Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 2
LES BASES DU DEVELOPPEMENT DE L'AQUACULTURE CHINOISE

2.1 LES RESSOURCES AQUATIQUES CONTINENTALES

Les eaux continentales chinoises occupent environ 17 millions d'hectares soit près de 1,8 pour cent du territoire national (Zhu De-Shan, 1980). Elles se composent de divers types de plans d'eau dont les rivières (env. 50%), les lacs naturels (30%), les réservoirs (11,5%) et les étangs1 (8,5%). L'on estime actuellement que 5 millions d'hectares, soit 29,4 pour cent de ces eaux continentales, pourraient convenir pour l'aquaculture. Il faut y ajouter 10 millions d'hectares de rizières irriguées, où celle-ci pourrait également être envisagée (Anon., 1980).

Il y a quatre bassins hydrographiques principaux se drainant d'ouest en est vers la Dong Hai et la Nippon Hai (Figure 3): les bassins du Xi Jiang, du Chang Jiang, du Huang He et du Heilong Jiang2. Quelques-unes des caractéristiques de ces bassins et fleuves sont reprises au Tableau 1. Leur débit, très important, présente en général une grande amplitude, ce qui résultait régulièrement en des inondations catastrophiques. Depuis la Libération en fin 1949, de nombreux ouvrages d'art (digues, barrages, vannes) ont été construits en vue de régulariser le débit et de contrôler le cours de ces grands fleuves (Tapiador et al., 1978). Il en a résulté un accroissement considérable des possibilités d'aquaculture, en particulier dans les vallées et plaines des cours moyen et inférieur des fleuves Xi, Chang et Huang. Leurs vastes plaines deltaïques doivent être tout spécialement mentionnées à cet égard. La faune aquatique de ces bassins est très diversifiée, le nombre des espèces de poisson y atteignant plusieurs centaines (Tableau 1). La majorité de celles-ci appartiennent à la famille des cyprinides (Anon., 1980).

Les lacs naturels de Chine orientale se concentrent dans la plaine des biefs moyen et inférieur du Chang Jiang (Figure 3), principalement dans les Provinces Hubei, Anhui et Jiangsu (Chapitre 9). En Chine occidentale, de nombreux lacs de haute altitude existent au Xizang et au Qinghai, alimentés par les glaciers des montagnes environnantes. Au total, la Chine compte environ 130 lacs d'une superficie supérieure à 100 km2, localisés surtout dans la plaine du Chang Jiang (Tapiador et al., 1978).

De nombreux réservoirs ont été construits en Chine, la plupart datant d'après la Libération. Il en existe actuellement (loc.cit.) plus de 280 d'une capacité supérieure à 100 millions m3, 1 800 de capacité moyenne (10–100 millions m3) et plus de 10 000 de capacité plus faible (0,1–10 millions m3). Au total, leur superficie couvre deux millions d'hectares, dont près de 66 pour cent sont exploités en pisciculture extensive (Chapitre 10).

Les ressources chinoises en eaux continentales sont subdivisées, du point de vue de la production de produits aquatiques, en cinq Régions (Tableau 2). Les deux plus importantes sont la Région I contenant les cours inférieurs et moyen du Chang Jiang - en particulier les Provinces Hubei et Jiangsu - et la Région II axée sur les cours inférieurs du Xi Jiang et du Zhu Jiang - en particulier leur vaste delta dans la Province Guangdong. Dans les trois autres Régions, les productions aquacoles peuvent être plus ou moins diminuées par la présence de facteurs négatifs comme une topographie montagneuse (Région III), des eaux plus froides (Région IV) ou des conditions socio-économiques défavorables (Région V). Les activités piscicoles les plus importantes se concentrent donc dans la partie sud-orientale de la Chine, dans les plaines des grands fleuves et dans les zones côtières.

1 Ceci comprend tout plan d'eau de moins de 1 000 mu (67 ha) de superficie, qu'il soit naturel ou artificiel

2 Voir Glossaire Chinois-Français (page xvii)

Tableau 1

LES PRINCIPAUX BASSINS HYDROGRAPHIQUES DE CHINE

Bassin hydrographiqueLongueur fleuve
(km)
Superficie1 du Bassin
(km2)
Débit annuel1
(milliardm3/an)
Précipitation moyenne1
(mm/an)
Nombre d' espèces de poisson2Remarques
FleuveEquiv. français
Xi JiangFleuve de l'Ouest2 129  437 230  3561 480260 (57,7%)Important delta avec le Zhu Jiang
Chang JiangFleuve Bleu (Yangtsé)5 8001 808 5001 0201 050300 (66%)Delta: 80 000 km2
Huang HeFleuve Jaune5 464  745 100    48   415140 
Heilong JiangFleuve Amour4 354--- 902 965 km en Chine (frontière U.R.S.S.)

Remarques: 1 D'après van der Leeden (1975) cité par Tapiador et al. (1978)

2 Anon., 1980 (pourcentage de cyprinides entre parenthèses)

Tableau 2

PRINCIPALES REGIONS AQUACOLES DE CHINE

Région aquacoleRégions administrativesPourcentage superficie en eauRemarques
I.CHANG JIANG   
 -  Cours inférieur/moyen
-  Delta: env. 80 000 km2
Shanghai, Jiangsu, Hubei Zhejiang, Anhui, Jiangxi, Hunan50-Climat subtrop. tempéré; été chaud
-Pêcheries d'alevins
-Nombreux lacs
-Rendements très élevés
  
    
II.XI JIANG    
  -  Cours inférieur
-  Delta avec Zhu Jiang
Guangdong17-Climat subtropical chaud
-Pêcheries d'alevins
-Rendements élevés
      
III.HUANG HE    
 -  Cours inférieurShandong, Henan, Hebei -Climat tempéré; été chaud
-Région montagneuse
-Esp. princ.: C. carpio
      
IV.HEILONG JIANG    
 -  Cours moyenHeilongjiang -Climat froid
-Esp. princ.: saumon et truite
      
V.NORD-OUESTRégion Autonome Xinkiang -Nombreux grands plans d'eau; communications difficiles; peu peuplé; développement piscicole récent

2.2 L'EXPLOITATION DES EAUX CONTINENTALES PAR LA PISCICULTURE

En fin 1979, 2,74 millions d'hectares d'eau continentale sont aménagés en vue de la production de poisson par une variété de systèmes culturaux (Zhu De-Shan, 1980). Près de 28 pour cent de cette superficie représentent des étangs piscicoles, alors que le reste consiste en plans d'eau plus importants (lacs, réservoirs, chenaux et rivières) où des systèmes culturaux moins intensifs sont généralement appliqués (Tableau 3).

L'exploitation des étangs est réalisée dans les communes populaires soit comme activité principale (C.P. piscicoles), soit comme activité secondaire (C.P. agricoles). Alors que dans les premières, la production piscicole est totalement intégrée aux autres productions (généralement porcs et légumes), dans les secondes la production piscicole participe à la production globale côte à côte avec les céréales, les animaux d'élevage et les autres cultures diverses.

Par contre, la forme d'exploitation des lacs (naturels ou artificiels), chenaux et rivières varie selon qu'ils sont propriété du domaine public, d'une commune populaire, d'une brigade de production ou conjointement de ces deux dernières.

2.3 LES PRODUCTIONS PISCICOLES

En 1979, la production totale de poisson d'eau douce destiné à la consommation a atteint 1 115 900 t, dont 813 300 t (73%) provenaient de la pisciculture et environ 670 000 t (60%) de la pisciculture semi-intensive en étangs (Zhu De-Shan, 1980).

L'évolution des productions de la pisciculture continentale chinoise est résumée au Tableau 4. Au cours des 30 dernières années la production de poisson de consommation a quadruplé suite à diverses actions dont les principales ont été les suivantes:

  1. l'organisation administrative;

  2. la distribution des ressources;

  3. la création des communes populaires (1958) et l'établissement de collectivités de pêche;

  4. le succès des recherches sur la reproduction artificielle en captivité des carpes chinoises (1958–61); et

  5. la vulgarisation active des méthodologies mises au point dans les stations piscicoles.

Alors qu'en 1950 la pisciculture n'était pratiquée que dans les vallées des biefs inférieurs du Xi Jiang et du Zhu Jiang (Province Guangdong) ainsi que celui du Chang Jiang (Provinces Jiangsu et Zhejiang) - là où les alevins sauvages pouvaient être saisonnièrement capturés en grand nombre - elle s'est depuis étendue bien au delà de ces limites géographiques tout en devenant largement indépendante des pêches d'alevins sauvages (Chapitre 5). Bien que ces pêches se poursuivent1, leurs résultats n'influencent plus de façon marquante le développement de la pisciculture. Près de 40 milliards d'alevins sont maintenant produits et distribués annuellement, plus de 95 pour cent d'entre eux étant produits en stations piscicoles spécialisées (Anon., 1980).

1 Par exemple, le District de Xishui (Prov. Hubei) a produit en 1979 près de 300 millions d'alevins dont un tiers provenaient du Chang Jiang

Tableau 3

SUPERFICIES D'EAU DOUCE AMENAGEES A DES FINS PISCICOLES1

CatégorieHectaresPour cent
Etangs   753 993  27.5
Lacs1 254 040  45.9
Réservoirs   484 793  17.7
Rivières/canaux   244 927   8.9
TOTAL2 737 753100.0

1 Situation fin 1979 d'après les statistiques officielles (Song, comm. pers., 1980)

Tableau 4

PRODUCTION DE LA PISCICULTURE CHINOISE 1950–1979

PériodePoisson d'eau douce pour la consommation (tonnes en frais)Référence
1950–1960300 000Zhu De-Shan, 1980  
1960–1970500 000
1970582 000Zhu De-Shan, 1980
1971620 000(Table 1)
1972621 100 
1973658 800 
1974710 500 
1975752 700 
1976740 700 
1977768 300 
1978762 300 
1979813 300Song, comm. pers.

2.4 LES ESPECES PISCICOLES

Les eaux continentales chinoises sont peuplées d'environ 700 espèces de poisson. Cependant, en pisciculture, le nombre des poissons économiquement importants se réduit à une vingtaine d'espèces dont trois d'importation relativement récente. Parmi ces espèces économiques, il faut encore considérer trois groupes dont l'importance du point de vue volume de production va en décroissant (Tableau 5).

Les quatre espèces principales forment le groupe des carpes chinoises communément appelées les “carpes familières”: la carpe herbivore, la carpe noire, la carpe argentée et la carpe marbrée (Figure 7). Les espèces du second groupe sont généralement élevées en mélange avec les précédentes, sauf pour l'anguille japonaise, produite en monoculture intensive. Quant aux espèces du troisième groupe, elles font plutôt l'objet de cultures localisées, à une échelle relativement réduite.

Bien que n'étant pas “carpes” au sens strict, taxonomiquement les quatre carpes familières et la carpe de vase appartiennent toutes à la famille des Cyprinidae. Mais, alors que la carpe proprement dite (Cyprinus carpio) se classe dans la sous-famille des Cyprininae, la carpe herbivore et la carpe noire sont des Leuciscinae tandis que la carpe argentée et la carpe marbrée sont des Hypophthalmichthyinae1.

Du point de vue thermique, les carpes chinoises sont des poissons d'eaux relativement chaudes. L'on considère généralement que 15°C représente leur limite thermique inférieure de croissance, l'appétit se réduisant fortement en eau plus froide. Toute alimentation s'arrête en-dessous de 8o–10°C (Anon., 1980). Il existe cependant des variations spécifiques. La carpe de vase par exemple est une espèce typiquement subtropicale, très sensible au refroidissement de son milieu et qui meurt à 5,5°C. La carpe marbrée préfère les eaux chaudes (30o–31°C) et sa croissance se ralentit fortement en-dessous de 20°C. Par contre, bien que les carpes argentées et les carpes herbivores préfèrent les eaux chaudes, elles s'accroissent encore relativement bien en eaux plus fraîches (15o–20°C).

Les carpes chinoises - et la carpe de vase en particulier - supportent relativement bien de faibles teneurs en oxygène dissous. Celles-ci doivent cependant se maintenir de préférence au-dessus de 2 mg/l. En dessous de cette valeur les poissons perdent leur appétit et l'alimentation s'arrête lorsqu'elle devient inférieure à 1 mg/l. La mort survient pour des teneurs en oxygène dissous de 0,2–0,5 mg/l (Anon., 1980).

Le régime alimentaire naturel des carpes chinoises familières et de la carpe de vase est schématiquement résumé au Tableau 6. Dès la taille de 6–7 mm (env. 3 jours d'âge), les tout jeunes alevins se nourrissent activement de microzooplancton. La taille des organismes planctoniques ingérés augmente progressivement jusqu'à ce que les alevins atteignent 14–16 mm de longueur totale. L'alimentation commence alors à se différencier selon l'espèce pour évoluer graduellement vers le régime alimentaire préféré spécifique. Celui-ci devient apparent chez les alevins de carpe argentée et de carpe marbrée dès la taille de 3 cm, tandis qu'il faut atteindre la taille de 10–15 cm chez les trois autres espèces. Du point de vue piscicole, ces régimes alimentaires se résument comme suit (Tableau 7):

- espèces planctonophages:c. argentée (phyto-) et c. marbrée (zoo-)
- espèce macrophytophage:carpe herbivore
- espèce détritivore:carpe de vase
- espèce malacophage:carpe noire

D'autres espèces piscicoles (Figure 7) accompagnent généralement ces espèces de première importance (Section 6.1) comme par exemple la brême de Wuchang (macrophytophage), la carpe commune et le carassin doré (benthophages), ainsi que divers ichtyophages (ophiocéphale et poissons mandarins).

1 Classification de G.V. Nikol'skii (1954), 1961

Figure 7

Figure 7. Les principales espèces piscicoles cultivées en Chine méridionale: de haut en bas et de gauche à droite, H. molitrix (C. argentée), S. mossambicus (tilapia), A. nobilis (C. marbrée), M. amblycephala (Brême de Wuchang), C. idella (C. herbivore), M. piceus (C. noire), C. molitorella (C. de vase) et C. carpio (C. commune). Photo F. Botts.

Tableau 5

LES ESPECES DE POISSON ECONOMIQUEMENT IMPORTANTES EN PISCICULTURE CHINOISE

Nom scientifiqueFrançaisAnglais FAO1
A.Espèces piscicoles les plus importantes(carpes familières) 
    
1.Ctenopharyngodon idellaCarpe herbivoreGrass carp
2.Mylopharyngodon piceusCarpe noireBlack carp
3.Hypophthalmichthys molitrixCarpe argentéeSilver carp
4.Aristichthys nobilisCarpe marbréeBighead carp
B.Espèces piscicoles importantes  
    
5.Cirrhina molitorellaCarpe de vaseMud carp
6.Cyprinus carpioCarpe communeCommon carp
7.Carassius auratusCyprin doréChinese gold fish (Crucian carp)
8.Parabramis pekinensisBrème de l'Amour blancWhite Amur bream
9.Megalobrama amblycephalaBrème de WuchangWuchang bream (Wuchang fish)
10.Sarotherodon mossambicus2 4 Tilapia du MozambiqueMozambique tilapia
11.Sarotherodon niloticus2 4 Tilapia du NilNile tilapia
12.Anguilla japonicaAnguille japonaiseJapanese eel (eel)
C.Espèces piscicoles moins importantes  
    
13.Megalobrama terminalisBrème noireBlack bream
14.Xenocypris argenteaSériole d'eau douceFreshwater yellowtail
15.Misgurnus anguillicaudatusLocheLoach
16.Plagiognathops microlepisPetites écaillesSmall scale
17.Salmo gairdneri4 Truite arc-en-cielRainbow trout
18.Ophicephalus argusOphiocéphaleSnakehead
19.Siniperca chautsi3 Poisson mandarinMandarin fish
20.Siniperca scherzeri3 Poisson mandarin tachetéSpotted mandarin fish

1 Entre parenthèses, teminologie anglaise utilisée en Chine, lorsqu'elle diffère de celle recommandée par la FAO
2 Syn. Tilapia mossambica et T. nilotica
3 Espèce prédatrice de luxe, peu cultivée
4 Espèce exotique

Tableau 6

REGIME ALIMENTAIRE NATUREL DES PRINCIPALES CARPES CHINOISES

  Carpe argentéeCarpe marbréeCarpe herbivoreCarpe de vaseCarpe noire
   
Longueur totale approximative, millimètresnauplii de copépodes et rotifères
microcladocères et rotifères
cladocères surtout
 copèpodes cladocères
+ phytoplancton et détritus organiquescladocères chironomides (benthos) dètritus
cladocères copépodes (rotifères)cladocères copépodes rotifères phytoplanctoncladocères et copépodes
chironomides et organismes benthiques
phytoplancton augmente progressivementzooplancton augmente progressivement+ fragments végétaux + détritus organiques phytoplanctonaugmentation progressive des mollusques (gastropodes)
PHYTOPLANCTON
zooplancton
ZOOPLANCTON
phytoplancton
augmentation progress
-plantes aquattendres
-feuilles et jeunes pousses
augmentation
progressive des
algues épiphytiques
MOLLUSQUES BENTHIQUES
-plantes aquatiques
-pl.terrestres tendres
diatomées épiphytiques algues vertes filament détritus végétaux (zooplancton)
VEGETAUX SUPERIEURSALGUES EPIPHYTES
DETRITUS ORGANIQUES

Tableau 7

CARACTERISTIQUES ECOLOGIQUES DES ESPECES PISCICOLES CHINOISES

Espèce piscicoleAlimentation naturelleZone du plan d'eau
Carpe argentéePhytoplancton surtout et zooplanctonSurface et mi-eau en zone pélagique
Carpe marbréeZooplancton surtout et phytoplancton
Carpe herbivoreVégétaux supérieursMi-eau et fond en zone littorale
Brème de WuchangVégétaux supérieurs
Carpe de vaseAufwuchs (diatomées) et détritusZone benthique profonde
Carpe communeBenthos
Carassin doréBenthos
Carpe noireMollusques benthiques
OphiocéphalePoissons et crevettesMi-eau et fond

Du point de vue biologique, l'un des autres aspects importants en pisciculture consiste en la préférence que démontrent les diverses espèces pour des zones bien définies du plan d'eau dans lequel elles vivent. Ces zones sont essentiellement choisies, par les carpes chinoises, en fonction de leur régime alimentaire (Tableau 7). C'est ainsi que les espèces planctonophages préfèrent les couches d'eau supérieures de la zone pélagique, tandis que la carpe herbivore demeure en zone littorale. Carpes de vase, carpes noires et carpes communes vivent dans les zones benthiques plus profondes.

2.5 LES SYSTEMES CULTURAUX ET LEURS RENDEMENTS

La pisciculture continentale se pratique actuellement en Chine selon différents systèmes culturaux1, se caractérisant principalement comme suit:

1 Les systèmes culturaux piscicoles sont ici définis, sur la base de l'alimentation présentée aux poissons, comme extensif (alimentation naturelle), semi-intensif (alimentation supplémentaire) ou intensif (alimentation artificielle)

  1. pisciculture semi-intensive en étang: polyculture; engrais organiques (intégration); peu d'alimentation supplémentaire;

  2. pisciculture extensive en lac naturel et en réservoir: polyculture au départ d'alevins stockés; généralement peu de fertilisation et peu d'alimentation supplémentaire;

  3. pisciculture extensive en enclos en rivière et chenaux: polyculture au départ d'alevins stockés; généralement peu de fertilisation et peu d'alimentation supplémentaire;

  4. pisciculture extensive en cage: mono- ou polyculture en lacs, réservoirs, rivières ou chenaux; peu d'alimentation supplémentaire;

  5. pisciculture intensive en bassin: monoculture d'anguilles en eau chaude pour l'exportation.

D'autres systèmes culturaux sont appliqués mais uniquement au stade expérimental comme par exemple l'élevage intensif en cage. De plus amples détails, basés sur les données recueillies sur place, sont donnes dans les chapitres suivants.

A l'échelle nationale (Tableau 8), le rendement piscicole moyen a varié en 1978 de 90 à 307,5 kg/ha/an dans les systèmes extensifs, tandis qu'en 1979 il a atteint plus de 2 750 kg/ ha/an en système semi-intensif et en étang.

A l'échelle locale cependant, les rendements piscicoles varient non seulement avec le type de système cultural appliqué mais également en fonction de la longueur de la période de croissance déterminée principalement par le climat local et son influence sur la température de l'eau (Tableau 9). En Chine méridionale, les carpes croissent pratiquement toute l'année, tandis que dans le bassin du Chang Jiang la période de croissance n'est que de 7–8 mois par an. Elle se réduit davantage au fur et à mesure que l'on progresse ensuite vers le nord, où elle se réduit à 5,5 mois.

Un troisième facteur dont dépendent les rendements piscicoles est l'intensité relative avec laquelle le système cultural est appliqué. Ceci est particulièrement vrai en système semi-intensif et en étang où les taux d'empoissonnement, de fertilisation et d'alimentation supplémentaire peuvent grandement varier dans le temps et l'espace, résultant en des rendements proportionnellement différents (Section 6.1.5).

Quelques données obtenues des techniciens piscicoles du District de Xishui (Hubei) permettent de comparer les bénéfices financiers annuels que peuvent y apporter les trois systèmes culturaux les plus répandus, comme suit:

Système cultural et produitProduction annuelle
Prix de revient
Y/ha
Prix de vente
Y/ha
Bénéfices
Y/ha
a)Rizière irriguée: paddy     600  1 200     600
b)Etang semi-intensif poisson consommation     120  2 250  2 130
c)Cage, extensif, poisson consommation60 00090 00030 000

Bien que la notion de “prix de revient” n'ait pas pu être bien définie, il semblerait que de l'avis de ces techniciens il n'y ait aucun doute que la pisciculture peut être considérée comme une des activités rurales les plus rentables.

Tableau 8

RENDEMENTS ANNUELS MOYENS OBTENUS DANS LES DIVERS MILIEUX AQUATIQUES PAR LA PISCICULTURE CHINOISE

Milieu aquatiqueSystème cultural 1 AnnéeRendement moyen poisson
(kg/ha/an)
Référence Remarques
Reservoir(b) 1978  90Zhu De-Shan, 1980
Lac(b) 1978135Princ. polyculture extensive des quatre carpes familières, au départ d'alevins stockés.
Enclos(c,d)1978308
    
En rivière(c) 1979135–645Voir Section 8.1
En chenaux(c) 1979300–1 350Voir Section 8.2
Cages(d) 19792 500–3 600Voir Section 11.1
Cages(exp.) 197941 000–58 000Voir Section 11.2
    People's Daily (Beijing) 22 Janvier 1980
Etangs(a) 19793 750Objectif national
 (a) 19792 750+Rendement réalisé

1 (a) semi-intensif en étang
(b) extensif, en lac et réservoir
(c) extensif en enclos
(d) extensif en cage
(exp.) expérimental

Tableau 9

VARIATION DE LA DUREE DE LA PERIODE DE CROISSANCE DES CARPES FAMILIERES EN CHINE (D'APRES ANON., 1980)

ClimatSubtropical chaudSubtropical tempéréFroid
Bassin hydrographiqueXi JiangChang JiangHeilong Jiang
Cours moyenCours inférieurCours moyen et inférieurCours moyen
Période de croissance1, mois12117–85,5
Température moyenne de l'eau au cours de cette période, °C 27,225  22–24 20,2

1 Période au cours de laquelle la température moyenne mensuelle de l'eau est d'au moins 15°C.

2.6 PRINCIPAUX FACTEURS DE DEVELOPPEMENT PISCICOLE EN CHINE

Il existe en Chine une tradition de pisciculture en eau douce vieille de plus de 3 000 ans. La première monographie chinoise connue à ce sujet date en effet du Vème siècle avant notre ère (Tableau 10). D'autres écrits postérieurs décrivent également l'élevage extensif de poissons dans les eaux libres.

Jusqu'au début du VIIème siècle de notre ère, soit pendant au moins 1 200 ans, ce fut uniquement la carpe commune (C. carpio) qui retint l'attention des pisciculteurs chinois. Cet enjouement spécifique se termina abruptement au cours de la Dynastie des Tang (618–906 A.D.), lorsque la fatalité voulut que le nom de l'Empereur fut similaire au nom commun (li) de cette espèce. Pêche, vente et consommation de toute carpe commune devint interdite. Les pisciculteurs se tournèrent alors vers d'autres espèces de poisson locales. Les oeufs et les alevins sauvages des quatre carpes familières étant abondants, pouvant être facilement pêchés dans les grands fleuves (Chang Jiang et Xi/Zhu Jiang) et pouvant ensuite être élevés ensemble en étang, devinrent rapidement populaires. La monoculture de carpe commune fut ainsi définitivement remplacée par la polyculture des carpes familières d'aujourd'hui.

Les techniques de capture des alevins sauvages, leur transport parfois lointain et leur vente devinrent ainsi partie de la tradition piscicole (Tableau 10). Pendant près de 1 300 ans, les activités piscicoles restèrent en fait concentrées dans les vallées du Chang Jiang et des Xi/Zhu Jiang, à proximité des sources d'oeufs et d'alevins. Ce n'est qu'à partir de 1960, lorsque la reproduction artificielle des carpes familières fut mise au point et commença à être vulgarisée, que cette étroite dépendance disparut progressivement (Chapitre 5).

Tableau 10

RESUME HISTORIQUE DU DEVELOPPEMENT DE LA PISCICULTURE CONTINENTALE EN CHINE (Adapté d'après Anon., 1980, p.3)

Période historiqueDéveloppement piscicole
Dynastie des Chou
(1122 AC - 249 AC)
En 473 AC, publication du “Traité de pisciculture”, par le pisciculteur Fanli  à Wuxi (Jiangsu), sur l'élevage en étang de la carpe commune
  
Dynastie des Han
(206 AC – 220 AD)
Des écrits attestent de la pisciculture extensive de la carpe commune dans les eaux libres
  
Dynastie des Tang
(618 – 906)
L'empereur interdit la pêche, vente et consommation de la carpe commune; élevage en polyculture des quatre carpes chinoises familières
  
Dynastie des Song
(960 – 1276)
La capture des alevins sauvages dans le Chang Jiang et les Xi/Zhu Jiang est très populaire; le transport et la vente des ces alevins sont organisés
  
Dynastie des Ming
(1368 – 1644)
Les pratiques de gestion piscicole sont bien documentées et le système cultural semi-intensif bien connu: densité de stockage des alevins polyculture, méthode polyéquienne, alimentation, fumure, contrôle des maladies, construction des étangs, etc.
  
Dynastie des Ching
(1644 – 1911)
Descriptions détaillées des saisons de production des alevins des différentes espèces, de la séparation de celles-ci et des méthodes de transport
  
République Populaire de Chine
(Octobre 1949 - )
-1958: premier succès de la propagation artificielle en étang de la carpe argentée et de la carpe marbrée
 
 
-1960+: le progrès rapide de la propagation artificielle des diverses espèces piscicoles permet à la pisciculture de se dégager de sa dépendance des alevins sauvages
 

C'est au cours de ces 30 dernières années que le développement de la pisciculture s'est rapidement accéléré, à tel point que la Chine est devenue actuellement la nation mondiale en tête des productions piscicoles. Plusieurs des principales raisons pour ce “bond en avant” ont déjà été énoncées (Section 2.3), auxquelles il faut ajouter en priorité les suivantes:

  1. l'union étroite de l'agriculture et de la pisciculture combinée au développement important de l'irrigation contrôlée, ce qui permet l'utilisation maximum des terres et des eaux;

  2. la généralisation de l'électrification rurale combinée au coût peu élevé de l'énergie électrique ainsi popularisée;

  3. la décentralisation de la préparation des programmes de production, requérant la participation populaire et favorisant les prises de responsabilité;

  4. l'établissement de liens étroits entre l'enseignement, la recherche et l'application, associant les connaissances théoriques à l'expérience pratique;

  5. la motivation des masses populaires par des slogans largement diffusés et discutés au cours des campagnes de promotion du développement de l'aquaculture (Tableau 11).

L'ampleur actuelle du développement de la pisciculture continentale ne contribue cependant pas encore suffisamment à résoudre entièrement le problème du ravitaillement de la population chinoise en poisson et la consommation annuelle moyenne par habitant ne s'élève qu'à 5 kg. Plusieurs raisons existent pour cela, dont un taux d'utilisation des plans d'eau douce existants trop faible (moins de 60%), des rendements en général trop peu élevés, des moyens de recherche et de production insuffisants ainsi qu'un déséquilibre régional des productions piscicoles. De plus, les efforts récents d'industrialisation du pays résultent en une pollution accélérée des eaux. Dans la plupart des étangs, taux d'empoissonnement, fertilisation et alimentation sont modérés par l'insuffisance des inputs piscicoles indispensables à l'intensification des systèmes culturaux.

En vue d'augmenter la production des produits aquatiques, les efforts actuels portent donc principalement sur l'utilisation accrue des plans d'eau existants et la création de nouveaux étangs (en priorité aux environs immédiats des centres urbains), ainsi que sur l'intensification des systèmes culturaux, sur l'assimilation de technologies plus avancées et sur le développement de la recherche scientifique.

Tableau 11

EXEMPLES DE SLOGANS UTILISES POUR LA PROMOTION DE L'AQUACULTURE

SloganCommentaire
“Prenez l'agriculture des céréales comme but principal tout en assurant le développement intégré de l'agriculture, de la sylviculture et de l'aquaculture/pêche”- Productions intégrées
- Utilisation maximum des ressources
“Quatre saisons toujours vertes”- Utilisation continuelle des terres pour la production.
“Un-quatre, deux-huit”, (Solecki, 1966)
(i) Quatre principes généraux: pratiquez la pisciculture partout; fournissez la maind'oeuvre nécessaire; aidez les entreprises individuelles; et améliorez l'efficacité du travail.
 
(ii) Huit principes de gestion: profondeur d'eau suffisante; pas de stagnation d'eau; bonne reproduction des poissons; favorisez les bonnes espèces; alimentez suffisamment; modernisez l'outillage; éliminez les maladies; renforcez la gestion.
 
“Cinq fixes, une récompense” cité par la Brigade de Production “Octobre”, District de Xishui, Hubei Fixer la superficie des étangs, leur rendement piscicole, l'investissement, les tâches et les primes/amendes. Une récompense, pour une production supérieure à l'objectif fixé.
“Trois dans un”La planification et le développement doivent être réalisés en associant
(i) jeunes, moins jeunes et vieux
(ii) chercheurs, agents techniques et paysans.
“Là où il y a de l'eau, il faut du poisson”Utilisation de toutes les ressources en eau. 
“Trois localisations”Produire les larves et alevins localement, stocker localement et capturer localement.

Page précédente Début de page Page suivante