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4. GESTION DES STOCKS

4.1 - Conduite Pratique de la Reproduction

On n'envisage ici que la reproduction naturelle ou semi-naturelle (femelles induites) par l'application de la méthode indonésienne utilisant les kakabans (balais de fibres végétales flottantes fixées sur lattis de bambou, couramment en usage sur les stations piscicoles) sur lesquels sont déposés les oeufs. A noter que les jeunes Eichornia crassipes (jacynthe d'eau) et Pistia (salade du Nil) conviennent parfaitement comme collecteurs pour les oeufs, mais il faut les laver convenablement au préalable pour les débarrasser des prédateurs éventuels.

A titre indicatif la méthode de reproduction artificielle en laboratoire a été parfaitement décrite par Alexandre RABELAHATRA (Rapport de stage sur la reproduction artificielle de la Carpe commune on Hongrie - Décembre 1976 - Direction des Eaux et Forêts - ANTANANARIVO).

4.1.1 - Préparation des étangs frayères

Les étangs frayères ont en général 1 are ; ils peuvent être compartimentés en 2 ou 3 parties par des filets ou grillages de séparation et recevoir ainsi 2 ou 3 poses simultanément (1 pose signifiant 1 femelle et 2 mâles). On compte qu'il faut 5 à 7 kakabans et 5 m2 d'eau par kilo de femelle.

Les berges et le fond seront dégagés de toute végétation de manière que la femelle ne puisse déposer ses oeufs que sur les kakabans (ou autres plantes flottantes). Le fond de l'étang sera dépourvu de vase ; si tel est le cas, il convient de le recouvrir de sable, ceci pour empêcher les géniteurs de troubler l'eau en fouillant le fond durant leurs ébats ; le fond des étangs frayères peut être cimenté. Pour éviter de troubler l'eau en piétinant le fond, il est conseillé de fixer les kakabans sur leurs piquets de soutien juste avant la mise sous eau et régler la hauteur de celle-ci dans l'étang, en fonction du niveau des kakabans qui seront légèrement submergés (les Carpes pondent en surface), ce qui est très faisable grâce aux planchettes du moine. Les kakabans sont placés soit au milieu de la frayère (meilleure concentration et fécondation des oeufs), soit sur le pourtour (contrôle plus facile, mais oeufs dispersés, fécondation plus aléatoire).

La mise sous eau de l'étang (eau claire - filtrée de préférence et bien oxygénée) se fait la veille de manière à ne permettre à aucune peste de s'installer : cette précaution reste élémentaire, même avec l'utilisation de grilles fines à l'adduction d'eau. On maintiendra une hauteur d'eau d'un mètre environ (fixation des kakabans en conséquence). L'eau aura une température voisine de 20–22° C. Pendant la ponte il est conseillé d'alimenter l'étang en eau fraîche, bien claire et oxygénée, de même température (ou légèrement plus élevée, mais pas le contraire). On retiendra que des eaux troubles au moment de la ponte entraînent une forte mortalité des oeufs, de même que pendant l'incubation (protection en cas d'erage, grêle, etc…).

Au cas où l'on manquerait d'étangs frayères, les poses peuvent avoir lieu dans n'importe quel bassin ayant une hauteur d'eau suffisante ( 1m environ) et dans lequel on implante des petits viviers faits en tissu - cotonnade ordinaire ou en tergal ayant 3 × 1 ½ × 1m pour une femelle de 3 – 4 kgs, et 4 × 2 × 1m pour une femelle de 5–6 kgs. Ces viviers sont maintenus rigides et tendus dans l'eau par des perches. On place dans ces viviers 5 à 7 kgs de plantes flottantes comme collecteurs pour les oeufs (ici, jeunes Eichernia ou Pistia bien lavées). La femelle et 2 ou 3 mâles totalisant le même poids que la femelle, tous bien matures, sont introduits dans le vivier en fin de journée ; on couvre d'un filet ou grillage empêchant les géniteurs de sauter par dessus-bord. En général, le lendemain matin la ponte a eu lieu ; on retire les géniteurs (à l'épuisette) tandis que les collecteurs chargés d'oeufs sont placés dans les étangs ou mieux, dans des caisses d'incubation.

4.1.2 - Préparation des géniteurs et des étangs

Comme indiqué ci-avant, les géniteurs sont maintenus autant que possible sexes séparés, en étangs de stockage. Compte tenu de leur forte densité, ils reçoivent une nourriture bien équilibrée (environ 25 à 30 % de protéines), distribuée tous les jours à raison de 6 % de leur poids pendant la saison fraîche (Mai-Juil.) et de 8 à 10 % de leur poids pendant la saison chaude (Août à Avril). Si la neurriture est trop abondante, des graisses s'accumulent autour les gonades entravant la formation normale des produits génitaux.

Simultanément, une fumure organique (purin de fumier de poule ou de porc, de préférence à tout autre) sera appliquée par petites doses répétées tous les 2 – 3 jours, de manière à maintenir en permanence un bon verdissement des eaux des étangs de stockage. Il est recommandé d'ajouter à cette solution, une fois par semaine ou au minimum tous les 15 jours, l'équivalent de 150 gr/are du superphosphate triple (48 % P2 O5)et 300 gr/are de sulfate d'ammonium. Si l'épandage de P2O5 se fait séparément, il est important d'utiliser un tamis ou un panier flottant, assurant une dissolution normale de l'engrais, les granulés ayant tendance à s'agglomérer en masse compacte au contact de l'eau.

Il est contre-indiqué de chauler les étangs au moment de l'application de superphosphate et de fumure organique. Cependant le sol et l'eau des stations piscicoles étant plutôt acides, il y a lieu de chauler les fonds d'étangs sur sol humide (à l'assec) à raison de 1 T/Ha environ ; vu ce caractère l'acidité, il serait évidemment préférable d'appliquer les scories peu solubles contenant 40 à 50% de la chaux nécessaire à l'absorption des phosphates (200 Kg/Ha) mélangés à la même quantité de Cyanamide calcique (scoramide) ayant un rôle polyvalent de désinfectant, prophylactique, d'amendement calcique et d'engrais azoté. L'application de ce produit exige de l'opérateur l'abstinence d'alcool dans les heures précédant l'opération, ainsi que la protection des mains et du visage (opérer par temps calme). Enfin, en cas de chaulage en cours d'élevage, ne pas dépasser la dose de 100 à 200 Kg/Ha à appliquer à 15 jours d'intervalle des engrais.

Au réchauffement des eaux (vers la mi-Août), il convient de contrôler l'état d'avancement de maturité des géniteurs en vue de leur pré-sélection pour les mises en pose (opération impliquant le marquage préalable des géniteurs). Les mâles se reconnaissent à la laitance qui s'écoule sous l'effet d'une faible pression ventrale ; les femelles ont le ventre ballonné, l'anus proéminent ; elles peuvent recevoir une injection hypophysaire pour favoriser leur complète maturation et provoquer la ponte : c'est là une méthode courante en reproduction à grande échelle, et ce premier pas devrait être franchi assez rapidement à Madagascar.

Pour étaler les poses on veille alors (mi-Août) à conserver dans les étangs de stockage une température de 17 à 19° C (pas moins) en maintenant le niveau de l'eau à sa hauteur maximale et en assurant un bon apport d'eau fraîche (attention à ne pas provequer des différences de niveaux d'eau sensibles qui stimulent la reproduction, alors que l'on cherche à la retarder).

Il ne faut pas non plus que la température de l'eau descende sous 16° sinon la maturation s'arrête. Ces techniques impliquent un contrôle constant de l'environnement, une disponibilité en eau suffisante en période d'étiage et une grande expérience en maîtrise de l'eau. On peut éviter une maturation trop rapide des géniteurs en stookant ceuxci dans des étangs ombragés et profonds où le réchauffement des eaux sera plus lent (planning de l'environnement). La maturation des géniteurs peut encore être retardée si ces derniers sont stockés à forte densité dans des surfaces réduites (voire même en cages) ; les géniteurs sont alors “reconditionnés” quelque temps avant leur mise en pose et reçoivent une nourriture riche en protéines. Que l'en procède ou non aux injections d'hypophyses, le choix des femelles pour mise en pose avec succès est assez facile ; on met ensemble un ou deux mâles et quelques femelles apparement mûres ; la ou les femelles constamment pourchassées par les mâles sont prêtes à pondre.

De telles techniques où l'on fait jouer quantité de détails ayant tous leur importance dans le succès de la conduite de la reproduction, exigent une solide expérience en manipulation et en gestion des stocks et des eaux.

4.1.3 - Reproduction semi-naturelle

En reproduction semi-naturelle on induit seulement les femelles que l'on accouple ensuite à des mâles bien mûrs (on hypophyse les mâles si l'on a de bonnes raisons de croire qu'ils ne sont pas suffisamment “à point” : dans ce cas on injecte une seule hypophyse, 8 à 12 heures avant la mise en pose, au moment de la seconde injection appliquée aux femelles). Si l'eau a plus de 23°C, il est recommandé de suturer l'ouverture génitale afin d'éviter toute perte d'oeufs. Dans ce cas, une légère anesthésie est nécessaire pour calmer les géniteurs durant l'opération. On utilise généralement une solution à 0,5 gr, de MS 222 (Sandoz-Bâle/Suisse) dissoute dans 50 ml d'eau. Un petit tampon de tissu bourré de coton est imbibé de cette solution et introduit dans la bouche du poisson ; la solution est absorbée par la système capillaire de la cavité buccale et agit en 1 à 2 minutes. La suture se fait en croisillons fermement se rés et noués, sur l'ouverture génitale, à l'aide d'une aiguille à coudre et d'un fil de coton passé à la cire. Il est aisé de comprendre que l'on évitera autant que possible ce genre d'intervention qui traumatice le poisson et peut entraîner des complications ultérieures désagréaliles sinon fatales, si l'opératour n'est pas suffisamment expérimenté.

4.1.3.1 - Préparation des hypophyses

La dose normalement utilisée consiste en une hypophyse désydratée (2 à 4 mgr) par kilo du poids de la femelle. Il est conseillé de préparer en une fois la quantité d'hypophyses nécessaires pour une journée. On pulvérise tout d'abord les hypophyses sèches dans un mortier avant d'ajouter le solvant. Le solvant consiste en une solution à 0,6–0,7 % de NaCl mélangé à de la glycérine pure dans les proportions de 70 parts de solution salée et 30 paits de glycérine. Cette préparation a l'avantage de ne pas exsuder facilement après l'injection, et elle prolongerait la période d'efficience des normones. La quantité de solvant nécessaire par hypophyse est de 0,5 ml. Quard les hypophyses sont pulvérisées on ajoute immédiatement le solvant ; la quantité de solvant nécessaire peut être mesurée avec la seringue dont on se servira pour les injections. Après mélange des preduits, les particules non solubilisées sont retirées par gravité ou contrifugation. On prépare habituellement la solution 1 heure avant de procéder aux injections.

L'injection hypophysaire intramusculaire se pratique entre la base de la nageoire dorsale (1er rayon) et la ligne latérale, à une profondeur de 2 – 3 cm ; si la Carpe est écailleuse, l'aiguille est introduite sous les écailles. On utilise une aiguille de grosseur moyenne. Pour éviter que le liquide ne ressorte, on masse habituellement l'endroit où l'injection a été pratiquée.

En général, avec une seule injection hypophysaire, les femelles donnent 40 à 50 % d'oeufs fécondables. En pisciculture intensive (objectif à atteindre à Madagascar) on pratique une seconde injection 8 à 12 heures après la première à dose identique ou à demi-dose, selon l'expérience de l'opérateur et la condition du géniteur, ce qui provoque une émission d'oeufs fécondables à 70 – 90 %.

La période de maturation depuis l'injection d'hormones jusqu'à la ponte dépend de la température de l'eau où sont stockés les géniteurs induits, selon le tableau ci-dessous :

T° de l'eau (°C)Heures de maturation
15 – 1624 – 26
1720 – 23
18 – 1918 – 20
2015 – 16
22 – 2312 – 15
2510
288

Il est donc aisé en partant de ces données, de déterminer le moment adéquat, tant pour procéder aux injections que pour les mises en pose. Si les mâles doivent être injectés, on le fait 6 à 8 h. avant la mise en pose. Dans l'intervalle, une bonne alimentation en eau fraîche est nécessaire.

Avant la mise en pose, il est conseillé de donner aux géniteurs un bain de 15 minutes à 2.5 % de NaCl, pour détruire les parasites de la peau et des branchies qui pourraient se transmettre aux oeufs. Toute manipulation des géniteurs doit être faite avec précaution pour éviter tout traumatisme qui pourrait leur être fatal.

4.1.4 - Mise en pose - Reproduction

Les poses se font en série, selon le nombre de frayères, et se succèdent à 15 jours d'intervalle (planning des poses page 20).

Les géniteurs dûment sélectionnés et préparés sont habituellement mis en pose dans les étangs frayères en fin de journée (planning d'hypophysation en fonction de la température de l'eau). La ponte a lieu le plus souvent la nuit même, mais s'il semble ou elle ne soit pas terminée, on peut laisser les géniteurs en pose pendant 30 heures. La reproduction se déroule naturellement, sans autre intervention ou manipulation des géniteurs.

Pendant la ponte, il convient :

  1. d'alimenter l'étang en eau fiaîche, claire et oxygénée.
  2. d'inspecter les kakabans : quand la face inférieure est couverte d'oeufs il faut retourner les kakabans, sens dessus-dessous. Si les deux faces sont chargées d'oeufs on enlève ces kakabans que l'on remplace par de nouveaux collecteurs. Ceci implique une surveillance et un travail nocturnes par le personnel spécialisé, responsable de ces opérations.

Immédiatement après la ponte, les géniteurs sont retirés de la frayère (danger de destruction des oeufs par les parents) ; ils sont remis soit en étang de stockage si la pose a été positive, soit en étang d'attente dans le cas contraire, pour remise en pose ultérieure (quelques semaines plus tard), toujours mâles et femelles séparés. Les résultats de la pose sont consignés dans le registre des géniteurs.

On capture les géniteurs à l'épuisette, ou en vidangeant l'étang. En principe, la vidange devrait toujours être faite après chaque pose, suivie de désinfection à la chaux vive. Ce produit fait défaut à Madagascar, mais on peut procéder à la destruction des pestes en utilisant 2 ou 3 jours avant la pose du Lexone à 2,5 . Si l'on ne peut vidanger par manque d'eau pour la pose suivante (cas le plus fréquent, ici) on récupère les géniteurs à l'aide d'un petit filet traînant et l'on traite l'eau de manière à éliminer les parasites-prédateurs, 3 ou 4 jours avant la mise en pose. On peut utiliser le Lexone comme indiqué ci-dessus, ou à défaut, appliquer 0,5 à 2 kg/are de poudre de graine de Croton, ou encore, la roténone (extrait de racines de Derris, bien connu à Madagascar) diluée à 5% : 1 kg de racines de Derris produit suffisamment de roténone pour traiter 1 Ha d'étang : les racines sont mises à macérer quelques heures dans l'eau, puis broyées pour en exprimer le jus contenant la roténone que l'on recueille dans un seau d'eau.

- SCHEMA D'UN PLANNING DES MISES EN POSES ET DE L'ALEVINAGE-

établi sur la base de 72 Femelles Carpe. D'où 72 mises en poses groupées en 6 séries de 12. (La 7ème série est facultative, prévue pour géniteurs négatifs). Il faut disposer de 12 étangs-frayères et de 48 caisses d'incubation.

Série des posesDate Injection HypophyseDate des PosesFin du Pré-Alevinage
(Larves)
Premier AlevinageSecond Alevinage Mise en chargeCession Alevins Date des vidanges StabulationObservations
Date de mise en chargeDate de vidange
Novembre 
123
Août
24
Août
5 – 6
Septem.
5 – 6
Septemb.
6
Octobre
7
Octobre
2
7
5
10
 
207
Septem.
08
Septem.
20 – 21
Septem.
20 – 21
Septem.
21
Octobre
22
Octobre
12
17
15
20
 
322
Septem.
23
Septem.
5 – 6
Octobre
5 – 6
Octobre
5
Nov.
6
Nov.
22
27
25
30
 
407
Octobre
08
Octobre
20 – 21
Octobre
20 – 21
Octobre
20
Nov.
21
Nov.
Décembre 
2
7
5
10
522
Octobre
23
Octobre
4 – 5
Nov.
4 – 5
Nov.
5
Déc.
6
Déc.
12
17
15
20
 
606
Nov.
07
Nov.
19 – 20
Nov.
19 – 20
Nov.
20
Déc.
21
Déc.
22
27
25
30
 
721
Nov.
22
Nov.
4 – 5
Déc.
4 – 5
Déc.
4
Janv.
5
Janv.
Janv,-Fév. idem 

4.1.5 - Incubation - Ecloscries

Aussitôt la ponte terminée, les kakabans sont retirés de l'étang-frayère (avant les géniteurs), soit la matin avant les heures chaudes, soit en fin de journée. Il convient d'agir le plus tôt possible en raison des dangers de prédation, même par les parents. Pendant le transport, les kakabans seront recouverts d'un linge mouillé protégeant les oeufs, précaution élémentaire du fait du changement brusque de milieu.

Au moment de les retirer, les kakabans sont légèrement agités en surface de l'eau de manière à débarrasser les oeufs de toutes saletés éventuelles ; ils sont alors transférés dans des étangs d'incubation indemnes de parasites (traitement préalable) ou miaux, dans des caisses d'incubation spéciales dont le côté inférieur sera maintenu 10 cm au-dessus du fond de l'étang (poser les caisses sur des traverses) et dont le grillage des parois sera fait d'un tissu métallique aux mailles extrêmement fines (0,5 – 0,6 microns) interdisant l'entrée des parasites. Les kakabans sont disposés dans les caisses d'incubation de la même manière que pour la ponte, en évitant de trop les serrer l'un contre l'autre, ce qui est trop fréquemment le cas ; ils doivent être maintenus 8 à 10 cm sous eau et espacés de 5 à 8 cm entre eux : les dimensions des caisses sont calculées en fonction de celles des kakabans ; une caisse peut en contenir 2 ou 3, selon la taille des fibres utilisées ; il faut donc disposer de 3 ou 4 caisses d'incubation par pose.

Une précaution élémentaire à prendre ici est de préserver les oeufs contre les champignons, Saprelegnia, qui se développent rapidement et spontanément par pourriture des ceufs non fécondés ou non viables, envahissant les oeufs sains et peuvent détruire tout une ponte. Une pulvérisation des oeufs sur kakabans au bleu de méthylène à 1 – 2 , ou au vert de malachite à 0,1 – 0,2 est très efficace et sans aucun danger pour les oeufs fécondés : on peut répétor l'opération si nécessaire. L'attaque par bactéries et champignons est également combattue en traitant les oeufs au moyen d'une solution de 5 – 10 gr de tannin dilués dans 10 litres d'eau potable ; le premier traitement est fait 6 – 7 heures après fertilisation des oeufs ; il est répété 2 ou 3 fois à 3 – 4 heures d'intervalle, la dernière application étant faite 6 à 8 heures avant le moment présumé de l'éclosion.

Pendant l'incubation ainsi qu'à l'éclosion, il est indiqué d'alimenter l'étang en eau fraîche, claire et bien oxygénée à raison de 5 à 10 l. par minute. La durée de l'incubation est de 100° /jours, soit en climat tropical 4 jours environ, selon la température de l'eau.

A l'éclosion, les larves ne peuvent nager et elles s'accrochent à un support jusqu'à résorption de leur vésicule vitelline. Les oeufs et larves sont très sensibles aux changements de température de l'eau, notamment au refroidissement. Les étangs d'incubation seront donc à l'abri des vents (les protéger si nécessaire par des palissades faites en panneaux de tiges de cypéracés), En cas d'orages, grosses pluies ou grêle (cas fréquent - de jour et / ou de nuit) couvrir les caisses d'incubation à l'aide de tôles, ou d'une bâche. Pendant tout ce temps, il faut assurer une bonne oxygénation de l'eau, tant en surface qu'en profondeur.

Dès que l'on voit les larves nager, il faut retirer les kakabans des caisses, les laver soigneusement et les sécher au soleil. Dès cet instant également, les larves doivent se nourrir ; si l'on dispose de nourriture adéquate, on peut les maintenir quelques jours supplémentaires en caisses, sinon elles doivent être transférées dans un étang de premier alevinage où elles resteront environ 4 semaines. On profite généralement de cette opération pour procéder à une évaluation du résultat de la ponte par un comptage approximatif, consigné au registre et correspondant au géniteur concerné. Les larves étant très fragiles, la méthode la plus simple de comptage consiste à les puiser hors des caisses d'incubation à l'aide de seaux ou de bassines ; on laisse reposer quelques instants et le nuage de larves se tranquillise ; avec suffisamment d'expérience et de bon sens, on peut évaluer assez correctement le nombre d'alevins capturés, ce qui est largement suffisant à ce stade de l'élevage et n'entraîne pratiquement aucune mortalité. Ce procédé est de loin préférable au comptage fastidieux et tout aussi approximatif fait jusqu'alors en capturant les larves à l'aide de petites épuisettes plates, provoquant lésion et blessures le plus souvent fatales à bon nombre d'entre elles, méthode à proscrire.

Les caisses doivent être brossées intérieurement et extérieurement après chaque incubation et mises à sécher à l'ombre. Après la période de reproduction elles sont entreposées sous abri et réparées si nécessaire.

4.1.6 - Nourrissage des larves (pré-alevinage)

On aborde ici l'une des phases les plus délicates de l'élevage bien que la méthode préconisée paraisse toute simple. Autant que possible, on devrait parvenir à maintenir les larves en caisses d'incubation pendant la première semaine de leur existence pour la simple raison qu' elles y sont à l'abri de leurs plus dangereux prédateurs. Mais il est essentiel de pouvoir les nourrir à l'aide de plancton sélectif additionné d'une pâtée de jaunes d'oeufs durs, séchés et réduits en très fines particules mélangées en partie plus ou moins égale à de la poudre de lait, sang séché, farine de soja, de poisson ou de crevette et d'un peu d'eau. Ce complément de nourriture doit être distribué 4 ou 5 fois par jour, soit en moyenne : 2 jaunes d'oeufs et ingrédients complémentaires par jour et par caisse d'incubation.

Pendant la première semaine de vie, le frai de Carpe se nourrit surtout de phytoplancton et de Rotifères, larves de Daphnies, etc… mais certains éléments du zooplancton, Copépodes et Cladocères notamment, étant à ce stade des prédateurs, il faut parvenir à produire un plancton sélectif. Une méthode récente reconnue, consiste à développer du plancton à l'aide de fumier de poule, de canard$ou de porc dilué dans l'eau (20 kgs de fumier sec pour 100 l. d'eau) d'un petit étang annexe; mais on peut aussi bien le produire dans les bacs de stabulation disponibles, comme en cuves ou en fûts. Les crustacés planctoniques indésirables, ainsi que les vecteurs de maladies infectieuses, parasitaires, sont éliminés par une solution de Flibol E ou Ditrifon (Trichlofon) à 1 , active pendant une semaine. Le plancton est récolté à l'aide d'un filet spécial et transféré dans les caisses contenant le frai.

Après une semaine, les alevins ne craignent plus les Copé podes ni les Cladocères qu'ils sont alors capables de consommer eux-mêmes, et il convient de les transférer sans plus tarder dans les étangs d'alevinage. A ce stade également, les alevins peuvent être comptés plus facilement, sans les sortir de l'eau, en utilisant une soucoupe, cuvette, ou simplement une coquille.

4.1.7 - Premier alevinage

En principe, cette phase de l'élevage dure un mois, après quoi les alevins doivent avoir atteint 1 gramme et une longueur de 2,5 – 3cm, taille à laquelle ils sont cessibles auprès des rizipisciculteurs.

Les étangs d'alevinage, ont en général une surface de 1 à 10 ares et une profondeur de 0,50 à 1,20m. Ils reçoivent une première fumure organique, 50 Kg/are, de fumier de poule ou de porc, et ils sont mis sous eau 8 à 10 jours avant la mise en charge, Par la suite, on applique tous les jours si possible et toujours dans la matinée, 0,5 Kg/are de fumier de poule, canard ou porc, ou 1 Kg/are tous les 2 jours, ou encore 1,5 Kg/are deux fois par semaine, mais jamais à de plus longs intervalles ; il faut obtenir et maintenir des eaux franchement vertes. On obtient une fertilisation optimale en faisant décanter le fumier recouvert d'eau, en récipient ou en fosse couvorte, pendant une semaine, puis distribué sous forme de purin après avoir bien remué la solution. Il est toujours indiqué d'ajouter également tous les 15 jours, l'équivalent de 0,5 Kg/are de superphosphate triple et 1,5 Kg/are de sulfate d'ammonium mélangés au purin (traitement de ces étangs identique à celui indiqué au point 4.1.2). Le planning de préparation de ces étangs est établi en fonction de celui des mises en poses.

En premier alevinage, la mise en charge est toujours très importante, 30.000 à 50.000 alevins à l'are, comme déjà mentionné auparavant, la disponibilité en nourriture et non l'espace étant le facteur limitant.

Il importe de n'introduire dans un étang que des alevins de même âge, provenant de la même série de poses.

L'abondance de phytoplancton (eaux vertes) assure une parfaite oxygénation de l'eau pendant la journée et la première partie de la nuit, mais l'effet contraire peut se produire en fin de nuit (rejet d'acide carbonique), danger qui pout être écarté par un apport en eau fraîche-oxygénée pendant cette période critique

En plus de la nourriture naturelle (chironomides notamment) développée par fertilisation continuelle, et qui reste la base de l'alimentation de l'alevin de Carpe, il convient vu le taux élevé de mise en charge, de renforcer cette nourriture par une alimentation complémentaire artificielle. Celle-ci comprendra au moins 25 à 30 % de protéines (dont 20 % d'origine animale : farine de viande ou de poisson, sang séché, etc..) 15 % de tourteaux d'arachide ; 50 à 60 % de carbohydratés (farine de manice, de maïs, son de riz, etc…) et 10 % environ de sels minéraux divers (poudre d'os, coquilles broyées, sel, etc…). Cette nourriture est donnée au moins 3 fois par jour, à raison de 4 à 10 % /jour du poids de la biomasse. Le taux journalier de croissance des larves est d'environ 10 à 20 % pendant leur passage de 0,025 gr à 1 gr. qu'ils atteignent normalement en 30 jours s'ils ont de la nourriture “à volonté”.

Il est également recommandé de déverser dans ces étangs, tous les 2–3 mois environ, 20 à 30 kgs d'os en morceaux, à l'are (exabattoir, boucheries, etc…) qui favorisent le développement du zooplancton.

Jusqu'alors, la nourriture est distribuée sous forme pulvérulente, lancée à la main à partir des digues périphériques ; mais les composants ayant des poids spécifiques divers, ils se répartissent différemment dans l'eau et il paraît évident qu'une bonne partie d'entre eux n'est pas consommée par le poisson. La méthode recommandée et la plus rationnelle à ce stade de l'élevage consiste à distribuer la nourriture préalablement humectée et pétrie, sur des plateaux avec bords (planches -tôles - argile cuite, etc…). L'utilisation de ces plateaux répartis en différents endroits des étangs (emplacements choisis) évite tout gaspillage, permet un contrôle facile de la consommation de la nourriture par le poisson et les ajustements quantitatifs jugés nécessaires.

4.1.8 - Second alevinage

Dans les stations piscicolos productrices d'alevins de Carpe, l'alevinage est virtuellement terminé quand les poissons atteignent la taille de 3 cm ; ils pèsent alors environ 1 gramme. Ces alevins doivent toutefois être conservés jusqu'au moment des cessions aux rizipisciculteurs, ce qui implique selon l'avancement des travaux rizicoles euxmêmes déterminés par la saison des pluies, un stockage de 1 à 3 mois environ et qui constitue en fait ici, la période de second alevinage.

Au fur et à mesure de la succession de la fin de la première phase de l'alevinage résultant de l'étalement des poses de reproduction, les alevins d'un mois sont transférés dans les bassins des stations réservés et préparés à cette seconde phase de l'élevage, (réf. point 3 - 1–2 ci-avant) et dent la surface est double de celle allouée à la première phase. La mise en charge de ces étangs peut en conséquence être réduite de moitié. Il s'agit là d'un travail complémentaire, mais nécessaire pour des raisons bien évidentes ; il permet notamment un contrôle parfait des populations en étangs, à peu près à mi-parcours de l'alevinage, ainsi qu'un environnement sanitaire meilleur pour le poisson ; (étangs traités et bain salé aux alevins : 10 gr NaCl par litre d'eau, pendant 20 minutes) ; la nourriture et la fertilisation sont également ajustées sur des bases plus sûres. Il sera toujours aléatoire de procéder à une seule phase d'alevinage, longue et non contrôlée, même si elle permet au départ des mises en charge moins fertes.

Pendant cette période, on ne vise pas essentiellement une croissance rapide des alevins, mais plutôt leur maintien en parfait état en prévision de leur prochaine distribution en milieu rural. Il suffit pendant ce temps de poursuivre judicieusement et méthodiquement l'alimentation en eau, la fertilisation par fumure organique et chimique comme indiqué auparavant, ainsi que le nourrissage complémentaire d'entretien déterminé par le poids réel de la mise en charge.

Cependant, la conduite à bon terme de l'alevinage implique de plus une lutte constante contre les prédateurs, une surveillance attentive du comportement du poisson pour détecter l'apparition de maladies et de parasites, ainsi qu'un contrôle permanent du développement de la végétation dans les étangs (réf. : point 5).

4.2 - Cession d'Alevins

Au terme de la seconde phase d'alevinage allant de 1 à 3 mois environ, il reste aux stations piscicoles productrices d'alevins une dernière opération délicate à accompla, consistant à distribuer ces alevins dans les meilleures conditions possibles aux rizipisciculteurs intéressés - toujours plus nombreux - disséminés dans toute la région.

Le planning de distribution est établi à l'échelon central (Division Pêche - Pisciculture) en fonction des demandes déposées en temps voulu par les utilisateurs auprès des représentants locaux des Eaux et Forêts : des informations radiophoniques relatives aux disponibilités en alevins, ainsi qu'à la vulgarisation rizi-piscicole sont adressées au milieu rural par les techniciens piscicoles.

Les stations piscicoles ont pour tâche ultime de préparer les expiditions d'alevins en s'entourant d'un minimum de précautions de manière à éviter les hécatombes encore très fréquentes, consécutives au transport. Quelques règles élémentaires, trop souvent négligées, président au succès des expéditions d'alevins : ce sont respectivement :

4.2.1 - Capture et stabulation des alevins

Les eaux du pays étant pour la plupart acides, il convient d'éviter dans les manipulations des alevins, l'utilisation d'alevinières ou autres récipients en fer blanc non revêtus d'un enduit protecteur.

Au moment du déversement des alevins en bacs de stabulation, on les maintient pendant environ 5 minutes en banc compact et à fleur d'eau, dans un filet-vivier à fines mailles, pour commencer à les habituer à vivre à très forte densité, dans très peu d'eau, comme pendant le transport ; on les libère ensuite dans le bassin de stabulation. Il est indiqué de disposer de filets-viviers que l'on immerge simplement dans les bacs de stabulation dont ils ont la même taille : ceci permet la manipulation des alevins à volonté, sans nécessité de vidanger.

Pendant la stabulation, il est bon de couvrir les bacs d'un filet ou d'un grillage interdisant le pillage des alevins par les oiseaux ichtyophages. Si les bacs ont été cimentés récemment, il faut d'abord les mettre sous eau pendant 2 semaines au moins, et renouveler en eau fraîche pour la mise en charge.

Après 24 à 48 heures de stabulation, les alevins ont l'estomac et l'intestin vides ; ils sont de nouveau recapturés en filets-viviers (par simple relèvement de ceux-ci, s'ils restent immergés dans les bacs) et maintenus en colonies serrées pendant 6 heures au cours desquelles ils acquièrent le réflexe de vivre à haute densité dans un faible volume d'eau. Pendant ce temps, ils doivent toutefois recevoir un bon débit d'eau fraîche. On les considère alors comme étant conditionnés pour le transport.

4.2.2 - Transport des alevins

Les sacs de polyéthylène (chlorure de vinyle) sont maintenant universellement utilisés pour le transport des alevins ; ils ont en général 1/10ème mm d'épaisseur, 60 à 80cm de largeur et 1 à 1,20 m de longueur ; ils sont taillés dans des gaines de plastique dont le fond est soudé.

Pour des transports et durées de distribution n'excédant pas 10 heures, chaque sac peut contenir 500 alevins de 6–7cm, ou 1.000 alevins de 4–5cm, ou encore 1.500 alevins de 2,5–3cm, déversés dans 10 à 15 litres d'eau claire et fraîche. On devrait toujours ajouter 1 kilo de glace broyée, à l'eau, pour prévenir un réchauffement trop élevé de celleci, notamment pendant la distribution des alevins qui se fait inévitablement au cours des heures chaudes de la journée : la température de l'eau ne devrait pas dépasser les 18 à 20°C.

En pratique on utilise deux sacs placés l'un dans l'autre, afin de parer à un défaut éventuel de soudure, étanchéité, ou tout autre accident pouvant survenir en cours de transport. On met successivement l'eau, la glace pilée et les alevins à transporter ; puis on introduit dans le sac, le tuyau en caoutchouc raccordé à une bouteille d'oxygène, en veillant que son extrémité soit immergée dans l'eau occupant le fond. On exprime l'air de la partie supérieure du sac-container en pressant les parois de bas en haut ; à la fin de cette opération, l'on enserre bien le tuyau à la sortie du sac par quelques vigoureuses torsions et l'on maintient fermement à la main ; on insuffle ensuite l'oxygène dans la partie supérieure du sac jusqu'à ce qu'il soit bien tendu, par simple ouverture du manodétendeur de la bouteille. On retire alors le tuyau et l'on redonne quelques torsions supplémentaires à l'extrémité du sac que l'on replie ensuite sur elle-même et que l'on maintient solidement fermée à l'aide d'une lanière en caoutchouc (chambres à air de voiture, découpées), de préférence à des cordes de sizal qui risquent de couper ou endommager le plastique.

L'oxygène emmagasiné au-dessus de l'eau s'y diffuse peu à peu pendant le transport, ce qui assure une bonne oxygénation de l'eau, sans excès.

Le second sac de protection est fermé de la même manière que le premier, simultanément ou indépendamment de celui-ci. Dans des conditions normales, les sacs sont remplis au 3/4 d'oxygène et 1/4 d'eau. Ils sont ensuite rangés dans un véhicule de transport dont le fond devrait être protégé par une couche de sciure de bois (sans copaux) ; ceci suffit en général pour des transports de courte durée (3 à 5 heures), mais pour de longs trajets, il convient de placer les sacs dans des cartons ou des caissettes doublées de polystyrène ; en aucun cas on ne peut utiliser comme protection isotherme, de la paille de céréale (balle de riz, etc…), en raison du risque de perforation des sacs de plastique.

Si, en cours de route les alevins donnent des signes de fatigue, il faut aussitôt changer l'eau, ou rajouter de la glace pilée, et reconditionner les sacs-containers comme au départ ; bouteille d'oxygène et accessoires doivent en conséquence toujours accompagner le transport. Pour de longs transports ou des durées de distribution importantes, il est conseillé d'emporter quelques barres de glace de réserve dans un container isotherme ad'hoc.

4.2.3 - Distribution des alevins

Le transport parvenu au lieu de distribution, il faut avant tout placer le contingent d'alevins dans un endroit frais et ombragé. Il convient de contrôler le comportement des alevins et les reconditionner si nécessaire ; il faudrait donc disposer d'eau fraîche sur place, ce qui n'est pas toujours le cas ; on peut alors utiliser de la glace emportée en réserve, pour rafraîchir l'eau.

Partout où les conditions le permettent (eau fraîche), il conviendrait soit de déposer les sacs d'alevins à même le courant du cours d'eau, ce qui aidera de toute évidence à maintenir le contenu en état de fraîcheur, soit mieux encore, de disposer d'une cuve de stockage sur place, dans laquelle les alevins seraient transvasés à leur arrivée, et remis en stabulation dans un environnement plus favorable, pendant la durée de la distribution (adduction de glace pilée). Un filet-vivier immergé dans la cuve permet une manipulation facile des alevins qui doivent être comptés à la cession, opération longue et inévitable prolongeant d'autant la durée de distribution aux rizipisciculteurs ; ces derniers doivent être prévenus du danger d'utiliser des récipients en fer blanc comme moyen de transport individuel des alevins, depuis les lieux de distribution jusqu'aux rizières.


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