Page précédente Table des matières Page suivante


8. C O N C L U S I O N : Tableau comparatif des deux modes de reproduction

Le tableau suivant résume et compare les techniques de reproductions naturelle et artificielle telles qu'elles sont pratiquées à Madagascar dans les Stations de Recherches Piscicoles et à l'écloserie de Szazhalombatta.

 REPRODUCTION ARTIFICIELLE
(à Szazhalombatta)
 REPRODUCTION NATURELLE
(aux Stations de Recherches Piscicoles de Madagascar)
Géniteurs marqués et sélectionnés.Géniteurs marqués et sélectionnés.
Sexes séparés.Sexes séparés.
Fertilisation des étangs de stockage des géniteurs; nourrissage au granulé qui contient plus de 40% de protéines et alimentation abondante en eau.Fertilisation des étangs de stockage des géniteurs et nourrissage à la provende pulvérulente qui contient 13% de protéines.
Etangs de pose et étangs d'incubation : NéantEtangs de pose et étangs d'incubation:
Rapports de sexe : 10 × 20Rapports de sexe : 20 × 10
Hypophysation.Sans hypophysation.
Fécondation artificielle :Fécondation naturelle (méthode des kakabans).
Pontes positives : 70 – 90 %Pontes positives : 40 – 60 %
Oeufs fertilisés : 80 – 95 %Oeufs fertilisés : 70 – 88 %
Incubation en carafes de Zoug de 7 – 9 l pendant 3 jours à 24°Incubation en caisses pendant 3 jours à 22°
Traitement au vert de malachite contre les éventuelles infections parasitaires.Aucun traitement contre parasites.
Oeufs fertiles éclos : 90 – 95 %Oeufs fertiles éclos : 40 – 60 %
Résorption des réserves vitellines en carafes de Zoug de 250 l pendant 3 jours à 24°Résorption des réserves vitellines en caisses d'incubation pendant 3 jours à 22°
Première alimentation en carafes : Rotifères ou oeufs de poules.Aucune alimentation en caisses.
Superficie des étangs d'alevinage : 1 à 4 aresSuperficie des étangs d'alevinage : 1 – 25 ares
Etangs d'alevinage mis sous eau 6 jours avant déversement des alevins: fertilisés aux fumures organiques et minérale nourrissage au granulé (minimum de 40% de protéines).Etangs d'alevinage mis sous eau 2 jours avant déversement: fertilisés aux fumures organique et minérale; nourrissage à la provende pulvérulente ( 13 % de protéines).
Application de Flibol EPas d'application de Flibol E ni d'autre produit chimique.
Densité: 40.000 à 50.000/areDensité: 2.000 – 3.000/are
Durée d'alevinage: 21 à 28 joursDurée d'alevinage: 1 mois
Taux de survie: 50 – 60 %Taux de survie: 40 – 60 %
Production en une saison: 64 millions/haProduction en une saison: 390.000/ha
Taille individuelle des alevins: 25 – 30 mmTaille individuelle des alevins: 30 – 40 mm
Poids moyen: 1 – 2 grPoids moyen: 2 gr
Température de l'eau en laboratoire: maintenue à 24° (de l'hypophysation à la résorption vitelline).Température: Dépend de la température ambiante de l'eau d'alimentation.

Les données consignées dans ce tableau appellent les commentaires suivants:

8.1 - Marquage et sélection des géniteurs

L'écloserie de Szazhalombatta utilise des géniteurs de carpes sélectionnées provenant de trois lieux différents: Dynniès (Hongrie) Szarvas (Hongrie) et Yougoslavie. Ces géniteurs sont marqués au for rouge et on ċonnaît de manière précise leur comportement et leurs performances individuelles.

On y vise les objectifs suivants:

A Madagascar, depuis 1963, on a abandonné la Carpe miroir au profit de la Carpe royale originaire de la Sologne (France), à meilleure croissance. Dans les Stations de Recherches Piscicoles, on a pu veiller au maintien des caractères propres à la Carpe royale car on a marqué les géniteurs. Ce marquage a permis leur identification et la conduite des travaux de sélection dans les meilleures conditions. Ce qui n'est cependant pas le cas pour le reste des Stations Piscicoles.

Dans ces mêmes Stations de Recherches, afin d'étaler la saison de reproduction qui ne dure que deux mois et demi, on a essayé d'avoir par sélection individuelle des Carpes précoces qui pondent en Août et des Carpes tardives qui se reproduisent en Décembre. D'après les résultats partiels obtenus, il semble que ces caractères ne se transmettent pas assez régulièrement dans la progéniture.

Point n'est besoin d'étaler la saison de ponte si on arrive à transférer à Madagascar la technique de reproduction artificielle qui permet, avec des géniteurs sélectionnés, de produire massivement des alevins. De toutes façons, la saison s'étale d'elle-même si on dispose d'une chaufferie ou à défaut, si on a la chance d'avoir une température qui ne varie pas beaucoup pendant un certain temps (voir sous/chapitre 8.11).

8.2. - Séparation de sexe

A Madagascar, elle est déjà pratiquée en carpiculture. Elle évite les fastidieuses pontes incontrôlées qui se produisent presque inévitablement en étang où mâles et femelles sont gardés ensemble.

8.3. - Fertilisation et nourrissage

Les engrais utilisés à Madagascar et à Szazhalombatta comme sources fertilisantes sont identiques et ne diffèrent qu'en doses. Ces dernières dépendant d'un certain nombre de facteurs écologiques (pH de l'eau, nature du sol par exemple), il est superflu d'appliquer à Madagascar les mêmes doses qu'à Szazhalombatta. Il convient plutôt de vérifier à l'avenir si les engrais qu'on utilise produisent les effets qu'on en attend, si leur application a effectivement contribué au développement de la nourriture naturelle tant en quantité qu'en qualité.

En plus de la fertilisation, on procède dans les deux camps à la distribution de nourriture artificielle pour assurer l'entretien des géniteurs et la croissance normale des alevins et des carpillons.

A Madagascar, on utilise pour l'alimentation des géniteurs et des alevins une provende pulvérulente à base de son de riz et dont la valeur alimentaire est assez faible. En effet, pour raison de rentabilité, cette provende ne contient que 13 % de matière azotée :

A Szazhalombatta, les géniteurs et les alevins sont nourris quotidiennement au granulé dont les éléments constitutifs exacts ne m'ont pas été donnés. Ce granulé contient un minimum de 40 % de matière azotée et ses dimensions varient suivant la taille des poissons. Il est à noter que la Carpe commune utilise mieux les aliments sous forme de granulé à cause de la morphologie de sa bouche qui est adaptée à la capture des proies d'une certaine taille.

La connaissance de la nature des ingrédients importe peu car à Madagascar, on dispose d'une gamme élevée d'ingrédients et le choix dépend de leur valeur alimentaire, de leur prix de revient et de la facilité qu'on a de se les procurer régulièrement sur place.

Eu égard à toutes ces considérations, les recherches devront donc déterminer une ration riche et nutritive (25 à 30 % de matière azotée); de préférehce sous forme de granulé, contenant tous les éléments minéraux indispensables à la bonne croissance des alevins et au bon entretien des géniteurs à partir d'ingrédients qui existent sur place.

Comme les produits ou sous-produits agricoles sont relativement chers ou font défaut à certains lieux et à certains moments, il faudrait mettre au point plusieurs types d'aliments artificiels.

8.4. - Etangs de pose et étangs d'incubation

Grâce à la reproduction artificielle, on économise un certain nombre d'étangs, Ponte et incubation se passant en effet en laboratoire, étangs de ponte et étangs d'incubation n'ont plus leur raison d'être et viendront s'ajouter aux étangs d'alevinage jusqu'ici insuffisants.

8.5. - Rapport de sexe

En reproduction naturelle, on utilise en étang de pose d'1 are 2 mâles et 1 femelle.

Ce rapport est inversé en reproduction artificielle : 1 mâle et 2 femelles.

On retrouve donc ici un autre avantage de la reproduction artificielle car depuis longtemps, on souffrait à Madagascar du manque de géniteurs, mâles notamment.

Il importe de continuer la méthode de sélection massale mise au point en Stations de Recherches et adoptée depuis 2 ans dans les Stations du Service des Eaux et Forêts : en se basant sur le fait que la Carpe femelle grossit plus vite que la Carpe mâle, on choisit en forte proportion tout au long de la sélection les plus beaux et les plus gros carpillons afin de disposer en fin de sélection d'une grande proportion de femelles. La sélection consiste à garder des lots d'alevins issus des femelles les plus fécondes. Après 3 ans de grossissement, les poissons de ces lots seront utilisés comme géniteurs.

8.6. - Hypophysation

Les hypophyses sont fournies et cédées à titre onéreux à l'écloserie de Szazhalombatta par des coopératives de commercialisation qui en font la collecte avant de vendre les poissons. Ce sont ces coppératives elles-mêmes qui sont chargées de traiter les hypophyses en vue de leur conservation.

70 à 90 % des reproducteurs hypophysés donnent des oeufs tandis que la proportion n'est que de 40 % à 60 % si les géniteurs ne sont pas injectés.

Ainsi, le nombre des femelles positives se voit doublé avec la technique de l'hypophysation.

A la Station de Recherches Piscicoles d'Analamazaotra (Madagascar), il y a eu des résultats positifs quand on a utilisé des hypophyses de Carpes provenant du laboratoire du Pr. Woyonarowich (Hongrie) en 1967.

Au contraire, aucun résultat n'a été obtenu en 1968 avec des extraits préparés avec des hypophyses de Carpes prélevées localement.

Les responsables d'alors ont imputé la cause de l'échec soit à l'époque de prélèvement soit au mode opératoire employé. Ce qui semble justifié et les futures recherches devront mettre au point la période, les techniques de collecte et de conservation adéquates des hypophyses, compte-tenu de ce qui a été décrit au boursier et de ce qu'il a pu voir à Szazhalombatta (voir chapitre 1).

8.7. - Fécondation artificielle et incubation

La reproduction artificielle permet la fécondation des oeufs dans une proportion de presque 100%. Cette forte proportion se retrouve à l'éclosion en carafes. Ce qui n'arrive jamais dans les conditions naturelles de reproduction où des pertes considérables sont souvent enregistrées pour diverses raisons : destruction des oeufs par des organismes ichtyophages, matières en suspension se déposant sur les oeufs, variations de température, etc .....

La fécondation est une opération simple mais qui exige précaution et méthode. Les traitements décrits dans le chapitre 2 doivent être minutieusement suivis.

En petites carafes de 7–9 litres, il faudrait assurer un débit d'eau et une température appropriés et éviter les infections parasitaires.

8.8. - Résorption des réserves vitellines

Elle a lieu en carafes plus grandes de 250 l de capacité pour donner plus d'espace vital aux alevins.

A défaut de carafes, la résorption peut se passer en caisses ou directement en bacs en béton à condition que l'eau soit bien propre et la température appropriée.

Dès la résorption de la vésicule, l'alevin de Carpe se nourrit par lui-même. Il y reçoit sa première nourriture le jour qui précède son transfert en étang d'alevinage. Ce qui l'habitue déjà au nourrissage et, une fois déversé en étang, l'alevin n'hésite pas à consommer la nourriture qui lui est distribuée.

8.9. - Préparation des étangs d'alevinage

A Szazhalombatta et à Madagascar, il y a une certaine similitude dans la préparation des étangs d'alevinage sauf en ce qui concerne les délais de mise en eau avant l'empoissonnement et l'application du produit chimique Flibol E.

89.1 - Mise en eau

A Madagascar, elle a lieu 2 jours avant le déversement des alevins pour que les inévitables prédateurs ne pullulent pas dans les étangs et causent des pertes énormes parmi les alevins encore fragiles et de petite taille.

A Szazhalombatta, elle intervient 6 jours plus tôt. Avec l'application d'engrais, ce délai plus long est nécessaire pour permettre la multiplication des organismes planctoniques qui constituent la nourriture des alevins.

89.2 - Flibol E

Appliqué cinq jours après la mise en eau, ce produit chimique débarasse l'étang d'alevinage :

Il n'en demeure pas moins qu'à partir de la troisième semaine de l'alevinage, les étangs sont infestés par :

8.10. - Densité d'empoissonnement

A Madagascar, si la mise en charge dépasse 3.000 alevins à l'are, la taille désirée n'est pas atteinte.

A Szazhalombatta, la densité est de 40.000 à 50.000 alevins à l'are.

A la fin des alevinages, on retrouve dans les deux cas presque les mêmes taux de survie et les mêmes tailles d'alevins produits.

J'estime que la possibilité d'empoissonner jusqu'à 50.000 alevins à l'are vient essentiellement de l'effet du Flibol E qui élimine de l'étang les éléments planctoniques indésirables et les vecteurs de maladies parasitaires.

C'est un fait connu que les Crustacés sont ennemis des alevins, mais il semble qu'à Madagascar, on n'y a pas attaché beaucoup d'importance. On se contentait jusqu'ici de fertiliser les étangs sans prendre considération du fait que le plancton procuré par les engrais n'est pas entièrement à la portée des alevins.

Par ailleurs, on avait attribué essentiellement à la prédation la cause des pertes enregistrées au cours de l'alevinage. Il me semble qu'il n'y a pas que la prédation ; il est possible que les maladies parasitaires y prennent aussi part, d'où l'importance du Flibol E ou de tout autre produit à effet spécifique. Si l'on veut produire massivement des alevins, des recherches doivent être entreprises en priorité dans ce sens.

8.11. - Température

C'est un des facteurs du milieu qui déclenche la reproduction de la Carpe. La température définit également le tagesgrade d'incubation et le tagesgrade de résorption du sac vitellin.

811.1 - Reproduction

La Carpe ne fraie que si les eaux atteignent une température de 18 à 20°.

La reproduction artificielle de la Carpe en eau tempérée a utilisé cette propriété pour étaler la période de reproduction de la Carpe qui ne pond qu'une seule fois par an. Ainsi, le fait de pouvoir régler la température de l'eau contribue à la possibilité d'obtenir des pontes avant la période normale de reproduction. Ces pontes sont surtout nécessaires lorsque la saison froide est trop rigoureuse ou a tendance à persister.

Cet étalement de la saison de ponte est d'un grand intérêt car si à Madagascar, on a voulu faire une sélection de Carpes précoces en gardant des alevins issus de ponte précoce, il semble que cette qualité ne se perpétue pas dans la progéniture de façon régulière.

811.2 - Tagesgrade de ponte et d'incubation

Le maintien de la température de l'eau à une valeur donnée permet de prévoir :

En connaissant à l'avance ces périodes, on se passe des tâtonnements habituels et des risques parfois inutiles. Par exemple si après l'injection hypophysaire, on ne connaît pas le moment précis où il faut procéder à la ponte, il se pourrait que les oeufs soient trop mûrs et la ponte peut ne plus avoir lieu. On est alors obligé de vérifier de temps en temps si les géniteurs sont prêts ou non à pondre ; cette opération de contrôle les dérange et peut avoir des conséquences néfastes : inhibition de la ponte, blessures à cause des agitations, etc.....

Autre intérêt de la connaissance des tagesgrades qui est une conséquence du précédent : c'est le gain de temps. Comme on prévoit à l'avance le programme de travail à faire, on le fixe comme on le veut.

A défaut de chaufferie, on peut contrôler régulièrement les températures de l'eau et il suffit ensuite de se référer aux tableaux de tagesgrades de ponte et d'incubation donnés en annexe.


Page précédente Début de page Page suivante