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III. QUESTIONS D'ACTUALITE

3.1 Mise en oeuvre de gestion du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole

L'institution récente du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole sous la forme du compte de commerce No 92-24 par décret No 94–701 du 8 novembre 1994 permet désormais au Comité de gestion créé pour l'administrer d'affecter 75 % du montant des recettes attribuées au Fonds au financement d'un programme cohérent de développement des activités de pêche et d'aquaculture (v. l'art.6 du décret).

Depuis, l'arrêté No 1993–95 en date du 24 avril 1995 est venu nommer les membres du Comité de gestion. Outre le président (le Ministre chargé de la pêche et de l'aquaculture ou toute personne par lui désignée), le Comité est composé de cinq représentants de l'administration et de trois représentants des opérateurs regroupés au sein du nouveau Groupement des Armateurs à la Pêche crevettière de Madagascar (G.A.P.C.M). On ne peut que faire remarquer la prépondérance des représentants de l'administration au sein dudit comité et déplorer l'absence d'un représentant du secteur de l'aquaculture ou même d'un représentant des collecteurs, puisque le principe d'une redevance attachée aux autorisations de collecte et dont le produit est destiné à alimenter le Fonds est désormais acquis.

Il est recommandé la modification dudit arrêté dans un sens plus conforme aux objectifs du Fonds. Il est en particulier suggéré que le Ministre chargé de la pêche et de l'aquaculture désigne un représentant de l'aquaculture et un représentant des collecteurs, de telle sorte que la parité souhaitable entre représentants de l'administration et représentants des opérateurs au sein du Comité de Gestion soit, malgré la voix prépondérante du Président, respectée.

Dans le cadre d'un appui à la Direction des Ressources Halieutiques pour les modalités de fonctionnement du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole, ladite Direction a demandé qu'un cabinet de consultants juristes nationaux propose “les dispositions juridiques et réglementaires pour assurer la mise en oeuvre et le fonctionnement du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole.” Il était notamment indiqué dans les termes de référence fournis par la Direction des Ressources Halieutiques que le cabinet devait proposer les arrêtés d'application exigés par le décret constitutif du Fonds, à savoir la mise en place des structures (art. 8 du décret), la liste des personnes composant le Comité de gestion (art. 5 et 3 du décret) et la définition de l'origine et de la nature des recettes (art. 7 du décret). Plus précisément encore, le cabinet devait indiquer les “règles internes propres au fonctionnement de l'ensemble de la structure et des relations entre ses différentes composantes, tout en spécifiant les relations avec les tiers et les autres administrations.”

A l'occasion d'une réunion provoquée par la Direction des Ressources Halieutiques avec le cabinet des consultants juristes et le personnel du projet PNUD/FAO-MAG/92/004, en présence du rédacteur du présent rapport invité à y participer, une version préliminaire du rapport a pu être commentée. Au titre des structures organisationnelles, on peut noter la proposition de mise en place d'un organe délibératif d'une part composé du Président et des membres du Comité de gestion, et d'un organe exécutif d'autre part, avec à sa tête un coordinateur assisté d'un régisseur, d'un comptable, d'une secrétaire et des chefs de projet.

Parallèlement à la présentation de l'organigramme général, la première version d'un “Manuel de procédures” relatives au fonctionnement du Fonds a également été distribuée. Sont ainsi prévues les procédures de fonctionnement du Comité de gestion, celles de l'organe exécutif, les procédures de gestion des projets, celles relatives aux opérations financières, et enfin celles relatives aux activités de contrôle. De même, plusieurs règlements intérieurs applicables au Comité de Gestion, à l'organe exécutif, à l'administration du Fonds, aux règles de gestion, à la décentralisation administrative et aux dispositions juridiques (sic) ont été élaborés.

Sur l'ensemble, des éclaircissements ont été obtenus, des suggestions ont été faites, notamment quant à la possibilité de prévoir un assistant technique afin d'aider la tâche du coordinateur. Des remarques ont été formulées quant à l'architecture générale du réglemenr intérieur, jugée peu logique. Nonobstant, on ne peut que louer la cohérence et le sérieux de cette étude préliminaire, dont une version définitive doit être mise à disposition des autorités nationales dans les plus brefs délais.

Il n'en reste pas moins que la mise en oeuvre effective du Fonds requiert d'ores et déjà d'autres interventions. La mise en place des structures nécessite d'être précisément accompagnée. On ne saurait oublier, en effet, que les recettes affectées au Fonds de Développement Halieutique et Aquicole doivent représenter en moyenne 5 milliards de Fmg par an (1 250 000 USD environ). Il s'avère donc particulièrement nécessaire, au moins pour ce qui est des premiers mois d'application du système, de prévoir un suivi particulièrement attentif non seulement du fonctionnement de la structure générale du Fonds mais aussi de la mise en oeuvre des activités projetées au titre du développement du secteur de la pêche et de l'aquaculture (par exemple le système de contrôle et de surveillance).

Afin d'accompagner la mise en place des structures du Fonds dans les tous prochains mois, il est recommandé que les autorités nationales prennent avantage de la possibilité de demander une assistance ponctuelle de la FAO à cet effet, et en particulier de son programme de coopération technique (PCT). Cela permettrait d'accorder à ces activités de démarrage l'appui technique, juridique et institutionnel qui est maintenant requis en priorité.

3.2 Problèmes posés par la pêche industrielle dans la zone des deux milles

La pêche la plus importante à Madagascar porte sur différentes espèces de crevettes, principalement sur la côte nord-ouest et sur la côte centre-ouest. A elle seule, la pêche à la crevette produit entre 6 et 8 000 tonnes par an. Elle constitue désormais la première recette d'exportation du pays. Cette pêche est exploitée principalement par une flottille industrielle de crevettiers comprenant environ 60 bateaux de vingt mètres appartenant, pour l'essentiel, à trois grandes sociétés. Les pêcheurs traditionnels et artisanaux qui se livrent à ce type de pêche utilisent pour leur part des barrages de fascines ou “valakira” et des filets qu'ils placent en travers de l'embouchure de certains fleuves et estuaires, surtout au nord-ouest. D'après les études scientifiques effectuées, les fonds crevettiers malgaches sont situés, sauf rares exceptions, en deçà de la ligne de base. De nombreuses plaintes ont été recensées contre les chalutiers de pêche industrielle intervenant dans la zone des deux milles et qui auraient détruit au cours de leurs opérations des filets maillants utilisés par la pêche artisanale. Inversement, la flotte industrielle se plaint de ce que les filets et “valakira” empêchent les crevettes de migrer vers la mer et occasionnent une mortalité accrue des espèces destinées à la reproduction.

En principe, la pêche industrielle est interdite à moins de deux milles des côtes. La réglementation en la matière remonte au début des années 1920 et, à notre connaissance, concerne seulement la pêche à la crevette. Mais les textes mêmes qui fondent le principe de cette interdiction sont relativement obscurs et peuvent prêter à diverses interprétations.

Le premier d'entre eux, le décret du 5 juin 1922 relatif à la pêche fluviale à Madagascar et à la pêche maritime côtière interdit en son article 10 le chalutage dans la zone des deux milles à compter de la côte. Par la suite, l'article 11 du décret No71–238 du 18 mai 1971 réglementant l'exercice de la pêche per chalutage dans la mer territoriale vint disposer que “par dérogation à l'article 10 du décret du 5 juin 1922, les licences de pêche au chalut autorisent leurs détenteurs à pêcher la crevette dans la zone des deux milles à compter de la côte”. Enfin, l'article 11 du décret No73–171 du 22 juin 1973 portant modification de certaines dispositions du décret No71–238 du 18 mai 1971 est venu énoncer que “… les licences de pêche au chalut peuvent (c'est nous qui soulignons) autoriser leurs détenteurs à pêcher la crevette dans la zone des deux milles à compter de la côte”.

C'est de cette dernière formulation qu'on a généralement déduit l'interdiction de la pêche artisanale et industrielle par chalutage dans la zone des deux milles. A cela s'ajoute sans aucun doute l'imprécision de l'expression “la côte” employée par les décrets successifs. Il est certain aujourd'hui que l'expression de “ligne de base” par exemple, pour autant qu'elle puisse être déterminée avec précision (c'est l'objet du projet de décret de 1994 examiné plus haut), pourrait lui être heureusement substituée tant du point de vue scientifique que juridique. Pour la compréhension du problème posé, on posera que le mot “côte” est ici considéré comme équivalent à celui de “ligne de base”. Dans ces conditions, cela signifie que le chalutage par les détenteurs de licences de pêche crevettière n'est autorisé, sans conditions particulières, qu'au delà de deux milles à partir des lignes de base dont la définition repose encore sur les dispositions du décret No63–131 du 27 février 1963.

Pour autant, et en théorie, la rédaction du texte incriminé n'interdit pas totalement les activités de pêche des chalutiers de pêche artisanale ou industrielle dans la zone des deux milles. Celles-ci peuvent être autorisées lors de l'attribution de la licence de pêche au chalut. Toutefois, cette autorisation doit prendre la forme d'une autorisation expresse. En pratique, et selon les informations recueillies, celle-ci n'a jamais été délivrée. Devant le flou de la situation juridique actuelle, et compte tenu de l'impossibilité qu'il y aurait à faire respecter en pratique une interdiction de chalutage dans la zone des deux milles, il est suggéré, à titre de mesure préliminaire, d'abroger in toto le décret No73–171 du 22 juin 1973. Il y aurait lieu, ensuite, de rechercher un accommodement entre les opérateurs de pêche industrielle et de pêche artisanale dans le cadre de la Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture (CIPA), dont l'avis sur la question pourrait permettre de jeter les bases d'un arrangement profitable pour tous.

Afin d'aider les travaux de la CIPA, ou ceux de la sous-commission pertinente saisie, il est également suggéré qu'une étude bio-économique du secteur crevettier soit menée au plus tôt dans le cadre de la préparation d'un plan d'aménagement et de conservation des stocks selon la démarche proposée par notre “Projet d'arrêté relatif aux plans d'aménagement des pêcheries” inclus en Annexe II du présent rapport. On sait, en effect, qu'au moins 60% des prises annuelles de crevettes sont effectuées à l'intérieur de la zone des deux milles et que l'on ne saurait interdire a priori la pêche industrielle et artisanale dans ladite zone sous peine de faire chuter gravement le taux de rentabilité de cette pêche pour de nombreuses entreprises. Ce sont plusieurs centaines de millions de dollars d'investissements qui seraient remis en cause.

3.3 Fixation des redevances attachées aux autorisations de collecte

Sur la côte sud-est de Madagascar, dans la région de Fort-Dauphin, il existe une importante pêche côtière à la langouste exploitée par le secteur traditionnel et artisanal. Jusqu'en 1985, une société d'Etat était seule autorisée à collecter les langoustes auprès des pêcheurs traditionnels et à les commercialiser, essentiellement à l'exportation. Avec la fin du monopole, de nouveaux collecteurs-exportateurs sont intervenus sur le marché. Ce type de pêche s'est développé de manière importante. On a pu noter un accroissement spectaculaire des captures dans les années qui ont suivi la libéralisation de l'exploitation.

En l'état actuel de la réglementation, les collecteurs doivent être titulaires d'une autorisation de collecte délivrée par l'administration des pêches. Le texte pertinent en la matière est l'arrêté No4796/90 en date du 16 août 1990 qui prévoit, en son article premier, que “toute personne physique ou morale… désirant créer ou exploiter soit un établissement de collecte et/ou de vente de crevettes, soit un établissement de pêche, et/ou de collecte, et/ou de vente de langoustes, et/ou de crabes, et/ou d'holothuries, et/ou d'algues ne peut le faire sans avoir, au préalable, l'autorisation écrite du Ministre” responsable, “et après avis du Président du Comité Exécutif du Faritany d'implantation.” L'article 8 précise que les pêcheurs individuels ne sont pas concernés par les dispositions du présent arrêté.

Le problème, aujourd'hui, se pose de savoir de quelle manière il convient de soumettre à redevance l'importante collecte de langoustes, mais aussi celle de crabes, d'holothuries et de crevettes. En effet, l'arrêté portant fixation des redevances en matière de licences de pêche ne touche que les navires de pêche, y compris les navires d'appui et de collecte. Il paraît essentiel qu'une redevance puisse être également instituée lors de la délivrance des autorisations de collecte. Il est donc recommandé de préparer un arrêté ministériel à cet effet disposant que :

  1. la délivrance d'une autorisation de collecte donne lieu à la perception d'une redevance ;

  2. la redevance devrait être calculée de manière différente selon les quatre espèces cibles principales, à savoir la langouste, la crevette, le crabe et l'holothurie ;

  3. la redevance ne devrait pas frapper les petits pêcheurs, mais les collecteurs eux-mêmes en fonction, vraisemblablement, du chiffre d'affaires réalisé. Afin d'éviter de frapper outrancièrement les petits collecteurs, il conviendrait de fixer un chiffre d'affaires minimum en deçà duquel les collecteurs ne seraient pas taxés ;

  4. Pour les personnes physiques ou morales qui se livrent à la fois à des activités de collecte et de pêche, l'activité de collecte ne devrait être séparément taxée que si elle représente, par exemple, 20% du chiffre d'affaires global.

Le produit de ces redevances serait directement versé au Fonds de Développement Halieutique et Aquicole et affecté, en priorité, au développement des techniques de pêche, à l'amélioration des outils de travail, et à une meilleure organisation de la collecte elle-même, compte tenu des problèmes de logistique que posent le mauvais état des routes et l'irrégularité des frets maritimes et aériens.

3.4 Vers un système de contrôle et de surveillance des activités de pêche

De nombreuses allégations d'infraction directe à la législation existante sont périodiquement recensées : activités illégales de bateaux étrangers ou de navires nationaux, pêche sans licence, pêche avec licence mais dans des zones qui n'ont pas été autorisées lors de l'octroi de la licence, transbordement d'une partie des prises en mer, pêche pendant la saison de fermeture, irrégularités concernant la puissance réelle des moteurs …

L'introduction d'un système de surveillance et de contrôle efficace constitue par conséquent la prochaine priorité si l'on veut que les mesures d'aménagement des pêcheries et de conservation des stocks présentes et futures soient effectivement appliquées. De ce point de vue, la définition de la politique de l'administration en matière de contrôle et de police relève très clairement de la Direction des Ressources Halieutiques (DRH) dans le respect de textes existants, et notamment de l'Ordonnance No93–022 du 4 mai 1993 qui énonce en ses Titres VI (articles 18 à 20) et VII (articles 21 à 29) les traits caractéristiques d'une police de la pêche et de l'aquaculture ainsi que l'échelle des infractions et pénalités applicables. Quant à la coordination des moyens à mettre en oeuvre pour assurer le succès de cette politique, elle est du ressort de la future Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture (CIPA).

Des travaux préliminaires ont été menés5, qui doivent être continués avant d'enterprendre l'élaboration d'un texte réglementaire habilitant les agents de contrôle. Auparavant, l'administration des pêches doit absolument définir les grandes orientations du système de contrôle et de surveillance des activités de pêche, principalement le type de contrôle, les moyens susceptibles d'être affectés au contrôle, les modalités de gestion du contrôle (formation juridique et technique d'un éventuel corps d'agents et d'officiers contrôleurs).

Le nombre relativement limité d'opérateurs et de navires concernés par des opérations de contrôle et de surveillance devrait permettre la mise en place rapide d'un certain commencement de contrôle pour autant que l'administration fasse preuve d'une volonté forte et mette à la disposition de cet objectif essentiel une part non négligeable des redevances transférées au Fonds de Développement Halieutique et Aquicole. Les opérations de contrôle et de surveillance devront, en tout état de cause, être menées en étroite concertation avec les autres administrations intéressées (Douanes, Défense nationale). De même, le Groupement des Armateurs à la Pêche Crevettière de Madagascar (G.A.P.C.M) nouvellement créé et qui regroupe la majorité des opérateurs de la pêche crevettière constitue désormais un interlocuteur crédible de l'administration et devrait être associé à cette réflexion. L'Ecole Nationale d'Enseignement Maritime installée à Mahajanga, qui assure les principales formations “pêche” à l'image des écoles maritimes et aquacoles d'autres pays (capacitaire, lieutenant de pêche, patron de pêche et officier mécanicien), aura également un rôle très important à jouer dans la formation technique et juridique du futur corps de contrôleurs, (agents et officiers) de la pêche et de l'aquaculture.

5 P. Derham, rapport précité ; voir également l'étude sectorielle de la pêche et de l'aquaculture à Madagascar réalisée en 1994 par Cofrepêche, L'Ifremer et l'Orstom à la demande de la Caisse Française de Développement.


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