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TROISIEME PARTIE
LES PERSPECTIVES DU PROJET

3.1. LE MOYEN ET LE LONG TERME

Au nombre des objectifs du programme de 1985, le projet prévoit la création de 600 nouveaux étangs conformément aux termes de la convention qui lie la FAO/PNUD au Gouvernement ivoirien.

Cette norme pourrait être dépassée si les conditions climatiques, particulièrement favorables cette année, se maintiennent partout et font en sorte que les cours d'eau deviennent réguliers. Alors ce seront beaucoup de candidats qui vont se manifester. Cela suppose que certaines mesures soient prises.

3.1.1. Au plan des réalisations

Si la norme-plancher des 600 étangs doit se maintenir et obliger chaque cantonnement à poursuivre localement l'effort pour ce qui concerne les réalisations, il est nécessaire de déterminer comme conditions d'engagement du pisciculteur, la création d'un minimum de trois étangs.

L'avantage de ce principe est de parvenir à la rationalisation du travail de l'éleveur et de l'encadreur. Car un seul étang ne permet pas au premier de se rendre compte de toutes les possibilités que donne la pisciculture. Aucune organisation technique valable ne peut être entreprise par le second pour démontrer les capacités de développement des poissons. Le résultat est qu'on remarque de nombreux petits étangs dans les secteurs et cantonnements qui sont “bourrés d'alevins”.

3.1.2. Au plan organisationnel

L'objectif à réaliser est de parvenir à partir d'une action de sensibilisation soutenue, à regrouper les producteurs individuels qui exploitent déjà le même bas-fond et au même endroit afin qu'ils mettent ensemble leurs unités. C'est une opération qui peut être entreprise à Aboisso où existent toutes les conditions.

En agissant par exemple sur les groupes de pisciculteurs de Gaoussoukro, d'Allaoukro, d'Edjambo… Il en résulterait d'intéressantes fermes, qui, bien organisées serviraient de base à des tests dans la perspective d'une redéfinition des stratégies des projets piscicoles.

L'avantage dans la région d'Aboisso est qu'on trouve déjà installées sur un même périmètre plusieurs exploitations individuelles. Comme on a connu par ailleurs des expériences de regroupements, on peut chercher à éviter les erreurs en procédant par étape. Dans un premier temps, on pourrait favoriser l'union volontaire de quelque producteurs. L'un des critères à privilégier serait dans une telle démarche, l'affinité. Le groupe SALIA BERTE, trois voisins d'Akakro (installés aux environs de l'usine d'Ehania) est déjà un prototype intéressant. Les différents problemes qu'ils vivent, les difficultés qu'engendre le processus dans lequel ils sont engagés sont autant de sources d'informations que le projet mettrait à profit pour nouer, entre différentes unions, les liaisons nécessaires en vue d'aboutir à des groupements de plus en plus larges. De la pratique de chaque producteur, on doit tirer tous les enseignements. C'est pourquoi, il conviendrait d'envisager un tel programme comme un lent processus qui exige patience et tenacité.

3.1.3. Le problème de la maîtrise de l'eau

L'eau est, en pisciculture, la première ressource qui crée les conditions de réussite des projets. C'est pourquoi les sites aménagés doivent être faits de manière à l'avoir en quantité suffisante pour alimenter les étangs.

Si le problème se pose moins pour la Zone Forêt, les régions des Savanes manquent, de manière cyclique (en saison sèche), de l'eau pour leurs exploitations.

La meilleure solution qui peut être envisagée est la constitution de retenues d'eau avec l'aménagement de barrages. Il faut choisir des sites qui favorisent l'installation de plusieurs exploitants, pour mieux valoriser les investissements que nécessite l'aménagement de telles infrastructures.

D'autre part, le projet doit porter une attention à la qualité des sols. Il faut éviter de construire, coûte que coûte, des étangs sur des sols qui facilitent l'infiltration des eaux. La région de Brobo, par exemple, est constitué de sols dont la porosité nuit fortement à la promotion de la pisciculture.

Le choix et l'aménagement des sites doivent être faits avec rigueur. Car en voulant réaliser le maximum d'exploitations au démarrage du projet, il semble que toutes les précautions n'ont pas été prises pour garantir la pérénnité des projets. D'où avec la sécheresse et quelques déffaillances techniques au niveau des ouvrages (mauvaise construction des digues, mauvais emplacement de moines, infiltrations des eaux…), l'abandon d'un nombre important d'étangs. Il faut donc veiller à la gestion de l'eau dans la mise en place des exploitations et ce, de manière systématique. Car si “l'eau ne brûle pas”, elle peut manquer.

3.1.4. Le problème des ressources financières

La construction des étangs exige un investissement inestimable. Mais le fait que la pisciculture soit une activité nouvelle explique les réticences que les organismes de financement manifestent. Des dispositions sont à prendre au'niveau de la direction du projet et du gouvernement pour mener une campagne de sensibilisation qui favorise la reconnaissance progressive de l'activité piscicole par les centres de décisions des structures bancaires.

3.2. LE COURT TERME

3.2.1. La gestion des exploitations

Les problèmes que vivent les encadreurs sont en rapport étroit avec la dynamique même du projet : c'est une innovation qui s'introduit dans le milieu (rural). Il faut donc comprendre le laisser-aller qu'on constate aujourd'hui sur le terrain et la résistance de beaucoup de producteurs quand il s'agit de respecter les principes technique qu'exige la conduite des exploitations piscicoles. Comme le rendement des projets dépend en grande partie de l'intérêt que leur accordent les producteurs, la responsabilité professionnelle des programmes doit être rélisée à leur profit. Cela suppose d'abord que l'évaluation des résultats actuels des exploitations soit faite avec eux, afin qu'ils parviennent à comprendre la nécessité des pêches de tri et acceptent de les appliquer systèmatiquement.

Ensuite l'entretien des exploitations et l'alimentation des poissons doivent être faits avec la régularité. Pour motiver les éleveurs dans ce sens, il faudrait instaurer des systèmes d'émulation tels que l'organisation de visites, par groupes de producteurs, des exploitations de chaque village, au niveau des pays ruraux ; l'institution d'une coupe du meilleur exploitant, etc…

3.2.2. L'organisation de l'encadrement

3.2.2.1. L'animation des programmes

Certains encadreurs (sinon la majorité) baissent les bras en se disant : “après tout, c'est leurs poissons”. Or l'animation des programmes devait demeurer le système d'éducation permanent des éleveurs, toute innovation entraînant toujours des situations de blocage qui peuvent être, soit d'ordre culturel soit purement technique…

Ce qu'on remarque généralement sur le terrain, c'est l'arrêt de l'information-sensibilisation par les encadreurs une fois que les réalisations sont faites dans les villages. Pourtant, la triptyque information-sensibilisation-formation permet de combattre la négligence des producteurs, de les motiver et de les mobiliser La participation (donc l'adhésion) des populations au programme est nécessaire pour minimiser le coût de l'encadrement et enraciner le projet. Car la pisciculture est une réponse à des besoins réels d'équilibre nutritionnel. L'animation du programme, c'est à dire l'éducation des esprits pour motiver les producteurs, doit être constante.

3.2.2.2. L'autonomie des encadreurs

La non permanence des encadreurs sur le terrain, hypothèque en partie les chances de réussite d'un programme de vulgarisation même bien conçu. Cet état de fait a été remarqué dans les différents secteurs du projet FAO/PNUD qui ont été visités au cours de cette mission : la démotivation et/ou la démobilisation des encadreurs est presque générale.

Certains interlocuteurs expliquent le phénomène par le manque de moyens. Ce qui est vrai en partie. Car il arrive actuellement que des responsables paient eux-mêmes le carburant qu'il leur faut pour répondre à la requête d'un candidat ; des fois, ce sont les pisciculteurs qui le font pour que l'encadreur vienne faire une vidange avec eux.

Mais il faut avouer que le manque d'autonomie des encadreurs est davantage la manifestation d'une certaine carence professionnelle. En effet, on a remarqué chez nombre d'encadreurs, l'absence de cette capacité propre qui permet la prise d'initiatives pour apporter aux problèmes les solutions techniques adaptées voire pour créer, chaque fois qu'on retrouve le producteur sur ses exploitations, une situation formatrice aidant l'exploitant à réaliser complètement ce qu'il faut faire pour conduire ses projets.

Par exemple, on peut faire en sorte que le nouveau producteur réalise, au début, toujours un étang de plus de quatre ares si le terrain le permet et si on sait qu'on aura par la suite, du malàbmobiliser pour créer de nouvelles exploitations.

Cêrtains encadreurs n'ont pas encore fait de sexage dans leur secteur ou tiennent incorrectement les fiches d'étangs, seuls moyens de mesurer les effets quantitatifs et qualitatifs qu'on attend des projets piscicoles.

Le manque d'autonomie des encadreurs n'est pas seulement une carence d'ordre technique, mais aussi l'incapacité d'assurer la conduite des hommes. En effet quelques encadreurs du projet se sont rendus coupables de malversations. Or le travail à la base exige des intervenants des qualités humaines indéniables : l'encadrement donne des résultats fiables quand s'établit entre le sujet et le technicien la confiance, seul facteur qui rend disponible tous ceux qui acceptent de s'engager ensemble.

Le personnel du projet FAO/PNUD, disons tous ceux qu'intéresse la vulgariation de la pisciculture doivent comprendre qu'ils sont différents des fonctionnaires ordianaires des Eaux et Forêts. Ils sont avant tout, des éducateurs qui viennent non pas tout apporter aux éleveurs, mais apprendre avec eux, savent se mettre à leur écoute. Car chaque secteur, chaque exploitation sont autant de situations qui demandent des réponses particulièrement étudiées. Ce qui signifie que la formation de base que les encadreurs ont reçue n'est pas tout ; chacun doit mettre en valeur ses propres qualités humaines. En effet, le pisciculteur est un homme qui pense ; on peut (on doit) réfléchir avec lui pour faire avancer le programme. S'il résiste, il faut déduire que vous ne vous êtes pas encore compris.

3.2.2.3. Le processus d'auto-évaluation

Au niveau du projet, on peut systématiquement agir pour entretenir la motivation chez les éleveurs et “remebiliser” en même temps les encadreurs. Il faudrait réfléchir à la mise en place d'un processus d'auto-évaluation. Cela pourrait se concrétiser par la promotion de comités de concertation dans les villages qui comptent déjà un nombre important de producteurs. Les GVC de Nambékaha, de Balouzon, de Gbigbikou et de Pindikro ; les groupes de producteurs de Gaoussoukro, d'allaoukro, de Ndakro et d'Edjambo sont des exploitations qui s'approprient à un tel test dont l'avantage est de restituer la parole aux gens qui sont eux-mêmes engagés dans les projets, pour aider à l'expression des problèmes et à la recherche d'alternatives. Les structures de concertation serviront aussi de moyens d'animation et d'information susceptibles de préparer les esprits dans le sens d'apporter des améliorations aux réalisations. C'est quand la nécessaire réorgansiation des projets piscicoles existants sera réalisée qu'on peut envisager leur rentabilité au plan économique.

3.2.2.4. La rentabilisation des projets piscicoles

Il faut que la pisciculture devienne l'affaire de tous. Cela est réalisable quand la gestion des exploitations permet de produire du poisson d'une taille normale (150 à 200 g le tilapia nilotica par exemple).

La double condition à remplir est la mise au point et le suivi d'un calendrier d'exploitation, c'est-àdire la régularité des pêches de contrôle, la réalisation des sexages, et l'observation des régimes alimentaires quels que soient les types d'aliments.

3.2.2.5. La promotion du produit piscicole

La commercialisation du poisson des étangs n'est pas toujours facile dans les régions où la production du poisson est courante (Aboisso par exemple). Cela est dû à la faiblesse du poids du produit des “Eaux et Forêts”. Mais si “le poisson des Eaux et Forêts ne grossit pas”, il est qualitativement bien apprécié : “il est plus doux que le poisson des lacs”.

La qualité des produits du projet FAO/PNUD peut garantir sa promotion. La direction du projet peut entreprendre une campagne publicitaire avec le support des médias (télévision, radio), des affiches, etc… A la radio, par exemple, les émissions en langues nationales sont des occasions pour de larges diffusions.

Le projet doit aussi suivre avec intérêt l'organisation des producteurs que le Cantonnement de Gagnoa va initier.

3.2.2.6. La protection des exploitations contre les prédateurs

D'autres pisciculteurs peuvent essayer la méthode de lutte que le jeune GNAMAKA Omer a mise au point pour les oiseaux : il tend le piège-à-loup qu'il accroche à une petite fourche plantée au milieu de l'étang. Cela s'avère efficace parce qu'il a dé jà pris huit oiseaux qui ont cherché à se reposer dessus avant de pêcher le poisson.

Pour les varans, les serpents et autres prédateurs, on peut clôturer les installations. Les exploitants du secteur d'Aboisso utilise le filet pour le faire. Dans tous les cas, les solutions à appliquer dépendent de la situation géographique et/ou sociale de l'éleveur.

3.2.2.7. La promotion des groupements et des étangs scolaires

L'élevage en collectivité (GVC, associés, écoles) reste la meilleure formule pour rentabiliser les investissements. Mais tous les groupements existants fonctionnent comme s'il s'agissait d'exploitations individuelles. Il faut reconstruire l'esprit coopératif au sein des GVC (Nambékaha, Balouzon...).

Pour les étangs scolaires tout semble bien fonctionner. Il faut maintenir les contacts avec les encadreurs des écoles. Car les étangs scolaires demeurent des terrains favorables pour la quantification des effets de la pisciculture.


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