Page précédente Table des matières Page suivante


3.- AGENCEMENT GENERAL D'UNE STATION PRODUCTRICE D'ALEVINS DE CARPE ET AMENAGEMENT DES STOCKS.

Etant donné que l'objectif principal des stations piscicoles des Eaux et Forêts à Madagascar est la production d'alevins (promotion de la rizipisciculture en milieu rural), l'agencement de ces stations est à prévoir en fonction des activités propres à l'alevinage qui sont respectivement :

A titre de référence, un Centre producteur d'alevin de Carpe en Chine est conçu de la façon classique suivante :

3.1 - Nombre minimum et Superficie des Etangs d'un Centre d'Alevinage - Carpe

-Etangs frayères, d'incubation - bacs de stabulation (pour mémoire)=    0,25 %
-Etangs de stockage des géniteurs (mâle et femelles séparés = 144)  6 × 10 ares=   60 ares
 et donneurs d'hypophyses = 800
-Etangs de premier alevinage (de 0 à 5–6 semaines)10 × 10= 100 ares
-Etangs de second alevinage  
 (5–6 semaines à 2–3 mois)10×20= 200 ares
 Surface minima du Centre     360 ares

• En pratique, les 3 Stations d'alevinage Carpe opérationnelles des Eaux et Forêts assistées du Projet ont des surfaces disponibles de :

• Sisaony=3 Ha
• Ambatofotsy=3 Ha
• Analabe=2 Ha.

Ces surfaces se situent légèrement en dessous de la limite minimum des exigences normales en Cypriniculture orientée vers la production intensive d'alevins, et par manque d'eau, aucune nouvelle extension n'est objectivement réalisable sur ces stations. Ces superficies sont encore réduites de surcroît, par le fait du stockage dans certains étangs de poissons autres que Carpe, dont des Tilapia (souches mélangées) Black-bass, Cyprin doré, etc…. Pour une saine politique de production d'alevins de Carpe, il conviendrait de transférer ces poissons dans d'autres stations secondaires ou mieux, sur les Stations de Recherches Piscicoles qui procèdent notamment à la conservation de souches pures.

A la Sisaony, on a pu corriger en partie le manque d'eau par un système de pompage refoulant les eaux d'une retenue située en aval, jusqu'en amont de la Station, pour être distribuée ensuite aux étangs piscicoles.

Le gros handicap posé par la limitation en surface et en eau peut être fort heureusement compensé, du moins partiellement, par l'existence sur chaque station piscicole, de retenues - annexes dont notamment :

Dans l'agencement général des stations, ces annexes devraient être inclues dans le planning d'exploitation et de gestion, car elles permettent de libérer certaines pièces d'eau actuellement bloquées, pour la formation de pré-géniteurs de remplacement. De même, ces étangs annexes pourraient et devraient servir à maintenir un stock de Carpes propre à fournir annuellement les hypophyses nécessaires à la reproduction, l'approvisionnement extérieur étant des plus problématiques.

En conséquence, les surfaces nécessaires à la production de ces “réserves” ne figurent pas dans la répartition des surfaces propres à chaque type d'activité développée ci-après:

3.1.1 - Nombre et Stockage des Géniteurs - Surface requise

On restera dans le cas présent, dans l'hypothèse d'une reproduction semi-naturelle de la Carpe requérant 2 mâles pour 1 femelle, les femelles recevant des injections d'hypophyses. Ceci implique la disposition par Station:

GéniteursSisaony
nombre
Ambatofotsy
nombre
Analabe
nombre
Totaux
nombre
- Mâles (2–3 kg)144144 96384
- Femelles (4–6 kg)  72  72  48192
Totaux (*)216216144576
Surface minimale
requise
(N.B.)
   15 ares15 ares10 ares40 ares

(*) A titre indicatif, le nombre actuel de géniteurs Carpe est de l'ordre de 30 à 40 femelles par Station.

N.B. En raison des limitations de surface, le compromis consiste ici à stocker les géniteurs à forte densité; en eaux tropicales on peut mettre jusqu'à 15 à 20 poissons à l'are. Si les poids moyens recommandés sont respectés, la mise en charge est dans ce cas de l'ordre de 5 – 6 Tonnes/Ha. Il est évident que la reconstitution de ces géniteurs après ponte et leur préparation à la prochaine reproduction nécessitent l'application régulière de fumure et fertilisants, ainsi qu'un nourrissage adéquat, compensant ici le manque certain de nourriture naturelle disponible dans les étangs.

- Mâles et Femelles sont stockés séparément, même après la reproduction; cette précaution évite des manipulations ultérieures de sexage (sauf si les géniteurs sont marqués), éliminant ainsi certains risques de blessures ou autres, toujours préjudiciables aux poissons.

3.1.2. - Premier et Second Alevinage - Surfaces disponibles (Madagascar)

Les étangs nécessaires à cette activité comprennent la majeure partie de la surface des Stations Piscicoles, soit respectivement dans le cas présent;

Activité/ FonctionSisaonyAmbatofotsyAnalabe
1er Alevinage     95 ares      95 ares     60 ares
Second Alevinage190   "190   "130   "
Totaux
     285 ares     285 ares     190 ares
N.B. On considère ici que ces 3 stations sont intégralement réservées à la production d'alevins de Carpe, à l'exclusion de tout autre poisson.

• Le premier alevinage consiste à élever les larves à vésicule résorbée, d'une semaine à 10 jours, jusqu'à l'âge de 5 – 6 semaines environ. La durée de cet élevage est pratiquement de l'ordre de 30 jours, au terme duquel l'alevin de Carpe doit avoir atteint normalement une taille de 2,5 à 3 cm.

A ce premier stade de la conduite de l'élevage, le taux de mise en charge est toujours très élevé. A titre de référence, ces mises en charge en Chine comme aux Indes ainsi qu'en Israël, à Taïwan et en Hongrie, varient entre 2,4 et 6.4 Millions d'alevins à l'Ha, soit en moyenne 4.000.000/Ha, et ils sont maintenus à cette densité jusqu'à la taille de 3 à 5 cm.

En s'inspirant de ces techniques, on pourrait donc mener à Madagascar, un seul alevinage, ce qui serait logique en soi.

Si l'on préconise un second alevinage, c'est tout simplement dans le souci d'une part, d'un contrôle plus efficace de la population des étangs, en raison du fait que le comptage des larves à la sortie des écloseries ne peut être que symbolique, et d'autre part, parce que cette opération entraînant la vidange des étangs, elle constitue un excellent moyen de lutte pour l'éradication des pestes (Dytiques, Têtards, etc…).

A 5–6 semaines, l'alevin de Carpe est pratiquement sauvé, son comptage est facile et précis ; le calcul de la nourriture à distribuer pendant les 2 mois suivants de l'élevage sera plus rationnel, et le planning de distribution des alevins reposera sur des bases plus solides.

Le second alevinage représente donc ici une phase de consolidation du premier alevinage et de contrôle ; en fait, il s'agit d'un cas de force majeure en raison du décalage existant entre la période de ponte (de Septembre à Novembre avec un maximum de pente en Octobre) et la demande effective d'alevins qui s'étale de Novembre à Février, avec un maximum en Décembre - Janvier. Pendant cette période le taux de mise en charge reste identique au précédent.

3.1.3 - Capacité de Production d'Alevins de Carpe des Stations Piscicoles malgaches

Dans les conditions décrites ci-avant, et en pratiquant la reproduction semi-naturelle (injection d'hypophyses), la capacité des 3 Stations Piscicoles productrices d'alevins de Carpe se situe respectivement dans l'ordre de grandeur ci-après :

StationsSurface
réservée à
l'alevinage
Taux de mise
en charge
Capacité théorique - et pratique de
production d'alevins de 3–4 cm
(théorique)(pratique)
- Sisaony285 ares30.000/are  8.550.0005.100.000
- Ambatofotsy285 "     -"-  8.550.0005.100.000
- Analabe190 "     -"-  5.700.0003.400.000
Totaux760 ares30.000/are22.800.00013.600.000

A première vue ces chiffres peuvent surprendre, mais il n'ont cependant rien d'extraordinaire quand on sait qu'une femelle de Carpe pond de 100.000 à 150.000 ceufs par kilo de son poids. A titre de référence voici un tableau édifiant, relatif à la fécondité des Carpes femelles :

Taille standard (cm)Nombre d'oeufs
40 – 45
   249.000
50 – 55
   488.000
60 – 65
1.507.000
au-delà de 65
2.945.000

On préfère cependant utiliser des femelles de taille et d'âge moyens parce que plus maniables, et donnant des ceufs à taux de viabilité plus élevé que les vieux sujets. De même, les mâles de 2 à 3 Kgs sont plus ardents que ceux de taille plus importante (deux mâles dans ce cas équivalent le poids d'une femelle).

Toujours sur le plan de la productivité et à titre indicatif, 1,5 Ha de pisciculture en Hongrie où l'on pratique la reproduction artificielle, produisent un minimum de 90 Millions d'alevins de Carpe de 4–6 semaines. En Chine, on estime qu'une station piscicole ayant 3 Ha d'étangs réservés à l'alevinage, disposant de 72 femelles amênées à pleine maturité (5 – 6 Kg/moyenne) et répondant seulement à 50% aux injections d'hypophyses, avec un résultat de 60 à 70% d'éclosion des oeufs, produit en moyenne 7.200.000 alevins de Carpe à vésicule résorbée.

Sur la base des chiffres ci-dessus, l'estimation de la capacité de production des 3 stations piscicoles malgaches paraît tout à fait raisonnable :

- 192 femelles de 5 kgs, dont 50 % répondent positivement aux injections d'hypophyses donneront environ 48 Millions d'oeufs (à 100.000 oeufs/Kg/géniteur × 50 %). 60 % seulement d'éclosion de ces oeufs produiront 28,8 Millions de larves dont on n'escempte pas plus de 50 % d'alevins survivants, soit finalement 14,4 Millions.

Une telle production d'alevins sur de si petites surfaces implique évidemment des taux de mise en charge très élevés, de l'ordre de 4 Millions à l'Ha, couramment effectués ailleurs, dans des pays en développement mais à technologie piscicole plus avancée qu'à Madagascar.

Pour répondre aux impératifs actuels dans ce domaine, il faut aller résolument de l'avant et appliquer les techniques de pointe, en commençant par les moins sophistiquécs ayant déjà fait leur preuve ailleurs, tout en gardant à l'esprit deux principes élémentaires ; des taux élevés de mise en charge demandent :

  1. une gestion particulière de l'eau pour garantir une oxygénation suffisante (débit - phytoplancton - aérateurs, etc…).

  2. une fertilisation et un nourrissage adéquats.

3.1.4 - Géniteurs de remplacement et Carpes donneuses d'hypophyses

Dans les conditions normales de croissance sur les Hauts-Plateaux, une Carpe femelle atteint un taux de fécondité intéressant à l'âge de 3–4 ans et un mâle en 2 – 3 ans, qu'ils maintiennent à leur niveau optimum pendant 4 – 5 ans environ. Par conséquent, il convient de prévoir le remplacement systématique d'un quart environ des géniteurs, chaque année. Le planning de cette opération capitale pour le maintien de la capacité de production des stations piscicoles, impose le marquage de chaque géniteur et la tenue à jour d'un registre les concernant : rien de tel n'existe jusqu'à présent sur aucune Station des Eaux et Ferêts où les remplacements se font “au hasard”, éventuellement sur indice de forme, mais en ignorant tout de la souche; même les femelles négatives ne sont pes éliminées systématiquement. Par ailleurs, le remplacement systématique d'une partie du stock géniteurs implique une sélectivité des plus attentives des prégéniteurs provenant de la génération précédente, pour laquelle les caractères génétiques doivent être connus : souches les plus fécondes - pontes précoces, normales ou tardives - viabilité des alevins, indices de forme, courbe de croissance, etc.....

On a vu précédemment que le nombre total de géniteurs potentiels pour les 3 stations piscicoles des Eaux et Forêts était de 576, arrondi à 600 pour prévenir certaines pertes ou carences (maladie, mortalité, blessures, etc…) soit 200 femelles et 400 mâles. Les besoins annuels en géniteurs de remplacement seront respectivement de 50 femelles et 100 mâles ; par ailleurs, il faut inclure environ 800 Carpes de 2 ans sur lesquelles seront prélevées les glandes pituitaires (hypophyses) par trépanation ; ces poissons seront donc tués et mis à la consommation immédiatement après l'extraction des glandes.

Il faut donc avoir en permanence un stock d'environ 1.000 à 1.200 Carpes de 2 ans, en réserve (50 + 100 + 800 + 50 complémentaires pour compenser les mortalités) ; c'est-à-dire qu'en pratique, on débutera avec un lot de 1.800 alevins sélectionnés (1.200 + 600) arrondis à 2.000 pour parer aux mortalités et autres accidents, mis en grossissement pendant 2 ans; chaque année cette réserve sera à renouveler à 50 %. Pendant cet élevage, une pré-sélection est à opérer tous les 6 mois (contrôle des populations) au cours de laquelle les sujets à croissance la plus forte seront marqués pour être retenus comme futurs géniteurs, tandis que les sujets les moins beaux du lot serviront comme donneurs d'hypophyses.

Chez les géniteurs, le marquage permettra de retenir les souches ayant tendance à pondre tardivement, afin de réduire autant que possible la durée de l'alevinage entre la reproduction et la distribution des alevins. On cherchera donc à obtenir des lignées “pente tardive” (Oct. Novembre) de loin préférable aux lignées “pontes préecces” (Août) dont les résultats risquent le plus souvent d'être dérisoires en raison des conditions climatiques instables, caractéristiques du changement de saison prévalant en Août début Septembre sur les Hauts-Plateaux.

Pour l'ensemble des 3 Stations précitées il faut donc constituer au départ et mettre en grossissement, une réserve de 2.000 alevins sélectionnés et rencuveler cette réserve tous les ans, à 50 %, soit un total de 3.000 poissons de 1 et 2 ans. La surface nécessaire à cette production n'est que de 2 Ha. Or, chaque Station dispose dans son étangannexe d'une place largement suffisante pouvant servir à la constitution et au maintien de ses propres réserves ; il conviendrait d'aménager à cet effet un enclos de 60 – 75 ares environ dans chacun d'eux (grillage en plastique fixé sur perches). Il semble préférable que chaque station dispose de son propre stock permanent de réserve (environ 1.000 poissons), pour éviter le risque de perte totale en cas de cataclysme (cyclone, inondation, maladie, etc…) s'abattant sur un élevage unique.


Page précédente Début de page Page suivante