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DISCUSSION ET CONCLUSIONS

Évaluation globale du régime fiscal forestier

Pour qu’un régime fiscal forestier soit efficace, il faut que des recettes forestières soient générées par toutes les sources possibles (c’est-à-dire par les biens et services forestiers commercialisés et non commercialisés), et que ces sommes d’argent soient ensuite réinvesties dans le secteur pour garantir la production durable des biens et services forestiers. Pour l’instant, ce n’est pas le cas en Éthiopie.

Le secteur forestier public tire des revenus des forêts naturelles et plantées appartenant à l’État, essentiellement sous la forme de redevances d’exploitation. En outre, avant la décentralisation, l’État prélevait une commission de quarante pour cent sur la valeur des ventes effectuées par les propriétaires de forêts privées. Cet argent était utilisé pour soutenir le secteur, mais aujourd’hui, les recettes collectées par l’administration forestière sont versés sur les comptes généraux des gouvernements fédéral et régionaux. Le montant réinjecté dans le secteur n’est pas suffisant pour investir dans le développement futur de la ressource forestière, ni même dans la gestion durable de la ressource.

La plupart des activités du secteur forestier sont actuellement financées par des fonds de développement fournis par le Gouvernement fédéral d’Éthiopie. Le niveau de ces fonds est souvent insuffisant par rapport aux besoins. Par exemple, le budget total de développement du secteur forestier est très faible par rapport au budget total de développement national. Ainsi, le secteur est largement tributaire d’une aide étrangère pour la fourniture d’équipement forestiers et d’autres installations modernes importants pour la mise en œuvre de l’aménagement durable des forêts. En outre, dans le cadre des arrangements fiscaux actuels, il n’y a pas de lien entre les coûts et les avantages (pour le gouvernement) de la gestion améliorée des forêts, et les possibilités d’utiliser des techniques de gestion moderne sont très réduites.

La structure actuelle des marchés dans le secteur forestier pose aussi un problème en Éthiopie. D’une part, les marchés des produits transformés ne sont pas réglementés et le marché libre se traduit par un trop grand nombre de prix différents basés sur la qualité du bois, l’espèce et la rareté. De l’autre, la vente de droits de récolte du bois rond par l’État reste réglementée de manière très stricte, ce qui fausse les prix du bois rond dans le secteur privé et fait qu’il est moins intéressant de gérer rationnellement les forêts.

En outre, les activités de suivi et d’évaluation de l’impact des efforts de développement antérieurs dans le secteur forestier ont été très réduites. Par exemple, la remise en état des terres dégradées, par le reboisement, n’a pas été évaluée de manière systématique.

Pour améliorer l’efficacité du régime fiscal forestier, les mesures suivantes sont recommandées :

 

L’impact du régime fiscal forestier sur l’aménagement durable des forêts

Les fonds alloués à l’aménagement durable des forêts sont aujourd’hui insuffisants pour faire face à toutes les menaces qui pèsent sur les forêts éthiopiennes, et le manque de fonds est l’un des principaux obstacles qui empêchent de gérer efficacement la ressource forestière restante. Par exemple, la plupart des plantations forestières d’Éthiopie ont été mal entretenues et sont rabougries ou déformées, faute de traitements sylvicoles (résultant du manque de moyens financiers). En outre, la plupart des forêts naturelles sont dépourvues d’infrastructures, ce qui crée des goulots d’étranglement pour la maîtrise des risques liés aux feux de forêts. Dans ces circonstances, il n’est pratiquement pas envisageable de mettre en œuvre l’aménagement durable des forêts.

Les financements de sources gouvernementales couvrent essentiellement les dépenses ordinaires, comme les salaires et les coûts administratifs, et ne représentent qu’une fraction des revenus créés par le secteur. La majorité des recettes forestières sont utilisées par le gouvernement pour d’autres secteurs qui ne sont pas directement liés à la foresterie. Des mesures doivent être prises pour permettre aux recettes forestières de refluer vers le secteur.

Les prix de nombreux produits forestiers sur le marché ne reflètent pas l’intégralité de leurs coûts économiques, du fait que l’accès aux ressources des forêts et des terres boisées est libre. Par exemple, presque tout le bois de feu ramassé dans ces forêts accessibles à tous a un prix (implicite) sur pied égal à 0, ce qui entraîne des gaspillages et des inefficiences dans la production et la consommation d’énergie.

Pour garantir la gestion durable des forêts, les mesures et les améliorations suivantes sont suggérées:

 

Dépenses du gouvernement pour l’aménagement durable des forêts

Au niveau tant fédéral que régional, moins de 10 pour cent du budget du Ministère de l’agriculture va au secteur forestier et le budget total du ministère ne représente qu’une fraction infime des dépenses totales du gouvernement. Ces dépenses sont essentiellement utilisées pour payer les salaires et les indemnités alors que la part consacrée aux investissements est très faible. En outre, une forte proportion de ces dépenses est affectée aux services de vulgarisation.

En général, le financement du secteur financier est très insuffisant, pour plusieurs raisons :

Ces facteurs ont tous contribué à l’appui insuffisant au secteur, qui est reflété dans le très faible niveau des fonds qui lui sont alloués.

 

L’effet des politiques mises en œuvre dans d’autres secteurs sur l’aménagement durable des forêts

Compte tenu de la forte dépendance des populations à l’égard des ressources naturelles et de l’environnement, en Éthiopie, il est indispensable d’intégrer la protection de l’environnement et la gestion durable des ressources forestières, pour assurer le développement économique et social du pays. Au niveau national, on prend de plus en plus conscience de l’importance des forêts comme ressource renouvelable et de leur rôle dans la production de multiples biens et services. Toutefois, cette prise de conscience ne n’est pas concrétisée dans l’action.

Ainsi, bien que le public se préoccupe de plus en plus de l’avenir de ses forêts, la croissance démographique et l’augmentation des pressions pour le développement économique et social ne font qu’exacerber la tendance au déboisement. Ce problème est encore aggravé par le fait que les considérations économiques à court terme et des forces du marché l’emportent sur les considérations environnementales, ce qui se traduit fréquemment par l’acceptation d’activités non durables.

La majorité des forêts naturelles d’Éthiopie ont disparu au cours des trois ou quatre dernières décennies, principalement parce qu’il n’existait pas de politiques appropriées pour les forêts, l’utilisation des terres et la pression des populations. Ces défaillances ont été exacerbées par les pratiques agricoles traditionnelles utilisées dans le pays et la pauvreté croissante, qui ont fortement incité à mettre de nouvelles terres en culture en défrichant les forêts.

Cette demande sans cesse croissante d’aliments et de terres agricoles demeure un point de conflit entre le développement agricole et l’aménagement durable des forêts. Le cœur du conflit est qu’il faut augmenter les terres agricoles pour accroître la production vivrière et que les agriculteurs sont sans cesse à la recherche de nouvelles terres à défricher pour les cultiver. Il s’ensuit que les agriculteurs défrichent de vastes étendues de forêts chaque année.

En outre, l’approche actuellement adoptée dans le pays pour accroître la production agricole est essentiellement basée sur l’expansion des surfaces. Ceci est encore exacerbé par le développement des cultures de rapport (l’expansion des plantations privées de café et de thé en est un excellent exemple) et l’absence de régimes fonciers bien définis. Par exemple, actuellement, les agriculteurs n’ont guère intérêt à augmenter leur production, car ils devraient pour cela investir pour améliorer la terre. Or, ils reculeront devant ce type d’investissements tant que la jouissance des terres ne sera pas assurée.

La perte de l’accès aux ressources communes (comme les forêts) est un autre gros problème dans le pays. Traditionnellement, les forêts appartenaient aux communautés locales, mais au fil du temps celles-ci ont perdu tout sentiment de propriété ou de responsabilité sur ces ressources.

L’absence d’une politique d’utilisation des terres bien définie empêche de renforcer les capacités de planification de l’utilisation des terres, à tous les niveaux de l’administration. L’élaboration d’une telle politique pourrait aider à améliorer la coordination des activités dans les différents secteurs d’utilisation des terres et favoriser la réalisation de l’aménagement forestier durable.

 

Les attitudes face au changement

L’amélioration de l’aménagement forestier et la conservation et la protection des ressources génétiques s’inscrivent dans la stratégie de conservation globale du Gouvernement éthiopien. Le gouvernement a publié un certain nombre de déclarations sur la conservation et le développement des ressources forestières, dont plusieurs sur le partage des recettes avec les communautés locales vivant à l’intérieur ou aux alentours de zones de forêts protégées. De plus, le Ministère de l’agriculture élabore actuellement des politiques et une législation pour la gestion des zones protégées et de la faune sauvage. Le gouvernement s’est engagé à promouvoir la conservation, par la mise en place d’un système de zones protégées bien géré, comprenant des parcs nationaux, des sanctuaires de faune et des forêts d’État. Il s’emploie actuellement à définir des politiques et une législation pour concrétiser cet engagement.

Les besoins des populations tributaires des forêts reçoivent de plus en plus d’attention, comme partout dans le monde où l’on souligne les avantages de la participation des communautés locales à la gestion des forêts. En effet, la gestion participative des forêts est maintenant considérée comme un moyen de promouvoir la gestion durable des forêts. Le gouvernement a fait un premier pas en décentralisant l’administration forestière, et en transférant la responsabilité de la gestion des forêts aux administrations régionales. Parmi les autres faits nouveaux dans ce domaine, il a été proposé de consentir des baux emphythéotiques au secteur privé pour la gestion des forêts.

Actuellement, les politiques et les questions associées sont probablement les principales contraintes qui limitent la progression de l’aménagement forestier durable aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Par exemple, l’Éthiopie n’a jamais eu de politique forestière ou de politique d’utilisation des terres. Divers programmes de développement ont été essayés dans le passé pour promouvoir le développement du secteur forestier, mais ils ont eu un succès très limité, faute d’un environnement politique porteur dans le pays. Cette contrainte a été reconnue par les organisations gouvernementales et non gouvernementales, mais il manque toujours la volonté politique de mettre en œuvre des changements radicaux. Cette situation ne pourra probablement être rectifiée que si les responsables des politiques parviennent à faire mieux comprendre le rôle que pourrait jouer le secteur forestier dans le développement du pays.

 

 

 

 

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