Page précédente Table des matières Page suivante


3. RECHERCHE DE SITES - OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

3.1. METHODES D'ELEVAGE DE CREVETTES EN ZONES DE MANGROVE

3.1.1. Les zones de mangrove en GUINEE BISSAU

Les zones de mangrove couvrent une surface importante des régions côtières de GUINEE BISSAU. Leur mise en valeur pour la riziculture remonte à plusieurs siècles.

Après le dessèchement et le défrichement, le terrain est divisé en grandes parcelles plus ou moins rectangulaires, les “bolanhas”, qui à leur tour sont morcelées parfois en “periques”. Les unes et les autres sont endiguées par les “ouriques”, digues qui de loin en loin sont traversées par des brèches, obstruées à l'époque des cultures.

Les dernières années, du fait de la mauvaise situation économique héritée de la guerre de libération, aggravée par la sécheresse depuis 1968, la riziculture en GUINEE BISSAU a été très endommagée.

Des efforts sont faits pour la réhabiliter ; la construction de barrages anti-sel est une des actions principales.

Cependant, d'après N. PONS-GHITULESCU, la plupart d'entre eux, non seulement n'ont pas apporté les améliorations escomptées, mais ont mené aussi à l'acidification des sols et à l'aggravement de la situation hydrologique. En effet, les ouvrages de régulation des niveaux sont conçus pour empêcher l'eau de mer de rentrer pendant la saison sèche, ou du moins sont utilisés de cette façon.

3.1.2. Le problème des sols sulfate-acides en aquaculture

De nombreux essais d'élevage de crevettes ou poissons à travers le monde (surtout ASIE DU SUD EST et AMERIQUE LATINE) ont eu de graves problèmes du fait de leur emplacement dans des zones de mangrove où les sols très fréquemment sont du type sulfate-acide. Dans les conditions de construction et de fonctionnement traditionnelles d'élevage de ces organismes (successions de périodes de remplissages des bassins et d'assecs), les sols sulfate-acides peuvent libérer rapidement des quantités très importantes d'acide sulfurique et de métaux, ce qui amène des conditions de croissance et même de survie désastreuses pour les animaux en élevage.

En effet, alors que les métaux libérés, Fer et Aluminium sous forme dissoute, sont directement toxiques pour les crevettes (dépóts d'hydroxyde de Fer sur les branchies), une forte baisse du pH par formation d'acide sulfurique entraîne des conditions de survie impossible, également par action sur les branchies.

En dehors de ces actions directes sur les crevettes (ou poissons) en élevage, ces mêmes éléments ont une action très négative sur la population bactérienne des bassins, sur la composition et la biomasse du phytoplancton, du meîobenthos, cet ensemble biocénotique de l'élevage yant lui-même une importance primordiale pour le succès d'opérations d'aquaculture peu intensive.

Ci-dessous sont exposés brièvement les phénomènes de formation des sols sulfate-acides et de leur dégradation :

-Formation des sols sulfate-acides :

Elle vient de la réduction microbienne des sulfates de l'eau de mer en sulfures d'hydrogène, puis en monosulfure de Fer, lequel enfin subit une lente transformation en pyrite (sulfure de Fer : FeS2).

Ces transformations sont particulièrement actives dans les sols de forêt de mangrove, où les conditions de température et d'anaérobie sont favorables à l'action des bactéries sulfatoréductrices.

-Origine de l'acidité et de la toxicité des sols :

L'acidité et la toxicité de ces sols sulfate-acides sont liées à la presence de pyrite dans le sol ; c'est l'oxydation de la pyrite dans le sol qui libère, ainsi qu'il est expliqué brièvement ci-dessous, de l'acide sulfurique et des éléments métalliques toxiques.

La pyrite est oxydée en produisant des ions sulfate et en libérant des ions H+. Le Fer libéré précipite sous forme d'hydroxyde, en libérant à nouveau des ions hydrogène.

Il y a donc disparition de la pyrite, remplacée par de l'hydroxyde de Fer insoluble, et de l'acide sulfurique en solution. En outre, dans ce milieu très acide, Fer et Aluminium deviennent plus solubles, et peuvent avoir une action toxique directe.

La réaction globale peut s'écrire :
FeS2 + 15/4 O2 + 7/2 H2O ----- 2 H2SO4 + Fe(OH)3

Ces phénomènes de dégradation des sols sulfateacides étant dûs à l'oxydation de cette pyrite, on conçoit que ces sols ne deviennent réellement toxiques et acides que pour autant qu'ils sont soumis à l'action de l'air par émersion prolongée.

Il existe ainsi de vastes zones de sols sulfateacides qui ne sont que potentiellement défavorables, et qui peuvent être utilisés avec profit pour l'agriculture (riziculture par exemple) et pour l'aquaculture, à la condition expresse qu'ils ne soient pas soumis à une émersion durable.

Au VIETNAM par exemple, des zones poldérisées pour la riziculture, et maintenues asséchées pendant la saison sèche, pour eviter l'intrusion de sel dans le sol, étaient devenues très acides et impropres à toute production de riz. Ces zones ont été abandonnées, la marée est donc à nouveau entrée librement, et les fermiers se sont aperçu qu'ils trouvaient des crevettes dans les drains et canaux, que l'acidité avait été lessivée par l'eau de mer, et qu'enfin ils pouvaient à nouveau cultiver du riz pendant la saison des pluies. (VO-TONG XUAN et coll.).

3.1.3. Méthode d'élevage associé crevette-riz au VIETNAM

D'après VO-TONG XUAN et coll. 1985.

Le système d'élevage associé, tel qu'il est pratiqué au VIETNAM, fait intervenir les éléments suivants :

Choix correct du site :

- Construction des polders :

Les auteurs recommandent une taille limitée pour les polders, de 2–3 ha à 5–10 ha.

Les ouvrages de régulation, s'ils servent à ajuster le niveau de l'eau douce en saison de pluies, peuvent admettre un fort débit d'eau saumâtre durant la saison sèche, de façon à remplir les rizières.

- Préparation de la surface des bassins :

La vase qui tend à s'accumuler chaque année doit être répartie également sur le polder, et son niveau doit être maintenu par râclage chaque année après la récolte du riz.

- Production de crevettes :

Aussitôt après la récolte du riz, vidange complète de tous les drains pour éliminer les prédateurs. L'opération doit être rapide pour éviter l'oxydation du sol.

Au moment des grandes marées, admettre l'eau à marée haute, avec un fort courant, de préférence de nuit, pour “aspirer” le maximum de juvéniles de crevettes.

On peut ensuite nourrir les crevettes avec du son de riz ou de la farine de poisson.

La récolte des crevettes peut être débutée 45 jours après le démarrage de l'élevage.

3.2. SITES VISITES DURANT LA MISSION

3.2.1. Polder de CA BALANTA - SAO MIGUEL (Voir photos)

Le barrage de ce polder a été construit en 1981.

Il présente les caractéristiques suivantes : bassin versant 5 400 ha ; surface cultivable : 1 200 ha. L'ouvrage de décharge qui comprend 7 portes-clapets a un mur de soutien de côté qui s'est effondré.

Il s'agit donc d'une zone poldérisée importante, et il est à noter que de nombreuses bolanhas en amont du polder ne sont plus cultivées (raisons d'ordre social, ou acidification des sols dûs à l'émersion prolongée en saison sèche ?).

Les seules zones qui pourraient être convenables pour des essais d'élevage de crevettes sont celles à proximité du barrage, car elles sont les moins élevées et pourraient être inondées par la marée, par des modifications mineures de l'ouvrage. Ces zones sont actuellement cultivées par les paysans. du moins pour celles qui ont été défrichées.

3.2.2. Polder de CA INCOMINE

Construit en 1983–84, ce barrage a un bassin versant de 400 ou 500 hectares.

D'une taille plus petite, ce polder est situé à relativement peu de distance du précédent. Les memes observations peuvent être faites sur l'exploitation en rizières et l'éventuelle possibilité d'un réaménagement de la partie moins élevée.

3.2.3. Station Expérimentale de CABOXANQUE

La Station Expérimentale de CABOXANQUE, pour la culture du riz de semence, a été fondée par DEPA (Departamento de Pesquisa Agricola) en 1977 dans le but de :

Les bolanhas de CABOXANQUE sont situées dans l'estuaire du Rio CUMBIJA, caractérisé par une forte sédimentation. Les mangroves de cet estuaire sont surtout composées d'Avicennia. L'amplitude des marées est considérable (5 m) et les sédiments sont surtout des vases argileuses.

La Station Expérimentale dispose d'une infrastructure relativement importante, de matériels et de véhicules agricoles, et d'un encadrement de qualité, assisté par des conseillers techniques spécialisés en agriculture tropicale.

3.3. OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

3.3.1. CA BALANTA et CA INCOMINE

Les deux sites de CA BALANTA et CA INCOMINE, s'ils peuvent être considérés comme convenir à une association élevage de crevettes-riziculture dès que la faisabilité en sera démontrée, du moins pour leur partie basse, aval, sont à mon sens tout à fait impropres à une phase expérimentale, pour les raisons suivantes :

Toutes les informations semblent indiquer que les crevettes Pénéides (P. duorarum surtout, P. kerathurus très peu) sont relativement peu abondantes dans la région, en comparaison avec le Nord du pays, vers le RIO CACHEU.

3.3.2. CABOXANQUE

A l'exception du dernier point, la Station Expérimentale de CABOXANQUE, que j'ai pu visiter de façon informelle, est un contexte tout à fait favorable à la mise en place et au suivi d'expérimentations :

3.3.3. Autres sites

Il semble, d'après les informations recueillies sur place, que les crevettes Pénéides soient plus abondantes dans la partie Nord du pays, dans les Rios CACHEU ou MANSOA par exemple. Il serait sans doute intéressant, si les résultats des premières expérimentations à CABOXANQUE étaient décevants du fait de la rareté des juvéniles ou post-larves, d'établir rapidement quelques essais dans des zones de rizières situées dans la région Nord, que malheureusement je n'ai pas eu le temps de visiter.


Page précédente Début de page Page suivante