines (économie des ressources renouvelables, économie et sociologie rurales). Cette distribution des spécialités se répercute sur les activités de recherche (annexe I). Seuls le FOFIFA et le CNRE possédent des compétences en sciences humaines, mais les programmes qu'ils exécutent dans ce domaine portent quasi exclusivement sur les systèmes agraires. Bien qu'administrativement possibles, les échanges de personnels entre instituts sont à l'heure actuelle inexistants. Même si le transfert de spécialistes en sciences humanies vers le domaine halieutique se révélait impossible, les compétences disponibles en agronomie pourraient néanmoins servir pour le lancement de recherches économiques et sociologiques en halieutique.

Globalement, les chercheurs possèdent une bonne formation dans les méthodes scientifiques de base. La vision nécessaire à la conception et à l'ajustement des programmes aux particularités des systèmes productifs locaux est plus longue à acquérir. Ce potentiel humain est le meilleur atout dont dispose actuellement la recherche halieutique malgache.

Les salaires sont établis sur la base des diplômes de sortie. La soutenance d'une thèse est pratiquement le seul moyen pour les chercheurs d'obtenir une augmentation de revenu. Le niveau de rémunération est de l'ordre de deux fois inférieur à celui des cadres de compétence équivalente travaillant dans le secteur privé (responsable d'écloserie par exemple). Au CNRO, la procédure d'avancement accorde peu de poids aux performances individuelles. Si les cherchaurs sont soumis à une évaluation interne par la hiérarchie, cette procédure ne fait pas appel au jugement de personnalités scientifiques externes. A l'exception du FOFIFA, les instituts n'attribuent pas de primes de recherche significatives modulées sur les performances. Si les chercheurs apprécient généralement leur métier, le système d'incitation (rémunération et avancement) ne stimule pas l'initiative et l'efficacité.

L'efficacité de la recherche dépend d'abord des femmes et des hommes qui la font car le progrès des autres composantes de la recherche est lié à la qualité du personnel. La formation des-chercheurs est coûteuse. Une hémorragie de personnels formés se traduit pour le pays par des pertes élevées. La bonne recherche coûte beaucoup moins cher que la mauvaise. Les possibilités de recrutement dans le secteur public étant actuellement réduites, la valorisation du potentiel humain en place est particulièrement critique. Pour toutes ces raisons, les efforts visant à renforcer l'efficacité de la recherche malgache devraient privilégier la valorisation des ressources humaines. Son personnel est actuellement le meilleur atout dont dispose la recherche malgache. Bien qu'on s'y intéresse rarement en premier, l'adoption de statuts de personnels et d'établissements est souvent la première condition de l'efficacité des capacités de recherche. Ils déterminent en effet souvent l'impact des appuis ultérieurs.

3.1.2. Moyens matériels

Infrastructures

L'essentiel des infrastructures est concentré dans trois villes (Antananarivo: FOFIFA, CNRE, ESSA ; Nosy-Be : CNRO ; et Toliara : IHSM). A l'exception du FOFIFA, et dans une faible mesure du CNRO qui dispose d'antennes à Ankazomborona, Taolagnaro et Antsiranana8, les autres instituts ne disposent pas d'antennes permanentes en province. Même au FOFIFA, les stations décentralisées sont insuffisantes.

Moyens navigants

Le CNRO possède un chalutier de 240 CV, actuellement immobilisé, et une embarcation de 40 CV. II existe un projet de dotation au CNRO d'un navire de recherche de fort tonnage. La lourde charge financière que représenteront son fonctionnement et son entretien pèsera très vraisemblablement de façon excessive sur le budget du Centre et réduira des moyens de travail déjà notoirement insuffisants. Plutôt que d'acquérir un nouveau navire, la maintenance du navire actuel ou, à défaut, la location de chalutiers commerciaux pour des campagnes saisonnières, ou l'organisation de missions temporaires de navires étrangers, sont de loin préférables.

Parc automobile

Compte tenu du manque de stations et d'antennes secondaires, le parc automobile n'est pas suffisant. Cette contrainte n'est cependant pas la plus sérieuse. Les instituts ayant récemment bénéficié d'appuis extérieurs sont à cet égard moins mal dotés (IHSM). Ce manque de moyens et les difficultés de communication (réseau routier, téléphone)accentuent l'isolement géographique des centres. Cette contrainte contribue à la faiblesse générale des observations sur le terrain et à leur concentration dans les espaces littoraux (côtes nord-ouest et ouest) proches des implantations.

Equipements de laboratoire, micro-informatique, reproduction

La situation est ici meilleure en ce qui concerne le matériel informatique. L'acquisition et la maintenance d'un ensemble approprié de micro-ordinateurs et de logiciels sont prioritaires. L'exemple de pays du sud montre que ceci est possible, même dans des environnements difficiles, grâce notamment à l'aide internationale, à condition que les directions des instituts y accordent l'attention voulue. La maintenance est facilitée par les possibilités de réparation à distance.

Seuls trois instituts possèdent un équipement de reprographie et d'édition à grande échelle.

8 Cette dernière, financée par l'Association thonière, est rattachée à la DRH.

Documentation

Le CNRO dispose d'un excellent fond documentaire. II bénéficie actuellement d'une aide canadienne pour la mise au point d'un système de classement et de consultation nationale, relié au CIDST (MRSTD, Antananarivo), et la formation du personnel. Le projet peut acquérir de nouveaux ouvrages. Ainsi, les différents instituts malgaches devraient pouvoir avoir accès à une bonne documentation. Toutefois, dans les pays du sud, le maintien d'une bonne bibliothèque, notamment le renouvellement des abonnements, est toujours difficile. Lorsque leurs directions accordent à la question la priorité voulue, des instituts de recherche de taille comparable au CNRO ou au CNRE réussissent néanmoins à constituer et à maintenir une bibliothèque fonctionnelle. Le problème n'est donc pas totalement insurmontable.

3.1.3. Moyens financiers

Dans tous les instituts, le budget d'investissement (FNDE) et le budget général de fonctionnement sont notoirement insuffisants. La dotation publique ne va guère au delà du versement des salaires et de la couverture des frais incompressibles. L'essentiel des dépenses d'investissement et de fonctionnement nécessaires à l'exécution de programmes de recherche vient des projets d'aide extérieure. Ceux-ci ne couvrent toutefois pas les budgets de fonctionnement général des centres. Ils ne sont pas non plus toujours conformes aux priorités des centres et nationales. L'IHSM réalise certaines recettes à partir de prestations pour des entreprises privées. Pour les raisons précédemment évoquées (§ 2.3), celles-ci concernent essentiellement des études intéressant les opérateurs industriels. Ceci est compatible avec le mandat d'un établissement d'enseignement. Cette possibilité n'offre toutefois que des opportunités réduites pour les centres publics de recherche finalisée.

Ce manque de moyens financiers affecte les observations sur le terrain et limite considérablement la coopération régionale.

3.2. Contraintes

L'adéquation des moyens disponibles doit s'apprécier par rapport aux tâches prioritaires et au poids des contraintes qui affectent leur efficacité.

3.2.1. Diversité des systèmes productifs

Les pêcheries et les aquacultures se caractérisent par la grande diversité de leurs dimensions écologiques (domaines maritime et continental), biologiques (variété des stocks et des cheptels), techniques (techniques de production et de traitement des produits), économiques et sociales (systèmes industriels, artisans et traditionnels) et institutionnels (régimes de propriété des ressources, mécanismes d'allocation des facteurs de production, politiques d'intervention). Des interactions de nature variée interviennent entre les pêcheries, entre usages concurrents des mêmes ressources et des mêmes espaces, ainsi qu'entre les productions et leur environnement naturel, économique et social. Si des questions analogues se rencontrent dans différents systèmes, chaque système a sa structure et sa dynamique propres.

Cette situation a plusieurs conséquences sur les conditions d'efficacité de la recherche et des interventions :

Etendue de l'espace d'observation

Le linéaire de côtes et de cours d'eau, et l'étendue de la ZEE, des mangroves, des lacs et des étangs se répercutent directement sur le volume d'observations de terrain. Une couverture géographique adéquate suppose la disposition d'un minimum de stations décentralisées, ainsi que de moyens de déplacement et d'observation. Seul le FOFIFA possède un réseau d'implantations en province.

Environnement matériel, économique et scientifique

L'efficacité des recherches est affectée par des contraintes au niveau de l'environnement de la recherche :

Statistiques

Les carences des systèmes d'aménagement en vigueur induisent chez les producteurs des comportements se traduisant par des réticences, des sous-déclarations, ou des falsifications dans leurs declarations statistiques. Cette situation accroît le temps que la recherche doit consacrer à la collecte de l'information, affecte la validité des évaluations, et contrecarre l'application des résultats. Cette situation n'évoluera de façon significative qu'avec une réforme de la stratégie d'aménagement.

3.3. Mandat, structure et programmes des établissements de recherche et d'enseignement

3.3.1. Mandat

Les centres nationaux de recherche (FOFIFA, CNRE, CNRO, ONE) sont placés sous la tutelle administrative du MRSTD et la tutelle financiére du Ministère des Finances. Les instituts de formation (ESSA, IHSM) sont sous la double tutelle du Ministère de l'Education Supérieure et du Ministére des Finances. Tous disponsent d'une autonomie de gestion opérationnelle et financière, mais seuls les centres nationaux de recherche ont leur propre Conseil d'administration. Les éstablissements d'enseignement dépendent de celui des universités auxquelles ils appartiennent.

Outre leur vocation à conduire des recherches dans leurs domaines respectifs de compétence, les centres nationaux de recherche ont mandat :

La comparaison des mandats des organismes appelle plusieurs commentaires :

3.3.2. Structure et programmes

CNRE

La recherche au CNRE est organisée en quatre divisions :

Les programmes de recherche ont été élaborés à partir des six programmes intégrés nationaux de recherche pour le développement (PIRD: autosuffisance alimentaire, développement des cultures d'exportation, valorisation des resources naturelles, amélioration des conditions de vie, technologies adaptées, développement régional intégré), et de la stratégie nationale de conservation de la nature (banque de données sur l'environnement, défense et restauration des sols, recherche environnementale). Pour l'exécution de certains programmes, le CNRE bénéficie d'appuis extérieurs (e.g., ORSTOM).

Ceux touchant de près ou de loin les productions et l'environnement aquatiques (annexe 1, § 3 et 4) portent sur :

La couverture disciplinaire et thématique des programmes est large. Elle s'étend de l'écologie à l'économie des ressources renouvelables, et à l'économie et à la sociologie rurales. En dépit de leur communauté de préoccupations, la cooperation du CNRE avec le FOFIFA et le CNRO est faible. Elle est meilleure avec l'IHSM. Cette situation n'est pas particuliére au CNRE: les centres ne se tiennent pas systématiquement informés de leurs programmes respectifs et ils montent peu de programmes communs.

CNRO

A côte des trois services de soutien rattachés à la Direction Génerale (administration et budget, matériel et armement, documentation), les personnels de recherche du CNRO sont depuis peu répartis en deux départements : oceanographie physique et chimique, et océanographie halieutique. Deux autres départements existaient: celui de géologie marine, depuis longtemps inactif par suite de l'absence de personnel dans cette discipline ; et celui d'océanologie biologique, récemment intégré au Département d'halieutique. Cette structure appelle quatre observations:

Bien qu'elle s'explique par des raisons historiques, cette structure répond imparfaitement à l'évolution des besoins et à la compréhension actuelle de l'organisation de la recherche halieutique. Pour fonctionner efficacement, un centre de recherche halieutique doit s'organiser de façon à pouvoir concilier deux nécessités à première vue contradictoires :

Les difficultés rencontrée par le Département “Océanographie physique et chimique” illustrent cette observation. Le rapport du CNRO (1993) signale que ce Département n'a bénéficié d'aucun financement extérieur. Pourtant, la création du CNRE au cours de la même période est une évidence d'une prise de conscience nationale de l'importance des questions de conservation de l'environnement et de l'existence de sources de financement pour des recherches centrées sur ce thème. L'affichage d'une priorité finalisée (environnement) et non plus disciplinaire (océanographie), et de programmes conformes aux priorités nationales - ce qui implique un déplacement radical du champ d'observation, du large vers le littoral et de l'étude du milieu naturel à celle des impacts anthropiques sur celui-ci améliorerait certainement l'intérêt des recherches pour le pays, et par voie de conséquence les possibilités de financement.

Les programmes majeurs (annexe 1, § 3 et 4) portent sur :

Le CNRO exécute aussi des programmes de moindre envergure :

Enfin, le Centre est impliqué dans diverses activités d'intérêt très marginal par rapport aux priorités nationales : marégraphie (Opération MAREF exécutée dans la cadre du programme international “GLOSS/TOGA”), pollution maritime (programme POLMAR - COI/Unesco), substances actives (programme ORSTOM), programme “Nuoc mam” (les expériences passées n'ont jamais eues de suite commerciale). Plusieurs de ces actions ont été entreprises en réponse aux sollicitations de partenaires de pays du nord, d'organismes internationaux, ou de bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. La plupart ne coïncident pas avec les priorités nationales. Ainsi, lorsqu'elle s'intègre mal aux priorités nationales, ou lorsque les programmes nationaux sont insuffisamment clairs pour canaliser l'aide extérieure dans le sens des priorités nationales, cette dernière se traduit par une dissipation des efforts et une dispersion des moyens nationaux déjà trés insuffisants.

Le CNRO n'a pas de procédure systématique de programmation et d'évaluation de ses programmes. En dehors du Conseil d'administration et de relations non systématiques avec le MERH, il ne dispose pas de structure formelle de concertation avec les utilisateurs publics et privés de ses travaux, pas plus qu'avec les bailleurs de fonds.

FOFIFA

Avec l'appui de la Banque Mondiale, le FOFIFA a entrepris de réformer sa structure interne. Cette Oréorganisation porte sur deux aspects :

Les mêmes concepts sont en cours d'application dans la réorganisation d'instituts de recherche agronomique d'autres pays du sud (e.g., Mail). Cette évolution reflète la prise de conscience au cours de la dernière décennie de l'échec des politiques passées de développement des petites agricultures des pays du sud, et de l'inadaptation de l'approche scientifique classique pour l'appui à ces politiques. La recherche halieutique malgache n'a pas échappé à ces vicissitudes (e.g., l'incapacité des projets de développement de la petite pisciculture à atteindre leurs objectifs, ou la faible concrétisation de la décision de privatiser les stations d'alevinage ; Rabelahatra, 1993). Cette réorganisation reflète le résultat de réflexions conduites dans divers pays et dans les instances nationales sur les moyens d'améliorer l'efficacité de la recherche d'agronomique.

Malgré son intérêt potentiel, la réforme du FOFIFA rencontre des difficultés. Elle suppose un renversement épistémologique, lequel demande nécessairement du temps. Les objectifs de recherche ne sont que partiellement atteints. L'articulation entre la DRD et les départements thématiques reste insuffisante. La décentralisation est contrecarrée par le manque d'infrastructures en province et de mobilité des chercheurs. Actuellement, l'ancien système de vulgarisation ayant été supprimé, mais n'étant pas encore remplacé par le nouveau dispositif, le transfert des résultats de recherche est pour l'essentiel effectué par l'intermédiaire des projets de développement.

Comparativement à celles du CNRE et du CNRO, la structure du FOFIFA est étoffée. Outre le Conseil d'administration, elle comprend :

La taille de l'établissement permet cette structure élaborée.

Le rapport du FOFIFA ne concerne que le DRFP, département chargé des recherches piscicoles (pêches et aquacultures continentales). Avant d'en résumer l'essentiel, rappelons que des compétences et une expérience en économie et de sociologie rurales intéressant potentiellement la recherche halieutique existent aussi au FOFIFA (Département de socio-économie rurale).

Les programmes d'aquaculture en cours (annexe 1, § 3 et 4) portent sur l'hydrobiologie, la biologie des espéces (sélection de reproducteurs et production d'alevins de carpe et de tilapia), les techniques d'embouche (production d'aliments artificiels ; croissance comparée de quatre espéces en étangs, seules ou combinées, en association ou non avec des élevages de canards ou de porcs ; rizipisciculture), l'analyse financière des systèmes de culture, l'étude du marché de poisson d'eau douce. Le programme de sélection génétique de la carpe pour la conservation de souches de géniteurs performants a été bien placé par la procédure d'évaluation de l'établissement. Le rapport affiche le besoin de recruter un généticien et un biologiste. Etant donné que les projets passés de développement de la petite aquaculture rurale n'ont pas atteint leurs objectifs, une évaluation des priorités de recherche à partir d'une analyse étayée des contraintes des systèmes aquacoles devrait être un préalable au renforcement'des programmes zootechniques.

Le FOFIFA montre qu'il existe à Madagascar une prise de conscience de l'opportunité d'une réforme de la recherche d'appui aux productions animales et végétales, et une compétence potentiellement mobilisable pour l'organisation de centres, comme le CNRO et le CNRE, où un besoin de réforme est similaire. Il montre aussi qu'un établissement important peut se doter de l'ensemble des structures susceptibles d'améliorer l'efficacité de ses recherches et le transfert des résultats.

L'accent mis sur les initiatives récentes du FOFIFA et les perspectives qu'elles ouvrent ne signifie que le résultat recherché soit atteint. Les moyens que la DRFP a pu consacrer à la recherche halieutique et aquacole dans le domaine continental sont jusqu'ici restés insuffisants. L'exemple du FOFIFA montre surtout que des besoins de réforme nécessaires en halieutique ont été reconnus et sont en cours de réalisation en agronomie.

IHSM

Créé avec l'aide (équipement, fonctionnement, consultants) d'un projet FAO, l'IHSM dépend de l'Université de Toliara. L'ancienne Station marine lui est maintenant rattachée. L'Institut a pour mission de former les cadres halieutes nationaux. Leur formation est couplée avec le DEA d'océanographie appliquée de l'Université. La nécessité d'étayer son enseignement sur des exemples locaux a poussé le corps enseignant à s'engager activement dans la recherche.

Cette finalité, le fait qu'une grande partie des activités de recherche consiste en travaux de spécialisation d'étudiants, et la nécessité de trouver des sources de financement auprès du secteur privé expliquent la diversité des sujets abordés (annexe 1, § 3 et 4) :

ainsi qu'une certaine prédominance des études sur les processus à petite échelle (zootechnie, gestion d'entreprise). Cela ne signifie pas que tous ces sujets aient fait l'objet d'études en profondeur.

La Station marine a travaillé sur la production primaire océanique, la valorisation des algues marines, le récif corallien de Toliara, …

L'orientation de I'IHSM est cohérente avec le mandat de l'établissement. Celui-ci n'a pas vocation à conduire l'ensemble des recherches nécessaires au progrés du secteur. Il doit former des cadres pour le secteur privé aussi bien que pour l'appareil d'Etat. L'évaluation de l'enseignement sort du mandat du consultant. Une évaluation des instituts de formation halieutique a d'ailleurs été publiée (Kasprzyk et al., 1993). On notera seulement que les compétences scientifiques du personnel enseignant, le potentiel de recherche que représentent les étudiants, et le dynamisme des responsables de I'IHSM représentent un potentiel non négligeable pour la recherche halieutique malgache. Ce potentiel serait mieux valorisé si ses activités étaient bien intégrées dans des problématiques définies à l'échelle nationale. L'expression de ces problématiques et leur transcription en programmes cohérents incombent prioritairement aux centres publics de recherche.

ESSA (Université d'Antananarivo)

Dans le domaine halieutique, I'ESSA, à côté de ses enseignements en zoologie, élevage, eaux et forêts, industries agro-alimentaires et économie, effectue des travaux de recherche dans les domaines suivants : écosystèmes aquatiques continentaux; biologie, écologie et dynamique des populations dulcaquicoles ; conservation des produits de la pêche ; apport de fumure et d'aliments dans les élevages ; rizipisculture; socio-économie de la pêche traditionnelle côtière (annexe 1, § 3 et 4).

L'Université dispense également un DEA “Sciences et environnement”.

Comme pour I'IHSM, l'essentiel des travaux est effectué par les étudiants. L'ESSA ne prépare pas de programme de recherche. Le choix des sujets est laissé à l'initiative des professeurs. Les observations, faites pour I'IHSM, sur les moyens de valoriser les capacités des établissements d'enseignement s'appliquent également à l'ESSA.

3.4. Points faibles

3.4.1. Organisation des centres de recherche

La mise en place au sein du CNRE et du CNRO d'une structure aussi étoffée que celle du FOFIFA n'est pas envisageable pour des raisons de masse critique. Toutefois, des mécanismes peuvent être adoptés pour assurer partiellement les mêmes fonctions.

L'analyse des systèmes halieutiques et aquacoles - à l'image de l'analyse des systèmes agraires - apparaît à l'heure actuelle comme une étape préalable à la programmation de la recherche. Ce thème de recherche figure explicitement dans les structures et les programmes du FOFIFA, ainsi que dans les programmes, mais non dans les structures, du CNRE. Alors que l'éventail des disciplines nécessaires à la recherche halieutique est représenté dans l'ensemble des trois centres, le CNRO ne dispose pas de chercheurs en sciences humaines. La formulation de ses programmes ne procède de l'analyse explicite des systèmes productifs. Toutefois, le lancement du projet PATMAD atteste une prise de conscience de la nécessité d'ouvrir les programmes aux aspects économiques et sociaux des pêches et de l'aquaculture.

Le CNRE et le CNRO ne disposent pas de réseau de stations secondaires. Sans accès à une infrastructure de terrain et un renforcement des personnels, le déploiement des observations sur l'ensemble de l'espace national n'est pas envisageable.

3.4.2. Coopération entre les établissements de recherche et d'enseignement

La démarcation insuffisante des mandats, la faiblesse des mécanismes de concertation entre instituts, et la faible mobilité des personnels entre les établisements se traduisent par des chevauchements de compétences, des doublons et des manques dans les programmes. Les relations des centres se limitent souvent à des contacts personnels. Ce cloisonnement est d'autant plus préjudiciable à l'efficacité que les domaines de compétence des centres sont analogues :

3.4.3. Concertation recherche-utilisateurs et harmonisation des aides extérieures

Secteur public

Les utilisateurs publics font à la recherche institutionnelle le grief de mal répondre à leurs besoins. Parmi les raisons de leur faible capacité à orienter la recherche publique dans le sens de leur attente, le cloisonnement entre le Ministère technique (MERH) et le Ministère de tutelle (MRSTD), l'insuffisance des mécanismes de liaison avec la recherche, la faiblesse des financements publics, et la mauvaise harmonisation de l'aide internationale sont mis en avant. Certains interlocuteurs mettent aussi en cause le caractère ‘trop fondamental’ des programmes des centres. Cette critique n'est pas fondée puisqu'aucun centre ne conduit de programme de cette nature. Elle est néanmoins révélatrice du caractère insuffisamment ciblé et structuré des programmes de certains centres, et de la concertation insuffisante entre administrations techniques et établissements de recherche.

Le Comité interministériel de la pêche a été suggéré comme une structure susceptible de servir à cette concertation. Son mandat et sa composition paraissent toutefois trop larges. Les questions que l'administration doit étudier avec les opérateurs économiques, d'une part, et avec la recherche, d'autre part, sont différentes, ou doivent être étudiées séparément. L'administration a intérêt à disposer de structures distinctes pour sa concertation avec les opérateurs économiques et avec la recherche. En étendant la composition du Comité interministériel de la pêche de façon que des représentants de la pêche traditionnelle et artisanale, ainsi que des autres usages des ressources et des espaces aquatiques, y participent, ce Comité pourrait répondre au premier besoin. La coopération entre les instituts de recherche et leurs utilisateurs demande des structures spécifiques, ce qui n'exclut pas la participation de représentants d'instituts au Comité interministériel de la pêche, notamment lorsqu'on y discute de questions dans lesquelles la recherche intervient.

Un comité d'orientation de la recherche malgache existe bien. Mais cette structure couvre l'ensemble de la recherche nationale et dépend du MRSTD. Elle ne répond donc pas aux besoins spécifiques du MERH et de la DRH.

La coordination administration-recherche pose aussi la question du mécanisme de sélection des priorités et des programmes. Classiquement, les administrations publiques fonctionnent par décisions. Le fait que les centres de recherche, les établissements d'enseignement, et les administrations techniques sont sous la tutelle de ministères différents réduit l'efficacité de ce mode de décision. Le recours de plus en plus fréquent à des financements par projets introduit un mécanisme économique dans la programmation de la recherche. Compte tenu de la faiblesse des financements publics, les établissements de recherche halieutique sont devenus très dépendants de l'aide extérieure. Les mécanismes de coordination nationale des aides extérieures (Ministères des Affaires Etrangères et du Plan) ne donnent pas pleine satisfaction. Au niveau des établissements de recherche, les capacités à coordonner les contributions extérieures diffèrent de façon sensible. Seul le FOFIFA dispose d'un Comité de financement de la recherche agricole. Ne disposant ni de la tutelle des centres spécialisés, ni du financement nécessaire, le MERH et la DRH rencontrent nécessairement de sérieuses difficultés à faire réaliser leurs recherches prioritaires.

Secteur privé

Le manque de structure de concertation affecte aussi la coopération entre la recherche et les opérateurs économiques. Les besoins de ces derniers diffèrent, on l'a vu, de ceux du secteur public. Il en va de même des capacités d'assimilation des opérateurs industriels et traditionnels. Comme pour les relations entre la recherche et les administrations techniques, la valorisation des résultats de la recherche par les opérateurs industriels et artisans dépend beaucoup de la qualité de leur concertation. Celle-ci doit être établie dès la phase d'identification et de formulation des programmes. La participation active aux expérimentations -financière pour les opérateurs industriels, en prestations de service par les artisanaux - est un gage de leur intérêt pour les travaux de recherche-action lançés à leur intention. Le projet pilote de crevetticulture réalisé conjointement par les Pêcheries de Nosi be, la DRH, la FAO, le PNUD et le SFI (Banque Mondiale) donne une bonne illustration de ce principe. A l'inverse, l'expérience de l'agriculture a amplement démontré l'inefficacité d'une démarche descendante, fondée sur la vulgarisation par un service spécialisé d'innovations développées, sans concertation préalable avec les opérateurs privés, par des établissements publics de recherche et de développement. Le FOFIFA a entrepris de réformer ses structures et mécanismes de transfert pour tenir compte de ce constat. Le CNRE et le CNRO ne disposent pas de structures de concertation formelle avec les utilisateurs privés.

3.4.4. Coopération regionale

Les pêcheries et les aquacultures des pays de l'Océan indien occidental présentent de grandes similitudes: conditions écologiques, ressources, contexte économique - y compris les marchés nationaux et d'exportation sur lesquels les pays tropicaux sont en concurrence, conditions sociales. Ces similitudes se répercutent sur les conditions de développement et d'aménagement (conservation de l'environnement, promotion des pêches artisanales, aménagement des pêcheries industrielles de crevette ou de thon, développement de l'acquaculture, stratégies d'exportation,…).

Plusieurs organisations et programmes internationaux interviennent dans la coopération scientifique régionale :

Bien utilisées, ces structures pourraient contribuer plus effectivement à la coopération régionale sur des problèmes communs (évaluation des stocks et aménagement de la pêche thonière) ou semblables, et la fourniture d'appuis techniques (formation, groupes de travail, …). Toutefois, la participation des centres de recherche malgaches à l'activité des organismes de coopération reste modeste. Cela tient en partie à l'insuffisance des moyens. Ainsi, des projets de visite de chercheurs dans des laboratoires d'autres pays de la région n'ont jamais eu de suite par manque de financement. Cette participation modeste peut expliquer que les responsables de la recherche halieutique malgache ne voient pas toujours la contribution que la coopération régionale pourrait apporter au renforcement des capacités et des programmes nationaux.


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